Claudine L’Hôte-Azéma, qui se souvient des vacances de son enfance à Saint-Aulin, rêvait cet été de refaire, à pied bien sûr, la route qui monte au village. Martine Rouche et moi-même avons été ses complices. C’était à la fin du mois d’août dernier.
Nous avons cheminé, tout en devisant, parmi ces collines, dont les plis s’allongent jusqu’au fond des bois. Au pied des collines, de loin en loin, une ferme. La photo ci-dessus a été prise à la hauteur de Rimbaud.
Après le petit pont, soudain, dans la montée, on se trouve sous l’ancien presbytère de Saint-Aulin, ainsi que sous l’église attenante.
Là haut sur la muraille, la grande croix de pierre porte au revers la date de 1666.
Après avoir gravi l’escalier jusqu’à la croix de pierre, nous contournons le presbytère, et, traversant une cour, puis un jardin situés derrière le presbytère, nous gagnons la porte de l’église, elle-même rencoignée sous un avant-toit qui fait galerie.
Assises sur le banc dans la galerie, Claudine et Martine s’interrogent sur l’âge des poutres et des piliers qui soutiennent l’édifice. Claudine évoque le temps où les femmes du village venaient, le dimanche, s’asseoir sur ce banc, dans la « caquetière », ou caquetoire.
Avant d’entrer dans l’église, nous faisons le tour du bâtiment. Le clocher, de type campanile, arbore la classique armature en fer par-dessus sa cloche. Il se pare en outre de créneaux, témoins sans doute du passage de quelque épigone de Viollet-Le-Duc.
Dans l’oculus situé sur le flanc nord de l’église, une tête de Vierge apparaît, visible depuis le pied de la muraille.
Deux fenêtres délabrées donnent sur la sacristie. Celle-ci semble depuis longtemps abandonnée.
Sur le flanc sud de l’église, une jolie petite fenêtre s’ouvre par-dessus les toits.
A l’intérieur de l’église, l’autel de marbre, surmonté d’une grande Crucifixion, très dégradée, meuble de façon lointaine un espace qui, au-delà de quelques rangées de chaises désassorties, semble vide, déserté. L’impression, ici, est celle d’un bizarre théâtre de l’absence.
Le grand tableau de la Crucifixion est crevé. Gâtées par on ne sait quel effet fuligineux, les couleurs de l’arrière-plan sont perdues.Les personnages, au pied de la Croix, conservent toutefois une présence suffisante pour qu’on remarque la force de leur expression.
L’autel étonne, dans une petite église de campagne, par sa composition de marbres rares. On distingue une figure d’évêque dans le médaillon central. S’agit-il d’un autel de remploi ? questionne Martine.
Dans la petite chapelle latérale, l’oculus abrite le visage de Marie. Curieusement, le vitrail est bifrons. Nous avons vu ce même visage dans le même oculus, lorsque nous faisions le tour de l’église.
A côté de la porte, une chaise, un bénitier de pierre, une gravure représentant une étape du chemin de croix, illustrent, à la façon d’une nature morte ou d’une vanité, la longue patience des choses muettes.
Au fond de l’église, derrière ces curieux bancs courbes, la structure ronde protégée par une barrière à claire-voie abrite le baptistère. Ces bancs semblent faits pour réunir les familles autour des baptêmes.
Un couvercle de bois ferme la vasque. Lorsqu’on le soulève, on voit que la vasque est en pierre.
Image de l’abandon, encore une fois. On n’a plus célébré de baptême ici depuis longtemps.
Non loin du baptistère, la petite fenêtre dont le tympan s’orne d’une lancette fermée par un discret vitrail, est celle que nous avions vue précédemment par-dessus les toits. L’autre fenêtre, toute simple, se trouve dans la sacristie. C’est par cette fenêtre que, du dehors, nous apercevions tout à l’heure l’intérieur de la sacristie.
Dans la sacristie, accrochés au mur, quelques vêtements sacerdotaux mangés aux mites subsistent, parmi divers objets de rebut, dont une grande bannière, et un fragment de croix sur lequel figurent les instruments de la Passion.
La bannière a dû être belle. Elle recèle dans la pourpre de ses plis une figure de saint dont on voit les pieds liés et la main tenant une clé. Au vu de cette clé, on pense à Saint Pierre. Mais Saint Pierre, selon la tradition, aurait été crucifié la tête vers le sol. Entreprise par Martine, la lecture du registre paroissial de Saint-Aulin montrera plus tard que l’église s’appelait autrefois Saint Pierre aux liens. Cf infra, commentaire de Martine et photo.
Le meuble de sacristie, très vermoulu, vide, comporte deux corps, dont, en partie basse, un chasublier, dont les tiroirs ont conservé quelques étiquettes. Sur ce meuble, un bric-à-brac de choses quelconques, recouvertes par la poussière des ans. L’abandon de ce lieu a quelque chose d’étrange.
A l’ombre de l’église s’étend un petit cimetière. Nous faisons quelques pas parmi les tombes et les cyprès. Claudine me fait remarquer une rangée de simples croix de fer. Dédiées à des personnes dont le nom s’est perdu, pourraient-elles témoigner des pertes de la Grande Guerre ?
Sur le mur du cimetière, visible depuis les champs, manifestement ancienne, une croix de pierre fait pendant à celle qui se dresse devant le presbytère.
Le ciel est, par-dessus le cimetière et les toits du village, si bleu, si calme. Les Pyrénées demeurent, à l’horizon, témoins de la beauté terrestre.
Le village a encore ses poules. Elles ne s’inquiètent pas des travaux et des jours, du temps qui passe, de nos souvenirs, de nos rêves.
Alors que nous redescendons vers Mirepoix, ô surprise ! dans le pré où paissent habituellement des moutons, il y a des lamas ! De la nostalgie à la rencontre de l’inattendu, nous voyons le présent s’ouvrir devant nous dans le sens de l’étonnement qui ravit.
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