En 1794, vente de la métairie d’Enterraine, à Arvigna, au titre des biens nationaux

 

Ci-dessus : vue d’Enterraine aujourd’hui.

Eparses sur diverses pages de mon blog, je rassemble ici quelques maigres données concernant l’ancienne métairie d’Enterraine, sise sur le territoire de la commune d’Arvigna.

Aujourd’hui rattaché au pays de Pamiers, le village d’Arvigna faisait partie jadis de la seigneurie de Mirepoix, dite en ce temps-là « terre du Maréchal ». Il figure à ce titre dans le dénombrement des biens et valeurs de Jean VI, tel qu’établi entre 1496 et 1510 suite au mariage d’Anne de Lévis, fille de Jean IV, avec Galaubie de Penassac d’Espagne. On trouve le dénombrement des biens et valeurs de Jean VI à Arvigna dans le tome deuxième du Cartulaire de Mirepoix [1]Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome 2, pp. 448, Privat, 1921., publié en 1921 par Félix Pasquier, alors archiviste du duc de Lévis Mirepoix.

D’après Joseph Laurent Olive dans Mirepoix et sa seigneurie, en mars ou avril 1556, Jean VI récompense Abel Audonnet, baile de Rieucros, qui l’a suivi à la guerre dans ces régions de l’est [le comté du Luxembourg], en lui faisant donation de la métairie d’Entervine [graphie ancienne], au lieu d’Arvigna. [2]Joseph – Laurent Olive, Mirepoix en Languedoc et sa seigneurie, page 105 (Imprimerie du Champ de Mars, Saverdun 09700, 1985

L’archiviste Félix Pasquier, dans son Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis-Mirepoix, tome III, fournit des informations plus complètes :

1552, 1er novembre. Don fait à Abel Audonnet, baile de Rieucros, de la métairie d’Entervine [Enterraine], au lieu d’Arvigna, pour le récompenser de l’avoir suivi à la guerre dans le comté de Luxembourg. Insinué [enregistré] à la sénéchaussée de Carcassonne le 7 avril 1556.

Pierre Duffaut, dans Gaudiès et son château – Ancienne chambre épiscopale de Toulouse, rapporte que la métairie d’Enterraine a été vendue en 1794 en tant que bien national. Elle appartenait précédemment à Gui Henri Joseph Thérèse de Lévis, dernier seigneur de Gaudiès.

La vente aux enchères des biens des Lévis Gaudiès commence le 1er messidor an II (19 juin 1794) avec les terres et les bâtiments et se termine en thermidor an IV (juillet 1796) par le mobilier du château de Gaudiès.

La plupart des biens des Lévis Gaudiès, en Ariège, se trouvent dans la commune de Gaudiès. Les autres comprennent la métairie d’Enterrine (aujourd’hui Enterraine) à Arvigna, qui se vendra 150 800 livres le 29 germinal an III (18 avril 1795), des terres à Montferrier, qui se vendront 78 030 livres le 7 brumaire an III (28 octobre 1794), quelques terres à Dun et à Vira, et enfin le château de Longpré (située sur le territoire de la commune de Varilhes, résidence d’été d’Henri Gaston de Lévis, qui fut de 1741 à 1786 évêque de Pamiers), que la vieille marquise avait hérité de son oncle, l’évêque de Pamiers. [3]Pierre Duffaut, Gaudiès et son château – Ancienne chambre épiscopale de Toulouse, p. 200, Editions Milan, 1984.

Aujourd’hui transformée, l’ancienne demeure médiévale a perdu sa fonction de métairie. Elle abrite désormais des chambres d’hôtes.

Le site patrimoines.midipyrenees.fr publie une intéressante description du bâti de l’Arvigna ancien :

 

On observe une grande permanence des implantations : la totalité des hameaux, des écarts, les domaines fermiers La Monge et Enteraine, figurent déjà sur la Carte de Cassini. Le nombre élevé de hameaux et d’écarts sur un territoire aussi restreint est lié à un mode de faire-valoir indirect. Le hameau de Languit dépendait d’une ancienne maison forte datant du 15e siècle, reconstruite au 18e siècle. Les principaux hameaux se sont maintenus et agrandis (Les Bordes, Roubichou, Languit). Les plus petits, identifiables comme « écarts » (habitats d’ouvriers agricoles à disposition des grandes fermes ou métairies) ont eu tendance à se réduire, comme Trufet, Minguet, Menet, Le Castel. Certains sont devenus de simples fermes, tel l’ancien hameau de Marty, entièrement reconstruite après son incendie en 1944. Aucun vestige de pan de bois n’a pu être repéré. Les constructions les plus anciennes font appel au moellon calcaire. Le galet prend peu à peu le pas dans l’appareil mixte. Les quelques dates portées sont gravées dans la pierre, certaines sont très anciennes par comparaison avec celles rencontrées sur le pays appaméen : elles permettent, à Menet, de remonter au 17e siècle (16.., date incomplète, et 1668), à la 2e moitié du 18e siècle pour l’écart de Minguet et le Domaine de Languit, à 1813 sur une habitation de Roubichou. L’avant-toit débordant, comme les génoises à trois rangs, termine le bâti du 18e siècle. La génoise s’impose au 19e siècle, ainsi que la corniche en brique. L’habitat traditionnel s’est beaucoup transformé au cours de la 2e moitié du 19e siècle, voire dénaturé et ce, plus encore au 20ème siècle.

Il n’y a pas de village centre à Arvigna, mais un habitat très dispersé. Il se présente sous la forme de petits agglomérés, hameaux ou écarts répartis sur la partie orientale de la commune, sur les versants qui dominent la vallée. Le type traditionnel de la maison de bourg avec étable intégrée se rencontre dans les hameaux les plus importants, en particulier à Languit, Las Bordes et Roubichou. La maison à travée unique (10 maisons repérées) est trapue à l’origine : construite en moellons calcaire mélangés à du galet, avec des encadrements de baies en bois, ou en pierre pour la porte d’entrée, un toit débordant, elle se rapproche comme à Menet du modèle montagnard. Les maisons à deux travées (6 maisons repérées) proposent des encadrements de brique en arc segmentaire. Deux maisons de maître ordonnancées à trois travées sont visibles au coeur de Las Bordes. Les ensembles identifiés comme « écarts », Trufet, Minguet, Menet et Le Castel, sont aujourd’hui très petits. En revanche, un grand nombre de fermes (15 repérées) parsèment le territoire. Les logis et dépendances y sont bâtis en moellons grossiers de calcaire, plus ou moins mélangés à du galet, et toujours enduits à la chaux. D’allure rustique, les encadrements en bois évoquent l’habitat rural montagnard. A Roubichou, les habitations prennent des allures castrales avec leurs hauts murs de moellons, leurs petites ouvertures à encadrement de bois, et leurs génoises à 3 rangs. A Menet, une habitation répondant à cette typologie, avec avant-toit débordant, arbore en linteau une date gravée (1668). Seuls les enduits permettent d’introduire quelques fantaisies en décor : ce sont des bandes peintes sous le rebord du toit (large bandeau blanc, décoré quelquefois de losanges), ou bien autour des baies, ou en bandes verticales latérales. Ce sont aussi des effets de bossage en sous-bassement ou sur les chaînes d’angles, courants à Arvigna. Plus rares que les génoises, ont été repérées des corniches en brique décorées de dents d’engrenage.

Notes

1 Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome 2, pp. 448, Privat, 1921.
2 Joseph – Laurent Olive, Mirepoix en Languedoc et sa seigneurie, page 105 (Imprimerie du Champ de Mars, Saverdun 09700, 1985
3 Pierre Duffaut, Gaudiès et son château – Ancienne chambre épiscopale de Toulouse, p. 200, Editions Milan, 1984.

10 réflexions sur « En 1794, vente de la métairie d’Enterraine, à Arvigna, au titre des biens nationaux »

  1. Cet habitat dispersé d’Arvigna est quand même incroyable ! Ton article est tout à fait intéressant, même sans connaître le secteur aussi bien que toi, en particulier  » par les pieds  » …
    J’aime beaucoup ce qu’écrit Pierre Duffaut, en général, et ici, en particulier.
    La description du bâti que tu cites ne peut que parler à ton esprit et à ton coeur : je pense aux losanges …

  2. Alors que la métairie d’Enterraine s’est vendue 150 800 livres, l’abbaye de la Boulbonne et la métairie de Tramesaygues, dixit Roger Armengaud dans Boulbonne – Le Saint-Denis des Comtes de Foix, p. 282 (Association pour le Développement du Tourisme de Mazères, 1993) se sont vendues ensemble 180 500 livres. La comparaison ne laisse pas d’étonner.

    « Le sieur Jean Denat, de Mirepoix, acquit pour une somme de 60 000 livres les droits de lods et ventes, le moulin farinier de Dun avec ses terres labourables, près, bois, vignes et la maison contiguë utilisée jusque là par les religieux à l’occasion de leur séjour dans la localité » (Ibidem, p. 284).

  3. Misère ! Il va me falloir relire les classiques … comme le livre de Roger Armengaud … Comme les filtres de lecture changent, de nouvelles approches sont souvent nécessaires !!
    Merci pour toutes les informations que tu relèves, Christine, et que tu prends la peine de noter ici …

  4. Si mes souvenirs sont bons, je crois avoir vu une maison à colombages à Minguet. Et, considérant la carte de L’Huilier et Villaret de 1720, j’ai découvert une importante agglomération avec église, aux abords du ruisseau de St. André. Je me demande si ce ne serait pas le fameux St. André de Roucati, aujourd’hui complètement disparu…Je sais seulement que l’église était une possession de l’abbaye de Camon, avant son incorporation à celle de Lagrasse en 943. Il y aurait donc eu, sous toute réserve, un village supplémentaire à Arvigna, à l’origine gallo-romaine.

  5. Quelques indices, in Recueil des chartes de l’Abbaye de La Grasse. T. I, 779-1119 / publ. par Élisabeth Magnou-Nortier,… et Anne-Marie Magnou,… ; dans le cadre du Centre national de la recherche scientifique, URA 247, Laboratoire d’études méridionales ; Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 1996.

    P. 329 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6436062z/f416.image.r=roucaty.langFR

    P. 91 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6436062z/f180.image

    « Et ailleurs, en Tindirandense (???), dans le lieu dit Rochatino, je donne un autre alleu, avec l’église Saint-André elle-même, avec terres et vignes, avec toutes les limites et confronts de ces dernières, tels que fixés déjà ou à examiner encore. »

  6. « Rochatus », c’est, dans sa variante occitane, au versant, sur la pente… Je connais le site de Saint-André. C’est bien ça.

    Il y a une source qui suinte dans la ruine…

  7. « Rocatus » (par les Bénédictins de St. Maur, 1733–1736), dans du Cange, et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, éd. augm., Niort : L. Favre, 1883‑1887, t. 7, col. 201c.

    http://ducange.enc.sorbonne.fr/ROCATUS

    ROCATUS, Coloris rocæ seu rupis, ut videtur, idem forte qui marmoreus. Catalogus ann. 1300. apud Hemeræum in Augusta Viromand. pag. 364 :

    « Couleur de la pierre ou de la paroi rocheuse, comme on voit généralement au marbre. »

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