A Vic d’Oust, dans le Couserans
Après avoir visité Soueix, nous avons gagné à pied Vic d’Oust, petit village situé 1,2 km plus loin. Moins d’un quart d’heure plus tard, nous apercevons le château et l’église de Vic d’Oust.
Initialement flanqué de quatre tours, détruit ensuite par un incendie, ce château, dit « de la Tour », ou « de Roquemaurel », a été reconstruit au XVIIe siècle à partir des deux tours subsistantes, l’une accotée contre le château actuel, l’autre intégrée dans les habitations du village. Propriété de la famille Roquemaurel de Lisle, le château appartient ensuite à Richard de Méritens, petit-fils de Noémie de Roquemaurel et de Louis de Méritens de Villeneuve. Il reste, de nos jours, propriété de la famille de Méritens.
Ci-dessus : vue du calvaire élevé dans le cimetière, alentour de l’église.
La petite église Notre-Dame de Vic d’Oust date du début du XIIe siècle. Conçue sur un plan basilical hérité de la tradition latine, elle comprend une nef principale, assortie d’une abside voûtée en cul-de-four aujourd’hui murée, et deux nefs collatérales, plus étroites et plus basses, assorties de deux absidioles.
Ci-dessus : devant la porte de l’église.
Au-dessus de la porte d’entrée, un beau chrisme, datant lui aussi du XIIe siècle. On lit sur le chrisme, de haut en bas, Χ (khi), Ρ (ρ : rhô), ς : Χριστός (Christos) ; et, de gauche à droite, Α (α : alpha) et ω (omega) : origine et fin de tout.
Sur la porte, des clous en forme de coquille, indice de ce que l’église de Vic d’Oust a pu constituer pour certains pèlerins une étape sur la route de Compostelle.
A l’intérieur de l’église, ruissellement de couleurs ! La voûte au-dessus du maître autel est entièrement peinte de fresques. Le plafond, au-dessus de la nef, se trouve, lui, entièrement tapissé de petits caissons, peints chaque fois de motifs différents. Sur le grand caisson central figure le portrait d’un diacre, dont on dit qu’il pourrait s’agir de Saint Etienne. Les piliers de la nef principale et les murs des trois nefs sont peints en trompe-l’oeil, dans diverses couleurs de faux marbres.
Au-dessus du maître autel, le grand tableau représente l’Immaculée Conception, debout sur un croissant de lune, regard tourné vers la terre. Au pied de la Vierge, Saint Sébastien à gauche, et Saint Roch à droite, incarnant tous deux les malheurs de l’humanité souffrante, plus particulièrement malade de la peste. Le tableau date du XVIIe siècle. Le mouvement tourbillonnant qui anime la composition jusqu’au manteau bleu de la Vierge, est caractéristique de l’art baroque. Le tableau a fait l’objet d’un classement en 1968.
Ci-dessus : Saint Sébastien percé de flèches. Centurion romain martyrisé sous le règne de Dioclétien et de Maximin Hercule pour avoir soutenu ses coreligionnaires chrétiens, il survit miraculeusement au supplice des flèches et finit massacré à coups de verges. On l’invoque au XVIIe siècle contre la peste, qui a ressurgi dans les années 1630, et, plus généralement, contre toutes les épidémies.
Ci-dessus : le pieux Roch de Montpellier, probablement médecin. Au XIVe siècle, rentrant d’un pélerinage à Rome, il se trouve en chemin malade de la peste. Il se retire alors dans une forêt, où, conformément à la légende, il est secouru par son chien fidèle, qui se charge de lui apporter du pain. Il parvient à se soigner et à se guérir lui-même, suite à quoi, partout où il passe, il s’emploie à soigner les autres. Pris hélas pour un espion, il meurt en prison. A sa mort, alors que le bruit de sa sainteté se répand, on lui découvre une marque de naissance en forme de croix.
Ci-dessus : la plaie de Saint Roch.
Ci-dessus : le chien de Saint Roch.
Sur le maître autel, le tabernacle en forme de coffre, de style baroque, se trouve flanqué de grappes de raisins aux angles. Sur la porte, on reconnaît l’Agneau à sept sceaux de l’Apocalypse, figure du Christ qui vient prendre dans la main droite du Très Haut le livre scellé de sept sceaux et qui ouvre les sept sceaux l’un après l’autre, déclenchant ainsi l’apparition des sept anges et la sonnerie des sept trompettes qui annoncent, en même temps que la fin des temps, l’avénement d’une nouvelle Jérusalem 1Cf. Base Mérimée. Oust.. XVIIIe siècle.
Ci-dessus : en cuir gaufré, peint et doré, antependium, ou devant d’autel, du maître autel. « Cinq morceaux identiques sont juxtaposés dans la longueur et surmontés d’une bordure rapportée. Chaque panneau montre sous un dais de draperie, un bouquet de fleurs, et des perroquets garnissent les angles » 2Base Mérimée. Oust.. Début du XVIIIe siècle.
Sur la voûte qui surplombe le maître autel, les fresques, aujourd’hui difficilement lisibles et non documentées, semblent antérieures au XVIIe siècle.
Au-dessus de la nef principale, « plafond formé de petits rectangles peints de fleurs et de lettres mariales. Grand tableau au centre, peint sur des planches, représentant un saint abbé » 3Base Mérimée. Oust.. XVIIIe siècle. Photo avec flash.
Ci-dessus : photo sans flash.
Ci-dessus : détail d’un caisson.
Ci-dessus : photo du diacre peint au centre du plafond ; © Monuments historiques, 1992 ; Base Mérimée.
Ci-dessus : de part et d’autre de la tunique blanche du diacre, subsiste vaguement, dirait-on, une inscription de deux lignes, susceptible peut-être de confirmer l’identité du diacre.
L’église renferme encore d’autres tableaux, accrochés dans les nefs secondaires.Tous datent du XVIIe siècle. Je n’ai pas réussi à les photographier correctement, car situés en altitude dans un environnement trop sombre, ou encore, pour certains d’entre eux qui ont fait l’objet d’une restauration récente, si cruellement vernis qu’ils se trouvent mangés de reflets au point qu’on ne voit plus rien. On trouvera des photos de ces tableaux sur le site Notre Dame de Vic d’Oust. Art et patrimoine du petit village de Vic d’Oust. Ariège.
L’un de ces tableaux toutefois, non encore restauré, m’a vivement impressionnée. Inscrit au patrimoine sous le titre suivant : Les conséquences du péché originel, il représente le roi Saül 4Saül : premier roi des Hébreux en terre d’Israël, invoquant l’esprit de Samuel 5Samuel : prophète, ancien chef des Hébreux, prédécesseur de Saül., chez la magicienne d’Endor. L’épisode se trouve rapporté dans l’Ancien Testament :
Le roi Saül invoquant l’esprit de Samuel chez la magicienne d’Endor. Vic d’Oust. Crédit photographique : Notre Dame de Vic d’Oust. Art et patrimoine du petit village de Vic d’Oust. Ariège.
Samuel était mort, tout Israël l’avait pleuré, et on l’avait enterré à Rama, dans sa ville. Et Saül avait fait disparaître du pays ceux qui évoquaient les morts et les devins.
Les Philistins 6Peuple non sémite, originaire du monde égéen. s’étant rassemblés, vinrent camper à Sunam ; Saül rassembla tout Israël, et ils campèrent à Gelboé. A la vue du camp des Philistins, Saül eut peur, et son coeur fut fort agité. Saül consulta Yahweh, et Yahweh ne lui répondit point, ni par les songes, ni par l’Urim 7l’Urim (en hébreu Hourim) est l’un des deux éléments du pectoral porté par le Grand prêtre d’Israël. il est tenu pour objet de divination. En hébreu, le mot ourim signifie lumières. Les érudits juifs le décrivent comme un « instrument qui servait à donner la révélation »., ni par les prophètes. Alors Saül dit à ses serviteurs : « Cherchez-moi une femme qui évoque les morts, et j’irai vers elle et je la consulterai. » Ses serviteurs lui dirent : « Il y a à Endor une femme qui évoque les morts. »
Saül se déguisa et mit d’autres vêtements, et il partit, accompagné de deux hommes. Ils arrivèrent de nuit chez la femme, et Saül lui dit : « Prédis-moi l’avenir en évoquant un mort, et fais-moi monter celui que je te dirai. » La femme lui répondit : « Voici que tu sais ce qu’a fait Saül, comment il a retranché du pays ceux qui évoquent les morts et les devins ; pourquoi me tends-tu un piège, pour me faire mourir ? Saül lui jura par Yahweh en disant : « Aussi vrai que Yahweh est vivant ! Il ne t’arrivera aucun mal à cause de cela. » Et la femme dit : « Qui te ferai-je monter ? » Il répondit : « Fais-moi monter Samuel. »
A la vue de Samuel, la femme poussa un grand cri ; et la femme dit à Saül: «Pourquoi m’as-tu trompée ? Tu es Saül ! » Le roi lui dit: « Ne crains pas ; mais qu’as-tu vu ? » La femme dit à Saül : « Je vois un dieu qui monte de la terre. » Il lui dit : « Quelle figure a-t-il ? » Et elle répondit : « C’est un vieillard qui monte, et il est enveloppé d’un manteau. » Saül comprit que c’était Samuel, et il se jeta le visage contre terre et se prosterna.
Samuel dit à Saül : « Pourquoi m’as-tu troublé, en me faisant monter ? » Saül répondit : « Je suis dans une grande détresse : les Philistins me font la guerre, et Dieu s’est retiré de moi ; il ne m’a répondu ni par les prophètes ni par les songes. Je t’ai évoqué pour que tu me fasses connaître ce que j’ai à faire. » Samuel dit : « Pourquoi me consultes-tu, puisque Yahweh s’est retiré de toi et qu’il est devenu ton adversaire ? Yahweh a agi comme il l’avait annoncé par mon intermédiaire : Yahweh a arraché la royauté de ta main, et l’a donnée à ton compagnon, à David 8David : futur successeur de Saül ; initialement berger, envoyé à Saül pour lui jouer de la harpe quand l’esprit de celui-ci se troublait.. Parce que tu n’as pas obéi à la voix de Yahweh, et que tu n’as pas traité Amalek 9Amalek : chef de la tribu des Amalécites, ennemie des Hébreux. selon l’ardeur de sa colère, c’est pour cela que Yahweh a ainsi agi envers toi en ce jour 10Contrairement aux instructions de Yahweh, après avoir vaincu les Amalécites, Saül a épargné Agag, leur roi.. Et même Yahweh livrera Israël avec toi aux mains des Philistins. Demain, toi et tes fils, vous serez avec moi, et Yahweh livrera le camp d’Israël entre les mains des Philistins. »
Aussitôt Saül tomba par terre de toute sa hauteur, car les paroles de Samuel l’avaient rempli d’effroi… » 11Ancien Testament. Saül et la magicienne d’Endor. Premier livre de Samuel, 28, 1-25
Submergé ensuite par les Philistins comme prédit par Samuel, Saül se donne la mort en se jetant sur sa propre épée.
L’épisode représenté sur le tableau de Vic d’Oust constitue dans l’histoire de la peinture un sujet rare. On n’en connaît à ce jour qu’une seule autre représentation, signée du peintre napolitain Salvator Rosa (1615-1673), datée de 1668 et conservée aujourd’hui au musée du Louvre sous le titre suivant : L’ombre de Samuel apparaissant à Saül chez la pythonisse d’Endor.
Curieusement, un autre des tableaux conservés dans l’église de Vic d’Oust, le Sainte Catherine de Sienne, pourrait être rapproché mutatis mutandis d’un autre des tableaux de Salvator Rosa, le Lucrèce ou la Poésie.
Ci-dessus : Sainte Catherine de Sienne. XVIIe siècle. Vic d’Oust. Crédit photographique : Notre Dame de Vic d’Oust. Art et patrimoine du petit village de Vic d’Oust. Ariège.
Ci-dessus : Salvator Rosa, Lucrèce ou la Poésie. Circa 1640.
Je m’émerveille ici du hasard objectif qui fait qu’à l’occasion d’une visite au « petit village de Vic d’Oust », au-delà du tunnel de Kercabanac, autrement au fin fond de l’Ariège, l’histoire de la peinture témoigne une fois encore de la ténébreuse et profonde unité de ses motifs et de la diversité des champs dans lesquels une telle unité se déploie. Je m’émerveille derechef de ce moment d’intense bonheur visuel que constitue la visite de l’église Notre Dame de Vic d’Oust.
References
↑1 | Cf. Base Mérimée. Oust. |
↑2 | Base Mérimée. Oust. |
↑3 | Base Mérimée. Oust. |
↑4 | Saül : premier roi des Hébreux en terre d’Israël |
↑5 | Samuel : prophète, ancien chef des Hébreux, prédécesseur de Saül. |
↑6 | Peuple non sémite, originaire du monde égéen. |
↑7 | l’Urim (en hébreu Hourim) est l’un des deux éléments du pectoral porté par le Grand prêtre d’Israël. il est tenu pour objet de divination. En hébreu, le mot ourim signifie lumières. Les érudits juifs le décrivent comme un « instrument qui servait à donner la révélation ». |
↑8 | David : futur successeur de Saül ; initialement berger, envoyé à Saül pour lui jouer de la harpe quand l’esprit de celui-ci se troublait. |
↑9 | Amalek : chef de la tribu des Amalécites, ennemie des Hébreux. |
↑10 | Contrairement aux instructions de Yahweh, après avoir vaincu les Amalécites, Saül a épargné Agag, leur roi. |
↑11 | Ancien Testament. Saül et la magicienne d’Endor. Premier livre de Samuel, 28, 1-25 |
Robert at 9 h 46 min
Adorable. Je viendrai !
colette autissier at 11 h 25 min
merci Christine pour tout ceci, le 19 sept.2015, nous avons chanté dans cette magnifique petite église qui était pleine. Magique!!!
LaBaronne at 2 h 03 min
tout est intéressant mais j’ai surtout retenu la beauté du calvaire et la leçon du roi Saul invoquant l’esprit de Samuel !