Ils croyent les ames eternelles ; et celles qui ont bien merité des dieux, estre logées à l’endroit du ciel où le Soleil se leve : les maudites, du costé de l’Occident.
Ils ont je ne sçay quels Prestres et Prophetes, qui se presentent bien rarement au peuple, ayans leur demeure aux montaignes. A leur arrivée, il se faict une grande feste et assemblée solennelle de plusieurs villages […]. Ce Prophete parle à eux en public, les exhortant à la vertu et à leur devoir : mais toute leur science ethique ne contient que ces deux articles de la resolution à la guerre, et affection à leurs femmes. Cettuy-cy leur prognostique les choses à venir, et les evenemens qu’ils doivent esperer de leurs entreprinses : les achemine ou destourne de la guerre : mais c’est par tel si que où il faut à bien deviner, et s’il leur advient autrement qu’il ne leur a predit, il est haché en mille pieces, s’ils l’attrapent, et condamné pour faux Prophete.
Montaigne, Essais, Livre I, chapitre XXX : « Des cannibales »
Ci-dessus : Vues d’un mur à Mirepoix, depuis ma fenêtre ; Hergé, Le Temple du Soleil.
Anniversaire :
» Vendredi 23 octobre 1914.
Une belle journée pleine de soleil, tiède et bonne comme ces derniers fruits dans lesquels on retrouve tout le parfum et le goût de l’été. La terre se transfigure d’un jour à l’autre. L’allée de cerisiers est bordée d’arbres rouges flamboyants : les feuillages ont l’air d’être en laque et ils tiennent miraculeusement à la merci d’un souffle qui viendra les abattre. […] puis la nuit descend sur les arbres rouges, les arbres dorés, les arbres cuivrés qui disparaissent comme des torches qu’on éteint. »
Marie Louise Escholier, Les saisons du vent, journal août 1914 – mai 1915, GARAE/HESIODE, 1986