Feu Maître Alexis Laugé, prébendé des dix-huit…
Ci-dessus : 2 octobre 1774. Mirepoix. Paroisse Saint Maurice. Acte de décès de Maître Alexis Laugé, « prébendé des dix-huit », âgé d’environ soixante-douze ans…
« Prébendé des dix-huit »… La formule est curieuse, étrangère au lexique contemporain. Je suis allée vérifier chez l’abbé Ferran, auteur d’un article consacré au Chapitre cathédral de Mirepoix, ce qu’une telle formule pouvait bien signifier.
1. Prébende
Une prébende est un revenu ecclésiastique destiné à l’entretien d’un chanoine séculier.
2. Prébende de dix-huit
« Les prébendes, rapporte l’abbé Ferran, étaient divisées en prébendes de 18 livres, de 15 livres et de 12 livres capitulaires. Les prébendes de 18 livres étaient conférées aux prêtres ou à ceux qui étaient en âge de le devenir dans l’année, à cause de la charge qui leur était imposée de dire les messes basses ; les prébendes de 15 et de 12 livres étaient réservées aux diacres et aux sous-diacres. » Ces prébendes portaient donc, comme on peut le voir ci-dessus, le nom de la quotité du revenu qui s’y trouvait primitivement primitivement affecté.
3. Livres capitulaires
Par sa Bulle de fondation, le 23 septembre 1317, le pape Jean XXII, dit encore l’abbé Ferran, dote le Chapitre de « biens considérables, qui donnent un revenu de 2000 livres tournois dont il doit jouir. La somme de ces revenus se divise en mille cent-soixante-et-une portions qu’on appelle livres capitulaires.
En 1776, la livre capitulaire est de 24 livres 10 sols tournois. Il y a aussi une distribution de blé et de vin proportionnée au revenu de chaque titre. Le trésorier dresse ordinairement le rôle de ces distributions en nature et le soumet à l’approbation du Chapitre, qui opère les retenues pour absences ou pour amendes infligées à la suite des infractions au règlement, d’après le registre du poinctuaire » 1Cf. « Organisation du Chapitre Saint Pierre de Burlats ». Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn. Albi. 1909. Le poinctuaire sacristain est nommé dans les chapitres généraux à la pluralité des voix. Pendant le service divin, cet officier a toujours devant lui le registre de la pointe ou cahier sur lequel sont inscrits tous les noms des prébendés. Il marque un point à côté du nom des absents ou de ceux qui arrivent en retard au. choeur. Sont réputés absents tous ceux qui n’assistent pas à une des trois grandes heures canoniales qui sont : matines, messe et vêpres. Les prébendés malades sont regardés comme présents et assistants et ils ont toujours leur part tant des gros fruits que des distributions manuelles. On regarde comme étant en retard ceux qui arrivent à matines, après le venite exullemus ; à la messe, après le kyrie eleison ; à vêpres, après le premier psaume..
4. Ressources du Chapitre de Mirepoix
Le Chapitre est grand décimateur 2Décimateur : ecclésiastique, ou institution ecclésiastique, à qui revenait le bénéfice de la dîme levée sur une paroisse et qui, en retour, devait participer aux frais d’entretien de la paroisse.. à Villa-Savary, diocèse de Saint-Papoul (Aude), où il possède une métairie très importante, dite de Ville, une maison appelée Le Capitoul, un pré et des vignes. Il a encore à Saint-Martin-la-Lande, près de Pexiora (Aude), une métairie que lui a léguée Raymond Athon, premier Evêque de Mirepoix. Il est fruit-prenant et grand décimateur, à Bélesta, Fougax, Barrineuf, L’Aiguillon, Saint-Jean-d’Aigues-Vives, Tourtrol et Mazerolles (Ariège), à Montclar et à Monestrol (Aude), à La Garde Lauragais (Haute-Garonne) 3aujourd’hui Lagarde, commune du canton de Villefranche. Il est fruit-prenant de moitié avec l’Evêque, à Besset (Ariège), à Plavilla, Ribouisse et Espinoux (Aude).
Ci-dessus : entrée de la Grand Borde.
Le Chapitre possède aussi dans le Consulat de Roumengoux (Ariège) une métairie appelée La Grand Borde ; dans celui de Mirepoix, les métairies de Grateloup et de Paraulettes, plusieurs pièces de terre à Embarou et à Mirepoix, où il a encore des maisons appelées Capitoul dans la rue qui a conservé ce nom ; une maison et un jardin en dehors des remparts, à l’ouest de la ville 4Chemin de la Mestrise aujourd’hui encore., où sont logés les enfants de la maîtrise et le prêtre bénéficier chargé de les instruire et de leur enseigner le chant et la musique.
Ce prêtre, préposé à l’instruction des enfants de la maîtrise, reçoit annuellement 12 setiers de blé, du vin et 36 livres en argent pour sa nourriture et celle des enfants, 20 livres et les revenus de sa prébende pour ses gages et 60 livres pour les habits qu’il devait fournir aux enfants.
Le Chapitre jouit encore, dans la ville de Mirepoix, du droit de péage qu’il prélève sur les denrées portées au marché, le jeudi avant la fête de Noël, le Jeudi-Saint et le jeudi avant la fête de Pentecôte.
5. Dépenses du Chapitre de Mirepoix
En raison de ces biens, le Chapitre a d’assez nombreuses charges dont voici l’énumération sommaire :
Il est tenu de fournir la moitié des dépenses faites soit pour l’achat d’ornements, soit pour les réparations des églises et presbytères des paroisses où il est fruit-prenant. Dans plusieurs de ces paroisses, il paye les honoraires du prédicateur de l’Avent et du Carême et, plusieurs fois dans l’année, il envoie des sommes d’argent à leurs consuls pour être distribuées aux véritables pauvres, en présence des curés ou vicaires. A Mirepoix, le Chapitre intervient aux réparations de l’église cathédrale, du grand orgue, paie l’organiste et le bedeau, partage avec la Communauté les frais de réparations du clocher, des cloches et de l’horloge, donne annuellement 250 livres pour la prébende préceptoriale, ce qui lui vaut le droit de nommer le régent principal des écoles de la ville. Il fait une aumône annuelle de deux setiers de blé et d’une charge de bon vin aux Religieux Cordeliers, établis à Mirepoix même. Les chapelles de la cathédrale ayant été accordées, presque toutes, à diverses confréries 5D’après les registres des délibérations capitulaires, sept confréries étaient établies dans la cathédrale de Mirepoix, au commencement du XVIIIe siècle : La confrérie du Rosaire, chapelle du Rosaire ; la confrérie des cordonniers, chapelle de l’Annonciation ; la confrérie de Saint Gaudéric, chapelle de Saint Gaudéric, la confrérie de Notre Dame des agonisants, chapelle de Saint Paul ; la confrérie des menuisiers et charpentiers, chapelle de Saint Joseph; la confrérie des scapulaires de Notre-Dame du Mont Carmel, chapelle de Notre Dame du Mont Carmel; la confrérie des orfèvres, serruriers et maréchaux ferrants, chapelle de Saint Eloi. La confrérie des Pénitents bleus et celle des Pénitents blancs avaient leurs chapelles spéciales en ville. avec charge de les orner et de les embellir, le Chapitre veut, plusieurs fois, contribuer aux dépenses faites dans ce but par les marguilliers des dites confréries.
Ci-dessus : vue de la chapelle Sainte Catherine aujourd’hui. En 2016, par chance, les belles colonnes de marbre rouge et le cadre sont toujours là.
C’est ainsi qu’au mois de mai 1683, le Chapitre appelle Jean Guitard, maître menuisier de Pamiers pour faire plusieurs rétables des chapelles et le grand jubé du choeur, et que, le 30 avril 1703, il accorde 50 livres aux marguilliers de la chapelle de Sainte Catherine, pour les aider à acheter les quatre belles colonnes de marbre rouge et le cadre qui ornent encore aujourd’hui cette chapelle. »
Conclusion
Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, à Mirepoix comme ailleurs, le Chapitre et l’Evêque partagent, non sans conflits, à la fois un rôle ecclésial et, en matière d’enseignement au moins, un rôle d’administrateurs civils. Feu Maître Alexis Laugé, prébendier du chapitre, bénéficiait là d’un revenu de dix-huit livres capitulaires, soit – sachant qu’en 1776 une livre capitulaire valait 24 livres 10 sols tournois – 18 livres capitulaires x 24 livres 10 sols tournois = 434 livres environ. On ne sait pas si, comme nombre d’autres prébendiers, Maître Alexis Laugé se trouvait chargé d’une cure susceptible de compléter le revenu de sa prébende première.
References
↑1 | Cf. « Organisation du Chapitre Saint Pierre de Burlats ». Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn. Albi. 1909. Le poinctuaire sacristain est nommé dans les chapitres généraux à la pluralité des voix. Pendant le service divin, cet officier a toujours devant lui le registre de la pointe ou cahier sur lequel sont inscrits tous les noms des prébendés. Il marque un point à côté du nom des absents ou de ceux qui arrivent en retard au. choeur. Sont réputés absents tous ceux qui n’assistent pas à une des trois grandes heures canoniales qui sont : matines, messe et vêpres. Les prébendés malades sont regardés comme présents et assistants et ils ont toujours leur part tant des gros fruits que des distributions manuelles. On regarde comme étant en retard ceux qui arrivent à matines, après le venite exullemus ; à la messe, après le kyrie eleison ; à vêpres, après le premier psaume. |
↑2 | Décimateur : ecclésiastique, ou institution ecclésiastique, à qui revenait le bénéfice de la dîme levée sur une paroisse et qui, en retour, devait participer aux frais d’entretien de la paroisse. |
↑3 | aujourd’hui Lagarde, commune du canton de Villefranche |
↑4 | Chemin de la Mestrise aujourd’hui encore. |
↑5 | D’après les registres des délibérations capitulaires, sept confréries étaient établies dans la cathédrale de Mirepoix, au commencement du XVIIIe siècle : La confrérie du Rosaire, chapelle du Rosaire ; la confrérie des cordonniers, chapelle de l’Annonciation ; la confrérie de Saint Gaudéric, chapelle de Saint Gaudéric, la confrérie de Notre Dame des agonisants, chapelle de Saint Paul ; la confrérie des menuisiers et charpentiers, chapelle de Saint Joseph; la confrérie des scapulaires de Notre-Dame du Mont Carmel, chapelle de Notre Dame du Mont Carmel; la confrérie des orfèvres, serruriers et maréchaux ferrants, chapelle de Saint Eloi. La confrérie des Pénitents bleus et celle des Pénitents blancs avaient leurs chapelles spéciales en ville. |