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Une bien jolie confession de Raymond Escholier à l’abbé Durand

"Pour le plaisir, je copie une page que nous avons élaborée pour le bulletin des Amis de Vals", disait hier Martine Rouche dans le commentaire (comment) apporté par ses soins à l’article Sites de pélerinage, chapelles et sanctuaires dédiés au culte marial en Ariège, publié hier sur ce blog. Certains lecteurs m’ont dit qu’ils ignoraient l’existence de la fonction Comment et comment accéder à cette dernière. La confession de Raymond Escholier à l’abbé Durand est trop jolie pour qu’on la laisse dormir dans des Comments invisités. Je la reproduis donc ici, avec l’apparat critique fourni par Martine Rouche.

Une bien jolie confession de Raymond Escholier à l’abbé Durand

 

Monsieur l’abbé J. Durand,                                                              Malachite Mirepoix – le 29 janvier 1953
Curé de Rieucros et chapelain de Vals.

 

                                                   Mon cher ami,

 

         Je viens me confesser à vous. Heureusement, vous avez l’habitude.

        Bien entendu, tout ceci sous le sceau de la confession.

        Je ne me suis pas encore fait homicide, pas même voleur, pas même jongleur – pour l’amour de Notre-Dame – de Vals. Cela viendra, n’en doutez pas, car avec l’amour, on ne sait jamais où l’on va.

        Non, je ne me suis fait, pour l’instant, que maître-chanteur.

        Résultat. On m’affirme que mon petit chantage a réussi – et bien réussi.

        Si cela vous est possible, dites-moi s’il est exact que vous ayez reçu – de Mme Voinot ou de M. son père, Etienne Ricalens, une offrande intéressante…. Car alors,

de mon côté, je remercierai – et irai exercer sur d’autres ma coupable industrie. (Diable ! Impossible d’avoir l’absolution puisque, loin d’avoir la contrition parfaite, je me propose de récidiver !!!  Aussi pourquoi Notre-Dame de Vals a-t-elle fait appel à Cantegril ?)

        Ravi d’apprendre qu’on a découvert – à Vals – des peintures – peut-être romanes.. (1). J’irai voir cela dès que la grippe me laissera enfin reprendre mes activités…. et je vous amènerai, ce jour-là, je l’espère, Mme Allix André qui ignore ce beau sanctuaire, mais qui est trop intelligente pour ne s’y pas intéresser.

        Peut-être cueillerons-nous, en passant à Mazerettes (2), la gracieuse Mme Couquet, qui vous est toute dévouée. Cela dans un délai assez bref, car au début de mars, il me faudra être à Paris, pour le lancement d’un nouveau livre (3).

        J’espère que, cet après-midi, notre Duc sera immortel (4). Bonne occasion pour lui tendre mon escarcelle….. Avez-vous eu des nouvelles de M. Etienne Bastide (5) ? Sinon, je remettrai cela. On va fêter ses 80 ans ! Excellente occasion.

        Ma femme me charge de ses bons souvenirs pour vous deux.

Affectueux respects à votre charmante soeur. Pour vous, toute mon amitié.

                  

                                                           Raymond Escholier

 

(1) Cette lettre (et d’autres correspondances de M. Sylvain Stym-Popper notamment) permettent d’avancer la date de l’invention des peintures de Vals  à 1952, leur dégagement méthodique s’échelonnant sur plusieurs années, notamment 1954.

(2) Mazerettes que l’on retrouve dans Dansons la trompeuse, de Raymond Escholier.

(3) Un amant de génie, Victor Hugo, chez Fayard, 1953.

(4) Le duc de Lévis-Mirepoix fut effectivement élu à l’ Académie Française le 29 janvier 1953.

(5) La famille Bastide fait partie des grandes lignées familiales de Lavelanet.

——

L’exploitation méthodique des archives de l’abbé Durand et du musée de Vals permet de mieux comprendre le site et le travail accompli ; parfois, elle met à jour un petit bijou d’écriture que nous ne nous étonnerons pas de trouver sous la plume de Raymond Escholier. Toutefois, outre cet aspect délectable et l’exemplaire usage de la métaphore filée dans un contexte religieux courtoisement adapté à son destinataire, la lettre datée du 29 janvier 1953 mentionne des faits avérés et qui peuvent être qualifiés d’historiques : grâce à la référence à l’élection du duc Antoine de Lévis-Mirepoix à l’Académie Française, nous savons que l’abbé Durand avait découvert l’existence de peintures murales dans l’église dès la fin de l’année 1952.

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1 commentaires au sujet de « Une bien jolie confession de Raymond Escholier à l’abbé Durand »

  1. Martine Rouche

    Tu fais très bien de proposer aussi cette lettre sous la forme d’un post. Je pensais bien qu’elle te plairait ! Je ne me lasse pas d’y chercher la petite étincelle au coin de l’oeil de celui qui écrit et sûrement aussi, de celui qui lit … Elle est exquise, cette lettre, pleine de sincérité, de spontanéité, mais aussi de réflexion et de jeu ! Quel épistolier !