Bois de rose
Rue Ménars, Jean Baptiste Cloots, dit Anacharsis Cloots,
avant de monter à la guillotine,
dernier de sa charrette
et à la bravade,
— il prêcha le matérialisme jusqu'au dernier soupir —
serrait ses papiers dans un petit secrétaire
en bois de rose…
en bois de rose…
Bois de rose…
de ce rose autrement appelé sang dragon…
Qu’est-ce qui luit pour toi dans ce rose du bois,
qu’est-ce qui luit là,
fruit de sa phosphorescence première,
et qui, oh ! stupeur d'un vieil alchimiste (1) !
ne brûle pas dans l’air ?
Bois de rose...
de ce rose autrement appelé nacarat...
Qu’est-ce qui bruit pour toi dans ce rose du bois,
Qu’est-ce qui bruit là,
fruit de sa sonance première,
et qui, oh ! Père Castel (2) ! se fait entendre
sans personne qui joue d'aucun clavecin oculaire ?
Bois de rose...
Qu'est-ce qui luit dans le rose du bois ?
Qu'est-ce qui bruit dans le rose du bois ?
Qu'est ce qui luit là,
comme l’eau vive
qui court sans fin
au pied des grandes balsamines ?
Qu'est-ce qui bruit là,
comme châtaignes
qu’on jette dans la braise
un soir, sans même les ouvrir ?
Fais silence
et laisse venir à toi
ce qui lève dans le pas d'un mot,
d'un mot de hasard...
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1. Hennig Brand (ca 1630-1692), alchimiste souffleur de verre de Hambourg, est en 1669 le découvreur du phosphore.
2. Louis Bertrand Castel (Montpellier, 1688-1757, Paris), père jésuite, mathématicien, physicien, auteur, entre autres, de L'Optique des couleurs (1740) et d'un projet de création d'un clavecin oculaire. Cf. Christine Belcikowski, Le clavecin oculaire.