Mots d’archive – Cabaux et ratouble

 

J’ai passé aujourd’hui la journée aux archives de Foix – à Fux, comme on dit chez moi. J’ai commencé par lire sur écran des registres BMS [1]BMS : Baptêmes, Mariages, Sépultures., ceux de Mazères à partir de 1717. La numérisation de ces registres n’est pas de bonne qualité. On s’y use les yeux. Même si l’écriture des curés, qui tenaient lesdits registres, reste souvent difficile à déchiffrer, je constate qu’on y réussissait bien mieux lorsque, naguère encore, on disposait de la version papier.

J’ai entamé ensuite la lecture des archives du notaire mirapicien, Maître Combes, et ce, à partir de l’année 1791. Il s’agit là d’un registre papier, bien plus parlant, en tout cas bien plus confortable à lire que les registres numérisés. J’y ai repéré nombre d’actes qui intéressent mes recherches. Mais ce n’est pas là ce dont j’entends parler aujourd’hui.

J’ai relevé au cours de ma lecture deux mots d’usage occitan, « cabaux », et « ratouble », dont j’ai eu besoin de vérifier le sens.

1. Cabaux

 

25 messidor an III. Détail des conditions faites au fermier du domaine de [Saint-Quintin] La Tour, par le citoyen Jean Espert, demeurant à la commune de Sibra, agissant pour le citoyen Jean Baptiste Espert, son fils, commandant du 4ème bataillon de l’Ariège, ici absent.

Le Dictionnaire du Notariat indique que, dans le cadre d’un bail partiaire, le propriétaire fournit des capitaux ou cabaux : ce qui comprend les semences, les animaux, charrettes, charrues et tous les instruments nécessaires à la culture ; le propriétaire fournit aussi le troupeau, les vaches, volailles, porcs, etc. ; de sorte que le preneur n’apporte ordinairement que les meubles à son usage et à celui de sa famille. [2]Dictionnaire du notariat, tome 2, p. 402, par les notaires et jurisconsultes rédacteurs du Journal des notaires et des avocats, éditeur : à l’administration du Journal des notaires et des … Continue reading

On remarque, dans l’acte rédigé par Maître Combes, qu’associé aux « semences », le mot « cabaux » désigne plus spécifiquement le cheptel. Il arrive, dans d’autres actes rédigés par le même Maître Combes, qu’associé aux « semences et au bétail », le mot « cabaux » puisse désigner de façon encore plus spécifique, les animaux attachés au château, i. e. probablement les chevaux et les chiens de meute.

Cf. Loix municipales et économiques du Languedoc, ou Recueil des ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, arrêts du Conseil, du parlement de Toulouse et de la Cour des aides de Montpellier… concernant la constitution politique de cette province, son administration… ses privilèges et usages… :

Un grand nombre de bourgeois, marchands, artisans, & autres demeurans dans les bonnes villes, & ceux de la campagne, ont grande quantité de bestiaux & cabaux, & font divers commerces & profits par le moyen de leurs revenus… [3]Loix municipales et économiques du Languedoc, ou Recueil des ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, arrêts du Conseil, du parlement de Toulouse et de la Cour des aides de … Continue reading

Pour le plaisir de l’école rétro, voici une occurrence du mot « cabaux » relevée dans un exercice destiné à la classe de géographie en 1946 :

Système de culture. Consistance des exploitations

Domaine composé de terre labourable et vignes de contenance de 7 quartes, 1 quarton, 2 onces ; grange, sol, patus, jardin, terre et pré contenant 6 quartes, 3 boisseaux, 11 onces ; autre terre et grèze, 3 quartons, 2 boisseaux, 8 onces ; un châteignal, 2 quartes, 3 quartons, 1 boisseau, 11 onces ; autre terre labourable, 3 boisseaux ; une terre friche, 3 quartes, 3 quartons, 1 boisseau, 1 once ; autre terre labourable, 1 quarte, 6 onces ; autre terre labourable et bois, 1 quarte, 1 boisseau, 8 onces ; ensemble les cabaux et outils aratoires qui consistent en 1 charrette avec son essieu de bois ; une paire de boeufs et une vache ; 12 brebis, 1 mouton ; 2 attelages consistant en joug, liens de cuir, méjanes, chevilles, reilles et autres outils aratoires. Adjugé 8.425 francs à Chapou Jean, de Pontcirq.

Source : Pontcirq (Lot) ; vente des biens nationaux, 1er et 7 Nivôse an VII, 21 et 27 décembre 1798.

Exercice. Evaluer la superficie du domaine.

Définitions. Sol = aire à battre le blé ; grèze = mauvais pacage ; cabaux = cheptel ; reille = soc d’araire. [4]Source : Clozier René, Documentation pédagogique. Textes pour les monographies communales, in L’information géographique, volume 10, n°4, 1946, pp. 157-158.

2. Ratouble

 

5 fructidor an IV. Coupe de blé contestée, en vertu d’un problème de bornage, par le citoyen Jean Antoine Gouzens, agissant tant en son nom que comme curateur de Jean Antoine Henry Gouzens, son neveu, et autres parents.

Là où on est dans l’usage de laisser le ratouble, on coupe le blé à dix pouces environ du sol.
Le ratouble, ou retouble, c’est le long chaume quL est laissé sur pied pendant quelque temps après la récolte, et jusqu’à ce que les herbes sauvages aient pris une assez grande croissance ; il est fauché ensuite près de terre avec ces herbes et rentré pour servir de fourrage d’hiver.
[5]Mémoires d’Agriculture, d’Economie rurale et domestique, tome 2, p. 96, chez Madame Huzard, Paris, 1827.

Attendons les lumière de Robert Geuljans étymologue pour en savoir plus sur l’histoire de « cabaux » et « ratouble ».

Notes

1 BMS : Baptêmes, Mariages, Sépultures.
2 Dictionnaire du notariat, tome 2, p. 402, par les notaires et jurisconsultes rédacteurs du Journal des notaires et des avocats, éditeur : à l’administration du Journal des notaires et des avocats, Paris, 1854-1868.
3 Loix municipales et économiques du Languedoc, ou Recueil des ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, arrêts du Conseil, du parlement de Toulouse et de la Cour des aides de Montpellier… concernant la constitution politique de cette province, son administration… ses privilèges et usages…, tome 7, p. 19, par J. Albisson ; éditeur : Rigaud et Pons, Montpellier, 1780-1787.
4 Source : Clozier René, Documentation pédagogique. Textes pour les monographies communales, in L’information géographique, volume 10, n°4, 1946, pp. 157-158.
5 Mémoires d’Agriculture, d’Economie rurale et domestique, tome 2, p. 96, chez Madame Huzard, Paris, 1827.

8 réflexions sur « Mots d’archive – Cabaux et ratouble »

  1. Avec ratouble ou retouble, il y a aussi  » rastouille  » ou  » restouil « , comme à Coutens, où ce mot (de même signification que celle que tu indiques) a pris le rang de toponyme.

  2. quelle culture!!!!……………cérébrale bien sûr!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! – merci pour tout cet enrichissement. colette

  3. Il est avéré que la lecture des registres paroissiaux numérisés est devenue un vrai supplice. La qualité du travail de numérisation est indigne du professionnel, saut payé au SMIC, et immédiatement remercié.
    Par ailleurs, la mise au point de netteté du texte, renouvelée à chaque approche et à chaque page est longue et épuisante. Ce système, commun à toutes les Archives Départementales de France est une technique préhistorique, propre à décourager le plus vaillant. Son auteur, ingénieur peu ingénieux, devait être absent au jour de la leçon.
    Mais, hormis la coupure idiote entre midi et deux, qui est une spécialité ariégeoise desservant les chercheurs, et pour positiver, nous avons la chance de bénéficier aux Archives Départementales, d’un personnel qui, dans l’ensemble, est fort aimable et serviable.

  4. « Je stipule que tu as regardé mon article estobla… »

    Oui, mais j’aime bien que tu viennes faire entendre ici ta voix très autorisée.
    🙂

  5. Je confirme pour le personnel « aimable et serviable ».
    Je plussoie aussi quant au jugement relatif à la qualité de la numérisation et à l’ergonomie !!! du programme de lecture.

  6. Oui les curés écrivaient souvent mal ,les maires n’ont pas toujours bien conservé ,et en 2014 on ne peut que constater que nos archives d’état civil ont été mal numérisées .
    Quel est l’intérêt de la numérisation si les documents numérisés ne sont pas en ligne?

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