Fin de journée à l’ancien prieuré de Camon
Ci-dessus : au pied du prieuré de Camon, la « maison haute » (XVIe siècle).
Samedi dernier, en fin de journée, nous nous sommes rendus à l’ancien prieuré de Camon, lieu de mémoire auquel Claudine Pailhès, directrice des Archives départementales de l’Ariège, consacrait une communication in situ.
Ci-dessus : vue de l’ancien rempart du prieuré (XIVe siècle) et de l’ancienne église prieurale Notre Dame de la Nativité, devenue aujourd’hui église paroissiale.
Ci-dessus : entrée de l’ancien prieuré, exceptionnellement ouvert pour la conférence de Claudine Pailhès, car il s’agit aujourd’hui d’une propriété privée, celle de l’établissement hôtelier L’abbaye-Château de Camon.
Au pied d’une vaste cheminée, dans une salle qui a pu être la cuisine ou le réfectoire des moines, Claudine Pailhès a brossé pour nous, en présence de Jean Huillet, maire de Camon, un panorama, riche en épisodes, de l’histoire multiséculaire de l’ancien prieuré.
Au début du Xe siècle, un laïc prénommé Simplicius, ou Sulpicius, probablement un membre de la famille Amelius, proche de Roger le Vieux, vicomte de Carcassonne, fonde une abbaye à Camon. L’abbaye se trouve placée sous la règle de Saint Benoît. En 943-944, Simplicius rétrocède son abbaye à celle de Lagrasse, plus riche et plus puissante, d’où plus à même d’assurer la survie de l’établissement de Camon, lequel se trouve dès lors reconduit au rang de simple prieuré, qui doit une redevance de « cinq muids de blé et de vin » à l’abbaye mère. L’abbaye de Lagrasse prétend installer à Camon un prévôt choisi par ses soins. Mais le dit Simplicius profite de la rétrocession pour obtenir le statut de prieuré jus-patronat à l’endroit de l’établissement de Camon, d’où la réservation du statut de prieur aux seuls membres de la famille Amelius, autrement dit à celle de Roger le Vieux. En 959, une bulle du pape Jean XII stipule que Simplicius Amelius jouit du prieuré en commende, i.e. qu’il jouit personnellement des revenus du prieuré, sans exercer toutefois aucun autorité sur la discipline intérieure des moines. En 1002, puis en 1034 encore, c’est à l’un des fils de Roger le Vieux que revient le prieuré de Camon.
A partir de 1050, la réforme grégorienne initiée par les papes Grégoire VII et Léon IX interdit aux laïcs la propriété d’aucun établissement religieux. Le prieuré de Camon devient, de façon pleine et entière, une succursale de l’abbaye de Lagrasse, dédiée sur ordre du pape à l’accueil de douze moines. Nombre de seigneurs, anciennement propriétaires d’abbayes ou de prieurés, abandonnent dans le même temps leurs propriétés à l’Eglise. L’abbaye de Lagrasse se voit ainsi attribuer nombre d’autres succursales, qui font d’elle sur l’axe transpyrénéen, de Toulouse à Mérens, une puissance incontournable. Le prieuré de Camon profite de ce flux nouveau. Il acquiert alors de nombreux biens, y compris des seigneuries, dont, entre autres, celle d’Arvigna. Mais dons d’abbayes et de prieurés se multipliant par la suite encore, les ressources diminuent à proportion du nombre de ces établissements. C’est en tout cas ce qui arrive à l’abbaye de Lagrasse et au prieuré de Camon à partir de la fin du XIIe siècle.
En 1289, le prieuré souffre de l’inondation qui emporte un peu plus loin le premier site de Mirepoix. Au XIVe siècle, pour se prémunir des effets de la guerre de Cent Ans, il s’enferme dans des remparts. A la fin du XVe siècle, il se trouve ravagé par une bande de routiers. Les moines abandonnent le monastère. L’abbaye de Lagrasse doit y déplacer six de ses moines.
Au XVIe siècle, le prieuré connaît un nouvel essor avec l’arrivée de Philippe de Lévis, nommé par Alexandre VI (Borgia) évêque de Mirepoix, abbé de Lagrasse et prieur commendataire de Camon. Il fait reconstruire et embellir le prieuré.
Durant les guerres de religion du XVIe siècle, grâce à la puissance militaire des Lévis, le prieuré échappe à la fureur des combats.
Après la mort de Philippe de Lévis, le prieuré vient à manquer de ressources derechef. En 1597, le prieur Jacques de Villemur tente s’assurer la survie de la communauté en vendant les seigneuries de Sibra et de Pierrefitte en Lauragais.
Au XVIIe siècle, la discipline des moines se relâche. Diverses affaires scandaleuses nécessitent l’intervention de l’évêque de Narbonne. Finalement, bien que les prieurs continuent d’en toucher les revenus, le couvent se trouve déserté jusqu’en 1699.
De 1680 à 1718, le prieuré renoue avec la pratique du jus-patronat, avec une suite de prieurs issus, tous, de la famille de Villemur. Bien que ne résidant pas à Camon, ou rarement, ceux-ci contribuent, dans le style du XVIIIe siècle, à un nouvel embellissement des bâtiments conventuels. Ceux-ci n’abritent plus toutefois que neuf moines. En 1746, une bande de « jeunes libertins » se livre à diverses exactions à l’intérieur du couvent.
En 1791, sous le couvert d’un prête-nom, le bâtiment est vendu comme bien national à François Jean de Bruyères, marquis de Chalabre. Il passera ensuite, par alliance, à Mathieu Antoine de Mauléon Narbonne, puis sera revendu en 1823 à Emmanuel Viviès, industriel de Sainte-Colombe. Etc. 1Concernant l’histoire de Camon, cf. également le site de Robert Faure : Du côté de Tréziers/Prieuré de Camon.
Après la communication de Claudine Pailhès, suivie d’un somptueux apéritif dînatoire, nous avons pu goûter au charme nocturne de l’ancien jardin des moines.
Ci-dessus : à gauche sur l’image, façade de l’église, qui, incluse dans l’ensemble conventuel, donne sur l’ancien jardin des moines.
Ci-dessus : fin de soirée, derniers feux.
References
↑1 | Concernant l’histoire de Camon, cf. également le site de Robert Faure : Du côté de Tréziers/Prieuré de Camon. |