Passion archives – Jean François Noyès et les cochons

 

Paul Gachet (1829-1909), graveur, Cochons au repos.

 

Ayant été requis par la municipalité à l’effet de vérifier cinq cochons, sur le nombre de cent douze, qui ayant été reconnus malades par les personnes chargées du soin de ces animaux, effectivement nous avons reconnu que les dits cinq cochons sont dans un triste état, ne pouvant marcher, ni manger, et nous avons trouvé fort à propos qu’ils fussent tués, pour éviter en ce que venant à mourir de souffrance, ils ne porteraient à aucun profit et c’est pour ce que nous avons livré le présent à Mirepoix ce quatrième pluviôse l’an 2e de la République. Noyes.

Avertis qu’une centaine de cochons, menés par des marchands en transit, se trouvent renfermés sans autorisation dans l’affachoir du Bascou, les autorités de Mirepoix, en janvier 1794, interviennent. Malgré la pénurie générale, il faut subvenir aux besoins de l’armée engagée contre l’Espagne dans les Pyrénées Orientales. Toutes les viandes sont en conséquence réquisitionnées. Les autorités interviennent. Elles requièrent de Mesplié, boucher, seul dépositaire des clés de l’affachoir, qu’il ouvre les portes. Elles constatent la présence du troupeau non déclaré, décrètent la saisie de ce dernier, et mandent Jean François Noyès, « artiste vétérinaire » assermenté, afin qu’il produise un rapport sur l’état des bêtes. C’est le rapport en question qui se trouve reproduit ci-dessus.

La lecture du rapport de Jean François Noyès montre que, de façon à la fois sensible et pragmatique, celui-ci se soucie de la condition des bêtes autant que nous pourrions le faire aujourd’hui : « effectivement nous avons reconnu que les dits cinq cochons sont dans un triste état, ne pouvant marcher, ni manger, et nous avons trouvé fort à propos qu’ils fussent tués, pour éviter en ce que venant à mourir de souffrance, ils ne porteraient à aucun profit… » Nihil novi sub sole.

 

Charles Jacque (1813-1894), graveur, Les tueurs de cochons, 1844.

Après consultation des citoyens Broussard et Fraineau à Toulouse, chargés tous deux de l’approvisionnement en viande fraîche de l’armée de Pyrénées Orientales, puis accord du citoyen Rosès, inspecteur général des vivres de la dite armée, les cochons réquisitionnés à Mirepoix sont voués par un arrêté du 16 pluviôse à la salaison. Le citoyen Alibert, officier municipal, se rend de Mirepoix à Toulouse pour demander « les objets nécessaires à l’emballage de la viande ». Les autorités de Toulouse dépêchent à Mirepoix le citoyen Jammes Lavit, tonnelier, pour « égorger, saler, emballer les dits cochons ». Laquelle viande, une fois « renfermée dans des barriques et salée, on fait porter à Mont libre » [Montlouis].

Je me suis arrêtée sur cette archive à cause des mots de Jean François Noyès : « les dits cinq cochons sont dans un triste état, ne pouvant marcher, ni manger, et nous avons trouvé fort à propos qu’ils fussent tués, pour éviter en ce que venant à mourir de souffrance… » Diogène disait « Je cherche un homme ». Jean François Noyès ici est cet homme, attentif à la souffrance, quelle qu’elle soit.

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