Ci-dessus : compoix de Mirepoix, 1760-1766, plan 3 : « moulon de partie du faubourg d’Amont, le Grand faux bourg Saint Jammes, rue de La Trinité, partie de celle des Houstalets, rue de la porte d’Aval, rue Courlanel, le Grand Couvert, place Saint Maurice et grande place ».
Ci-dessus, de gauche à droite : empruntée à Google Maps, vue satellite du même moulon (le positionnement des légendes relatives à l’hôtellerie mirapicienne demeure un brin approximatif sur Google Maps !) ; plan actuel du moulon.
Le moulon représenté sur le plan 3 du compoix de 1766 comprend dans son périmètre les couverts, la place, l’église, le palais épiscopal, soit le coeur vivant de la bastide primitive ; trois promenades, aménagées, à l’est, au nord, à l’ouest, après la destruction des remparts, sur le tracé des anciennes escossières 1Escossières : chemin de ronde, rue qui longe les remparts, muraille de ville où l’on peut circuler ; terme usuel dans le compoix de Mirepoix ; de l’occitan escorsièras, et du latin excursare ; cf. Louis Alibert, Dictionnaire Occitan-Français, p. 362, Institut d’Estudis Occitans, Toulouse, 1966. ; une quatrième promenade, la promenade de la porte de La Roque, créée, symétriquement aux trois premières, sur le tracé de la voie éponyme ; et les divers îlots d’habitation installés immédiatement au bord des anciennes escossières, sur les flancs est et nord de la bastide initiale.
Le moulon se trouve délimité à l’est par la rue du faubourg d’Amont, prolongée de la rue du faubourg Saint Jammes (aujourd’hui avenue Victor Hugo) ; au sud par la promenade de la porte de La Roque (aujourd’hui cours Chabaud) ; à l’ouest par la promenade de la porte d’Avail, ou d’Aval (aujourd’hui cours du Maréchal de Mirepoix) au nord par la rue de La Trinité (aujourd’hui rue Vidal-Lablache), prolongée de la rue Coin de la rue des Houstalets (aujourd’hui rue Carmontelle).
Le moulon abrite dans son périmètre quatre promenades : à l’est la promenade de la porte d’Amont (aujourd’hui cours Louis Pons-Tande), au sud la promenade de La Roque (aujourd’hui cours Chabaud), à l’ouest la promenade de la porte d’Avail (aujourd’hui cours Maréchal de Mirepoix), au nord la promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du Colonel Petitpied).
L’aménagement de promenades à l’endroit des anciennes escossières témoigne d’un souci d’embellissement en même temps qu’il répond à un besoin d’hygiène et de salubrité. Les escossières, après la destruction des remparts, étaient devenues des lieux de décharge sauvage et des latrines publiques. Les promenades plantées d’arbres, qui remplacent les dites escossières, assurent au Mirepoix du XVIIIe siècle, gagné par la nouvelle sensibilité hygiéniste 2Les premières préoccupations hygiénistes sont portées dès le début du siècle par divers membres de la communauté scientifique, médecins, chimistes, démographes, etc., dont Jacques Tenon (1724-1816), Jacques-Christophe Valmont de Bomare (1731-1807), Guillaume Daignan (1732-1812), Louis Le Pecq de La Clôture (1736-1804), Antoine Augustin Parmentier (1737-1813), Louis-Bernard Guyton de Morveau (1737-1816), Jean-Baptiste Moheau (1745-1794). Elles sont relayées à la fin du siècle par l’illustre Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794)., plus d’air et de lumière, plus de ventilation, plus de propreté, plus de santé, on l’espère. A noter sur le plan de 1766 qu’à cette date, la promenade de la porte de La Roque, plus récemment aménagée, n’est pas encore agrémentée d’arbres.
Des 3 portes auxquelles conduisent les trois promenades aménagées sur le tracé des anciennes escossières, seules la porte d’Avail et la porte d’Amont figurent sur le plan.
La porte d’Avail, avec ses traces de herse, ses pans de muraille alentour, sa tour d’angle (aujourd’hui disparue) au coin de la promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du Colonel Peitipied), constitue, en 1766 déjà, l’unique vestige des remparts du Mirepoix médiéval.
Ci-dessus, de gauche à droite : vu depuis le cours Louis Pons-Tande (autrefois promenade de la porte d’Amont), site de la porte d’Amont aujourd’hui ; même site, vu depuis l’actuelle rue Porte d’Amont.
Signalée par deux ouvrants symétriques, l’ancienne porte d’Amont, en 1766, a été convertie en barrière d’octroi.
L’ancienne porte de La Roque, quant à elle, n’existe plus, car on ne la trouve symbolisée nulle part sur plan. 3NB : Je reviendrai sur le cas de la porte de La Roque dans la suite des articles consacrés aux divers aspects du moulon présenté ici.
Trois pâtés de maisons figurent sur ce plan au sud de la place, devant la cathédrale, face au Grand Couvert. Deux seulement de ces derniers, subsistent aujourd’hui. Le troisième a été démoli pour faire place à la halle, construite à la fin du XIXe siècle dans le même style d’architecture métallique que les célèbres halles de Paris, construites entre 1852 et 1872 par Victor Baltard, détruites en 1972-1973.
Le plan de 1766 indique, au pied de l’ancien pâté de maisons, l’emplacement des mesures à blé et autres grains, utilisées lors du marché, qui se tenait sur la place. Frédéric Soulié, lors de son séjour ariégeois de 1832, a vu encore ces mesures :
Sur l’un des côtés de cette place s’élève un petit amphithéâtre, et sur cet amphithéâtre, de vastes setiers en pierre, où se mesurent le blé et les grains qui se vendent dans le marché. 4Frédéric Soulié, Deux séjours – Province, Paris, p. 279 (272), 1835.
De l’amphithéâtre signalé ici par Frédéric Soulié, on peut déduire, survenue à une date inconnue, la ruine du pâté de maisons considéré et le remploi des matériaux restants dans le bâti, sans doute grossier, de la structure invoquée. Deux des mesures vues en 1832 se trouvent aujourd’hui conservées devant l’office de tourisme de Mirepoix.
Ce pâté de maisons, aujourd’hui oublié, correspond, sur le compoix de 1766, aux parcelles 176, 177, 178, 179, lesquelles étaient alors propriété de Jean Pierre Soum, marchand (n°176), Pierre Bauzil, dit La Gouïre, baigneur (n°177), Joseph Gailhard, bourgeois (n°178), et le Vénérable Chapitre de Mirepoix (n°179).
Masquée en 1766 par ce pâté de maisons, la cathédrale, alors, ne fait pas directement partie du décor de la place. Seul le clocher pointe au-dessus des maisons. Le fait religieux, ici, demeure symboliquement dissocié de la vie civile. Il l’est ainsi depuis la fondation de la bastide en 1289. Il s’agit là, notent les historiens, d’un trait caractéristique des cités consulaires, fers de lance de la modernité naissante, qui, distinguant église et place, entendent se réapproprier la dite place, par là se rendre maîtresses du lieu et du moment de la vie publique. Une telle réappropriation demeure toutefois problématique, puisqu’à la veille de la Révolution, la place arbore toujours une croix, comme on peut le voir sur le plan de 1766.
Ci-dessus : puits aux extrémités du Grand Couvert ; puits privé, situé à l’intérieur de la maison (n°184) de François Rabinel Calzan, receveur des tailles.
Etabli avec la plus grande minutie, soucieux par ailleurs des utilités de la vie pratique, ce plan indique, outre l’emplacement des mesures à grain, celui des points d’eau, alors des puits, reconnaissables à un point verdâtre.
La place compte ainsi 2 puits, situés respectivement à chacune des extrémités du Grand Couvert. L’église cathédrale abrite également 1 ou 2 puits. Les autres puits, très nombreux, situés dans des maisons particulières, demeurent réservés à l’usage privé.
Voici, par exemple, dans son apparence actuelle, le puits de l’ancienne maison (n°184) de François Rabinel Calzan, receveur des tailles. Il se situe à l’entrée de la Salle des métiers d’art, i. e. dans la partie de cette maison qui est occupée aujourd’hui par l’office de tourisme de Mirepoix.
A suivre…
Notes