Ambiance Pau

 

PPP. Pau Porte des Pyrénées. La ville arbore depuis peu cette nouvelle marque. Le sigle figure sur toutes les affiches. Je l’ai découvert la semaine dernière dès l’entrée du train en gare. J’ai pu ainsi, le temps d’un week-end printanier avant l’heure, goûter aux blandices d’un séjour PPP.

Un peu décontenancée tout de même par ce roide PPP, signé d’un lointain cabinet de design parisien, je sentais qu’un souvenir de Molière me guettait tandis que je m’engageais dans la palmeraie.

 

Là-haut, sur le boulevard, à la vue du roi Henri, j’ai su que j’étais ce jour victime d’une crise de misanthropie…

Les mots sont d’Alceste. Ils datent du XVIIe siècle. Mais, misanthropie oblige, je leur trouve ici un air d’à propos :

Ce style figuré, dont on fait vanité, sort du bon caractère et de la vérité : ce n’est que jeu de mots, qu’affectation pure, et ce n’est point ainsi que parle la nature. Le méchant goût du siècle, en cela, me fait peur. Nos pères, tous grossiers, l’avoient beaucoup meilleur, et je prise bien moins tout ce que l’on admire, qu’une vieille chanson que je m’en vais vous dire : si le roi m’avoit donné Paris, sa grand ville, et qu’il me fallût quitter l’amour de ma mie, je dirois au roi Henri : reprenez votre Paris : j’aime mieux ma mie, au gué ! J’aime mieux ma mie. La rime n’est pas riche, et le style en est vieux : mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux que ces colifichets, dont le bon sens murmure, et que la passion parle là toute pure ? Si le roi m’avoit donné Paris, sa grand ville, et qu’il me fallût quitter l’amour de ma mie, je dirois au roi Henri : reprenez votre Paris : j’aime mieux ma mie, au gué ! J’aime mieux ma mie.

Et je prise bien moins tout ce que l’on admire, qu’une vieille chanson que je m’en vais vous dire…

Quelle franchise ! Et quel beau programme que celui d’une vieille chanson que je m’en vais vous dire ! Je rêvais au moyen de célébrer un peu, moi aussi, la grâce de cette vieille chanson lorsque j’ai pris les images que je m’en vais vous montrer ici.

 

Dans les vitrines qui miroitent autour du château, le hasard bat les cartes. Derrière la vitre d’un petit salon de coiffure, il y avait l’autre jour cette chaussure de clown qui m’a fait de l’oeil.

 

Un peu plus loin dans la ville, il y a au fond d’une cour une chartreuse, ornée en façade d’une galerie béarnaise. C’est là une demeure faite pour l’amour et la poésie. Je viens y rendre visite à mon neveu et à sa belle. Lui, c’est l’homme qui dit J’aime mieux ma mie, au gué ! J’aime mieux ma mie. Elle, c’est tout bonnement sa mie.

 

 

 

L’amour, la poésie. Les chaussures parlent.

 

La ville est pleine de toits. On passe à leur pied le plus souvent sans les voir. Mais à Pau, il y en a tant, des toits et des petits toits par-dessus les toits, qu’on dirait là-haut une foule qui regarde. Immobiles, muets, les dieux de l’Olympe en somme. Ou ce qu’il en reste.

 

Je rentre à pied vers Jurançon par des rues tranquilles. Partout des jardins au fond desquels sommeillent, parmi les arbres qui penchent, de belles maisons.

 

Au fond du jardin de Jurançon, le portillon donne sur la voie ferrée. On entrevoit le ballast et les rails depuis l’allée qui circule entre les parterres. Il y a une sorte de poésie naïve à rêver ici de voyage, lorsque, derrière un massif d’hortensias, on voit passer le petit train qui circule tous les jours de Pau à Oloron.

 

Sur le toit de la cabane à outils, il y a un chat, qui goûte lui aussi la poésie des grands voyages.

 

Le soleil, subtil magicien, jette un ultime rayon, façon Op Art.

 

Puis, la nuit paraît à la fenêtre, visiteuse bleue, qui bientôt cogne au carreau. La lampe lui répond, de sa petite voix de plume, qui se perd presque dans le noir : J’aime mieux ma mie, au gué ! J’aime mieux ma mie.

Demain, il fera jour, un autre jour. Ma mie, quel doux nom ! c’est la vie, simplement la vie.