Il existe ou il a existé un portrait de Pierre Bonsom de Donnaud ((Cf. infra.)), l’oncle, et un portrait de Pierre de Donnaud, le neveu ((L’orthographe de Donnaud, nom du château et du hameau de Donnaud, et nom de la famille qui habite ce château, varie largement d’un document l’autre. On trouve indifféremment Donnaud, Donnault, Doneau, ou Donneau. Je m’en tiendrai ici à Donnaud.)). Mais ces portraits semblent perdus. A défaut de portrait physique, voici, brossé par divers chroniqueurs, le portrait moral de Monseigneur de Donnaud, qui a été évêque de Mirepoix de 1587 à 1630, et, en filigrane seulement, celui de Monseigneur de Donnaud, évêque in partibus de Tripoli, qui a été pendant dix ans le coadjuteur de son oncle.
1. Pierre Bonsom de Donnaud vu par Denis de Sainte-Marthe dans Gallia christiana
20 avril 1553. Baptême de « Pierre Bompthsomb [sic], fils de Pierre Bompthsomb… » Archives dép. de l’Ariège. Saint-Ybars (1551-1581). Document 1NUM/139EDT/GG1. Vue 18.
« Nobilis viri Bonsom de Donnaud & Annae de Cornac ejus uxoris filius Petrus, natus est ïn oppido sanctí Eparchii (Saint Ybars) in comitatu Fuxensi dioecesis Rivensis prope Lesatum inter fluvios Aurigerae & Garumnae sito, baptisatusque est 9 Aprilis 1553. Quatuor fratres & quinque sorores fortitus, a puero in timore Dei a parentibus educatus est indole donatus bona. Dum fratries omnes castra sequuntur, anno aetatis decimo septimo ipse in vicino S. Petri cenobio de Lezato ordinis santi Benedicti regularem suscepit habitam 1570… » ((Denis de Sainte-Marthe. Gallia christiana. Tome XIII. Ecclesia mirapicensis. Petrus V. Parisiis, in typographie regia. 1785.
Fils de Noble Bonsom de Donnaud et d’Anne de Cornac, son épouse, Pierre est né dans la place de Saint-Ybars, dans le comté de Foix au diocèse de Rieux, près de Lézat entre l’Ariège et la Garonne, le 9 avril 1553. Fort de quatre frères et de cinq soeurs, enfant élevé par ses parents dans la crainte de Dieu, il fait montre d’un naturel porté sur la bonté. Tandis que ses frères s’engagent tous dans la carrière des armes, lui entre à l’âge de dix-sept ans au monastère Saint Pierre de Lézat, voué à la règle de Saint Benoît…
La suite intéressera les latinistes. Elle court sur trois pages bien serrées…
2. Pierre Bonsom de Donnaud vu par Michel Joseph Pierre Picot in Essai historique sur l’influence de la religion en France pendant le XVIIe siècle
« Pierre de Donnaud, évêque de Mirepoix, rappelait par toute sa vie les évêques de la primitive Eglise. Né à Saint-Ybars en 1553, et d’abord religieux de l’ordre de Saint Benoît, il fut sacré évêque a Rome. Ses aumônes étaient immenses, et paroissaient hors de toute proportion avec son revenu, qui était assez modique. Tous les ans, à des époques marquées, on faisait chez lui des distributions aux pauvres. Il redoublait ses largesses dans les tems de disette, et il avait disposé un local dans son palais pour recevoir les pauvres et les voyageurs. Exact à célébrer chaque jour les saints mystères, assidu aux offices de sa cathédrale, prêchant souvent, réunissant ses ecclésiastiques, tenant de fréquens synodes, ce prélat inspirait la piété par son exemple et la faisait aimer par sa douceur. De douloureuses infirmités achevèrent d’épurer sa vertu et l’enlevèrent à son diocèse. Il avait refusé l’archevêché de Bordeaux et celui de Toulouse, auxquels on l’avait nommé successivement. » ((Essai historique sur l’influence de la religion en France pendant le XVIIe siècle. Volume 1. A Louvain chez Vanlinthout et Vandenzade. 1824.))
A noter cette adresse aux Dames dans la préface de l’ouvrage de Michel Joseph Pierre Picot :
« C’est aux Dames surtout que nous adressons ces paroles, à ce sexe pieux, la consolation de la Religion partout, mais dont le zèle n’est peut-étre point assez entreprenant ici. Les Dames trouveront dans cet ouvrage de beaux modèles à imiter dans tous les genres, elles peuvent choisir les rôles, les occasions de s’en acquitter se rencontrent à chaque pas ; et elles ont pour réussir des avantages qui nous manquent. Si nous osions leur dire un mot aussi fait pour les flatter que pour leur retracer un devoir, nous leur dirions qu’elles peuvent beaucoup pour la Religion. »
3. Pierre Bonsom de Donnaud vu par les R.P. Richard et Giraud in Bibliothèque sacrée ou Dictionnaire universel historique, dogmatique, canonique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques
Ci-dessus : aspect de l’ancienne abbaye clunisienne Saint Pierre, puis Saint Antoine de Lézat circa 1900. Dévastée plusieurs fois au fil du temps, l’abbaye, qui a été reconstruite en 1774 par l’architecte François Franque, est devenue en 1894 l’hôtel de ville de la commune.
« Pierre IV de Donnaud avait fait profession dans l’ordre de Saint Benoît en 1571, lorsque quelques années après il fit à Paris des progrès dans l’étude de la théologie, qui lui donnèrent lieu d’être choisi d’abord par le roi Henri III, pour un de ses aumôniers, ensuite nommé à l’évêché d’Agen par ce prince, qui avait honoré de sa présence les thèses sur toute la théologie qu’il avait soutenues avant de recevoir le degré de docteur. Il abdiqua volontiers cette prélature, dont il n’avait pas encore pris possession pour se conformer au désir du comte d’Aumale, qui souhaitait qu’un autre en fût pourvu ; et à celui du roi, qui le nomma peu après à l’archevêché de Vienne. Pierre n’eut pas plus de peine à permuter ce dernier siège, quoique métropolitain, et se fixer à celui de Mirepoix, pour lequel il fut sacré à Rome le 27 septembre 1787, après avoir reçu mille faveurs de la part du pape Sixte V, qui avait été témoin de son rare savoir.
Il fit son entrée solennelle en sa cathédrale le jeudi saint 14 avril 1588, et commença aussitôt à prouver ses qualités vraiment pastorales par une charité dont on voit peu d’exemples. Il bâtit ou rétablit plusieurs églises, et les pourvut d’ornemens. Il décora en particulier considérablement sa cathédrale. Son zèle était surtout dévorant pour le soutien de la foi et le saint des âmes. Il n’oublia rien pour mettre son clergé dans l’ordre convenable à la sainteté de cet état. Il fit trois visites générales de son diocèse, dont il ne s’absenta jamais sans une grande nécessité. Il présida plusieurs fois aux états du Languedoc, et se trouva aux assemblées générales du clergé de France, comme député de sa province, en 1598, 1605 et 1615. Il fut un des prélats qui assistèrent à la translation des reliques de saint Thomas d’Aquin a Toulouse. Illustre en un mot, en toute espèce de vertu, et après avoir refusé les archevêchés de Toulouse et de Bordeaux, il mourut le 4 juillet 1630, et son sépulcre, près du grand autel de sa cathédrale, fut arrosé des larmes de personnes de tout ordre, mais surtout des pauvres, dont il avait été le père.
Ci-dessus : 15 juillet 1621. Sépulture de Pierre de Donnaud, « mort dans son lit », évêque in partibus de Tripoli, coadjuteur de Pierre de Donnaud évêque de Mirepoix, neveu de ce dernier. Archives dép. de l’Ariège. Rieucros (1604-1790). 1NUM2/303EDT/GG1. Vue 36.
Pierre de Donaud, sacré à Rome évêque de Tripoli le 8 novembre 1610 pour être coadjuteur de son oncle, mourut avant lui le 14 juillet 1621, et fut le premier placé sous le mausolée que celui-là avait fait élever pour ses successeurs. » ((R.P. Richard et Giraud. Bibliothèque sacrée ou Dictionnaire universel historique, dogmatique, canonique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques. Tome XXVIII. Chez Méquignon-Havard, Libraire-Editeur. Paris. 1827.))
Denis de Sainte-Marthe, à propos de Pierre de Donnaud, le neveu, fournit les précisions suivantes :
« Petrus de Donnauld superioris ex germano Dominico nepos, doctor Sorbonicus, episcopus Tripolitanus Romae VI idus Novembris 1610 consecratur a cardinali Francisco de la Rochefoucault, assìstentibus Julio Sanxidonio episcopo Crosseti, & Luca Stella episcopo Retimi in ecclesia monialium sancta Mariae-Magdalenae via Flaminia, patrui coadjutor & futurus successor. At vitae integritate & doctrina clarissìmus vir praematura morte ereptus 14 Julii 1621, aetatis vero 41, primus in cryptam episcoporum a patruo constructam illatus fuit. » ((Denis de Sainte-Marthe. Gallia christiana. Tome XIII. Ecclesia mirapicensis. Petrus de Donnauld. Parisiis, in typographie regia. 1785.))
Neveu de Pierre Bossom de Donnaud, issu de Dominique, frère aîné de ce dernier, Pierre de Donnauld le jeune, docteur en Sorbonne, fut nommé évêque de Tripoli le 8 novembre 1610 à Rome par le cardinal François de la Rochefoucault, en présence de Julio Sanxidonio, évêque de Crosseti, et de Luca Stella, évêque de Retimi, dans l’église des moniales Sainte Marie-Madeleine via Flaminia, afin d’être le coadjuteur et le futur successeur de son oncle. Cet homme, rendu remarquable par l’intégrité de sa vie et par sa science, fut enlevé par une mort prématurée le 14 juillet 1621, à l’âge de quarante-et-un ans, et il fut mis le premier dans le caveau construit pour les évêques par son oncle paternel.
4. Pierre Bonsom de Donnaud, vu par H. Castillon d’Aspet in Histoire du comté de Foix, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours
« Tel était l’état de l’église de Mirepoix, au commencement du XVIe siècle, que le diocèse ne comprenait que quatre-vingt-neuf paroisses. Celle de Mazères dépendait du comté de Foix. A cette époque, les évêques habitaient rarement leurs diocèses, et vivaient, soit à Rome, soit à Paris ou ailleurs. Aussi l’hérésie se répandait facilement parmi des populations privées de leur premier pasteur. Le siége de Mirepoix resta ainsi désert jusqu’à la nomination de Pierre de Donnaud, qui résida habituellement dans sa ville épiscopale.
Issu de la noble famille de Bonsom de Donnaud et d’Anne de Cornac, il était né à Saint-Ybars, dans le comté de Foix. Contrairement à ses quatre frères qui suivirent la carrière des armes, il se destina à la vie religieuse et entra, en qualité de novice, dans le monastère de Lézat, situé à quelques pas de distance de son village. Il alla continuer ensuite ses études à Toulouse, d’abord, et puis à Paris où, par son savoir, par ses succès dans la science théologique et par la protection du duc de Lavalette, il mérita d’être attaché à l’aumônerie d’Henri III. Elu successivement évèque d’Agen, archevêque de Vienne, dont il refusa le siége, et évêque de Mirepoix, il se rendit de Rome où il avait été consacré par le cardinal de Joyeuse, dans son diocèse, le 14 avril 1588.
Dès qu’il fut installé dans son siége, ce prélat s’appliqua entièrement au soulagement temporel et spirituel de ses fidèles. Ainsi, à l’époque d’une famine qui désola le pays de Foix, et dont il a été fait mention, il nourrit tous les pauvres de son diocèse, auxquels il distribua quinze cents setiers de blé. Non seulement il les nourrit tous, pendant le temps que dura la disette, mais encore il logea ceux qui n’avaient pas de domicile dans son palais, où il mit à leur disposition sept vastes salles.
Après l’abjuration d’Henri IV, Pierre de Donnaud fut choisi par les deux commissaires du roi pour faire exécuter l’édit de pacification qui ordonnait la réintégration des catholiques dans leurs églises, dans l’étendue de son siége. Ce prélat se rendit donc à Mazères qui était alors entièrement habitée par les protestants ; et comme les consuls et les habitants cherchaient à lui fermer l’entrée de leur ville au moyen de l’intimidation et des menaces, il leur résista courageusement en face. Il donna ordre aussitôt de convoquer le peuple et, entouré de son clergé, il célébra la messe, prononça un discours, et rétabit les prêtres dans leur ancienne église. C’est avec le même courage qu’il remplit cette mission dans les autres villes de son diocèse. Ce vénérable prélat réforma encore la discipline ecclésiastique dans toute l’étendue de sa juridiction ; fonda un grand nombre d’églises ; en décora plusieurs ; restaura la maison épiscopale de Mazerettes, dont les dépenses s’élevèrent à vingt mille livres tournois ; acheta, enfin, l’orgue de la cathédrale, et fit d’autres réparations et acquisitions de tableaux, dont la plupart, tel que celui qui représente saint Maurice, subsistent encore de nos jours.
Mais le zèle de cet évêque éclata principalement dans la mission qu’il s’était imposée de convertir les chefs protestants. Plusieurs d’entre eux rentrèrent au sein de l’Eglise, après avoir abjuré solennellement leurs doctrines. Au nombre de ces derniers, il faut compter le fameux d’Aure ou d’Auros qui, ayant été fait prisonnier au siége de Pamiers, fut condamné à la peine de mort par le Parlement de Toulouse. Avant de subir sa peine, il demanda à rentrer au sein de l’Eglise catholique, sous les auspices de l’évêque de Mirepoix qui l’instruisit, reçut son abjuration , et l’accompagna jusqu’au lieu du supplice. Pierre de Donnaud, mourut le 3 juin 1630. » ((H. Castillon d’Aspet. Histoire du comté de Foix, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Tome 2. J.-B. Cazaux Imprimeur-Editeur. Toulouse. 1854.))
Ci-dessus : 3 juillet 1630. Décès de Pierre Bossom de Donnaud, évêque de Mirepoix. Archives dép. de l’Ariège. Mirepoix (1625-1639). Paroisse Saint Maurice. Document 1NUM5/5MI662. Vue 69.
5. Pierre Bonsom de Donnaud vu par Gratien Leblanc in Histoire d’une cathédrale : Saint Maurice de Mirepoix
Ci-dessus : site du château de Donnaud, entre Saint-Ybars et Sainte-Suzanne ; carte de l’état-major (1820-1866).
« Si Pierre de Donnaud renonça si facilement à Vienne pour accepter Mirepoix, c’est qu’il était presque un enfant du pays. Sa famille était installée sur les bords de la Lèze dans un domaine dont elle portait le nom, situé entre Saint-Ybars et Sainte-Suzanne. A 17 ans il était entré à l’abbaye bénédictine de Lézat. Après des études à Toulouse et à Paris où il était devenu, grâce au duc d’Epernon, aumônier du roi Henri III, il avait successivement refusé l’évêché d’Agen et l’archevêché de Vienne. Par contre, c’est avec joie qu’il avait accepté Mirepoix, plus proche de Saint-Ybars et de Lézat, deux lieux qui lui étaient chers.
Sacré à Rome par le cardinal de Joyeuse, archevêque de Toulouse, il fut contraint d’accepter l’aide d’une compagnie de soldats que lui prêta le duc de la Valette, pour gagner le château de Mazerettes d’où il sortit le jeudi saint (5 avril 1588) pour faire son entrée solennelle dans Mirepoix et sa cathédrale.
Tandis que huguenots, papistes et ligueurs continuaient à ravager le diocèse, Pierre de Donnaud ne craignit pas de le parcourir et de prendre des dispositions pour reconstruire les églises détruites. Par ailleurs, il fit désavouer l’indésirable réforme capitulaire de 1535 et reconnaître aux évêques certains droits de jouissance, en particulier du cloître de la cathédrale et des dîmes de Mazerettes. Mais ce qui nous intéresse au premier chef, ce sont les heureuses transformations qu’il accomplit à la cathédrale.
Il transforme d’abord le choeur que Philippe de Lévis avait construit quelque quatre-vingts ans auparavant. Comme la mode s’en répand sous Louis XIII, il va faire appel à la sculpture et à la peinture qui prennent le pas sur l’orfèvrerie et la tapisserie. Un procès-verbal de 1641 nous apprend qu’il avait réalisé un ensemble d’une grande noblesse.
Il substitue à l’autel primitif « un maître-autel de marbre rouge supportant six énormes chandeliers, deux beaux anges de marbre blanc agenouillés dans une gracieuse posture » ((Ce maître-autel et ces anges sont aujourd’hui placés dans la chapelle d’axe, chapelle de la Vierge actuellement consacrée à saint Joseph. Voir en commentaire ci-dessous le rectificatif envoyé par Laurie Jany.)).
Ci-dessus : aspect du choeur et du maître autel de la cathédrale Saint Maurice aujourd’hui. Le marbre rouge de l’autel et de la balustrade a fait place à de la pierre blanche de Beaucaire.
Il fait exécuter en même temps une balustrade également de marbre rouge. L’abbé Robert pensait qu’elle entourait l’autel ((Chanoine François Robert. Cf. « Les chapelles de l’église cathédrale de Mirepoix » in La Semaine catholique de Pamiers, 18 octobre au 24 décembre 1895 ; « Histoire des évêques de Mirepoix » in Bulletin historique du diocèse de Pamiers, t. I, 1912 et années suivantes ; « Notes sur la cathédrale de Mirepoix » in La Voix de Saint-Maurice, d’octobre 1924 à janvier 1926.)). Cette idée a été reprise par Mme Michèle Pradalier-Schlumberger dans son article sur « La cathédrale de Mirepoix », in Congrès archéologique de France, 131e session, 1973.)). Roger Builles estimait qu’elle ne faisait que séparer l’autel du reste du choeur ((Cf. R. Builles. La Cathédrale de Mirepoix, étude historique et archéologique. Foix. 1943.)). Le baron Guilhermy, qui l’a encore vue en place en 1857, met tout le monde d’accord en précisant : « Sol relevé d’un degré. Balustrades en marbre du Languedoc ». Neuf autres degrés montaient à la plate-forme de l’autel qui est bordé de semblables balustrades ». Ceci fait supposer que Pierre de Donnaud fit abattre la muraille qui environnait « bien sumptueusement le tour du cueur » à l’époque de Philippe de Lévis.
Ci-dessus : Larivière Vesonius. Christ en croix. Il faut, peut-on lire dans le Congrès archéologique de la France publié en 1973, « replacer l’artiste auteur du tableau ci-dessus parmi les Flamands, qui, en route vers l’Italie, s’arrêtaient dans le Midi. On ne peut s’empêcher de penser, à cause des noms si proches, au cas de Ludovicus Finsonius », en français Louis Finson, peintre d’inspiration caravagiste, né avant 1580 à Bruges, mort en 1617 à Amsterdam, qui a oeuvré vers 1600 à Rome et à Naples, puis à partir de 1613 à Marseille, Aix-en-Provence, Arles, Montpellier, Toulouse, Bordeaux et Paris.
L’évêque fait placer tout autour, vers 1620, six grands tableaux représentant les principaux épisodes de la vie de saint Maurice ; un septième, représentant le Christ en croix, fut mis au centre, derrière l’autel ((Il sert aujourd’hui de retable à la chapelle Saint-Gauderic, actuellement Saint-Maurice ; il est signé « Larivière Vesonius fecit ».)). L’abbé Robert croyait que Pierre de Donnaud avait fait placer ces tableaux « sur » la balustrade entourant l’autel. Nous les verrions plutôt suspendus à des potences fixées dans les dés de la balustrade ou peut-être à des « boiseries qui entouraient le choeur au-dessus des balustrades à pilastres de marbre rouge » dont parle un chroniqueur anonyme dans un quotidien régional en juin 1935. Les « pilastres » auxquels il fait allusion devaient orner les dés. C’est cette menuiserie ornée de tableaux qui n’aurait plus laissé « aucune espèce de visibilité depuis le déambulatoire », à la façon sans doute de la belle muraille qui formait clôture depuis Philippe de Lévis et que Pierre de Donnaud fit donc démolir.
L’évêque de Mirepoix fit construire dans ce choeur devant l’autel du côté de l’évangile, un « mausolée » pour lui et ses successeurs. Il eut la douleur d’y déposer le 14 juillet 1621 les restes mortels de son neveu et coadjuteur, Pierre de Donnaud, évêque in partibus de Tripoli. De fait, ce « mausolée » ne devait être qu’un caveau, puisque aussi bien à la mort du munificent évêque, son corps placé à côté de celui de son neveu, ne fut recouvert selon ses voeux exprès que d’une simple plaque de marbre noir, contraste saisissant entre le faste qu’il avait déployé de son vivant et la pieuse humilité qu’il témoigna au moment de sa mort.
Ci-dessus : dans la chapelle Sainte Catherine, tableau représentant le couronnement de Sainte Catherine (XVIIe siècle).
Ci-dessus : emblèmes des tailleurs de pierre et maçons sur la grille de l’ancienne chapelle Saint Blaise.
En dehors des travaux accomplis dans le choeur, Pierre de Donnaud et le Chapitre concèdent aux confréries un certain nombre de chapelles, à charge pour elles de les entretenir et les « embellir ». C’est alors que celles-ci vont commencer à changer de titulaire, de telle sorte que ce n’est plus à la clef de voûte qu’il faut le chercher mais sur les emblèmes portés par les portes des grilles en fer forgé. Un rapport sur l’état du diocèse présenté au pape en 1593 par Pierre de Donnaud à l’occasion de son voyage ad limina, nous apprend par exemple qu’une confrérie de saint Blaise [confrérie dédiée aux cardeurs de laine, drapiers, filateurs, teinturiers, ainsi qu’aux tailleurs de pierre et maçons] établie dans la chapelle du même nom (aujourd’hui chapelle du Rosaire) et que « les jeunes filles de la ville ont établi sainte Catherine dans la chapelle ravie à saint Dominique ».
Mais c’est à Pierre de Donnaud que revient encore le mérite d’avoir doté la cathédrale de ses premières orgues. Elles lui coûtèrent plus de 4.000 livres et furent astucieusement placées en 1615 dans la tribune qui domine la chapelle basse de la travée de Guillaume du Puy. Un mémoire de 1770 donne quelques détails intéressants « sur cet instrument de style Renaissance, restauré en 1696 et enlevé et vendu à l’occasion des lamentables réparations qui furent entreprises vers 1865 ». Ces orgues devaient présenter un réel intérêt si on en juge par les offres d’achat faites par des Toulousains lors de leur déposition.
Pas moins que Philippe de Lévis, il ne se désintéressa du carillon et en 1594 il fait refondre à ses frais une des grandes cloches du poids de 1.115 kg avec cette inscription :
J.H.S. MA. S. MAURICI. CUM SOCIIS TUIS. ORA PRO NOBIS.
F. PETRUS. DE. DONAULD. EPUS. MIRAP. PROPRIIS. SUMPTIBUS. REFECIT. ((Cette cloche, la seule rescapée en 1793 car elle servait à sonner les heures pendant la Révolution, a été refondue en 1901 par les soins de M. le chanoine Barbe. Cf. Chanoine Robert. Chanoine P. Barousse, Notice historique sur la cathédrale de Mirepoix. 1974. Page 18.))
Tout comme Philippe de Lévis encore, il restaura le château de Mazerettes, où il résidait, le seigneur de Mirepoix occupant indûment le palais épiscopal.
Hélas, le conflit entre ses successeurs et la maison de Lévis ne va aller qu’en s’accentuant et bien du temps et de l’argent vont être dépensés en pure perte pour le plus grand dam de la cathédrale.
Coadjuteur imposé à Pierre de Donnaud depuis le 9 juin 1629, Louis de Nogaret, qui va se révéler homme violent et rancunier, lui succède sans
incident le 3 juillet 1630. Dans ce choeur où les querelles vont s’envenimant, Louis de Nogaret ne se contente cependant pas de défendre son trône. Il l’embellit en y faisant mettre, à la suite des tableaux déjà en place, les portraits de son pieux prédécesseur Pierre de Donnaud et du coadjuteur de celui-ci prématurément décédé » ((Gratien Leblanc. « Histoire d’une cathédrale : Saint Maurice de Mirepoix ». Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France. Toulouse. 1975.)).
Que sont les portraits de Pierre Bonsom de Donnaud et de Pierre de Donnaud depuis lors devenus ?
J’ai quand-même des doutes quant à l’authenticité du prétendu ancien autel du chœur de la cathédrale. Il est petit et ne pourrait pas soutenir six énormes chandeliers. Il n’a rien d’un autel de cathédrale . Passe encore pour le tabernacle et les anges adorateurs, mais pour le reste …
Je n’en sais pas plus.
Bonjour,
J’ai fait mon mémoire de master il y a quelques années autour des autels de marbre du XVIIIe dans la région, et cet autel de Mirepoix a été mon point de départ. Même s’il m’a causé BEAUCOUP de soucis, car je n’ai aucun information, sinon des suppositions par comparaisons avec d’autres exemples.
Il est vraiment caractéristique d’une production d’autels au XVIIIe siècle, en particulier dans la région grâce aux ateliers de Caunes-Minervois : marbres polychromes, anges adorateurs, lignes courbes… On en trouve beaucoup d’exemples dans la région audoise, comme à Castelnaudary, Carcassonne, Limoux, Montréal…
Je parle en tout cas pour le fond d’autel et le tabernacle, car je pense que l’autel a été remplacé au XIXe, vu les couleurs.
Il n’est en tout cas probablement pas possible, stylistiquement, que cet autel date de l’épiscopat de Pierre de Donnaud, donc début XVIe siècle.
Pour avoir consulté à l’époque la source citée par Roger de Builles pour justifier cette datation, aux archives (un procès-verbal datant du XVIIe siècle), à la source de cette erreur, il n’est nullement question de l’autel décrit, à ma connaissance (Parce que c’est des sacrées pattes de mouches, je me suis arrachée les cheveux à essayer d’en transcrire certains passages !)
C’est d’ailleurs assez étonnant de voir comment, dans tous les ouvrages suivants, l’erreur a été reprise sans vérification. 😉
Bon, je comptais faire court. Raté. Ne jamais lancer quelqu’un sur le sujet de ses recherches.
Enfin, c’était juste une petite précision concernant cet autel. Bonne continuation !
Existe-t-il des archives de la confrérie des maçons et tailleurs de pierre ?
Quelle est selon vous la datation de la grille de la chapelle Saint-Blaise avec leurs emblèmes ?
Cordialement.
Concernant d’éventuelles archives de la confrérie des maçons et tailleurs de pierre, j’ai voulu consulter autour de moi. Mais personne ne semble savoir. On devrait pouvoir trouver des baux à besogne dans les registres des notaires. Encore faut-il tomber sur les registres qui en contiennent ! La recherche est vaste ! Il faut compter sur les hasards de la lecture, et la chance…
Concernant la chapelle Saint Blaise de la cathédrale Saint Maurice de Mirepoix, voici ce que dit Gratien Leblanc, le meilleur historien de cette cathédrale, in Histoire d’une cathédrale : Saint-Maurice de Mirepoix. Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France (1974) :
« En dehors des travaux accomplis dans le chœur, Pierre de Donnaud et le Chapitre concèdent aux confréries un certain nombre de chapelles, à charge pour elles de les entretenir et les «embellir ». C’est alors que celles-ci vont commencer à changer de titulaire, de telle sorte que ce n’est plus à la clef de voûte qu’il faut le chercher, mais sur les emblèmes portés par les portes des grilles de fer forgé.
Un rapport sur l’état du diocèse présenté au pape en 1593 par Pierre de Donnaud à l’occasion de son voyage ad limina, nous apprend par exemple qu’une confrérie de saint Blaise est établie dans la chapelle du même nom (aujourd’hui chapelle du Rosaire). »
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6580450w/f92
Dans l’article intitulé Une visite au clocher de la cathédrale de Mirepoix, j’évoque à plusieurs reprises les marques des tailleurs de pierre (avec quelques photos), dont celle d’un certain « Joseph », qui figure un peu partout dans le clocher.
http://belcikowski.org/ladormeuseblogue/?p=119
Bien cordialement.