Prodrome de la guerre des Demoiselles. Assassinat de deux gardes forestiers du citoyen Lafont Sentenac, attribué aux habitants de Boussenac

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En 1803, deux gardes forestiers du citoyen Lafont-Sentenac sont assassinés dans la forêt, entre le Bosc et Boussenac. On suspecte de ce crime quelques meneurs de Boussenac, commune dont les habitants sont connus pour arguer d’un ancien droit d’usage sur la dite forêt. Prodrome de la Guerre des Demoiselles, qui éclatera en 1829, l’affaire fait l’objet du dossier « Assassinat de deux gardes forestiers du citoyen Lafont Sentenac 1Cf. Christine Belcikowski, A propos de [Charles Jean] Joseph Bernard Lafont, seigneur de Sentenac., attribué aux habitants de Boussenac. Messidor-fructidor an XI (juin-septembre 1803) », coté BB/18/139 Dossier 6233(A), pièce 8. Voici quelques extraits du dossier.

L’affaire commence à Sentenac, le 14 messidor an XI (3 juillet 1803) au soir, par un chien qui rentre seul, une femme et un homme qui s’inquiètent de ce que leur mari et leur frère, gardes forestiers, eux ne ne rentrent pas. Le 15 messidor an XI, le maire envoie dans la montagne de Peguère huit hommes de la garde nationale pour y rechercher les deux gardes.

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« Dans la montagne de Peguère, les hommes de la garde nationale trouvent « beaucoup de bétail appartenant aux habitants de la commune de Boussenac, gardé à vue par des habitants de de la même commune, en défense de ladite montagne de Peguère, appartenant au sieur Lafont [de Sentenac], ce qu’ils se gardaient bien de faire auparavant ». Il s’agit là, dit le procès verbal, de « déprédation d’une partie de la forêt ».

En route, les hommes de la garde nationale apprennent à propos des deux gardes forestiers que, le soir du 13, les « paureta » ont soupé et couché au lieu dit Nougué sur la dite montagne de Peguère, dans la cabane Dalios del Pinsel, Dalios étant un habitant de la commune de Boussenac. Puis les mêmes hommes de la garde nationale rencontrent quelqu’un de Boussenac, « qui leur dit de ne plus chercher les gardes, qu’ils étaient morts au bout de la montagne de Montagague, dans le territoire du Bosc. »

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S’étant alors transportés dans la montagne de Montagague, les hommes de la garde nationale trouvent là, « gardés par plusieurs habitants de la commune du Bosc », deux corps.

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« On ne doute pas dans le pays », observe Pierre François Brun, préfet de l’Ariège, « que les scélérats qui commis ce délit n’aient voulu,en transportant les deux hommes assassinés sur un territoire étranger, donner le change à la justice et paralyser les poursuites ».

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Dépêché au lieu dit Nougué, où se trouve la cabane Dalios del Pinsel, un magistrat tombe dans la cabane sur les armes du crime, ainsi que sur un suspect. Onze hommes seront finalement arrêtés.

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Le préfet condamne à l’intention du Juge Ministre de la Justice « le meurtre de François Saurat et de François Papy, gardes forestiers du citoyen Lafont Sentenac, trouvés morts sur le territoire de la commune du Bosc ». Il condamne également la pratique des pasteurs de Boussenac, qui avaient jusqu’ici respecté un bois de réserve du citoyen Lafont, et qui y conduisent désormais effrontément tous leurs troupeaux, livrant ce bois à une déprédation ostensible et inouïe ». Il arrête en conséquence les mesures suivantes, la plus rigoureuse étant celle qui impose la résidence des gendarmes chez l’habitant :

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Le préfet justifie ainsi ces mesures :

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« Arrêter la déprédation des forêts, rassurer les innocents, terrifier les coupables », Pierre François Brun, premier préfet de l’Ariège, n’y réussira pas vraiment. D’abord, parce qu’il quitte sa préfecture ariégeoise en 1808. Ensuite, parce que la déprédation des forêts continuera sous les préfectures de Henri Dupont-Delporte, d’Aimé Jean François Chassepot de Chapelaine, de Scipion de Nicolaï, et de Julien Bessières. Enfin, parce que la guerre des Demoiselles éclatera en 1829, laquelle, bénéficiant de l’omertà des « innocents », terrorisera la région jusqu’en 1832, puis continuera de couver encore, à petit bruit, jusqu’en 1872 2Cf. François Baby. La guerre des Demoiselles (1829-1872). Edition Montbel (09600 Laroque_d’Olmes), 1972 (première édition) ; ou édition Cairn. 2012..

Sous l’Ancien Régime, nobles et grands bourgeois, propriétaires de terres et de forêts, vivant essentiellement des revenus de ces dernières, comprenaient les besoins de dépaissance de la paysannerie et se montraient conciliants sur l’usage des dites forêts. A partir de la Révolution, les nouveaux propriétaires, souvent maîtres de forges ou de moulins, rompent avec l’antique tradition du droit d’usage dont se réclame la paysannerie. D’où les conflits et procès qui s’en suivent. L’amnistie de 1830, l’ordonnance de 1831 qui autorise « le pacage des bêtes à laine dans les quartiers défensables », et surtout, à partir de 1850, « l’émigration, la dépopulation, la dépression de l’économie agricole et industrielle » 3François Baby. Ibidem, p. 91. feront venir la fin des désordres qu’annonçait en 1803 l’assassinat de François Saurat et de François Papy.

References

1 Cf. Christine Belcikowski, A propos de [Charles Jean] Joseph Bernard Lafont, seigneur de Sentenac.
2 Cf. François Baby. La guerre des Demoiselles (1829-1872). Edition Montbel (09600 Laroque_d’Olmes), 1972 (première édition) ; ou édition Cairn. 2012.
3 François Baby. Ibidem, p. 91.

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  • FOURCADE at 20 h 50 min

    François Baby, auteur de la « guerre des demoiselles » a-t-il été aussi maire de Montbel et condamné pour détournement de fonds publics le 21 octobre 1997 par le tribunal correctionnel de Foix à cinq mois de prison avec sursis?

    • La dormeuse at 21 h 48 min

      Je n’en sais rien. Ce n’est pas là mon propos ici.