Les mots viennent ensuite,
acolytes des figures mouvantes
du ciel, de l’eau,
de l’herbe, du vent,
et de la terre aussi,
alma mater,
du feu qui brasille dans la cheminée,
et de la nuit qui pense,
des choses,
lourdes, lentes, muettes,
des visages, des corps,
qui affluent de toutes parts
à la façon des bêtes
alentour des sources.
Les mots viennent ensuite,
acolytes des impressions
toujours neuves
dont le vif peuple les chambres
obscures
de nos âmes errantes,
— le vif de nos heures,
le vif de nos destinées.
Καθόλου δὲ περὶ πάσης αἰσθήσεως δεῖ λαβεῖν ὅτι ἡ μὲν αἴσθησίς ἐστι τὸ δεκτικὸν τῶν αἰσθητῶν εἰδῶν ἄνευ τῆς ὕλης, οἷον ὁ κηρὸς τοῦ δακτυλίου ἄνευ τοῦ σιδήρου καὶ τοῦ χρυσοῦ δέχεται τὸ σημεῖον, λαμβάνει δὲ τὸ χρυσοῦν ἢ τὸ χαλκοῦν σημεῖον, ἀλλ’ οὐχ ᾗ χρυσὸς ἢ χαλκός·
Il va de soi, concernant nos sens, que le sens est là ce qui reçoit les formes sensibles sans la matière, comme la cire reçoit l’empreinte de l’anneau sans le fer ou l’or dont l’anneau est composé, et garde cette empreinte d’airain ou d’or, mais non pas en tant qu’or ou airain. ((Aristote. De l’âme. II. XII. 424a 17.))
Jacques Bénigne Bossuet,
le grand Bossuet,
avec ses mots à lui,
ne dit pas autre chose :
« Il se fait, dans toutes nos sensations, une impression réelle et corporelle sur nos organes ; mais elle vient immédiatement ou originairement de l’objet. »((Bossuet. Connaissance de Dieu et de soi-même. Edition Firmin-Didot. Paris. 1881.))
Du vif de l’objet,
du vif de nos heures,
du vif de nos destinées.
Les mots viennent ensuite,
acolytes des impressions
toujours neuves
dont le vif bigarre
nos âmes en attente,
livrées au hasard
d’un choc de rayons,
au hasard de l’empreinte
que reçoit la cire,
et qu’elle garde
sans l’airain ni l’or.
Viens et vois,
de tous tes sens.
Sors et vois,
de tous tes sens.
Raconte-moi,
dit le Zohar.
Les mots viennent ensuite,
acolytes du hasard,
et ils le racontent.
Mais nos impressions
toutes vives
demeurent, dans le secret
de nos âmes errantes,
dans le secret de la cire
qui reçoit les formes sensibles
sans la matière,
figures sans héritiers.