φίξ

Je me tiens au bord de la route,
de jour comme de nuit,
j’aime les voyageurs.
J’ai les cheveux couleur de lune,
la robe couleur du temps.
— Sais-tu, voyageur,
si la lune est rousse, blonde ou bleue ?
si le temps va nu
ou s’il va fourré ?
Je ne dors jamais,
je rêve en veillant.
Et comme le rêve change vite,
je suis tour à tour
pierre, serpent, lion, oiseau,
nuage, tempête, foudre, étoile,
etc.
comme un diorama des âges du monde !
N’est-ce pas là, voyageur,
à peu près ce que tu nommes femme,
γυνή, स्त्री, אִשָּׁה, mulier, mujer, frau, woman, donna, kobieta, женщина, امرأة, tam’ttout, phụ nữ, 女, 女子, plac’h, menyw, bean, cihuātl, arnaq, kvinna, amakume, mwanamke, romni, warmi, et tutti quanti ?
— Pardon, Madame,
je me rends à Thèbes,
je suis en retard,
le soleil descend.
— Rien ne me presse, moi,
mon temps ne passe pas.
Je commence,
je n’en finis jamais de commencer.
Avec toi, je commence,
comme je commençais hier
avec un autre que toi
et comme je commencerai demain
avec un autre encore.
J’aime les voyageurs.
— Pardon, Madame,
mais je suis très pressé.
La nuit vient.
— Loin des villes, la nuit est plus belle.
Je te conterai des histoires dans le noir,
de ces histoires que l’on souffle
à l’oreille des enfants,
des histoires comme celle de ce voyageur,
qui a d’abord quatre jambes le matin,
puis deux jambes le midi,
et trois jambes le soir…
Tu lui ressembles,
avec ton bâton.
Je vois bien que tu boites.
— Non merci, Madame,
cette vieille histoire,
je la connais déjà.
— Crois-tu ?
Ta voix sonne faux.
Songe que mon commencement,
celui auquel je t’invite,
c’est la paix des braves
sous le manteau de la nuit étoilée !

Or, disparu dans la nuit sans étoiles
le voyageur marchait d’avance
vers là où l’attendait
le repos du guerrier.
On entendait là-bas, clop clop,
le bruit de son bâton,
qui frappait sur la route. ((Librement inspiré du mythe de φίξ (Phix), autrement dit du.de la Sphinx.Sphinge.))