A Mirepoix – Le quartier de Lilo – 2. Entre la rue del Bascou et la rue du Coin de Loubet

 

Ci-dessus, en 1766 et en 2011 : rue del Bascou : rue des Pénitents Blancs ; rue Paraulettes : rue Frédéric Soulié ; rue du Coin de Loubet : rue Bayle ; la promenade du Rumat : cours du Rumat.

Le moulon n’est bâti que sur son flanc sud, sud-est, où il présente un front de bâtiments édifiés de façon strictement parallèle, pour une fois sans imbrications. Le reste du moulon, ici comme ailleurs, demeure dédié aux jardins. La surface vide visible sur la parcelle 67 correspond sans doute à une aire.

Voici les noms des propriétaires des parcelles :

67. Pierre Boudouresques, ménager de La Bastide de Bousignac ; indivision avec Toinette Dubois, veuve de Jacques Rivel
68. Pierre Verger, dit Lalem, laboureur
69. Marc Tornier, dit Marquit, meunier au moulin de Besset
70. Raymond Rives, maréchal à forge
71. Jean Taillefer, voiturier ; maison et jardin à la rue del Bascou
72. Bernard Maris, maréchal à forge ; maison et jardin rue porte del Rumat.

Le moulon accueille, comme on voit, des gens de métier, dont l’activité se trouve liée à celle du Rumat, i. e. à celle de la barrière du pont et à celle du foirail et de l’affachoir ((Affachoir, ou corchoir : abattoir.)). Le Rumat de 1776 est en effet un carrefour de circulation et un centre d’affaires de première importance, avec l’arrivée des routes de Limoux, de Carcassonne, et de Villefranche de Lauragais ; avec l’arrivage des bêtes sur pied et le transport de la paille et du fourrage nécessaires à l’accueil de ces dernières ; avec le traitement des affaires relatives aux divers secteurs du négoce correspondant.

On sait qu’à la même date, le commerce des céréales se tenait au pied de la cathédrale, à l’emplacement de l’actuelle halle. Frédéric Soulié mentionne cet emplacement dans ses souvenirs d’Ariège : Sur l’un des côtés de cette place [du marché] s’élève un petit amphithéâtre, et sur cet amphithéâtre, de vastes setiers en pierre, où se mesurent le blé et les grains qui se vendent dans le marché ((Frédéric Soulié, Deux séjours – Province, Paris, p. 279 (272), 1835)).

La présence au Rumat de Pierre Boudouresques, ménager ((Ménager : petit propriétaire qui dispose de 20 à 30 hectares.)) de La Bastide de Bousignac, de Pierre Verger, dit Lalem, laboureur ((Laboureur : propriétaire d’un terrain de labour et d’une centaine d’hectares, souvent fermier d’hectares supplémentaires, souvent aussi fermier des dîmes. Cf. Définition des métiers anciens – Métiers disparus.)), indique que ménager et laboureur travaillent plutôt le bétail, ou bien qu’ils fournissent fourrage et paille à destination de ce dernier, ou bien encore qu’ils alimentent en fruits et légumes les auberges avoisinantes. La présence de Marc Tornier, dit Marquit, meunier au moulin de Besset, indique quant à elle que le meunier a besoin des voituriers et autres rouliers pour le transport des grains et pour la livraison des farines.

Aujourd’hui, même si foirail, affachoir, et auberges avoisinantes ont disparu, il y a toujours une forte circulation au Rumat. Chargés de marchandises en transit, les poids lourds ont remplacé les charrettes des anciens voituriers et rouliers. Les habitants du quartier apprécient les doubles vitrages.

 

Ci-dessus : vue du moulon sur son flanc sud depuis l’angle de la rue Frédéric Soulié et de la rue des Pénitents Blancs. Les maisons actuelles, furent en 1766, de gauche à droite sur l’image, celles de Bernard Maris, maréchal à forge ; de Jean Taillefer, voiturier ; de Pierre Boudouresques, ménager, en indivision avec Toinette Dubois, veuve de Jacques Rivel ; Raymond Rives, maréchal à forge. L’emplacement occupé par l’immeuble vert qui jouxte aujourd’hui l’ancienne maison de Raymond Rives, demeurait en 1766 vierge de construction, car planté de trois rangées d’ormeaux comme l’ensemble des bords de la promenade du Jeu du Mail (aujourd’hui cours du Jeu du Mail).

 

Ci-dessus : rue Frédéric Soulié, vues du flanc nord de l’ancienne maison de Bernard Maris, maréchal à forge. Contrairement à la façade principale, qui ouvre sur la rue des Pénitents Blancs, ce côté de la maison est demeuré depuis 1766 à peu près intouché.

 

Ci-dessus : vues du moulon depuis l’angle de la rue des Pénitents Blancs et de la rue Frédéric Soulié. Après l’ancienne maison de Bernard Maris, la présence du mur plus bas qui court au bord d’un jardin jusqu’aux maisons plus modernes de l’angle de la rue Frédéric Soulié et de la rue Bayle, rappelle qu’ici, comme indiqué sur le plan de 1766, le bord du moulon jadis n’était pas bâti.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vue du moulon depuis l’angle de le rue Frédéric Soulié et de la rue Bayle, avec en fond le cours du Rumat ; vue du front du moulon depuis le cours du Rumat. Aucune des maisons visibles sur le côté droit de la rue Bayle n’existait en 1766. Seuls le toit et les trois façades distinctes que celui-ci abrite aujourd’hui immédiatement à gauche de l’immeuble vert, ont pu exister sur le front du Rumat à la date susdite. Auquel ils correspondraient aux maisons qui furent jadis respectivement la propriété de Marc Tornier, dit Marquit, meunier au moulin de Besset (n°69), et celle de Pierre Verger, dit Lalem, laboureur.

A suivre… Prochainement : A Mirepoix – Le quartier de Lilo – 3. Entre la rue du Coin de Loubet et la rue Astronome Vidal

A lire aussi : Moulons de Mirepoix

A Mirepoix – Le quartier de Lilo – 1. Entre la rue du Coin de Cambajou et la rue del Bascou

 

Ci-dessus, de gauche à droite : plan actuel ; plan de 1766. Correspondance des noms de rue et de lieu, d’une vue à l’autre : rue Cambajou, et rue Paraulettes et Saint Amans : rue Frédéric Soulié ; rue du Coin de Cambajou : rue du Gouverneur Laprade ; rue del Bascou : rue des Pénitents Blancs ; rue du Coin de Loubet : rue Bayle ; Coin de la rue de Paraulettes : rue Astronome Vidal ; rue du Coin de Caramaing et de Paraulettes : rue Caraman ; promenade du Rumat et rue de l’Isle : cours du Rumat et rue de l’Ile ; canal du moulin : Béal ; rue qui vient du Countirou : rue Jacques Miquel.

 

Ci-dessus, de gauche à droite, autour du moulon : place du Rumat et promenade du Rumat ; rue du Coin de Cambajou : aujourd’hui rue du Gouverneur Laprade ; rue Cambajou : aujourd’hui rue Frédéric Soulié ; rue del Bascou et porte del Rumat : aujourd’hui rue des Pénitents Blancs.

Située au débouché de la route de Limoux, siège de l’affachoir et du foirail, la place du Rumat constitue en 1766 un lieu d’activité important. Le moulon immédiatement installé au bord de cette dernière concentre conséquemment un nombre élevé de propriétaires. Les maisons sont édifiées sur les bords du moulon. Elles s’enchevêtrent sur deux rangs tout au long de la rue del Bascou et porte del Rumat, tandis que deux maisons seulement bordent la rue du Coin de Cambajou. Comme partout ailleurs dans le Mirepoix de 1766, l’intérieur du moulon demeure réservé aux jardins. Ceux-ci s’étendent jusqu’à la place du Rumat, qu’ils ourlent ainsi d’une marche de verdure agréable, tandis qu’ils procurent un espace de respiration aux demeures imbriquées de la rue del Bascou et porte del Rumat. Ces jardins comprennent rue du Coin de Cambajou un passage conduisant à la parcelle 91.

Voici la liste des propriétaires réunis dans ce moulon en 1766 :

73. François Turi, brassier ; maison, grange ; jardin indivis avec Michel Pailhès
74. Pierre Gatimel, brassier ; maison, jardin, passage à la rue del Bascou et porte del Rumat
75. Pierre Gatimel, brassier
76. Paul Jean, dit Natet, brassier ; maison et jardin à la rue del Bascou
77. Jean Foulquié, garde de Mgr le marquis de Mirepoix ; Joseph Tornier, menuisier ; Charles Pintat tisserand ; Jean Fidency, meunier de Regat : indivision : maison et jardin à la rue del Bascou et porte del Rumat
78. Jean Laylix, tisserand de toile ; maison, à la rue del Bascou de la porte del Rumat
79. Laurent Truquet ; maison derrière celle de Jean Laylix à la porte del Rumat
80. Jean Laylix ; jardin au derrière de la maison des héritiers de Jean Truquet, avec passage
81. Marianne Habram, veuve de Jean Gouté ; maison et jardin à la rue del Bascou et porte del Rumat
82. Joseph Deleu, brassier ; maison et dessus du passage d’Anne Natet à la rue del Bascou
83. Joseph Deleu, brassier
84. Andrieu Gironce, brassier ; maison à la porte del Rumat faisant coin à la rue del Bascou et à celle de Cambajou
85. Jean Montaud, charpentier ; maison, patu, passage à la rue del Bascou
86. Jean Autier, brassier ; maison à la rue Cambajou
87. Barthélémy Gaignoulet, brassier ; maison à la rue Cambajou
88. Me Etienne Rouger, avocat au parlement, comme acheteur de Pierre Bauzil baigneur ; maison, petit déduit, patu, jardin à la rue Cambajou ; Joseph Deleu, patu et jardin à la rue de Cambajou, avec le puits et l’usage du passage dans la maison de Jean Montaud, achetés à Pierre Bauzil, baigneur ;
88 bis. [Mention relevée sur le compoix ; non expliquée ; sans correspondance sur le plan !] Pierre Bauzil baigneur ; maison à la rue Cambajou, avec le puits et l’usage du passage dans la maison de Jean Montaud
89. Paul Virelizier, jardinier ; maison et jardin à la rue Cambajou
90. Paul Virelizier ; maison à la rue Cambajou
91. Jean Pons, héritiers ; derrière la maison de Paul Jean
92. Paul Jean, dit Natet ; jardin à la rue Cambajou
93. François Izard, dit La Mort, voiturier.

Parmi les propriétaires réunis dans ce moulon, on compte 8 brassiers ; 2 tisserands ; 1 meunier ; 1 charpentier ; 1 menuisier ; 1 voiturier ; 1 baigneur ; 1 jardinier ; 1 garde du marquis de Mirepoix ; 1 avocat ; 1 veuve ; 1 héritier ; 4 autres, non précisés. Les brassiers sont en majorité. Ils ont là sans doute leur demeure, à proximité de la place où ils trouvent de l’emploi. François Izard, dit La Mort, use vraisemblablement de la parcelle 93 pour remiser, à peu de distance du cimetière, situé plus loin, au bout de la promenade du Jeu du Mail, ses corbillards. Me Rouger, avocat, demeure le seul notable représenté dans le moulon. On remarque que, comme Me Rouvairollis ((Cf. A Mirepoix – Maison, décharge, jardin, rue du Coin de Cambajou)) et Me Vidalat ((Cf. A Mirepoix – En face de la maison de François Rouvairollis, qu’est-ce qu’il y a ?)), il a pris soin d’acquérir une propriété sise à l’angle de deux rues passantes, sur le trajet des voyageurs venus de Carcassonne, de Villefranche de Lauragais, de Limoux, et à proximité des activités génératrices de contrats qui se traitent quotidiennement au Rumat. Pierre Bauzil, baigneur, ancien propriétaire de la parcelle 88, dirige un établissement de bains sous le grand couvert. Assurait-il auparavant le même service de bains au numéro 88 ici considéré ?

 

Ci-dessus : vue actuelle du moulon depuis la place du Rumat.

 

 

Ci-dessus : vues actuelles du moulon, rue du Gouverneur Laprade. La maison aux volets rouges et à la façade couverte de vigne vierge était en 1766 propriété de Me Rouger.

 

 

Ci-dessus : vues du moulon depuis l’angle de la rue du Gouverneur Laprade et de la rue Frédéric Soulié. Sur la photo de gauche, on reconnaît au premier plan l’ancienne maison de Me Rouger. Sur la photo de droite, peu avant l’angle de la rue Frédéric Soulié et de la rue des Pénitents Blancs, on voit les maisons qui appartinrent jadis à Barthélémy Gaignoulet, brassier, Jean Autier, brassier, Joseph Deleu, brassier, et Andrieu Gironce, brassier. La maison de Joseph Deleu fait l’angle de la rue Frédéric Soulié et de la rue des Pénitents Blancs. Elle est pourvue, côté rue Frédéric Soulié, d’un corbeau qu’on remarque. Au pied du mur subsiste une ancienne fontaine.

 

 

Ci-dessus : vues du moulon depuis l »angle de la rue Frédéric Soulié et de la rue des Pénitents Blancs. On reconnaît au premier plan la maison de Joseph Deleu, avec l’inclusion constituée par la propriété d’Andrieu Gironce.

 

Ci-dessus, à l’angle de la rue des Pénitents Blancs et du cours du Rumat, la grande maison blanche, aujourd’hui entièrement refaite, s’élève, dirait-on, à l’emplacement des anciennes maison et grange de François Turi, brassier. Grossièrement occulté le curieux entremis qui sépare la maison blanche de celle qui fait l’angle actuel de la rue et du cours, conserve dans le détail de sa forme la mémoire d’un encorbellement disparu.

A suivre. Prochainement : A Mirepoix – Le quartier de Lilo – 2. Entre la rue del Bascou et la rue du Coin de Loubet.

A lire aussi : Moulons de Mirepoix

A Mirepoix – Le quartier de Lilo – Description globale

 

Ci-dessus, de gauche à droite : plan de 1766 ; plan actuel. Correspondance des noms de rue et de lieu, d’une vue à l’autre : rue Cambajou, et rue Paraulettes et Saint Amans : rue Frédéric Soulié ; rue du Coin de Cambajou : rue du Gouverneur Laprade ; rue del Bascou : rue des Pénitents Blancs ; rue du Coin de Loubet : rue Bayle ; Coin de la rue de Paraulettes : rue Astronome Vidal ; rue du Coin de Caramaing et de Paraulettes : rue Caraman ; promenade du Rumat et rue de l’Isle : cours du Rumat et rue de l’Ile ; canal du moulin : Béal ; rue qui vient du Countirou : rue Jacques Miquel.

Le quartier dit « de Lilo » (i. e. de l’Ile) dans les documents anciens, s’étend, dans son axe ouest-est, de part et d’autre du cours du Rumat entre la rue Frédéric Soulié et le ruisseau Countirou, et, dans son axe sud-nord, depuis la place dite également « du Rumat » jusqu’à la rue Caraman et la rue Jacques Miquel, i. e. jusqu’à l’endroit où, dérivé du Countirou, le canal du moulin le Béal traversait jadis à l’air libre le cours du Rumat et la rue Caraman.

Le quartier comprend les quatre moulons situés entre la rue Frédéric Soulié et le cours du Rumat, et un cinquième moulon traversé par le Béal, avec, en contrebas de la place du Rumat, une place annexe nommée le Bascou, puis, entre le Béal et le cours du Rumat dans sa partie nommée rue de l’Ile, l’Ile proprement dite, ainsi nommée en raison de l’insularité que lui confère sa position entre deux eaux, celle du Countirou et celle du Béal.

Le quartier de Lilo constituait jadis, avec le quartier du Bord de l’eau, situé en aval du Béal après le pont de Raillette ((Cf. La dormeuse blogue : Le canal du moulin – 2. Du pont de Raillette au moulin)), la ceinture industrieuse de la ville. Le quartier de Lilo abritait en 1766, outre le foirail et le corchoir ou affachoir, installés al Bascou, une importante tannerie et une teinturerie, toutes activités qui nécessitent d’importantes ressources en eau, laquelle se trouvait fournie ici à la fois par le Countirou et par le Béal.

 

On voit sur le plan ci-dessus que l’actuel cours du Rumat, converti en D119, ainsi dédié à la circulation des voitures et des poids lourds, était en 1766 une belle promenade plantée d’arbres. Cherchez les arbres aujourd’hui ! On voit également que le Béal coulait à ciel ouvert au bout de cette promenade et qu’il était équipé d’un pont de bois, propre à relier les deux rives du quartier. On sait de plus par l’histoire de Marie Marty, dite Marion, ou encore Marionnasse ((Cf. Un homme disparaît ; Née le 26 ventôse an IX, elle a reçu le prénom de Magdeleine)) qu’au moins en l’an IX (1801), ce pont était flanqué d’une barrière d’octroi, établie à l’intention des voyageurs arrivant par la route de Carcassonne ou par celle de Villefranche de Lauragais. Le registre du conseil municipal indique en effet, à la date du 3 germinal an IX (24 mars 1801), que Marion Marty « quitte la maison sise au quartier Lilo, près de la barrière du pont vis-à-vis le canal du moulin”, laissant derrière elle un bébé, né d’environ huit jours. Prévue pour assurer le contrôle de l’activité marchande du quartier, une telle barrière ne laissait pas de matérialiser, dans le même temps, le caractère de relatif isolat qui faisait encore aux alentours de 1800, et peut-être encore aujourd’hui, le cadre de vie des gens de Lilo.

A suivre. Prochain épisode : A Mirepoix – Le quartier de Lilo – Entre la rue du Gouverneur Laprade et la rue des Pénitents Blancs

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