A Pamiers, Léda et le cygne…

 

Ci-dessus, de gauche à droite : en juillet 2011, à Pamiers, au jardin de ville ; Vincenzo Danti (1530-1576), Léda et le cygne.

Je passais l’autre jour au jardin de ville de Pamiers. J’ai vu un cygne près de la statue dans la pièce d’eau. L’histoire de Léda recommence-t-elle ?

Zeus s’unit à Léda sous l’aspect d’un cygne… ((Apollodore, Bibliothèque, III, 10, 7))

Au Carmel de Pamiers

 

 

 

Le Carmel de Pamiers est aujourd’hui déserté. Lorsque j’ai visité pour la première fois la chapelle, les soeurs n’étaient plus que cinq. L’une d’entre elles, qui faisait office de tourière, nous a dit qu’elle prierait pour nous. Puis les soeurs sont parties rejoindre un autre Carmel. Elles ne pouvaient plus entretenir un ensemble de bâtiments conventuels beaucoup trop vaste pour elles cinq. J’ai appris avec tristesse que la petite soeur tourière, soeur Mélanie, est morte depuis lors. Le Carmel de Pamiers désormais est à vendre.

Michel Detraz, historien, membre de la commission diocésaine d’Art Sacré, proposait dernièrement une visite guidée de l’ensemble du couvent. J’ai été heureuse de pouvoir découvrir à sa suite ce lieu chargé d’âme, où certaines religieuses ont vécu plus de soixante ans. L’espace y demeure – pour combien de temps encore ? – empreint d’une profonde sérénité.

Deux des ailes du couvent datent du XVIIe siècle. Les deux autres ailes, qui ferment le quadrilatère autour du cloître, ont été construites au XIXe siècle et dotées de façades à l’identique. La belle simplicité du style classique s’est trouvée ainsi parfaitement conservée.

 

 

Derrière ses façades classiques, le couvent abrite de belles voûtes d’ogive. Ici laissées nues, les croisées sont ailleurs soulignées par un simple parement de briques. Point d’autres ornements. La simple perfection des formes suffit à la beauté du lieu.

 

Le couvent se trouve placé sous la protection de Saint Joseph. Celui-ci, portant l’Enfant, figure au dessus des portes principales et, comme on le verra dans la suite de cet article, au-dessus du grand retable qui fait face à la grille de la clôture, dans la chapelle principale du couvent.

 

Deux vues prises dans une galerie du cloître. On foule dans la galerie les pierres tombales des soeurs qui sont mortes ici et ont été enterrées là où elles ont vécu.

 

Cette salle date du XIIIe siècle. C’est celle de la petite maison médiévale dans laquelle les soeurs se sont installées au XVIIe siècle, lors de leur arrivée à Pamiers. Suite à l’achat de cette première maison, les soeurs ont acquis peu à peu d’autres maisons du même type, jusqu’au moment où disposant d’une superficie suffisante, elles ont fait bâtir le couvent en y intégrant ces maisons initiales. La salle photographiée ci-dessus a servi plus tard de resserre.

 

Dans le jour tamisé qui tombe des persiennes, la cuisine du Carmel.

 

Fait du bois coupé dans les forêts du marquis de Gudannes, père d’une fille entrée en religion au Carmel de Pamiers, l’escalier date du XVIIe siècle. Il conduit à l’étage où se trouvent les cellules habitées par les soeurs. Le couvent a pu accueillir, dans le passé, jusqu’à trente religieuses.

 

Vues de la première chapelle du couvent. On a enseveli ici les supérieures de la communauté qui sont mortes durant le temps de leur charge.

 

Vu depuis les fenêtres du Carmel, le clocher, de style gothique toulousain, de l’église Saint Antonin, ancienne cathédrale de Pamiers. François de Caulet, évêque de Pamiers de 1644 à 1680, y est enterré. Homme de sensibilité janséniste, il a mené combat pendant treize ans, dans le cadre de l’affaire de la Régale, contre la politique gallicane de Louis XIV. Persécuté par l’administration royale, il meurt dans le plus grand dénuement en 1680.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : 1. Une autre salle ancienne, servant de réserve ; 2. La salle de travail des religieuses et la grande table à coudre, sur laquelle les religieuses confectionnaient des aubes pour les communiantes.

 

Voici le portail et la façade de la chapelle baroque construite au XVIIIe siècle. Compte tenu de la pente descendante du terrain, la chapelle a dû être surélevée afin que le choeur atteigne à la hauteur des bâtiments conventuels. Cette surélévation a pour effet de porter la façade très haut dans le ciel, par là d’en magnifier le surgissement pour qui, montant vers elle, la voit paraître en contre-plongée.

 

 

La chapelle, en hommage au Christ de la Transfiguration, ruisselle d’or. Derrière le maître autel, copie de la Transfiguration peinte par Raphaël en 1519-1520, une toile de Jean-Baptiste Despax (1710-1773) invite le regard des fidèles à s’élever jusqu’à la Pietà surplombante.

 

L’or des autels et des tabernacles ourle d’un éclat ciselé les symboles de l’Agneau et de l’Esprit Saint.

 

 

Installé perpendiculairement au maître autel, le retable de Saint Joseph fait face à la grille de la clôture. Les précieuses plaques d’or représentent des scènes de la Nativité et de la Fuite en Egypte. Au-dessus du retable, Saint Joseph figure en statue, portant l’Enfant.

 

En dessous du retable, un bas-relief représente la Sainte Famille, dans un climat de simplicité tendre et touchante.

 

 

Je me suis attardée devant la grille de la clôture. Le maillage plus serré que l’on voit dans la partie supérieure de cette grille était autrefois celui de la grille toute entière. J’ai scruté un moment l’espace qui s’ouvre derrière la grille. La vie s’en est un jour retirée. Reste l’absence, le vide. L’impression d’étrangeté vient ici de ce que la solitude d’un tel lieu demeure désormais impossible à consoler.

 

C’était la porte d’entrée du Carmel de Pamiers.

A lire aussi : Visite à la chapelle du Carmel de Pamiers

A Pamiers – Labaronne – Plastic Blues

 

A l’invitation de l’association Mille Tiroirs, Labaronne expose durant tout le mois de mai à Pamiers, salle Espalioux. L’exposition s’intitule Plastic Blues. Je connaissais déjà le travail de Labaronne pour l’avoir vu dans son petit atelier galerie de Mirepoix. J’ai été frappée de la puissance esthétique et symbolique qui s’affirme ici, par effet de changement d’échelle, dans l’ouvert d’un espace plus vaste, comme d’un cube dont on aurait développé les faces.

 

Comme Labaronne travaille le plastique, on parle à son propos d’art modeste ou d’arte povera. La modestie ici, à mon avis, n’est pas raison. Certes, dit Labaronne, le plastique a le sort du rat : on ne l’aime pas ; cependant, il est beau. Voilà ce qui importe. Non la modestie, mais le beau, la matière-couleur, forte, lumineuse, saturée, – gorgeous, comme disent les Anglais, d’un mot qui sonne de façon autrement connotée aux oreilles des Français, d’un mot qui a de la gorge.

Le beau de la matière-couleur, c’est ici comme de juste sa plasticité, par là l’espace de jeu qu’elle offre à la fois à la sensualité et à la pensée du toucher. Le plastique se froisse et il se tresse. Le jeu s’épanouit dans le cadre de ces deux modes de la matière sous la main. La sensualité s’y faufile jusque dans les noeuds de la pensée. Froisser, tresser -, tout est dans la façon, qui imprime à la matière-couleur son évidence jusqu’ici invue, sa forme de monde, sa puissance de signification, qui n’appelle pas d’explicitation, mais seulement de se montrer, sur le mode du sentir qui fait penser.

 

La salle Espalioux est vaste et haute de plafond. Le travail de Labaronne s’y trouve magnifié dans sa sculpturalité. Il révèle son aptitude à la monumentalité. De la sculpture floue du froissé, plié, chiffonné, à la sculpture dense et ferme de la tresse, la monumentalité se signifie ici, de façon ambivalente, à la fois comme figure de la grande tradition baroque et comme geste de recommencement, geste sous les dehors duquel l’histoire qui se raconte est celle d’une aventure créatrice, tranquillement, dirait-on, iconoclaste. Iconoclaste ?

 

 

Ci-dessus, de gauche à droite et de bas en haut : Jean François Bony (1754-1825), détail ; Raoul Dufy, Coupe de pois de senteur, 1941 ; Labaronne, Coupe de fleurs ; Franz Xaver Winterhalter (1805-1873), Portrait de l’impératrice Eugénie et de ses dames de compagnie, 1855, détail ; Labaronne, Sans titre, détail ; Pierre Soulages (1919), Sans titre.

Des fleurs, des tentures, une chambre, un lit, des oreillers, un dessus de lit, une descente de lit… Ailleurs, une cuisine, des assiettes, des verres, etc… Mais l’artiste sculpte aussi des colonnes. Elle cultive en plastique la géométrie des pavements de marbre. Y a-t-il une spécificité féminine dans le travail de Labaronne ? Une façon d’engagement féministe ? La question se pose, si l’on y tient vraiment. Je doute, pour ma part, que la réponse soit ailleurs que dans la question. Y a-t-il en art une identité de genre ? Mais qu’est-ce que l’identité ? Chose sans principe, l’identité demeure, comme nos désirs, au-delà des projets qu’elle mobilise, et, comme l’horizon, elle s’emporte sans se laisser elle-même derrière soi.

Y a-til dans le travail de Labaronne volonté de rupture avec la grande tradition de l’histoire de l’art, liquidation de l’héritage, promotion d’une esthétique sans mémoire, mâtinée de nihilisme post-moderne ? La réponse, là aussi, est dans la question. Le plastique, croit-on, manque de mémoire, de dignité, de substantialité. Mémoire, dignité, substance, au vrai, même si elles se laissent jeter par la porte, reviennent chaque fois par la fenêtre. Malgré les apparences, et cet air de jouer – quoique… -, le travail de Labaronne s’inscrit volens nolens dans le grand répertoire de formes et de couleurs, de motifs et de savoir-faire, qui se perpétue d’âge en âge sous le couvert des révolutions qui emportent l’histoire de l’art. Il doit à la permanence d’un tel répertoire cet air de famille qu’on trouve ici à une simple coupe de fleurs, à un motif de plis, à certain noir…

 

Loin de ces considérations un peu lentes, la jeunesse fait montre d’un naturel qui déménage. Le plastique se laisse bousculer sans crier au loup. Labaronne, amie du loup, goûte cette liberté, j’imagine.

 

L’exposition Plastic Blues est ouverte jusqu’au 31 mai 2010, mardi, mercredi, vendredi, de 14h à 18h, et le samedi de 10h30 à 13h, à Pamiers, salle Espalioux, rue Jules Amouroux. On peut également visiter la galerie atelier de Labaronne, tous les après-midis, à Mirepoix, rue Monseigneur de Cambon.

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