En 1921, une affaire de vente de bois du comte de Portes va en cassation

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Ci-dessus : de gauche à droite, immeuble parisien du nº 5 de la rue Montaigne, dans lequel le comte de Portes possèdait un pied-à-terre en 1921 ; château du comte de Portes à Roques, en Ariège. Le nº 5 de la rue Montaigne de 1921 correspond au nº 5 de la rue Jean Mermoz aujourd’hui. Cf. Wikipedia. Rue Mermoz : « La rue Jean Mermoz est une voie du 8e arrondissement de Paris. Elle commence au rond-point des Champs-Élysées-Marcel-Dassault et se termine rue du Faubourg-Saint-Honoré. Elle s’est appelée « rue Montaigne » jusqu’en 1937. »

Voici un article tiré d’un Recueil mensuel de jurisprudence et de législation daté de 1921. Il rend compte de l’arrêt rendu par la cour de cassation dans le cadre de l’affaire de vente de bois qui oppose Henri François Maurice de Portes, comte de Portes, à un certain C. Vuillier. Ce n’est pas l’affaire, un siècle plus tard, qui nous intéresse ici, mais le faisceau de détails qu’elle nous fournit quant à la personne du comte de Portes et à la vie qui pouvait être la sienne dans les années 1920.

« JURISPRUDENCE DE LA COUR-DE CASSATION. De Portes C. Vuillier. ARRÊT.

LA COUR ;

— Sur la recevabilité de la requête du comte de Portes tendant à ce qu’il soit réglé de juges :

— Vu l’art. 19 du titre 2 de l’ordonnance du mois d’août 1737 ;

— Attendu que le comte de Portes, sur l’action portée contre lui par le sieur Vuillier, a excipé de l’incompétence du tribunal civil de Pamiers, et qu’il a demandé à être renvoyé devant le tribunal civil de la Seine, qu’il prétend être celui de son domicile ; qu’il n’a pas pris de conclusions au fond ; que, dès lors, il a pu se pourvoir, devant la Cour de cassation, par voie de règlement de juges, contre l’arrêt qui, confirmant la décision des juges de première instance, a repoussé son déclinatoire ; — Admet la requête comme régulière en la forme ;

Au fond :

— Attendu qu’ajourné par le sieur Vuillier, devant le tribunal civil de Pamiers, en exécution d’une vente de coupe de bois portant sur plus de 80 hectares, le comte de Portes a opposé un déclinatoire de compétence ratione loci, prétendant qu’il aurait dû être assigné devant le tribunal civil de la Seine, qu’il soutient être celui de son domicile ; qu’il invoque à l’appui de sa prétention que, depuis trois générations, sa famille est domiciliée à Paris ; qu’il y a toujours habité ; qu’il y paie la contribution personnelle mobilière ; qu’il s’y est toujours déclaré domicilié ; que le sieur Vuillier aurait lui-même reconnu le fait, en lui adressant, à Paris, la correspondance relative à la vente ; qu’il lui a fait signifier des offres réelles et l’exploit introductif de l’instance dans cette ville ; que le paiement du prix de la coupe de bois devait être fait à Paris ;

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Ci-dessus : autre vue du de la rue Montaigne.

— Mais attendu que le comte de Portes, autrefois locataire à Paris d’un appartement au loyer annuel de 6.500 fr., n’y occupe plus, depuis la fin de l’année 1914, qu’un local qui, eu égard à sa situation de fortune, ne constitue qu’un pied-à-terre ((Indication fournie par Emile Kapfer dans Histoire des marquis de Portes en Ariège, ce pied-à-terre parisien du comte de Portes se situait au nº 5 de la rue Montaigne.)) ; qu’il n’exerce à Paris aucune profession ; que la famille de Portes est originaire d’une commune de ce nom, mais aujourd’hui appelée Manses, située dans l’arrondissement de Pamiers, et où elle avait jadis son château patrimonial, qui a été détruit ; que, dans cette commune et dans celles de Teilhet et de La Penne, situées aussi dans l’arrondissement de Pamiers, le comte de Portes est possesseur de domaines héréditaires très importants ; qu’il est également, à Teilhet, propriétaire du château de Roques, où il habite quand il réside dans le pays ; que, s’il paie à Paris une contribution personnelle mobilière, il paie aussi à Teilhet une contribution de cette nature, qui est importante ; que le sieur Vuillier ne pouvait adresser utilement ses lettres et télégrammes qu’au lieu où se trouvait alors son vendeur, et que la référence aux offres réelles faites par le sieur Vuillier et à son assignation est non moins inopérante, les originaux produits portant que la signification en est faite à de Portes, domicilié à Roques, mais résidant à Paris ;

— Attendu que le comte de Portes est, de plus, maire de la commune de La Penne, et qu’à ce point il paraît tenir à montrer l’importance qu’il attache à ses racines familiales qu’il a, ainsi que pour tous les actes notables de sa gestion, obligé le sieur Vuillier, qui voulait signer l’acte de vente à Paris, à se rendre, le 23 nov. 1915, en vue de cette formalité, au château de Roques ;

— Attendu, enfin, qu’il y a lieu de relever la volonté exprimée d’abord et formellement par le comte de Portes, dans le télégramme qu’il envoyait le 1er déc. 1915 au sieur Vuillier, de ne reconnaître que la juridiction du tribunal de Pamiers ;

— Attendu que ces constatations multiples permettent de considérer que le comte de Portes a, dans la commune de Teilhet, tout au moins un domicile apparent, et que le sieur Vuillier a pu, par suite, penser de bonne foi que les difficultés auxquelles les conventions intervenues entre lui et son vendeur donnaient lieu devaient être portées devant le tribunal civil de Pamiers ;

— Réglant de juges ;

— Maintient la cause et les parties devant le tribunal civil de Pamiers, pour être, par ce tribunal, statué au fond, etc.

Du 26 avril 1921. ((Pandectes françaises périodiques : Recueil mensuel de jurisprudence et de législation, p. 315. Paris. 1921.))