Après avoir localisé sur le plan de 1766 l’emplacement qui fut à Mirepoix celui de la chapelle et du siège de la confrérie des Pénitents Blancs, je me suis demandé quelles sortes de représentations pouvaient orner une telle chapelle, d’où, plus essentiellement, inspirer l’oeuvre des Pénitents. Comme il ne reste rien à Mirepoix de la chapelle des Pénitents Blancs, et comme celle-ci, en la petite ville, n’a sans doute pas bénéficié de grands moyens en matière de décoration, je me suis intéressée à ce qui reste du décor de l’ancienne chapelle des Pénitents Blancs à Toulouse ((Cf. Jules Chalande, Histoire des rues de Toulouse, Les Frères Douladoure Imprimeurs, 1919 ; Laffitte Reprints, 1980, IIIe partie, p. 26 : « Les Pénitents Blancs firent construire leur chapelle en 1614, sur l’emplacement des maisons qui portent aujourd’hui les n°5 et 6 de la place qui a gardé leur nom ».)), en particulier à l’ensemble des peintures qui ornaient le plafond à caissons. Créées en 1722, saisies au moment de la Révolution, ces peintures se trouvent aujourd’hui conservées au musée des Augustins ((Remerciements à Martine Rouche, qui, profitant d’un passage à Toulouse, est allée pour moi photographier les toiles au musée des Augustins.)).
Ci-dessus, reliques de l’ancienne chapelle des Pénitents Blancs, toiles d’Ambroise Crozat : supra, Le Père Eternel ; Aaron ; La conversion de Saint-Paul.
Etienne de Molinier, prêtre toulousain, membre des Pénitents Noirs, prêchait de la sorte, au XVIIe siècle, en faveur du style grandiose qui est celui de la Contre-Réforme :
La magnificence des temples, & ce qu’on emploie pour leur ornement, & décoration, est une œuvre fort sainte. Nous en avons & la raison, & l’autorité. La raison nous montre qu’il est bienséant, que la magnificence réponde à la majesté de celui qui l’habite ; la maison d’un roi doit être royale, & la maison de Dieu doit être pompeuse, auguste, & majestueuse. ((Étienne de Molinier, Le Mystère de la Croix et de la Rédemption du monde, Expliqué en dix sermons preschez dans la Chapelle des Pénitens Noirs de Tolose, Toulouse, Raymond Colomiez, Imprimeur ordinaire du Roy, & de l’Université, 1628, « Sermon pour la feste de l’invention de la S. Croix, prononcé dans la tribune des Pénitents noirs de Toulouse, l’an 1616, le jour de la fête, devant le bâtiment, & décoration de la nouvelle Église », p. 257-258. Cf. Stéphanie Trouvé, Les écrits de Molinier, Pader et Vendages de Malapeire et la peinture à Toulouse au XVIIe siècle.))
Ci-dessus, reliques de l’ancienne chapelle des Pénitents Blancs, toiles de Pierre Hubert Subleyras : Joseph expliquant les songes ; L’annonciation.
Le moment de la Contre-Réforme, au XVIIIe siècle, est passé. La déchristianisation en revanche menace. Dédiées à l’histoire de la Révélation et aux grandes figures de la soumission à la loi divine, les peintures créées pour le plafond de la chapelle toulousaine des Pénitents Blancs valent profession de foi en temps de péril.
La forme circulaire, ou tondo, de l’italien rotondo, dans laquelle se trouve représenté le Père Eternel, symbolise la perfection de l’Etre qui est, Un, tout entier, le même, égal à soi, et en dehors duquel il n’y a rien. Réservée aux figures de l’histoire de la Révélation, la forme ovale symbolise, de façon dérivée du cercle, l’αποκαραδοκια (apokaradokia), ou l’attente tendue de la créature, qui aspire à la Rédemption. L’ensemble composé par le tondo et par les toiles ovales répond à une intention édifiante installé jadis sur le plafond de la chapelle, il requérait des Pénitents un effort de contemplation zénithale, d’où une façon résolue de se porter au devant du Dieu Créateur.
Ce dispositif témoigne de l’esprit d’engagement, à la fois inquiet et ferme, qui anime au XVIIIe siècle, les Pénitents Blancs.
Ci-dessus, reliques de l’ancienne chapelle des Pénitents Blancs, toiles de Pierre Hubert Subleyras : La Circoncision ; Saint Pierre guérissant un paralytique.
Conçu dans son ensemble en 1705 par le sculpteur Marc Arcis (1652 ou 1655-1739, le décor de l’ancienne chapelle des Pénitents Blancs comportait jadis « six trumeaux creusés de niches accueillant les figures en ronde bosse de prophètes en terre cuite. La description des tables, festons de fleurs et consoles feuillagées en stuc qui accompagnaient ces figures, comme le bas-relief prévu sous chaque niche, permet d’imaginer un ensemble inspiré par le style rocaille. Sur le mur du fond, une gloire en demi-relief et deux anges adorateurs « en adolessence », debout, de même grandeur que les prophètes, étaient réalisés en plâtre ». Marc Arcis fait peindre le reste des murs « en rouge et blanc, avec des rehauts d’or » ((Fabienne Sartre, La sculpture toulousaine dans la première moitié du XVIIIe siècle, pp. 178-179, in Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, tome 61.)).
En 1722, les Pénitents Blancs confient à Pierre Hubert Subleyras (1699-1749) et à Ambroise Crozat (circa 1695- ?), tous deux élèves d’Antoine Rivalz, la réalisation des toiles destinées à l’ornementation des plafonds à caissons ((Cf. Robert Mesuret, Evocation du Vieux Toulouse, Laffitte Reprints, 1978, p. 456.)).
Pour voir d’autres tableaux de Pierre Hubert Subleyras, consultez sur le site Artcyclopedia : Pierre Subleyras Online
L’oeuvre d’Ambroize Croizat, quant à elle, demeure à ce jour non documentée. On relève toutefois sur Gallica quelques vagues mentions à Ambroise Crozat « peintre ruthénois du XVIIIe siècle, dont la plupart des oeuvres se trouvent au Musée de Toulouse » ((Procès-verbaux des séances de la Société des lettres sciences et arts de l’Aveyron, Rodez, 1858/12/05, tome 2,n°2), p. 10)) ; ou « aux peintres Ambroise Crozat & Pierre Subleyras, qui, dirigés par Antoine Rivalz, décorèrent splendidement la chapelle des Pénitents blancs » ((Revue des Pyrénées et de la France méridionale, Union des Sociétés savantes du Midi, E. Privat, 1897, tome 9, p. 306.)).
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A Mirepoix – Le moulon des Pénitents Blancs
Monseigneur de Lévis Ventadour, fondateur de la chapelle des Pénitents Blancs à Mirepoix
Heureuse d’avoir honorablement rempli ma mission, je suis ravie de retrouver ici les photos retravaillées par tes soins. J’encourage tous ceux qui te lisent à aller voir ces tableaux par eux-mêmes, au Musée des Augustins, dans le salon blanc. Toutes ces toiles sont accrochées, non au plafond comme elles devaient l’être, mais au moins très haut sur le mur, et elles bénéficient justement de cette lumière zénithale qui leur convient, tout en rendant la photographie difficile … Et nous devons toujours élever nos regards pour parvenir à ces images …
L’ensemble est magnifique, et ton article aussi !!!
Particulièrement interessée par la précision apportée sur le format rond puis ovale
des toiles , format déja explicite dans d’autres traditions pour ne pas dire religions