A propos des célèbres boiseries du château de Terride

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Ci-dessus : au château de Terride; photo : C.B.

Paul Lacroix (1806-1884), alias le Bibliophile Jacob, fournit dans le Bulletin de l’Alliance des arts du 10 janvier 1845 une très rare description des boiseries qui ornaient jadis le château de Mirepoix, dit aujourd’hui de Terride, et qui sont aujourd’hui disparues. Ces boiseries dataient du temps de Jean V et de Philippe de Lévis.

« M. de Villebrun, de Marseille, propriétaire des célèbres boiseries de Mirepoix, est venu à Paris dans l’espoir de faire acquérir ce précieux monument par la Liste civile ou par le musée du Sommerard. Ces boiseries, que nous avons vues exposées à Toulouse l’année dernière, et qui nous paraissent dater du XVIe et non du XVe siècle, ornaient autrefois le château de Terride, appartenant à la maison de Lévis, et dont les ruines dominent la ville de Mirepoix, forment une salle en bois sculpté, intacte et complète, de 25 mètres de pourtour et 3 mètres 50 centimètres de hauteur, avec portes, fenêtres et voûte à trois cintres ornés, le tout d’une si belle conservation qu’il n’y manque pas une seule pièce, pas une cheville, et que pas un ornement n’est endommagé.

Cette salle se compose, outre la voûte, de quarante panneaux ; chacun d’eux se divise en quatre compartiments. Dans le premier compartiment de chacun de ces panneaux, soutenu sur un socle continu qui fait le tour de la salle, on a représenté des draperies qui semblent se rattacher à des ailes de chérubins.

Le second compartiment, au-dessous du premier, offre un sujet biblique ou mythologique, quelquefois même emprunté au moyen âge ; on y voit les travaux d’Hercule, le triomphe de Bacchus, Judith, Noé, les sibylles, quelques traits de Samson, un jeune variet tenant un faucon sur le poing, etc., etc.

Le troisième compartiment est une frise couverte d’ornements les plus gracieux, d’arabesques et d’enroulements les plus délicats.

Le quatrième est composé de médaillons richement ornés, qui renferment des portraits et des bustes séparés les uns des autres par des statuettes aussi remarquables par la naïveté de leur physionomie que par la scrupuleuse exactitude des costumes.

Chaque panneau est surmonté d’une belle corniche et encadré entre deux pilastres couverts, du haut en bas, de riches sculptures.

Nous avons remarqué, en outre, un meuble qui, dans le moyen âge, portait le nom de dressoir 1Dressoir : armoire sans portes destinée à exposer de la vaisselle, généralement précieuse, ou à disposer les plats avant de les servir. Étymol. et Hist. 1321 : « drechoir » (Invent. évêché d’Arras). Dér. du rad. de dresser* (les assiettes étant dressées contre la paroi du meuble)., richement sculpté et d’une forme très élégante ; il date de la même époque que la salle dont il fait partie.

Ces boiseries d’un bois très dur semblent devoir résister indéfiniment aux ravages du temps. Elles ont acquis par leur ancienneté une couleur noirâtre qui leur prête un charme tout particulier.

Les figures qui ornent le deuxième et le quatrième compartiments de chaque lambris sont naïves et originales ; mais leur dessin manque souvent de correction, tandis que tous les ornements sont d’un fini très remarquable, qui n’est même pas surpassé par les célèbres boiseries d’Auch et de Saint-Bertrand, dans lesquelles on remarque la même incorrection dans le dessin des figures. » 2Bulletin de l’Alliance des arts / sous la direction de Paul Lacroix (Bibliophile Jacob) pour les livres et T. Thoré pour les tableaux ; 1845/01/10 (A3,T3,N14), p. 213, Au bureau de l’Alliance des arts, Paris, 1845.

Quelques infos supplémentaires dans Le Censeur – Journal de Lyon du 23 mai 1845 :

« L’écusson de la maison des ducs de Lévis à laquelle appartenait le château de Mirepoix, se retrouve aussi plusieurs fois sculpté sur les lambris. Ces boiseries ornaient autrefois une des salles de l’ancien palais des évêques de Mirepoix. C’est dans les ruines du château de Terride qu’a été découvert ce trésor archéologique. » Une lithographie représentant les boiseries pouvait être demandée, en 1845, à M. Félix de Villebrun, Marseille, rue de Rome, 87.

References

1 Dressoir : armoire sans portes destinée à exposer de la vaisselle, généralement précieuse, ou à disposer les plats avant de les servir. Étymol. et Hist. 1321 : « drechoir » (Invent. évêché d’Arras). Dér. du rad. de dresser* (les assiettes étant dressées contre la paroi du meuble).
2 Bulletin de l’Alliance des arts / sous la direction de Paul Lacroix (Bibliophile Jacob) pour les livres et T. Thoré pour les tableaux ; 1845/01/10 (A3,T3,N14), p. 213, Au bureau de l’Alliance des arts, Paris, 1845.

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  • Martine Rouche at 22 h 19 min

    J’avais trouvé ces textes il y a quelques années, quand je faisais des acrobaties sur la grande échelle des pompiers pour mesurer les poutres et les solives et what not pour Charles Tracy. Je les avais soumis à Bruno Tollon et Charles, qui m’avaient dit que c’était bien l’ensemble des boiseries du palais épiscopal, et qu’il avait été démonté et stocké à Terride. J’avais trouvé aussi que les boiseries étaient ensuite parties pour tout un périple (exposition à Toulouse, installation à Paris puis à Bruxelles, avant l’Ecosse). J’ai tenté de retracer la carrière de ce M. de Villebrun mais je n’ai pas trouvé grand chose. Charles m’a donné une reproduction de la lithographie en question, qui fait rêver. Avec interdiction formelle de la publier sous quelque forme que ce soit, qui est ce à quoi il s’est lui – même engagé.