A l’église de Loupia, dans l’Aude

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En rentrant de Saint-Polycarpe vers Mirepoix, après avoir fait étape à Ajac, nous nous sommes arrêtés encore à Loupia, un village en forme de circulade comme Ajac, situé au bord du Gué, affluent du Sou du Val de Daigne dans le département de l’Aude, appelé aussi Blau. A ne pas confondre avec le Blau, affluent de l’Hers Vif, dont la crue a entraîné en 1289 la rupture du barrage de Puivert et par suite la destruction de la première ville de Mirepoix.

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A l’entrée du village, deux maisons revêtues d’inscriptions. Deux styles, deux époques. De quoi titiller la libido du photographe – la libido photographiendi bien sûr !

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Sur la place, où sont les boulistes, une longue allée de buis donne sur le monument aux morts.

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Au centre du village, dans une ruelle qui n’a guère changé depuis le Moyen Age, s’ouvre le portail sud de l’église Notre Dame de Loupia.

« La plus ancienne mention de l’église remonte à 1162. L’abbé, puis l’évêque d’Alet furent les seigneurs temporels du lieu. L’édifice est à nef unique avec chevet polygonal. Le portail sud présente un arc en tiers-point. Il est enrichi de sculptures et encadré par deux niches armoriées. »

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« La clé du portail est sculptée en relief d’un écu ». Sur l’écu se trouve figuré l’Agneau de Dieu, porteur d’une croix. Il s’agit là d’une figure semblable à celle qu’on voit au XIVe siècle sur le sceau de l’Ordre du Temple, langue de Provence.

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« Au-dessus de la pointe de cet arc, une petite niche est précédée par un support de statue et par un dais polygonal orné de petits gâbles 1Gâble : couronnement de forme triangulaire souvent ajouré et orné, qui coiffe l’arc d’une voûte ou d’une baie.. Sous le support se trouve sculptée une tête de démon, des flammes sortant de sa bouche. »

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« De part et d’autre du portail, le mur a été creusé de niches. Le remplage est trilobé sous un arc en plein cintre. Des écus surmontent ces niches ». Ci-dessus, vue des armoiries figurées au-dessus de la niche située à gauche du portail. Aux deux loups qu’on voit sur cet écu sous les deux agneaux, on supposera qu’il s’agit là des armes d’un seigneur de Loupian, aujourd’hui Loupia.

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Un certain Bernardus de Lupiano faisait partie de trente-quatre coseigneurs qui, le 20 mai 1207, signent avec Pierre Roger de Mirepoix la charte des coutumes et privilèges accordés aux habitants de Mirepoix 2Cf. Félix Pasquier. Cartulaire de Mirepoix. Volume 2, p. 4. Editions Edouard Privat. Toulouse. 1921.

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« La corbeille de chaque petit chapiteau est ornée de feuilles de chêne verticales juxtaposées. » 3Les renseignements reproduits ci-dessus entre guillemets proviennent de la Base Mérimée. Aude. Loupia.

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Dans l’église, dont la nef demeure simple et sobre, le décor du choeur et du chevet polygonal fait grande impression.

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Au-dessus du maître autel et du retable de sept tableaux trône parmi les nuages d’un ciel de stuc l’Agneau de l’Apocalypse, couché sur le livre scellé de sept sceaux.

« Et je vis, au milieu du trône et des quatre êtres vivants et au milieu des vieillards, un agneau qui était là comme immolé. Il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés par toute la terre. Il vint, et il prit le livre de la main droite de celui qui était assis sur le trône. Quand il eut pris le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or remplies de parfums, qui sont les prières des saints. Et ils chantaient un cantique nouveau, en disant : Tu es digne de prendre le livre, et d’en ouvrir les sceaux ; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation… » 4Apocalypse. Chapitre 5.

Derrière le maître autel, j’ai tenté de photographier chacun des sept tableaux que comprend le retable. La tâche est difficile, car les tableaux sont situés en hauteur, et le déambulatoire, ou bas-côté pourtournant, très étroit. Le recul manque. On obtient des images à grain, ou, dit autrement, des images poudrées. La poudre toutefois ne va pas si mal à des photographies de vieux tableaux, altérés par le passage des ans. Vénusté rime de la sorte avec vétusté.

Insérés dans des cadres de style XVIIIe siècle dangereusement surmontés de porte-bougies, ces tableaux datent de la première moitié du XIXe siècle. La composition de l’ensemble veut que que, hormis les deux tableaux extrêmes (le Rosaire et le Saint Antoine ermite), situés chacun sur le pan de mur qui ménage le retour vers la nef, tous les autres tableaux fassent signe, de la gauche vers la droite ou de la droite vers la gauche, en direction du tableau central (l’Assomption). L’ensemble du retable se trouve ainsi animé d’un mouvement fortement dynamique qui en conforte la théâtralité, de style baroque.

Parmi les sept tableaux, on reconnaît les attributs du tétramorphe, i. e. celui des quatre Evangélistes :

« Et je vis, et voici qu’un tourbillon de vent venait de l’aquilon, et une grosse nuée, et un globe de feu, et une lumière qui éclatait tout autour; et au milieu, c’est-à-dire au milieu du feu, il y avait une espèce de métal brillant. Et au milieu de ce feu apparaissaient quatre animaux, dont l’aspect avait la ressemblance de l’homme. Chacun d’eux avait quatre faces, et chacun quatre ailes. Leurs pieds étaient droits, et la plante de leurs pieds était comme la plante du pied d’un veau, et ils étincelaient comme l’airain incandescent. Il y avait des mains d’hommes sous leurs ailes aux quatre côtés, et ils avaient aux quatre côtés des faces et des ailes. Les ailes de l’un étaient jointes à celles de l’autre; ils ne se tournaient pas en marchant, mais chacun d’eux allait devant soi. Quant à l’apparence de leurs visages, ils avaient tous les quatre une face d’homme, une face de lion à leur droite, et une face de taureau à leur gauche, et une face d’aigle au-dessus d’eux quatre. » 5Ancien Testament. Livre d’Ezéchiel. I, 1-14.

Le taureau est Saint Luc ; l’aigle est Saint Jean et l’aigle ; l’homme est Saint Mathieu ; le lion est Saint Marc.

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A gauche du maître autel, premier de la série des sept tableaux, le Rosaire.

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De gauche du maître autel, en suivant, Saint Luc.

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De gauche du maître autel, en suivant, maître autel, Saint Jean l’Evangéliste.

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Au centre du retable, derrière le maître autel, l’Assomption.

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A droite du maître autel, Saint Mathieu à la hache. D’abord lapidé, Mathieu a eu ensuite la tête tranchée d’un coup de hache. Celle-ci est devenue plus tard son attribut.

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A droite du maître autel, en suivant, Saint Marc.

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A droite du maître autel, dernier de la série des sept tableaux, Saint Antoine ermite.

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Au-dessous du retable, le bel autel de marbre date de l’époque Louis XV, et le tabernacle de la Restauration.

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Ci-dessous : détail de l’antependium. iMi : Iesu Maria Ioseph.

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Dans la douceur du soir, au sortir de l’église, la circulade de Loupia…

References

1 Gâble : couronnement de forme triangulaire souvent ajouré et orné, qui coiffe l’arc d’une voûte ou d’une baie.
2 Cf. Félix Pasquier. Cartulaire de Mirepoix. Volume 2, p. 4. Editions Edouard Privat. Toulouse. 1921.
3 Les renseignements reproduits ci-dessus entre guillemets proviennent de la Base Mérimée. Aude. Loupia.
4 Apocalypse. Chapitre 5.
5 Ancien Testament. Livre d’Ezéchiel. I, 1-14.

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