Une visite au château de La Serpent, Aude, en 1908

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Ci-dessus : « Un petit chemin nous amène au village de La Serpent… »

Partis de Carcassonne le 26 avril 1908 à six heures du matin, quinze membres de la Société d’études scientifiques de l’Aude se proposent ce jour-là de visiter l’église fortifiée d’Antugnac (XIe siècle), le château de La Serpent (XVIIe siècle), la Tour wisigothique de Fa ; de rechercher des fossiles « dans les riches gisements de cette région qui appartient, géologiquement parlant, au Nummulitique inférieur » ; de prendre ainsi « un excellent bain d’air et de soleil ». MM. L. Gavoy et A. Fages se font ici les rapporteurs de cette journée d’excursion, et plus spécialement de la visite, très appréciée, du château de La Serpent…

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Ci-dessus : « Un petit chemin nous amène au village de La Serpent… »

« Un petit chemin, tracé au milieu de maigres champs où n’apparaît encore aucune végétation, nous amène au village de La Serpent, où nous arrivons à 11 heures. Nous passons devant l’église, dont nous ne faisons qu’entrouvrir la porte pour examiner l’intérieur, car c’est le moment des offices. Autant que nous avons pu en juger par la forme ogivale de la voûte, sa construction remonterait au XIIIe ou au XIVe siècle.

Tout près de l’église, au Nord du village qu’il semble protéger de sa masse imposante se dresse le château. C’est un vaste édifice, élevé de trois étages, ayant la forme d’un parallélogramme, flanqué à chacun de ses angles d’une tour carrée, avec cour d’honneur au centre. Construit dans la seconde moitié du XVIIe siècle (1650 à 1680), sur le plan du château de Versailles, il offre un spécimen remarquable et parfaitement conservé de l’architecture du siècle de Louis XIV. A ce titre il se recommande à l’attention du touriste et de l’archéologue.

Informé de notre visite, le propriétaire actuel, M. A. Caizergues, industriel bien connu, est venu tout exprès de Béziers pour nous recevoir. Dès notre entrée, il nous accueille par quelques paroles aimables de bienvenue et nous invite à pénétrer dans l’ancienne demeure seigneuriale dont les portes s’ouvrent toutes grandes devant nous. Nous entrons d’abord dans une immense salle à manger où nous remarquons un buste de reine en marbre blanc ; à côté s’ouvre le salon, vaste pièce également, où deux portraits attirent notre attention : au-dessus de la cheminée, un portrait de femme en costume Louis XV, en face, un portrait d’homme revêtu d’une armure, sans doute le marquis et la marquise de Béon, auxquels appartenait jadis le château.

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Ci-dessus, de gauche à droite : portrait de Gabriel Guillaume de Béon Cazaux 1Cf. Christine Belcikowski, Enquête sur la descendance de Jean de Lomagne et de Louise de Bertrandy., maître de camp des Gardes du corps du Roy, compagnie du Luxembourg, puis Brigadier des Armes du Roy ; portrait de Christine Marie Magdeleine de Lombard de Montauroux 2Cf. Ibidem., son épouse. Source : Musique et patrimoine de Carcassonne. Une bien mystérieuse sépulture…

De vastes chambres, avec à côté des pièces plus petites réservées sans doute aux enfants et aux domestiques, occupent la plus grande partie du premier étage. Quelques-unes de ces pièces ont conservé leur ancien mobilier, lits à baldaquin, commodes Louis xv, fauteuils et chaises bizarrement contournés, etc.

Ces appartements sont desservis par un bel escalier de pierre, véritable escalier d’honneur, qui occupe le centre du bâtiment, et par des escaliers de service, de proportions moindres, qui occupent les ailes. Les murs sont d’une épaisseur remarquable. Dans cette demeure princière tout, jusqu’à la cuisine avec sa voûte et son immense cheminée en pierre, présente un air de grandeur qui rappelle le faste de l’époque du Grand Roi.

Nous sortons émerveillés.

Dans la cour d’honneur, plantée de beaux ormes dont les premiers bourgeons pointent à peine, un vin d’honneur nous est offert sous la forme d’un vermouth qui, à en juger par l’aspect poussiéreux des bouteilles, doit être d’âge vénérable.

Midi sonne. C’est l’heure du déjeuner.

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Ci-dessus : vue du château de La Serpent aujourd’hui.

Dans un coin du parc, où quelques arbustes à feuilles persistantes répandent une ombre délicieuse, nous installons nos vivres du sac et nous nous restaurons tout à notre aise en jouissant du soleil et du grand air : dîner champêtre qui ne fut rien moins que morose, je vous l’assure, grâce à certain petit vin du crû libéralement offert par notre aimable châtelain. Volontiers nous nous serions attardés en cet endroit privilégié ; mais nous avions un programme à exécuter et il était temps de partir. Nous vidons une coupe de vin mousseux à la santé de M. Caizergues et nous prenons congé en lui adressant nos meilleurs remerciements pour son accueil si hospitalier. » 3Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude, 1909, p. 6 sqq.

A suivre : Brève histoire de la seigneurie de La Serpent et de la famille Dax de La Serpent.

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