Le 8 thermidor an III, violente diatribe de E. B. Courtois, député de l'Aube, contre Robespierre et ses « frères panthéonistes »

Rédigé par Christine Belcikowski Aucun commentaire
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Condisciple de Danton au collège de l'Oratoire, Edme Bonaventure Courtois (Troyes, 15 juillet 1754-6 décembre 1816, Bruxelles), est élu député de l'Aube à l'Assemblée législative, puis à la Convention où il siège dans les rangs de la Montagne et vote la mort du Roi. Après le 9 thermidor an II, il se trouve chargé d'inventorier les papiers trouvés chez Robespierre. Le 8 thermidor an III (26 juillet 1795), veille de l'anniversaire de la « chute du tyran », il prononce à l'Assemblée une violente diatribe contre ledit « tyran » et les fidèles que celui-ci conserve, dont François Noël Babeuf dit Gracchus Babeuf, Pierre Antoine Antonelle de Saint-Léger, René François Lebois, Pierre Jacques Michel Châles, Félix Lepeletier de Saint-Fargeau [voir note 8], éphémèrement réunis dans le club du Panthéon, qui sera interdit le 8 ventôse an IV. Cette diatribe sert ensuite de préface au Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II, publié sur ordre de la Convention en floréal an IV. Arrêté au motif de participation à la conjuration des Égaux — « Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux comme nous sommes nés ; nous voulons l'égalité réelle ou la mort ; voilà ce qu'il nous faut ;">(1) » —, Gracchus Babeuf sera guillotiné le 8 prairial an V (27 mai 1797).

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Estampe anonyme stigmatisant la conjuration des Égaux.

Outre qu'elle illustre la violence de la guerre idéologique menée par les Thermidoriens contre les Néo-Jacobins et les Babouvistes, la Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II témoigne de l'art d'un polémiste érudit et lettré, grand bibliophile au demeurant, qui aime à émailler son propos de citations empruntées aux Anciens ou à des Modernes rares ou curieux, et qui ajoute à cet émaillage savant le perlage acide d'une pluie d'italiques, faisant ainsi que le caractère mordantissime du propos aille là comme sans dire. Le brio d'un tel propos n'en facilite pas la lecture. On se demande quelle réception la Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II a pu trouver auprès des lecteurs du temps. Mais, en écrivant cette Préface, Edme Bonaventure s'est visiblement fait plaisir. Et sans doute s'est-il ainsi dédommagé de l'aridité du Rapport qui suit, entièrement consacré au recueil des pièces d'archive relatives aux événements des 9 et 10 thermidor, recueil au demeurant passionnant. Indépendamment de la validité des assertions qu'elle assène, la Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II constitue un petit chef d'œuvre du genre polémique et, à ce titre, mérite d'être relue.

Edme Bonaventure Courtois, Préface au Rapport fait au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II. Préface ou réponse aux détracteurs du 9 thermidor

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Couverture de la première édition du Rapport Courtois.

En exergue de son rapport, Edme Bonaventure Courtois, cite quatre vers latins — Crimina continui lectis annalibus aevi ; / Prisca recensitis evolvite saecula fastis : / Quid senis infandi Capraeae, quid scena Neronis / Tale ferunt ? —, ainsi traduits : « Portez vos regards en arrière ; parcourez nos annales dans la série non interrompue des crimes d'un siècle entier ; déroulez les fastes des temps les plus reculés : les excès de Néron, ceux de l'infâme vieillard de Caprée, offrent-ils rien de pareil ? »

En exergue de sa préface, Edme Bonaventure Courtois cite trois lignes de Pline (Livre IV, lettre 15) cette fois — In ea civetate in qua omnia quasi ab occupantibus aguntur, quae legitimum tempus exspectant, non matura, sed sera sunt —, ainsi traduites encore : « Dans une ville où il semble que tout soit fait pour le dernier qui s'en empare, on trouve que le temps d'agir est passé si l'on attend qu'il soit venu ». Suite à quoi, Courtois attaque.

« Le plus grand phénomène de l'an quatrième de la République ne sera peut-être pas cette ardeur, cette constance de courage des héros du Rhin, des Pyrénées et de l'Ouest, si prodigieuse cependant, qu'on chercheroit en vain tant d'héroïsme dans les fastes de tous les peuples de la terre ; mais cet endurcissement, cette incurabilité de scélératesse qui, pareille au ressort que presse un pied rigoureux, tend soudain à se redresser dès que la pression s'affoiblit ; mais cette ténacité, cette impudeur du crime, si contrastante avec la vertu guerrière du soldat français.

Ce sera pour la postérité une éternelle matière à méditation, un sujet intarissable d'indignation et de mépris, de lire dans nos pages cet appel à elle fait par des brigands, par des monstres que l'ivresse du sang a tellement aliénés, qu'ils osent insulter par un doute à la justice de ses arrêts, qu'ils chargent ce juge équitable de l'apothéose du crime, sur la tombe même des criminels.

Je ne ferai pas, moi, un calomnieux appel à nos descendans ; je ne crois pas la postérité à venir plus indigne que la postérité passée qui a jugé les Caligula, les Néron, etc. La sentence de nos neveux est déjà portée sur Robespierre et ses complices. J'en demande pardon aux Babeuf, aux Antonelle, aux Lebois, aux Châles et à tant d'autres ; mais je ne les crois pas d'un plus haut poids que Narcisse (2) et que Tigellin (3) dans la balance de l'histoire.

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Pierre Gabriel Berthault (1737–1831) d'après Jean Duplessis-Bertaux (?-1818), Robespierre amené blessé, dans l'anti-salle du Comité de salut public : le 28 Juillet 1794, ou 10 Thermidor An 2ème de la Republique (1802). « La journée la plus honorable du lustre révolutionnaire », dixit Edme Bonaventure Courtois.

Je ne ferai ni pour la postérité, ni pour ces êtres immoraux, l'apologie de la journée la plus honorable du lustre révolutionnaire que nous avons parcouru. Pour la postérité, l'apologie de cette journée est dans cette journée même (4) ; pour ces brigands, dans les attaques qu'ils lui portent. Mais le reptile laisse encore une trace humide de venin après son passage ; il faut que la flamme de la vérité sèche et consume cette trace trop glissante sous les pieds d'hommes, ou foibles, ou imprévoyans.

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Pierre Antoine d'Antonelle, in Bulletin des Amis du Vieil Arles, nº 172, septembre 2017 ; Caius Gracchus Babeuf, gravure anonyme, Musée Carnavalet.

Le peuple ne sauroit juger (dit Harrington) ; il sait sentir. Le peuple, par exemple, ne saura pas décider quand, comment et pourquoi le juré Antonelle, le tribun Babeuf, Lebois et le prétre Châles, sont des jongleurs ou des charlatans ; mais il le sentira, il le proclamera, et il ne sera pas trompé. Je n'entends pas, comme on le pense bien, par peuple, cette espèce inquiète, turbulente ; ces élémens alcalisés par les tempêtes révolutionnaires, qui, pareils aux insectes nés de la fange, tourbillonnent dans l'atmosphère dont ils corrompent la pureté, et ne rentrent dans leur premier élément qu'aux rayons d'un ciel serein. Je n'entends point par peuple tous les grands orateurs de places, les boiteux de jugement, les pauvres d'esprit, que le plus grand orateur Babeuf va chercher dans les carrefours pour les forcer d'entrer dans sa république. J'entends encore moins par peuple les bandes de furies, les scélérats et les coupe-jarrets accourus au coup de sifflet du tribun, pour exercer au sein des villes, sans crainte de la maréchaussée, l'honnête métier qu'ils exerçoient jadis incommodément sur les grands chemins ou dans les bois. J'entends par peuple, ces classes laborieuses, industrieuses ou pensantes, ces abeilles actives de la grande ruche, trop occupées pour songer à mal, travaillant, se fatiguant sans cesse pour le bien commun, tandis que le peuple pillard des frelons les étourdit de ses stériles bourdonnemens. Je parle du peuple qui agit, non de celui qui fait du bruit ; et, pour motiver ce qu'on va lire, du peuple quelquefois trompé, non du peuple toujours trompeur.

Les anarchistes sont épuisés, car ils menacent ; ils eussent frappé déjà, s'ils étoient puissans. Que je les plains ! Le juré Antonelle ne jouit plus qu'en idée des beaux momens de sa gloire ; il n'envoie plus les innocens à l'échafaud, il ne boit plus qu'en souvenir le sang des victimes. Le grand niveleur Babeuf, dont l'absence laisse un vuide sur les trirèmes de Toulon (5), désespère aujourd'hui d'inoculer dans les veines de l'ingrat Français un seul petit grain de sa république agrairienne. Les prêtres et diacres et sous-diacres de cette savante doctrine ont pris l'alarme. Est-il possible ! Les éléments, au lieu de se confondre, ainsi que le souhaitoit Babeuf, ne tendent qu'à se réunir, qu'à s'accrocher, comme les atomes d'Épicure. Ô désespoir ! les corbeaux et tous les oiseaux de proie vont émigrer de ce déplorable pays, où l'odeur du carnage et des cadavres n'attirera plus leur appétit sanguinaire. Quelle épaisseur de ténèbres va nous couvrir, quand nous n'aurons plus d'éclaireurs ! Qui défendra encore nos droits, quand nous n'aurons plus de tribuns ? S'il étoit un coin de terre dans la République où l'on eût encore gardé quelque goût de licence, où l'on pût de temps à autre se donner le divertissement d'une petite insurrection, où les constitutionnels de 95 ne voulussent point neutraliser cet exercice du plus saint des devoirs ; là du moins les tribuns et les éclaireurs trouveroient la terre promise : mais habiter une patrie toute pleine d'esclaves de la loi, de contre-révolutionnaires amis de la paix et de l'ordre, de gouvernés qui aimeront mieux s’entraider que de se déchirer l’un l’autre, de gouvernans qui chercheront à s'entendre au lieu de se dévorer ; végéter sous un gouvernement où l'on ne verra plus d'armées révolutionnaires, de comités révolutionnaires, de tribunaux révolutionnaires, de guillotines permanentes ; où l'on n'aura pas même un suspect à dénoncer ; pas même, pour réconfort, le casuel d'un scellé ! quel sort ! impossible à supporter !

— En attendant l'émigration, qui sera notre dernière ressource, essayons, a dit Babeuf, si nous ne pourrions pas produire encore quelque petit soulèvement. L'ardent Antonelle, aussi ferme que le sacristain Boisrude (6), a fait chorus sur ce propos, et Châles l'éclaireur leur a vite offert sa lanterne pour chercher des hommes (7). — Adressons-nous aux morts, a repris Babeuf. — Oui, a dit Antonelle : j'ai, pour ma part, trop bien mérité d'eux pour que, tout morts qu'ils sont, ils me refusent quelque chose. De toutes les figures, la prosopopée est la plus sûre pour l'effet ; faisons donc parler les morts. — Je me charge de l’invocation, dit l'éclaireur. — Moi, de l'évocation, dit le tribun. Et, sur ce, Robespierre est évoqué des enfers ... Au Panthéon la grande ombre de Robespierre leur apparoît, non telle qu'ils la virent jadis, exultante de joie, quand, fidèles à sa voix divine, ils amonceloient autour d'elle les ruines qui faisoient le marchepied de son trône, ou quand le juré Antonelle apportoit au lever du défunt la liste des vingt-deux ; elle leur apparoît livide, souillée de fange, l'oeil rouge de sang, la bouche torse, écumante, les joues sillonnées par les traits du désespoir, un sceptre brisé dans la main !

À ce spectacle qui eût fendu des pierres, tous les frères panthéonistes sont émus ; on s'agenouille en présence du saint fantôme. Les chapeaụx, je me trompe, les bonnets rouges sont levés ; les mots carnage, sang, mort, vengeance, cet abc de l'idiome jacobite, est répété, crié, hurlé de proche en proche par la huaille. Un beau frère, à tresses presque blondes, jadis l’Adonis des princesses (8), aujourd'hui la coqueluche des tricoteuses de tribune, se lève : il est le plus furieux de tous. — Bien que tu m'aies laissé chasser de ton temple comme un impur (8), s'écrie-t-il, grand Robespierre, je te promets en vingt-quatre heures plus de cent mille hécatombes. Les scélérats ! ne m'ont-ils pas outrageusement blessé comme toi ? ils ont dédivinisé mon frère ! mon propre sang ! Du haut de l'olympe ils l'ont précipité dans un cimetière… auprès d'un modéré peut-être ! ... Et les sanglots, à ce souvenir, d'étouffer la voix du beau Félix.

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Félix Lepeletier de Saint-Fargeau. Source : Dictionnaire biographique Maitron du mouvement ouvrier et du mouvement social.

Tous les frères, pleins de sa douleur et du dieu qui les possède, répètent cette imprécation : Hommage dans les siècles des siècles à l'ombre auguste ! Respect au pillage ! mort aux gouvernans ! haine aux propriétés !

Après ce serment digne des jureurs, on se sépare, en ajournant au lendemain, les moyens d'exécution.

Tel est en substance le récit fidèle du dernier sabbat panthéonique, que je tiens de la bouche même d'un frère ; récit que le tribun et l'éclaireur me sauront gré, peut-être, d'avoir fait passer à la postérité, qui doit les juger, à ce qu'ils disent, eux et leur patron.

Malheureusement le génie contre-révolutionnaire du gouvernement fit barrer le lendemain les portes du temple ; et force fut aux adorateurs et au dieu de n'y plus brûler, de n'y plus respirer l'encens.

L'antre de Janus est fermé encore une fois dans l'intérieur ; et le peuple, ce peuple ingrat qui devoit tant se remuer, n'a pas bougé depuis pour qu'il fût rouvert. C'est que le peuple n'a pas encore appris, comme Babeuf, que le meilleur des gouvernemens possibles est celui où tous les élémens se confondent ; ou qu'il ne croit pas, comme Antonelle, qu'il n'est point de république sans tribunal révolutionnaire, et qu'un poste de juré à ce tribunal soit le plus haut degré des grandeurs humaines. C'est que le peuple est un enfant qui ne croit pas à l'expérience des autres mais qui croit à la sienne et qui y croit bien ; et que son expérience lui a répété quelquefois, depuis cinq ans que le pays où l'on insurge n'est pas le pays de la terre le plus heureux. C'est qu'il n'est pas aussi fermement convaincu que ses éclaireurs, que le 9 thermidor, déclaré par eux exécrable, soit une journée si désastreuse ; qu'il regarde ce jour au contraire comme un jour vraiment sauveur ; et que, s'il en est un plus beau à ses yeux, plus digne d'être célébré, c'est celui où le couteau de la loi a tranché des existences qui alloient consommer sa perte. C'est que ce peuple, qui raisonne en peuple, et nullement comme les apôtres des Pache (9), des Momoro (10), des Hébert (11), des Chaumette (12), etc., ne sait pas faire, ainsi que tous ces grands hommes, de beaux argumens a priori contre le précepte du tien et du mien ; et que telles bonnes gens qui, au prix de cinquante années de travaux, de fatigues et de sueurs, ont amassé ce que, dans leur langage d'esclaves, ils appellent une petite propriété, soulagement de leur vieillesse, héritage de leurs descendans ; c'est que ces bonnes gens, dis-je, ne peuvent pas se mettre en tête qu'ils en doivent compte à Babeuf, ou à Châles, ou à Lebois, etc., qui regardent comme au-dessous d'eux ce travail, quoiqu'ils ne regardent pas comme au-dessous d'eux la fortune, et qui trouvent plus court de ravir ce qui est acquis, que de l'acquérir.

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Jean Nicolas Pache (Verdun, 5 mai 1746-18 novembre 1823 ; Antoine François Momoro (Besançon, 13 novembre 1755-24 mars 1794, Paris) ; Jacques René Hébert (Alençon, 15 novembre 1757-24 mars 1794, Paris) ; Pierre Gaspard Chaumette, dit Anaxagore Chaumette (Nevers, 24 mai 1763 à Nevers-13 avril 1794, Paris).

Le lecteur n'oubliera pas que le peuple dont je parle, n'est pas le peuple d'Antonelle, de Lebois et de Babeuf. Le mien n'est pas le peuple qui pille, mais le peuple qui gagne. Le mien a quelque chose à risquer, ne fût-ce que sa propre estime : il y a longtemps, à cet égard, que le peuple de ces grands hommes, et ces grands hommes eux-mêmes, n'ont rien à perdre.

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Le véritable portrait de [Louis Dominique] Cartouche (1693-1721), gravure anonyme, s.d.

J'ai lu dans un grand livre, que sûrement le docteur Babeuf a lu comme moi, que Cartouche aussi eut un peuple ; peuple agissant, peuple niveleur, s'il en fût, presque aussi fou qu'Antonelle de la démocratie pure, et courant sur les grandes routes, pour convertir au dogme de la communauté des biens les coches et les diligences garnis de propriétaires. Malheureusement ces derniers, endurcis dans le péché de la jouissance, arrêtèrent le cours de cette salutaire propagande, et dressèrent des gibets aux convertisseurs : ce qui, comme chacun voit, retarda pour nous les progrès de la raison humaine, que nos éclaireurs voudroient hâter pour en dérober l'honneur à leurs descendans.

Cette catastrophe de leurs devanciers pourroit, sans doute, effrayer le zèle de nos tribuns ; mais la peur n'a point d'empire sur les âmes dévorées de l'amour du bien public et particulier.

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Charles Philippe Ronsin (Soissons, 1er décembre 1751-24 mars 1794, Paris) ; Jacques Roux, dit le Curé rouge ou le petit Marat (Pranzac, Charente, 21 août 1752-10 février 1794).

Après avoir cité Cartouche, nous citerons, sans comparaison, Robespierre, qui eut un peuple ; Ronsin (13), qui eut un peuple armé ; il n'est pas jusqu'au prêtre Jacques Roux (14), qui, comme le prêtre Châles, ne se vantât d'avoir aussi son peuple à lui ; et cependant, rappelez-vous leur sort à tous, braves gens, et tirez la conséquence.

Je sais que vous nous promettez, pour notre plus grand bien, de belles et longues révolutions. Vous concluez que ce qui a été ne sera plus, par la raison que cela a été, ou que cela est ; que le peuple sortira, à votre voix, de sa léthargie ; que vous serez, vous, les guérisseurs de la taie universelle ; que l'ordre, les lois, la justice, le droit de propriété, la garantie des personnes, toutes ces institutions d'aristocratie superlative, ne dureront pas ; que les élémens, pour s'épurer, se confondront ; qu'alors le peuple sera heureux : car vous le gouvernerez ; car il faut que vous le gouverniez pour qu'il soit heureux ; car vous êtes les seuls sur la terre qui sachiez bien gouverner le peuple.

Ah ! ce seroit vraiment alors que vous auriez été prophètes, et que tous les élémens seroient en effet confondus.

Mais Robespierre, et Chaumette, et Hébert, et Jacques Roux, qui vous ont légué leurs manteaux et sans doute leur génie, nous flattoient du même avenir, nous promettoient dans ce monde la béatitude de l'autre vie.... et cependant le peuple, votre peuple même, alloit à la queue (15) ! et votre dieu Maximilien vous avoit si peu béatifiés vous-mêmes, qu'avant thermidor vous commenciez d’abjurer son culte. Je sais bien que vous aviez alors un inappréciable dédommagement que vous n'avez plus aujourd'hui : je veux dire le spectacle des échafauds ambulans et permanens. Je sais que vous pouviez aspirer au grade de porte-enseignes, ou de lieutenans, ou d'officiers même, dans cette brillante armée de taxateurs, qui parcouroit nos campagnes la corne d'abondance à la main ; que vous eussiez pu, avec le temps, fonder une république à la Norcia (16), ou c'est être inhabile aux emplois civils et militaires que de savoir lire ; qu'alors vous eussiez été promus d'emblée aux premières charges de l'État. Mais si tout cela étoit pour le plus grand bien du peuple et pour votre plus grand bien, pourquoi donc avoir renié depuis, comme Cephas (17), le nouveau sauveur du monde ? Un peu de conséquence, s'il est possible, braves gens. Votre langage de l'an 4 n'est pas votre langage de l'an 3. J'ai entendu tels de vous et de vos pareils célébrer et porter aux nues cette journée du 9 thermidor, qui ne pouvoit pas plus être illustrée par vos éloges, qu'elle n'a pu être depuis avilie par vos injures. Que dis-je ? je vous ai vus courir dans l'arène et rompre des lances en faveur de quelques hommes qui avoient coopéré à cette journée. N'avez-vous pas, vos pareils et vous, lutté corps à corps avec les thermidoriens, pour sauver de la mort Carrier (18) et Lebon (19) ; pour sauver de l'exil Collot (20), Billaud (20), Barère (20) et Vadier (21), auxquels vous faisiez alors un titre d'excuse et de gloire des coups portés par eux sur votre idole ? et n'avez-vous pas enfin depuis formé un saint pacte avec Amar (22), Vadier, Voulland (23), Élie Lacoste (24), et autres tous ci-devant tueurs ou avilisseurs de votre divinité ?

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Jean Baptiste Carrier (Yolet, près d'Aurillac, 16 mars 1756-26 frimaire an III (16 décembre 1794, Paris) ; Guislain François Joseph Le Bon (Arras, 25 septembre 1765-16 octobre 1795, Amiens).

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Jean Pierre André Amar, dit Amar le Farouche, (Grenoble, 11 mai 1755-21 décembre 1816, Paris) ; Marc Guillaume Alexis Vadier (Pamiers, 17 juillet 1736-14 décembre 1828, Bruxelles) ; Jean Henri Voulland (Uzès, 11 octobre 1751-23 février 1801, Paris).

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Pierre Victurnien Vergniaud (Limoges, 31 mai 1753-31 octobre 1793, Paris) ; Pierre Roger Ducos (Montfort-en-Chalosse, Landes, 25 juillet 1747-16 mars 1816, Ulm, Allemagne).

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Georges Jacques Danton (Arcis-sur-Aube, 26 octobre 1759-5 avril 1794, 16 germinal an II, Paris) ; Camille Desmoulins (Guise, Aisne, 2 mars 1760-5 avril 1794, 16 germinal an II, Paris) ; Pierre Nicolas Philippeaux (Ferrières, Oise, 9 novembre 1754-16 germinal an II, 5 avril 1794, Paris).

Comment donc ? ce Robespierre que les siècles apprécieront, et déjà si bien apprécié par vous, que vous lui dressez des autels, après avoir applaudi à ceux qui lui dressoient des échafauds, ce Robespierre fut, selon vous, une victime, et vous pactisez avec ses bourreaux ! Mais s'il fut une victime, que furent donc vos amis, les siens même, qu'il a égorgés ? Que furent ces vieux, ces sincères patriotes dont le sang, au gré de ses caprices meurtriers, couloit sous le même fer, se confondoit dans la même tombe, avec celui des aristocrates ? car vous ne pouvez nier que la fatale bière des vivans (25) ne voiturât, presque tous les jours, l'aristocrate et le républicain, étonnés de mourir ensemble. Vergniaux, Ducos, Danton, Camille Desmoulins, Philippeaux (26), etc., ne furent point des royalistes, que je crois. Votre Hébert, dont vous ressuscitez la doctrine, est-il à vos yeux un royaliste ? Si donc les uns ont été, si les autres sont crus par vous patriotes, pourquoi Robespierre fut-il leur ennemi ? Si Robespierre fut l'ennemi des patriotes, pourquoi vous faites-vous les panégyristes de Robespierre ? Vous me feriez croire que votre logique n'est qu'une logique de circonstances, et non celle de votre esprit ; ou que votre esprit n'a de logique qu'au gré de votre intérêt : car, vivant de la terreur comme Mathan (27) vivoit de l'autel, il est tout simple que vous regrettiez ce qui vous faisoit vivre, et, par suite, le plus ferme appui du régime par qui vous viviez. Et comment expliquer vos inexplicables palinodies, si ce n'est de cette manière : que vous n'aviez pas cru d'abord que la terreur dût être étouffée sous la chute de Robespierre, puisqu'il restoit encore après lui, dans les Collot, Billaud et autres, quelques étais propres à la raffermir, mais que, vous étant aperçus, depuis, qu'il l'avoit enfermée dans sa tombe, et qu'il n'y avoit pas de moyens de la ressusciter sans ressusciter sa mémoire ni d'honorer l'une sans honorer l'autre, pressés par la nécessité comme Philoctète, vous avez frappé du pied la terre qui couvroit les cendres de votre Alcide (28), pour le livrer à l'adoration des Grecs aveugles.

Voilà l'état vrai de votre âme.

Au fait, que vous en a-t-il coûté ? vous avez effrontément donné un démenti à votre première opinion : mais de grands politiques comme vous ne sont pas à cela près. Aujourd'hui que vous voilà bien amendés, vous affirmeriez que la scélératesse est une vertu, plutôt que de convenir que Robespierre fut un scélérat. Nabis (29), Caligula, Néron, Vitellius, Commode, etc., ont eu leurs panégyristes. Les mémoires de la régence de Marie de Médicis ont fêté le maréchal d'Ancre. Pourquoi Robespierre ne seroit-il point fêté dans les quotidiennes de Babeuf, de Lebois, de Châles, etc. ? La Saint-Barthélemy n'eut-elle point ses prôneurs ? Pourquoi le 2 septembre (30) n'auroit-il pas aussi les siens ?

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Massacre à la Salpêtrière, 3 septembre 1792, gravure anonyme.

On peut « approuver tout, blâmer tout, chacun selon son jugement, sa conscience, son optique.

Tant que les jacobins dans le 9 thermidor n'ont vu que la chute d'un homme, ou de dix, ou de vingt ; qu'ils n'ont vu qu'une révolution dans les personnes, non dans les institutions ; qu'ils ont cru que le glaive en permanence ne feroit que changer de main, et qu'ils en seroient toujours, eux, les instrumens ou les ministres, alors ils ont mêlé leurs voix à celles de la France entière pour chanter le 9 thermidor ; ils ont proclamé glorieuse, immortelle, cette journée : Robespierre n'étoit plus que le tyran, Saint-Just et Couthon les duumvirs ; c'étoient trois misérables conspirateurs que Saint-Just, Couthon, Robespierre. Mais au réveil, mais revenus du songe trompeur qui les berçoit, quand ils ont vu la sonde du législateur dans toutes les plaies qu'ils avoient faites, les comités révolutionnaires éliminés, l'ignorance en fuite, cette précieuse ignorance qui en deux ans avoit fait en France plus de barbares que des siècles de lumières n'en avoient policés ; qu'ils ont vu les échafauds brisés, leur antre fermé ; c'est alors qu'ils ont crié vengeance ! Alors ils auroient bien voulu rendre l'honneur à ceux qu'ils avoient méprisés vivans, morts qu'ils avoient insultés. Insensés, qui ne s'apercevoient pas qu'il eût été plutôt en leur pouvoir de ressusciter la personne des conspirateurs, que le cadavre de leur gloire !

J'entends tous les exclusifs jeter les hauts cris ! J'ai donc vraiment touché la corde. Ils ont une habitude d'obstination que j'appellerai comme eux, par politesse, du caractère, qui ne leur permet jamais que d'avoir raison. Or, comme tout ce qu'on fait conséquemment a son motif, ou, si l'on veut, son excuse, et qu'il est démontré, par ce qu'on vient de lire, combien les exclusifs sont conséquens, ils aimeront mieux chercher et trouver cette excuse dans une cause qui leur sera en apparence plus étrangère que celle de leur intérêt personnel ; car les exclusifs sont tellement désintéressés, qu'ils ne peuvent souffrir auprès d'eux de concurrent dans l'amour de la république, et qu'en prêchant la communauté de biens, ils n'aiment point la communauté de patriotisme. Quelle sera donc leur excuse ?.......... La réaction de thermidor. Nous sommes tous des réacteurs : ces infâmes thermidoriens ont fait une réaction pour renverser les échafauds ; eux en voudroient une pour les relever. Cette réaction étoit déjà opérée après le supplice de Robespierre dans la journée du 19. C'est de cette réaction dont alors ils faisoient l'éloge, qu'ils font aujourd'hui la satire. Je sais qu'après ces jours de gloire, le ressort du gouvernement, devenu mou et sans vigueur, s'est entièrement détendu ; que, pareil, un athlète qui sort d'une pénible lutte, le gouvernement s'est endormi ; qu'une autre espèce d'excès a succédé à la première, et que l'anarchie a menacé de disloquer les membres du corps politique, que dévoroit, quelques mois avant, le despotisme. Athènes éprouva la même crise après la mort de Dracon (31). Les thermidoriens d'Athènes, qui pourtant n'avoient pas tué de tyran, car Dracon n'en étoit pas un, séduits d'un côté par les chants doucereux des sirènes déguisées du royalisme, effrayés de l'autre par l'audace toujours renaissante des héritiers du draconisme, plus près des excès de rigueur dont ils sortoient, que de ceux de l'indulgence dont ils ne voyoient pas les suites, devinrent mous, dans la crainte d'être sévères, et, de peur d'être tyrans des gouvernés, gouvernans esclaves. Qu'en conclure si ce n'est que le sénat français, comme le sénat d'Athènes, en butte aux vents opposés des partis, a été, par la violence de l'ouragan, forcé à jeter l'ancre et à stationner sur un écueil ? Qu'en conclure sans métaphore ? C'est que l'atroce opiniâtreté des exclusifs à soutenir les grosses colonnes de l'édifice révolutionnaire, les Collot, les Billaud, les Barère, les Vadier, les Carrier, les Maignet (32), les Lebon, etc., a seule causé la réaction dont ils se plaignent ; que leur audace à conspirer, sans cesse enchaînée et sans cesse renaissante, éveillant, concentrant sur leurs mouvemens anarchiques tous les yeux de la Convention, dut naturellement les détourner des trames du royalisme, toujours habile à profiter des distractions du gouvernement ; que ce sont eux-mêmes qui, en réagissant contre le gouvernement, l'ont forcé à réagir contre eux ; qu'ils ont attiré sur eux une force de compression qui, ne pesant plus sur l'autre parti, lui a donné, et plus de liberté, et plus de de ressort : je dirois presque que les journées de prairial (33) ont enfanté celles de vendémiaire (34) ; que ce sont en conséquence les exclusifs qui sont les vrais réacteurs.

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Insurrection du 1er prairial an III (20 mai 1795) et l'assassinat suivi de la décapitation du député Jean Bertrand Féraud ; gravure de Jesn Duplessis-Bertaux (?-1818) et Isidore Stanislas Helman (1743–1806) d'après un dessin de Charles Monnet (1732–1808).

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Attaque de la Convention nationale. Insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), fusillade devant l'église Saint-Roch ; dessin d'Abraham Girardet (1764-1823) gravé par Pierre Gabriel Berthault (1748-1819).

Que si la Convention, après thermidor, fidèle aux erremens de Robespierre, eût entretenu le feu sacré de ses salutaires institutions ; qu'elle n'eût point, en fermant les comités révolutionnaires, coupé les vivres aux jacobins ; qu'elle eût maintenu, pour la plus grande prospérité de l'empire, et les armées révolutionnaires, et les tribunaux révolutionnaires, et les guillotines ambulantes, et les commissions populaires, et les sociétés populaires, et toute la sainte législation du grand Maximilien, réduite à cette maxime de l'Écriture : Défaisons-nous du juste, car il nous gêne ; alors, bonnes gens, les jacobins eussent continué de fêter thermidor, de fêter la Convention, qui abattoit les tyrans et qui n'abattoit point la tyrannie ; alors il n'y eût point eu de réaction en effet, pas plus qu'il n'y en peut avoir entre un troupeau de moutons qui est dévoré, et un troupeau de loups qui dévore ; alors la colombe Antonelle n'eût point été réduite à roucouler de vains regrets sur la perte du bien-aimé. Babeuf, au risque de subir le sort du prophète Michée (35), colaphisé (36) et jeté dans un cul de basse-fosse pour ses prophéties, ou du prophète Savonarole (37), cuit à Florence, ne se seroit pas occupé à nous chercher trente-six infortunes dans les sibyllins de Matthieu Lansberg (38). Babeuf feroit de belles dissertations contre la propriété ; il verseroit sur nous en toute joie et liberté le poculum aureum plenum abominationum (39) de l’Apocalypse, et Antonelle seroit l'aigle du jury révolutionnaire. On ne nous auroit pas demandé de constitution de 93, ce chef d’œuvre de combinaisons anarchiques, qui est ce qu'il y a de mieux en constitutions, après le gouvernement révolutionnaire et la dictature, au rapport des illuminés ; mais on auroit continué de vivre révolutionnairement, en dénonçant, pillant, guillotinant, fusillant, mitraillant, noyant, pour la plus grande gloire de la République et le plus grand bonheur du peuple, jusqu'à ce que de nouveaux exclusifs, plus exclusifs que Babeuf et l'abbé Châles, eussent dévoré ces derniers, comme jadis les exclusifs Hébert, Ronsin et Momoro, furent dévorés par le plus grand exclusif Robespierre.

Mais la Convention, loin de cela, armée du quos ego de Neptune (40), a voulu frapper les vagues mutines, enchaîner la tourmente : telle que l'Esculape des anciens, la Convention, en arrachant tous ces appareils corrosifs de charlatans, sous qui se rongeoient et se carioient les ossemens du corps politique, a voulu verser dans ses plaies le baume bienfaisant et salutaire de la santé ; et une heureuse convalescence, un rétablissement entier, eût suivi déjà ses remèdes, si les empiriques n'en eussent contrarié l'effet en aigrissant un peuple malade, prompt à devenir injuste, parce qu'il est souffrant.

Voilà ce que tous ces missionnaires de la mort ne peuvent pardonner à la Convention, d'avoir voulu rendre à la vie une nation entière de mourans dont, avant le dernier soupir, ils dévoroient l'héritage ; voilà pourquoi ils exècrent, ils maudissent le 9 thermidor, qui a arrêté le cours des essais homicides qu'ils faisoient sur leurs semblables ; voilà pourquoi ils rappellent, du ton des voleurs que la maréchaussée dépouille, cet heureux gouvernement où ils pouvoient tondre et tailler, comme un troupeau, l'espèce humaine ; où l'art d'exercer sur elle le scalpel révolutionnaire étoit le plus beau des arts. Car, tout sincères croyans que nous sommes aux immortelles paroles du tribun Babeuf, et du juré Antonelle , et du grand pontife Châles, nous avons mis le doigt trop avant dans le trou des plaies de leur conscience, pour ignorer ce qui les blesse. Or, ce qui les blesse, nous l'avons dit, c'est de ce qu'ils ne peuvent plus blesser personne. Pauvres abeilles sans aiguillons, ils ont emprunté contre les vivans les flèches des morts ! Le grand sagittaire Robespierre a été évoqué par eux : ressource inutile ! l'arc de Robespierre, foible et sans vigueur, s'est encore plus détendu entre leurs mains. Inhabiles eux-mêmes à lancer le trait, ils ont, comme on l'a vu, vanté l'adresse du petit David (41) et des Goliath (42) de la révolution. On n'a remarqué qu'à peine la contradiction qui existoit entre l'apologie et la critique antérieure à l'apologie ; cette contradiction étoit toute simple dans Châles, Antonelle et Babeuf : mais on a remarqué, je ne sais pourquoi, la mauvaise foi de cette apologie, mauvaise foi qui chez eux devoit paroître aussi simple pour le moins que l'inconséquence.

Est-il possible, disoit-on, qu'ils regardent comme un grand homme ce Robespierre, qui tout semblable à certain Italien, passoit de la langue à la plume, de la plume au fer, de l'encre au sang (43) ? C'est précisément pour cette ressemblance qu'il devroit l'être à leurs yeux, mes amis. Mais il ne s'agit pas de ce qu'est Robespierre, mais de ce qu'il faut qu'il soit pour leurs desseins : il ne s'agit pas de ce qu'ils croient, mais de ce qu'ils veulent faire croire. Or, un député grand orateur et le vertueux Vadier, il y a deux ans, ont déclaré le règne de Robespierre tyrannique ; et nous les avons crus ; et nous avons bien fait de les croire ; et nous devons les croire aujourd'hui, qu'ils nous assurent le contraire, parce que nous avons pour garans les soixante ans de vertu de l'un et l'éloquence de l'autre ; et que s'ils ne se sont pas trompés il y a deux ans, il n'y a pas de raison pour qu'ils se trompent aujourd'hui : car tous deux sont conséquens ; car il faut que nous sachions que le règne de Robespierre ne fut point tyrannique par rapport aux institutions de ce règne, mais par rapport à sa personne ; et que si nous eussions eu à la place de Robespierre, ou Vadier le vertueux, ou quelques autres compagnons d'armes de même force, nous eussions trouvé dans ces mêmes institutions qui font l'objet de nos plaintes, le plus doux des gouvernemens

Vous voyez qu'avec un peu de logique on arrange tout.

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Jérôme Savonarole, en italien Girolamo Savonarola (Ferrare, né le 21 ou le 24 septembre 1452, mort pendu et brûlé à Florence le 23 mai 1498 ; Ignace de Loyola (Loiola, Espagne, 1491-31 juillet 1556, Rome.

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Père Duchesne Foutre. Sa Colère se dissipe, Quand on obéit à sa Loy ; et de joie fumant sa pipe, Duchesne, est content comme un Roy » ; estampe signée Armano.

Que Babeuf, Antonelle, et Châles, et Lebois, s'égosillent donc à crier : Psaphon est un dieu ! (44) s'en scandalise qui voudra. Les grands hommes, comme les dieux, ont été communs dans tous les temps. Et depuis certains Éphésiens dont j'ai oublié le nom, jusqu'au marchand de fourneaux Duchesne(45), depuis frère Ignace de Loyola (46) jusqu'à l'abbé Châles, depuis le plus petit des Gracques (47) jusqu'à Babeuf, depuis le juré Anytus (48) jusqu'au juré Antonelle, les grands hommes n'ont-ils pas crû et pullulé comme l'herbe dans le champ des révolutions ? Homère n'a-t-il pas surnommé le bouvier d'Ulysse le bouvier divin (49) ? L’Indien ne s'agenouille-t-il pas devant le prince des démons ? Il n'est pas jusqu'aux crottes du grand Lama, que les exclusifs de l'Inde ne regardent comme sacrées. Marat, en France, eut des autels ; Néron, à Rome en eut aussi. Mais l'histoire impartiale traînera aux Gémonies la mémoire de Robespierre et de Marat, comme elle y a traîné celle du bourreau de Thraséas (50).

Si l'idolâtrie d'un siècle n'est point un contrat qui lie le siècle suivant, l'idolâtrie de quelques hommes rendra-t-elle, avec eux, la postérité solidaire ? Nos neveux, après nous, sont émancipés de droit. Que Proculus (51) Antonelle épuise le réservoir de ses larmes sur la tombe du Néron français. Proculus pleure, et la postérité rira des larmes de Proculus. À Rome, après la mort de Caligula, l'exécuteur des hautes-œuvres, tremblant de voir appauvrir son fisc, grossi des dépouilles des suppliciés, ne prit-il pas le deuil, et ne courut-il pas dans la voie appienne et dans toutes les voies de Rome, comme Babeuf dans nos carrefours, criant que Caligula étoit un grand homme ? La postérité a-t-elle partagé ses regrets ou ratifié ses éloges ?

Quoi qu'en dise un historien (52), qu'il est aussi peu de grands crimes poussés jusqu'au bout, que de vertus héroïques, certes, il n'est pas rare de rencontrer, dans l'histoire, de ces scélérats à larges traits qui commandent l'admiration, entre lesquels et les véritables grands hommes il n'est d'autre différence que celle d'une ligne droite à une ligne courbe, toutes deux d'égale projection, à degrés égaux toutes deux. Robespierre sera-t-il cet homme à face large, aux latos humeros de Virgile (53) ?

C'est peu d'être un conspirateur, si l'on n'a la tête du Jupiter de la fable ; si l'on ne peut, d'un seul coup d'oeil, faire lever en masse les cent mille bras de Briarée (54). Le vivandier Mazaniello (55) dictant des lois au vice-roi de Naples, apaisant d'un geste les flots mutinés de la multitude, est tout près d'être un héros, quand le dieu de Babeuf et de Châles etc., osant à peine disputer sa tête à la commune, n'est pas même un homme. La lâcheté, l'hypocrisie, la trahison, voilà ses titres à leurs hommages. Qui ne sait, comme Cromwell, être politique et guerrier, doit au moins savoir comme Octave, distinguer un Agrippa, et refouler un Hanriot (56) dans la bassesse de sa fange.

Que conclure des éloges prodigués à Robespierre par Châles, Lebois, Antonelle et Babeuf ? Qu'ils ont dû louer ce tyran, par cela même qu'Aristote ne permettoit point aux impurs et aux mauvais sujets de louer Platon. Que conclure du déchaînement de ces furieux contre thermidor ? Qu'ils doivent maudire cette journée, par la même raison qui leur fait bénir Robespierre, et qui fit jadis pleurer les Sporus (57), les Tigellins, les Anicet (58), sur la tombe du parricide et incendiaire Domitius.

Au surplus, dans les révolutions, qui ne sont que des orages, nous trouvons ce côté de consolation, que si, tandis qu'elles grondent, les poisons que la terre exhale étouffent l'air un moment, il ne faut qu'un rayon de soleil pour les dissiper et les dissoudre. L'absence du gouvernement, durant la révolution, est pour la République ce qu'est, durant l'orage, l'absence du soleil pour la terre. Mais que le gouvernement sorte des nuages, qu'il se montre ; l'anarchie, vapeur contagieuse née du bouillonnement et du trouble des esprits, s'affaisse, tombe et se dévore elle-même.

Anti-thermidoriens, septembriphiles, apollonistes, assassins royalistes, jésuites, cordelico-jacobins, anarchistes de toutes les sectes, de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les couleurs, de toutes les livrées, dévots à Robespierre, au soleil, à Jésus, mettez-la bien à profit, votre dernière heure : un gouvernement vous surveille ; il sera ce que fut jadis la massue d'Hercule placée à la porte du temple pour écarter tous les animaux malfaisans, tous les insectes. Monstres tout couverts du sang des patriotes, monstres mal déguisés sous les banderoles tricolores que vous avez dérobées, mais dont vous serez dépouillés, Achard (59), Moureau  (60), Trinchard (61), Vadier, Vouland, Barère, Maignet, etc. ; et vous aussi, tribun Babeuf, juré Antonelle, éclaireur Châles, vous tous qui vous croyez invulnérables sous l'égide de l'amnistie ; factieux incorrigibles, qui pensez que la clémence qui vous laisse le droit de vivre vous laisse le droit de conspirer ; au milieu des rugissemens de votre agonie, vomissez vos dernières imprécations : titans impuissans, redressez-vous sous Pélion et sous Ossa, Ossa et Pélion (62) vous écrasent. »

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1. Déclaration extraite du Manifeste des Égaux, rédigé en germinal an IV (fin mars 1796) par Sylvain Maréchal et validé par les Égaux.

2. Narcisse : affranchi nommé préteur par l'empereur Claude ; soutien de Britannicus, contre Néron, dans la succession de Claude ; exécuté en 54 sur ordre d'Agrippine après la mort de Claude.

3. Tigellin : préfet du prétoire et principal conseiller de l'empereur Néron de 62 à 68. Suicidé en 69 sur ordre de l'empereur Othon.

4. Il s'agit ici bien sûr de la journée du 9 thermidor.

5. Les « trirèmes de Toulon » sont celles du bagne au, d'après Edme Bonaventure Courtois, Gracchus Babeuf mériterait d'être envoyé. D'après Courtois toujours, « le docteur Babeuf » aurait été « condamné à la peine des galères, pour crime de faux matériel bien prouvé. On n'en parle, dit-il, que d'après la lecture des pièces du procès ». Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II », p. 26.

6. Allusion au chant V du Lutrin (1698) de Boileau, poème héroï-comique dans lequel, on voit une communauté de chanoines en folie se disputer à grands coups de livres tirés de la bibliothèque. Après avoir coudoyé l'un de ses homologues en passant, puis esquivé un projectile en retour, « bouillant de zèle et de courage », le sacristain Boisrude, qui porte bien son nom, se saisit à son tour d'un ouvrage, « se cache, approche, et droit entre les yeux, frappe du noble écrit » son adversaire. Mais « le livre, sans vigueur, mollit contre sa tête. »

7. Allusion à Diogène de Sinope, dit Diogène le cynique, qui, parcourant les rues, brandissait sa lanterne allumée en plein jour et l'approchait du visage des passants, disant : « Je cherche un homme. »

8. Il s'agit de Félix Lepeletier de Saint-Fargeau, frère cadet du conventionnel Louis Michel Lepeletier de Saint-Fargeau. Au début de la Révolution française, il sert comme aide de camp auprès du prince de Lambesc, parent de Marie-Antoinette et commandant du régiment de cavalerie Royal-Allemand. Alors que la plupart des hommes de sa famille émigrent, il choisit de rester à Paris et habite, auprès de sa mère, l'hôtel Lepeletier, place Vendôme, à la différence de son frère aîné, très engagé dans le processus révolutionnaire. « Beau jeune homme de 23 ans, il est connu alors dans Paris pour ses frasques amoureuses, que la presse relate en parlant des conquêtes du "blondinet" ou de "l'Alcibiade de la Révolution". Parmi ses nombreuses maîtresses, il compte Thérésa Cabarrus, alors épouse du marquis de Fontenay, et on lui prête une aventure avec Joséphine de Beauharnais » [Wikipedia]. Il se lie également avec Barras. Après la mort de son frère aîné, assassiné le 20 janvier 1793 par un ancien garde du corps du Roi, élevé au rang de martyr national et célébré au Panthéon, Félix Lepeletier se saisit du culte rendu à la mémoire de ce frère aimé, est admis grâce à Robespierre au club des Jacobins et en devient le secrétaire. Après le 9 Thermidor, il entre au club du Panthéon, puis au Directoire secret de salut public du mouvement babouvisme, et use de sa fortune pour soutenir divers journaux ainsi que les activités de Gracchus Babeuf. Quand la conjuration des Égaux se découvre, il échappe aux poursuites grâce à la protection de Barras. Malgré des traverses, dont divers séjours en prison ou périodes d'exil, il continuera toute sa vie durant de mener une vie et des actions conformes à son idéal néo-jacobin.
Mais Edme Bonaventure Courtois, dans une des notes qui suivent sa Préface, rappelle ou insinue toutefois ceci : « Plus d'un député se souviendra de la franchise avec laquelle le représentant du peuple Maure s'exprimoit sur le patriotisme de Félix Lepeletier, que son frère, disoit-il, avoit détourné du dessein qu'il avoit d'émigrer par haine de la révolution. Ce ne fut qu'après les instances les plus pressantes et les plus grands sacrifices que Michel Lepeletier parvint à l'en empêcher. » (op. cité, p. 26).

9. Jean Nicolas Pache (Verdun, 5 mai 1746-18 novembre 1823, Thin-le-Moutier, Ardennes), membre de la Convention girondine, ministre de la guerre du 3 octobre 1792 au 31 janvier 1793, maire de Paris du 14 février 1793 au 10 mai 1794 ; soupçonné un temps de complicité avec Vincent, Ronsin, Chaumette, Momoro ou Hébert dans le projet d'établissement d'un grand Juge.

10. Antoine François Momoro (Besançon, 13 novembre 1755-24 mars 1794, Paris), imprimeur-libraire, journaliste, engagé en politique au club des Cordeliers, proche des Enragés ; ardent partisan de la déchristianisation, auteur de la devise de la République, Liberté, Égalité,Fraternité. Après avoir œuvré à la chute des Girondins dans la lutte qui oppose la Commune à la Convention, il participe aux attaques contre Danton, puis contre Robespierre, qu’il accuse de modérantisme. Il est arrêté puis guillotiné le 24 mars 1794 avec les Hébertistes.

11. Jacques René Hébert (Alençon, 15 novembre 1757-24 mars 1794, Paris), pamphlétaire, agitateur, membre du club des Cordeliers, créateur du journal et du personnage du Père Duchesne, membre du ministère de la guerre sous Jean Nicolas Pache, opposant au Comité de salut public et aux Indulgents, accusé de complot avec les puissances extérieures, guillotiné le 24 mars 1794.

12. Pierre Gaspard Chaumette, dit Anaxagore Chaumette (Nevers, 24 mai 1763 à Nevers-13 avril 1794, Paris), fils d'un maître cordonnier de Nevers, d'abord mousse, puis timonier dans la marine de guerre, puis infirmier chirurgien. À Paris, il devient membre du club des Cordeliers, puis procureur de la Commune de Paris. Ami d'Hébert, il se veut porte-parole des sans-culottes, artisan de la déchristianisation, partisan de l'abolition de l'esclavage. Accusé de conspiration morale contre la République, il est guillotiné le 13 avril 1794 avec un groupe d'Exagérés et de modérés.

13. Charles Philippe Ronsin (Soissons, 1er décembre 1751-24 mars 1794, Paris), fils d'un maître tonnelier, caporal au régiment d'Aunis, puis précepteur et dramaturge à Paris, lié avec Jacques Louis David. En novembre 1792, il se voit confier diverses missions auprès de l'armée du Nord de Dumouriez. Le 23 avril 1793 il est nommé adjoint du ministre de la guerre Bouchotte, et chargé alors d'assister en Vendée les envoyés en mission de la Convention. Le 4 juillet 1793, il est nommé général de brigade à l'armée des côtes de La Rochelle. « Violent et d'un tempérament emporté, il se révèle cependant un bon administrateur, honnête et intelligent, dans ses différentes fonctions. Adversaire du modérantisme, il défend devant les Cordeliers l'appel à l'insurrection des Hébertistes le 2 mars 1794 ; puis cinq jours plus tard, revenant sur ses propos, il défend un programme d'union des républicains. « Ses maladresses favorisent la thèse d'un complot militaire, visant à remplacer le gouvernement révolutionnaire par une dictature militaire, avec l'aide de l'armée révolutionnaire, défendue par Fouquier-Tinville, qui le présente comme un nouveau Cromwell » [Wikipedia]. Arrêté le 14 mars, il est guillotiné avec les Hébertistes le 24 mars 1794.

14. Jacques Roux, dit le Curé rouge ou le petit Marat (Pranzac, Charente, 21 août 1752-10 février 1794, mort par suicide dans la prison de Bicêtre), prêtre. Nommé en septembre 1788 vicaire de Saint-Thomas-de-Conac, Charente-Maritime, il est accusé deux ans plus tard d'avoir été l'instigateur des troubles très graves survenus le 25 avril 1790 à propos de l'abolition des droits féodaux. Frappé alors d'interdit par les autorités ecclésiastiques, il gagne Paris en mai 1790, où il prête serment à la Constitution Civile du Clergé le 16 janvier 1791, et où il devient vicaire constitutionnel de l'église Saint Nicolas des Champs. Dans le même temps, il entre au club des Cordeliers. Membre du conseil général de la commune de Paris, il est chargé par elle d'accompagner Louis XVI à la guillotine et de rédiger le compte-rendu de l'exécution. Très populaire auprès des sans-culottes, il devient leur porte-parole dans le cadre du mouvement des Enragés. On l'accuse alors à la Convention d'être responsable des émeutes de subsistance qui éclatent en février 1793. Le 25 juin, il défend à la Convention le Manifeste des Enragés, dans lequel il attaque violemment Girondins et députés de la Montagne. Il est exclu alors du club des Cordeliers. Robespierre et Marat se font en outre de plus en plus menaçants à son endroit. Le 5 septembre, il est arrêté et enfermé à Sainte-Pélagie, d'où il continue de publier Le Publiciste de la République française, journal dont il a pris la suite après l'assassinat de Marat. Le 12 janvier 1794, il se trouve produit devant le tribunal révolutionnaire. Tentant de se suicider, il se blesse de plusieurs coups de couteau à la poitrine. Transféré à l'infirmerie de la prison de Bicêtre et toujours décidé à se suicider, il s'y laisse mourir le 10 février 1794.

15. « On appelait queues les rassemblemens qui se faisoient aux portes des boulangers, épiciers, en un mot de tous les marchands de comestibles. Ces queues, trop prolongées, inquiétaient le dictateur : il s'en formoit souvent, dont le cordon commençoit à la maison de la fruitière de l'Assomption, rue Honoré, et étendoit quelquefois ses derniers anneaux jusqu'en face de la maison du menuisier Duplay, où demeurait le tyran. » In Edme Bonaventure Courtois, op. cité, notes consécutives à la Préface, p. 30.

16. « Norcia, ou Norsia, ou Nursia, petite ville d’Italie, dans l’Ombrie, au duché de Spolete, autrefois épiscopale. Quoique sujette au pape, son gouvernement est en forme de république. Elle élit quatre magistrats qui-ne doivent savoir ni lire ni écrire. On voit qu’il ne tiendroit pas à cette bicoque de ramener la barbarie au sein de l’Italie. » In L'Encyclopédie, 1re éd., 1765, tome 11, p. 226.

17. Céphas : nom araméen de l'apôtre Pierre. « Et il le conduisit vers Jésus. Jésus, l'ayant regardé, dit : Tu es Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas ce qui signifie Pierre ». Jean, 1.42.

18. Jean Baptiste Carrier (Yolet, près d'Aurillac, 16 mars 1756-26 frimaire an III (16 décembre 1794, Paris), député du Cantal à la Convention, régicide. Après avoir œuvré à l'établissement du Tribunal révolutionnaire et à la chute des Girondins, il est envoyé en mission en Normandie, puis à Nantes, où il multiplie massacres, fusillades, noyades, et dénonciations des autres représentants pour modérantisme, entre décembre 1793 et février 1794. Dénoncé alors auprès de Robespierre, il prémédite la chute de ce dernier et prend une part active aux événements du 8 et 9 thermidor. Lâché par ses complices, il est arrêté le 3 septembre 1794 et guillotiné en place de Grève le 26 frimaire an III (16 décembre 1794).

19. Guislain François Joseph Le Bon (Arras, 25 septembre 1765-16 octobre 1795, Amiens), issu d'une famille modeste, élevé chez les Oratoriens, ordonné prêtre en décembre 1789, nommé curé constitutionnel de Neuville-Vitasse, Pas-de-Calais, le 8 juin 1791. Après avoir renoncé au sacerdoce en août 1792 et épousé sa cousine germaine, il devient membre du Directoire de son département du 11 octobre 1792 au 1er juillet 1793, puis député à la Convention, où il siège dans les rangs des Montagnards du 1er juillet 1793 au 16 octobre 1795, puis élu au Comité de sûreté générale le 14 septembre, où il est, avec Le Bas, l'un des fidèles de Robespierre. D'abord accusé de tiédeur dans ses premières missions, il déploie ensuite avec une telle rigueur les mesures nationales qu'on le taxe désormais d'Exagéré. Accusé à ce titre après Thermidor, il est arrêté et enfermé durant quatorze mois, puis traduit devant le Tribunal révolutionnaire et exécuté à Amiens le 24 vendémiaire an IV (16 octobre 1795).

20. Membre du Grand Comité de salut public. Cf. Christine Belcikowski, Vu par Pierre Michon, Robespierre parmi les Onze.

21. Marc Guillaume Alexis Vadier (Pamiers, 17 juillet 1736-14 décembre 1828, Bruxelles), surnommé « le grand Inquisiteur », engagé volontaire de 1753 à décembre 175 7au régiment de Piémont infanterie, seigneur ensuite de Peyroutet, avocat, conseiller à la sénéchaussée et au présidial de Pamiers, élu en 1789 député du tiers représentant de la sénéchaussée de Pamiers aux États généraux de 1789, député à l'Assemblée constituante en 1789-1791, initiateur de la création du département de l'Ariège, député à la Convention, régicide. En septembre 1793, il devient président et doyen du Comité de sûreté générale. En nivôse an II (janvier 1794), il dénonce François Chabot, Joseph Delaunay dit d'Angers, Jean Julien dit de « Toulouse », Fabre d'Églantine et Basire, pour spéculations crapuleuses en rapport avec la liquidation de la Compagnie des Indes. Il dénonce également Camille Desmoulins qui l'a mis en cause avec son ami Bertrand Barère dans le Vieux Cordelier. Après le vote de la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) qui supprime les débats publics au Tribunal révolutionnaire, il fait guillotiner plusieurs notables de Pamiers avec lesquels il se trouve depuis longtemps en conflit. Il vilipende à l'Assemblée le mysticisme de Robespierre et contribue ainsi à l'avénement du 9 thermidor. Après la chute de Robespierre, il est condamné à la déportation, mais s'enfuit et se cache. Il est emprisonné ensuite jusqu’à l’an VIII (1799) pour participation à la conjuration de Babeuf, puis exilé comme régicide en 1816. Il meurt à Bruxelles où il a sa tombe à côté de celle du peintre Jacques Louis David.

22. Jean Pierre André Amar, dit Amar le Farouche, (Grenoble, 11 mai 1755-21 décembre 1816, Paris), est un avocat et homme politique français, député de l'Isère à la Convention nationale, régicide, adversaire acharné des Girondins. Montagnard fougueux, il s'attaque tout spécialement aux prêtres et aux émigrés, et fait appliquer avec la plus grande sévérité la loi relative aux suspects. Peu avant la 9 Thermidor, il se déclare violemment contre Robespierre et contribue à sa chute. Arrêté une première fois après Thermidor, puis une seconde fois comme complice de Babeuf dans la conjuration des Égaux, il échappe finalement aux poursuites. Il passe les dernières années de sa vie à traduire l'œuvre du théologien et philosophe suédois Emanuel Swedenborg.

23. Jean Henri Voulland (Uzès, 11 octobre 1751-23 février 1801, Paris), ex-subdélégué de l'intendant du Languedoc, élu député du Tiers état de la sénéchaussée de Nîmes et de Beaucaire aux États généraux, membre du tribunal de cassation le 9 mars 1791, puis juge au tribunal d’Uzès le 1er avril suivant, secrétaire du club des Feuillants sous la présidence de Barère, puis élu député du Gard à la Convention, où il siège sur les bancs de la Montagne, régicide. Entré au Comité de sûreté générale le 14 septembre 1793, il en devient secrétaire le 19 septembre 1793, puis président le 16 frimaire an II (6 décembre 1793), et il s'y fait alors remarquer « par ses rigueurs, par ses emportements et par l’intempérance de son langage ». Le 9 Thermidor, il contribue à la mise hors la loi de Robespierre et de ses fidèles. Après Thermidor, il doit se cacher jusqu'à l’amnistie générale de brumaire an IV.

24. Élie Lacoste (Montignac, Dordogne, 18 septembre 1745-26 novembre 1806, Montignac), médecin, élu à l'Assemblée législative, puis à la Convention, régicide, élu au Comité de sûreté générale en 1793, envoyé en novembre 1793 à l'armée du Rhin et de la Moselle, où il entre en conflit avec Saint-Just pour y avoir nommé Lazare Hoche plutôt que Jean Charles Pichegru. Le 9 thermidor an II, il critique les dernières décisions de Robespierre, demande l'arrestation de Couthon et de Saint-Just, mais prend la défense des autres membres des comités. Décrété d'arrestation le 1er prairial an III (20 mai 1795), puis amnistié, le 4 brumaire, il retourne ensuite à la médecine en Dordogne.

25. « Bière des vivans » : charrette des condamnés à la guillotine.

26. Pierre Nicolas Philippeaux (Ferrières, Oise, 9 novembre 1754-16 germinal an II, 5 avril 1794), avocat, puis juge, créateur du journal le Défenseur de la liberté, député de la Sarthe à la Convention, régicide. Envoyé en mission en Vendée, il dénonce l'incurie du général Ronsin et celle aussi des émissaires du ministre de la guerre Bouchotte. Collot d'Herbois, Carrier et Saint-Just l'accusent alors de manquer à la solidarité révolutionnaire. Il est guillotiné avec les dantonismes dans la nuit du 30 au 31 mars 1794.

27. Mathan, prêtre de Baâl, tué devant l'autel de ce faux dieu, par les ordres du grand prêtre Joïada, vers l'an 880 avant J.-C. In François Xavier Feller, Dictionnaire historique, vol. 9, huitième édition, Lille, Lefort, Imprimeur-Libraire, s.d., p. 24.

28. Alcide est, dans la mythologie grecque, le premier nom d'Hercule. Edme Bonaventure Courtois désigne sous ce nom Robespierre, dont on avait pu croire qu'il aurait « enfermé la Terreur dans sa tombe », comme Hercule aurait emporté dans sa mort ses redoutables flèches et fait jurer à Philoctète, son fidèle compagnon, qu'il ne révèlerait jamais le lieu de sa sépulture ni ne prêterait à quiconque ses flèches. Mais les Grecs, qui ont besoin de telles flèches pour l'emporter sur les Troyens, obtiennent de Philoctète qu'il leur désigne, au moins du pied, le lieu des cendres d'Hercule et, par suite, qu'il mette à leur service les fameuses flèches.

29. Nabis : dernier roi de Sparte, réputé cruel, qui a régné de 205 à 192 av. J.-C.

30. Allusion aux massacres de septembre 1792.

31. Dracon, en grec ancien Δράκων (Drákôn) est un législateur qui a établi à Athènes au VIIe siècle av. J.-C.des lois très sévères, dites « lois de sang », qui rendaient quasiment tous les crimes, dont le vol, passibles de mort.

32. Étienne Christophe Maignet (Ambert, 9 juillet 1758-22 octobre 1834, Ambert), avocat, député du Puy-de-Dôme à la Convention. Représentant en mission, il participe à la répression des insurrections fédéralistes, notamment lors du siège de Lyon. Inquiété pendant la réaction thermidorienne, il reprend ensuite ses activités d'avocat dans son pays natal.

33. Menée au cri de « du pain et la Constitution de l'an I » (constitution de 1793), marquée par l'assassinat de Jean Bertrand Féraud, député des Hautes-Pyrénées, l’insurrection du 1er prairial an III (20 mai 1795), se trouve rapidement réprimée par le général Jacques François Menou. Sa répression met un terme au projet de restauration d'un gouvernement révolutionnaire dominé par les Montagnards.

34. Insurrection du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) : tentative de coup de force menée par les royalistes à Paris contre la Convention thermidorienne.

35. Le prophète Michée a vécu au temps d'Ézéchias, roi de Juda qui a régné de 729 à 688 av. J.-C. Son message se trouve recueilli dans un livre de l'Ancien Testament. Il dénonce l'instrumentalisation de la religion pour cacher les injustices sociales et prédit la destruction de Jérusalem et de son Temple ainsi que l'Exil à Babylone, avant la délivrance et la survenue d'un roi sauveur à Bethléem.

36. Colaphisé : souffleté.

37. Jérôme Savonarole, en italien Girolamo Savonarola, né à Ferrare le 21 ou 24 septembre 1452, mort pendu et brûlé [« cuit »] à Florence le 23 mai 1498, frère dominicain, prédicateur et réformateur italien, qui a institué et dirigé la dictature théocratique de Florence de 1494 à 1498.

38. Les sibyllins de Matthieu Lansberg, ou L'Almanach de Liége, dit aussi ou Almanach Matthieu Lansberg : publication annuelle parue depuis le XVIIe siècle, qui a duré jusqu'en 1792, moment où la révolution liégeoise met fin la principauté de Liège, et qui dévoilait les influences des astres sur le cours des choses humaines, tout en prodiguant des conseils pratiques, médicaux et ménagers, des histoires et des anecdotes sur les affaires du temps.

39. Citation tirée de l'Apocalypse, 17.4 : Et habebat poculum aureum in manu sua plenum abominationum et immunditiae fornicationis totius terrae. « Elle tenait dans sa main une coupe d'or, remplie d'abominations et des immondes fornications de toute la terre ». La femme, qui apparaît dans l'Apocalypse assise sur une bête à sept têtes et à dix cornes et qui tient dans sa main la coupe d'or, c'est, au dire de l'ange, « Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre, ivre du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus ». C'est par suite, dans le discours d'Edme Bonaventure Courtois, Robespierre et les siens, puis Babeuf et tous les néo-jacobins.

40. Quos ego..., aposiopèse, figure rhétorique du sous-entendu, empruntée à Virgile . Au début de l’Énéïde, (I, 135), Neptune s’en prend aux vents qui ont osé agiter la mer sans son ordre et les menace ainsi : Quos ego…, Vous que, moi, je vais… Mais il laisse sa menace en suspens car il a mieux à faire que de calmer les flots par lesquels Énée se trouve balloté.

41. Allusion à la trahison de Jacques Louis David qui, après avoir déclaré qu'il mourrait avec Robespierre, s'est abstenu de paraître les 9 et 10 thermidor et a pu ainsi survivre à son ami.

42. Goliath : figure ici de Danton.

43. Citation probablement empruntée au Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, qui l'emprunte lui-même à Germain Chevreau dans une lettre adressée à La Ménardière à propos du poète italien Castelvetro : « Je viens d'achever de lire votre Poétique, où vous traitez Castelvetro d'une étrange sorte : et peut-être qu'autrefois vous n'y eussiez pas trouvé votre compte, s'il est vrai ce que Pasquin lui a reproché en quelque endroit, qu'il "passoit de de la langue aux mains, de la plume au fer, de l'encre au sang ; et qu'il ait fait assassiner un fort galant homme qui avait pris la liberté de lui contredire". Urbain Chevreau, Œuvres mêlées, première partie, La Haye, chez Adrian Moetjens, 1697, p. 330.

44. L'Encyclopédie, 1e édition, 1751, tome 13, p. 538 : « Psaphon est dans la mythologie un des dieux qu’adoroient les Lybiens, et qui dut sa divinité à un stratagème. Après avoir appris à quelques oiseaux à dire : Psaphon est un grand dieu, il les lâcha dans les bois, où ils répétèrent si souvent ces paroles, qu’à la fin les peuples crurent qu’ils étoient inspirés des dieux et rendirent à Psaphon les honneurs divins après sa mort : de là vint le proverbe, les oiseaux de Psaphon. Ce conte, assez plaisant, est tiré d’Elien », Élien le Sophiste, auteur romain de langue grecque, né vers 175 à Préneste et mort vers 235 à Rome.

45. Le marchand de fourneaux Duchesne, personnage créé et endossé en 1790 par Jacques René Hébert dans son Père Duchesne et rédigé de façon ostensiblement grossière.

46. Ignace de Loyola (Loiola, Espagne, 1491-31 juillet 1556, Rome), fondateur et premier Supérieur général de la Compagnie de Jésus.

47. Les Gracques : Tiberius Gracchus et Caius Gracchus, preneurs de la plèbe, frères connus pour avoir tenté en vain de réformer le système social romain. Tiberius Gracchus est tué en 132 av. J.-C. ; Caïus Gracchus, en 121 av. J.-C.

48. Anytus ou Anytos, stratège en 409 av. J.-C., chef des accusateurs dans le procès contre Socrate.

49. Le bouvier d'Ulysse se nommait Philétios. Demeuré fidèle à son maître pendant la longue absence de celui-ci, il le reconnaît lors de son retour et entreprend de se saisir des prétendants qui assiègent la porte de Pénélope. Il se trouve qualifié de « divin bouvier » par assimilation au « divin Ulysse ».

50. En l'an 59, Publius Clodius Thrasea Pætus, sénateur romain et philosophe stoïcien, montre ouvertement le dégoût que lui inspirent le comportement de Néron et l'obséquiosité du sénat. Néron lui donne l'ordre de se suicider en 66.

51. Publius Paquius Proculus, procurateur dévoué à Néron, comme Antonelle le sera plus tard à Robespierre.

52. François Eudes, sieur de Mézeray (Ri, Orne, 1610-10 juillet 1683, Paris), commissaire des guerres, historien et historiographe, académicien, auteur entre autres d'un Abrégé chronologique de l'histoire de France.

53. Latos humeros : « larges épaules », trait physique par où se distingue le héros, descendu chercher son père Anchise aux Enfers, dans l'Énéide (II, 721) de Virgile.

54. Reconnue par tous les habitants du ciel et de la terre, l'autorité de Jupiter se trouve cependant contrariée par Junon, son épouse, qui a ourdi contre lui une conspiration des dieux. Grâce au concours de Thétis et à l'intervention du terrible géant Briarée, cette conspiration est est rapidement étouffée, et l'Olympe se trouve reconduit à la seule autorité de Jupiter.

55. Esprit Joseph Chaudon,Les Imposteurs démasqués et les Usurpateurs punis, Nyon, 1776, p. 310 : « MAZANIELLO, l’an 1646. Le royaume de Naples, théatre de plusieurs révolutions, fut désolé vers le milieu du dernier siècle, par des factions populaires. La domination Espagnole paroissoit insupportable à ce peuple, aujourd’hui si heureux sous le gouvernement des Bourbons, et il tenta de la secouer en 1646. Un fruitier âgé de 14 ans, qui se mêloit aussi de vendre du poisson, nommé Thomas Aniello ou Mazaniello, fut inquiété par les fermiers de la taxe sur le fruit, à l’occasion d’un panier de pommes qu’il avoit exposé en vente dans le marché. Le peuple lassé des impositions excessives dont il étoit surchargé, murmuroit depuis longtems contre la dureté du gouvernement, et Mazaniello étoit des plus animés. Comme les receveurs le pressoient, outré de leur avarice, il prit les pommes, et les jeta à terre, en réclamant le secours du peuple. Lorsque les commis se présentèrent de nouveau pour lever l’impôt sur le fruit, ils furent repoussés à coups de pierres. Le nombre des rebelles augmenta considérablement ; on en comptoit jusqu’à 10.000, tous prêts à exécuter les ordres de leur chef. Mazaniello les mena d’abord au bureau des gabelles, où ils mirent le feu, en criant : Vive le roi, au diable le mauvais gouvernement. De là ils coururent au palais du vice-roi : les 2000 jeunes gens qui s’étoient d’abord enrôlés au service de Mazaniello étoient à la tête, portant en guise d’étendard un chiffon de toile noire, attaché au bout d’une canne, & tenant à la pointe de leurs hallebardes & de leurs bâtons le pain que les boulangers leur vendoient fort cher, à cause des taxes. ils arrivèrent aux prisons de Saint-Jacques. Ils en tirèrent tous les prisonniers, et les associèrent à leur rébellion. Ensuite s’étant rendus au palais du vice-roi, ils forcèrent la garde et les postes, et exigèrent qu’on leur exhibât l’original des privileges accordés à leur ville par l’empereur Charles-Quint. Le duc d’Arcos le leur accorda sur le champ ; on ne pouvoit guere le leur refuser avec sûreté. Après avoir obtenu cette première demande, ils en firent une seconde ; ce fut d’exiger de lui qu’il consentît à accepter Mazaniello pour collegue dans le gouvernement ; le duc fut encore réduit à leur accorder cet article. Ainsi Mazaniello, de pêcheur se vit tout-à-coup vice-roi. Le nouveau gouverneur qui se plaisoit à seconder la fureur de tous ces rébelles, sacrifia à leur haine soixante des plus beaux palais, qui furent bridés sans miséricorde : vaisselle, meubles, papiers, tout fut consumé par le feu, sans qu’on en pût sauver la moindre chose. Les massacres succédèrent bientôt à l’incendie ; tout étoit suspect au féroce Mazaniello, et la mort suivoit de près ses plus légères défiances. Naples passa sept jours entiers dans ces horreurs, plus dignes d’un peuple barbare que des hommes policés. Enfin lorsque la rage fut assouvie, on parla de paix ; Mazaniello la donna telle qu’il voulut, et en souverain. On chanta le Te Deum, comme pour une victoire. Mazaniello se produisit dans les rues de Naples comme un triomphateur ; il harangua le peuple, mêlant dans ses discours tantôt le soleil, tantôt la lune, et montrant dans ses propos, ainsi que dans sa conduite, le plus insensé des tyrans. Mais son triomphe fut de peu de durée, il ne survécut que deux jours à la gloire du traité. Les honneurs qu’on lui rendoit, la bonne chère et les veilles qu’il avoit employées à régler toutes choses comme il avoit imaginé, et d’une manière infiniment bizarre, lui avoient si fort dérangé la cervelle, que ses extravagances ayant attiré le mépris public, le vice-roi le fit tuer à coups d’arquebuse ; un boucher lui coupa la tête, et on la promena sur la pointe d’une hallebarde. Son corps fut traîné par les rues, sans que le peuple se mît en peine de l’empêcher. Ses principaux complices eurent le même sort que lui. »

56. Cf. Christine Belcikowski, Le 9 Thermidor vu par Alfred de Vigny en 1832 dans Stello ou les Diables bleus.

57. Sporus, jeune favori de l'empereur Néron, qui le fait castrer, puis l'épouse, en raison, dit-on, de sa ressemblance avec Poppée, sa défunte épouse. C'est au même Sporus que Néron demande de prononcer les lamentations rituelles avant de se suicider.

58. Anicet, ancien précepteur de Néron, esclave affranchi qui devient commandant de la flotte de Misène, puis exécuteur des basses œuvres de Néron, en assassinant Agrippine le 23 mars 59, puis en séduisant l'impératrice Octavie, permettant ainsi à Néron de la répudier, puis de l'assassiner en 62. Après la mort de Néron, Anicet finit tranquillement sa vie en Sardaigne.

59. Cf. J. Rousset, Un chirurgien jacobin, «L’infernal» Achard. Albums du Crocodile, 1964, n°ˢ 1 et 2, p. 42. « En fait, victime de Courtois qui l’accable dans son rapport de nivôse an III. Chirurgien : entendons un petit bourgeois tenant une méchante boutique, place Grenouille, entre un apothicaire et un marchand d’habits. Jacques Achard appartenait au milieu social qui donna ses cadres à la sans-culotterie urbaine. Carrière exemplaire de militant révolutionnaire, prenant appui sur le club local, assez connu dès le printemps 1792 pour que ses discours soient imprimés. Après l’insurrection contre-révolutionnaire du 29 mai 1792, Achard échappe à l’arrestation ; on le retrouve pendant le siège au quartier général de l'armée de la Convention. Agent national de Commune-Affranchie le 16 nivôse an II (5 janvier 1794), il se heurte à la Commission temporaire formée surtout de révolutionnaires parisiens. Démissionnaire le ler germinal (21 mars), chargé de porter une adresse de la société populaire à la Convention, il aurait contribué au rappel de Fouché. englobé dans la répression anti-robespierriste ; il ne fut libéré qu’en octobre 1795. Sa trace se perd ensuite ». Pour un autre point vue sur Achard, cf. Michel Biard, Familles lyonnaise victimes du siège de Lyon en 1793.

60. Agricol Moureau (Avignon, 6 novembre 1766-23 décembre 1842, Aix-en-Provence), prêtre défroqué devenu jacobin, rédacteur au Courrier d'Avignon, initiateur de la création du département de Vaucluse, administrateur du directoire de ce département et commissaire du Directoire à Paris, surnommé le « Sans-culotte du Midi ». À la suite de la mort de son neveu Joseph Agricol Viala face aux fédéralistes des Bouches-du-Rhône le 5 juillet 1793, il rencontre Robespierre qui fait du jeune Viala un martyr de la Révolution à l'égal du jeune Bara. Du 1er messidor au 17 thermidor de l'An II (19 juin au 4 août 1794), Agricol Moureau fait régner la Terreur dans son département. Le tribunal envoie à l'échafaud 322 personnes sur les 583 qui comparaissent. Il échappe par la fuite aux troubles de Thermidor. Dès 1795, il est nommé juge au tribunal criminel du Vaucluse. Accusé ensuite d'avoir couvert le le 26 pluviose an V (14 février 1797) l'exécution sommaire de cinq royalistes, il doit fuir et se cacher encore. Bientôt acquitté par le tribunal de Grenoble, il reprend dès lors sa carrière politique.

61. François Trinchard, natif de Montpellier, monté à Paris pour s'y faire petit menuisier dans la section du Muséum. En août 1793, grâce au soutien de Lescot-Fleuriot, premier substitut de Fouquier-Tinville, il est nommé juré au tribunal révolutionnaire. « "Un juré révolutionnaire n'est pas un juré ordinaire », dira-t-il un peu plus tard ; « nous n'étions pas des hommes de loi, nous étions de bons sans-culottes, des hommes purs, des hommes de la nature ». Dans le même temps, il devient président de la commission populaire du Muséum. Le 10 thermidor, il est dénoncé pour « avoir voté seul contre des accusés que les autres jurés jugeaient innocents », puis arrêté et incarcéré. Le 17 floréal an III, bien que convaincu d'avoir été le complice des « des manœuvres et des complots qui tendaient à favoriser les projets liberticides des ennemis du peuple et de la République », il est acquitté par le tribunal au motif qu'il avait « agi sans mauvaises intentions ». Il ne sera pourtant libéré que le 19 vendémiaire an IV. Suite à quoi, on perd sa trace. Cf. Le citoyen Trinchard, juré au tribunal révolutionnaire, « homme de la nature ».

62. Allusion aux Géants de la mythologie grecque, qui prétendaient vouloir atteindre les cieux en empilant en Thessalie le mont Pélion sur le mont Ossa.

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