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Salut et bénédiction – Une ordination épiscopale à la cathédrale de Mirepoix

L’événement est sensationnel. Bien que Mirepoix ait joui jusqu’à la Révolution du statut d’évêché, aucun évêque n’a jamais été consacré dans l’église cathédrale Saint Maurice. Philippe de Lévis, lui-même, 22e évêque de Mirepoix, restaurateur de la cathédrale, n’a pas reçu l’ordination épiscopale à Mirepoix, mais en l’église Saint Benoît de Castres. Sensible au caractère exceptionnel de l’événement, une foule nombreuse se pressait aujourd’hui autour de la cathédrale Saint Maurice et sur la place attenante. J’y étais. Nous avons participé à un moment liturgique extraordinaire. Quelqu’un dans la foule remarquait que, si ordinairement on ne se bouscule pas aux offices célébrés dans la cathédrale, aujourd’hui tout Mirepoix était venu et se félicitait de pouvoir assister à une ordination épiscopale. Le spectacle de la communauté, rassemblée en corps autour d’un tel événement, a de quoi surprendre par les temps qui courent.

Deuxième cliché à partir de la gauche : le Père Mario, interviewé avant la cérémonie.
Cliquez sur les images pour les agrandir.

A gauche : Philippe Mousset, de profil, aujourd’hui ordonné évêque de Pamiers ; au centre, le Père Mario, en violet, sourire radieux ; à droite, Monseigneur Le Gall, archevêque métropolitain, venu de Toulouse.

Troisième cliché à partir de la gauche : le père Mario, visiblement très heureux. 

Il est vrai que l’Eglise a, dans le déploiement de sa liturgie, une théâtralité admirable. J’avais oublié la grave beauté du cérémonial liturgique. L’arrivée du cortège portant la croix, le défilé des clercs et laïcs représentants des différences instances de l’Eglise, diacres, curés du docèse, évêques, archevêque métropolitain, nonce apostolique, chevaliers de Malte, dames du Saint Sépulcre de Jérusalem, etc., le grave pas, le grave ou l’éclatant souris – tout spécialement celui du Père Mario, curé de Mirepoix, jadis ordonné prêtre dans cette même cathédrale -, tout soulevait à la fois la curiosité et l’enthousiasme. Contournant le levant de la cathédrale, le cortège a fait le tour des halles parmi la foule, puis  s’est lentement engagé dans la cathédrale, dont le portail, pour l’occasion, avait été ouvert à deux battants. Une myriade de jeunes, porteurs du badge "Pastorale des jeunes", assuraient pendant ce temps l’accueil et le renseignement.

A gauche : l’écran géant installé sous la halle ; au centre, Monseigneur Le Gall, vu sur l’un des petits écrans installés sous les tivolis à côté de la halle ; à droite, vue oblique des spectateurs installés sous l’un des deux tivolis.

Seules les familles des ecclésiastiques, les personnes qui avaient réservé leur place, et les handicapés en fauteuil roulant, ont pu assister à l’ordination épiscopale dans la cathédrale. J’y ai, pour ma part, assisté dehors, sur les écrans qui avaient été installés sous la halle. Ponctué de chants magnifiques, le cérémonial de l’ordination comporte des moments très impressionnants. Tous les clichés publiés ci-dessous, ainsi que celui qui sert d’en-tête à cet article sont des photos d’écran, réalisées sur la place.  

A gauche, au centre de l’image, Monseigneur Le Gall, archevêque métropolitain, qui préside à l’ordination épiscopale ; à droite, Philippe Mousset se présente devant le collège des évêques afin de recevoir l’ordination épiscopale.

Après lecture de la lettre pontificale qui appelle Philippe Mousset à l’épiscopat, le rituel de l’ordination commence par une suite de questions solennellement posées à "Philippe", le nouvel évêque. A chacune de ces questions, qui concernent, de façon essentielle, l’appel qu’il a reçu, la mission dont il accueille la charge, Philippe Mousset répond "Oui" d’une voix ferme. 

Fils d’agriculteur, membre d’une fratrie de dix enfants, Philippe Mousset a d’abord travaillé dans le cadre de l’exploitation familiale. Après son ordination, il a été successivement vicaire paroissial à Notre-Dame de Royan et aumônier des collèges et lycées de l’enseignement public de Royan ; responsable de la pastorale des jeunes pour l’agglomération rochelaise ; responsable du service diocésain des vocations ; responsable de la pastorale des vocations au niveau de la province ecclésiastique de Poitiers ; curé de la paroisse Saint-Paul de Mireuil ; vicaire épiscopal ; vicaire général.

Ci-dessus : Philippe Mousset, à l’instant du "Oui".

Après avoir dit "Oui"  à la vocation qu’il fait désormais sienne, Philippe Mousset s’étend de tout son long, face contre terre, en signe d’humilité.

Le collège des évêques procède maintenant à l’ordination épiscopale. Chaque évêque tour à tour s’approche de Philippe Mousset pour l’imposition des mains.

Puis Monseigneur Le Gall consacre le nouvel évêque en lui dispensant l’onction du Saint-Chrême. Il lui donne ensuite successivement l’Evangile, l’anneau, la mitre, la crosse.

Monseigneur Mousset reçoit les félicitations de ses pairs. Tous viennent l’embrasser et le congratuler. Dans la cathédrale, dehors sur la place, les applaudissements fusent. L’allégresse est générale.

Monseigneur Mousset encense la collection de patènes, ciboires et calices qu’on lui présente sur l’autel de sa cathédrale.

Belle, grave, étrange pour qui vient ici sans avoir reçu d’instruction religieuse, l’ordination épiscopale répète de façon émouvante des gestes millénaires. Elle requiert, ce faisant, un sens qui, à partir du Christ, n’en finit pas d’advenir. Elle étonne, et peut-être interroge, les personnes qui, dans l’assistance, n’ont pas la foi. On nous a rappelé qu’au sein de son diocèse l’évêque exerce à l’intention de tous la fonction de pasteur. Je n’ai pu m’empêcher de ressentir une sorte de trouble à la vue de ce collège de prélats qui exercent la fonction pastorale sans l’ombre d’une femme parmi eux, sinon dans le rôle de chanteuse de chorale ou de responsable de l’accueil. Je retiens visuellement de cette ordination le tableau d’une cérémonie exclusivement masculine. Cette observation m’inspire un sentiment d’étrangeté probablement un peu sotte, mais c’est ainsi.  

Ci-dessus : jeune fille, qui chantait d’une voix d’ange.

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dans: Ariège, églises, Mirepoix.

1 commentaire au sujet de « Salut et bénédiction – Une ordination épiscopale à la cathédrale de Mirepoix »

  1. Martine Rouche

    Retenue ailleurs hier, je n’ai pu assister à cette ordination. J’apprécie donc d’autant plus la richesse et la précision de ce reportage au plus près de l’événement. J’en apprécie aussi les points de vue multiples. Ce devait être impressionnant.

    A la fin du mois d’octobre 1656, Louis Hercule de Lévis-Ventadour prit ses fonctions au cours d’une cérémonie solennelle dont le faste se retrouvera à celle de ses funérailles.

    « Le 29 du passé [octobre 1656], le marquis de Mirepoix, accompagné de deux cens gentilshommes, ayant este prendre nostre evesque au chasteau episcopal de Mazerettes et amene ce prelat a lentree de cette ville, il y fust receu au milieu de deux cens bourgeois sous les armes par le marquis de Mirepoix et plusieurs austres personnes de condition avec le clergé seculier et regulier qui le conduisirent dans sa cathedralle sous le dais que nos consuls portoyent au travers dune foulle incroyable de peuple. Apres le Te Deum qui fust solepnellement chanté estant dans son siege pontifical il parla si appropos de la reconciliation a cause de la mauvaise intelligence qui avoit esté entre les plus considerables du païs que deux gentilshommes qui estoient en resolution de se battre le lendemain se reconcilierent en mesme temps. Ce prelat qui sestoit disposé a cette action le matin en lavant les pieds a douze pauvres quil servit ensuite teste nue a disner nayant pas creu pouvoir plus sainctement commencer ses fonctions quen disposant ceux de son dioceze a lunion si necessaire dans LEstat et dans LEsglize. Aussi le bon effet queut si promptement son exhortation augmenta beaucoup la joye que tous les habitans avoyent conceüe a son abord : jugeant par la quils pouvoyent retrouver en sa personne les qualites qui avoyent fait aimer en la province de Languedoc les ducs de Montmorency et de Ventadour. » (Bibliothèque Nationale, Manuscrit 17027, p. 141, cité par le chanoine ROBERT)

    Rites immuables …

  2. DCEE

    Ayant eu la chance d’assister de près à cette ordination en tant qu’enfant de choeur, j’ai moi aussi trouvé cette cérémonie splendide !

    J’ai eu la joie de me reconnaître sur certains de vos clichés par ailleurs trés bien réussis.

    Le reportage retrace bien les moments clés de la cérémonie !

    Merci.

  3. Martine Rouche

     » Le portail de la cathédrale est ouvert à deux battants. On entre en foule, tandis que les cloches sonnent à perdre haleine ; et c’est un bruit de chaises remuées, un piétinement sur les dalles, un brouhaha de gens qui prennent place.
    […]
    Henriette aime la pompe des cérémonies. Elle se plaît à contempler l’autel noyé dans une sorte d’aurore dorée, les prêtres aux gestes rituels et leurs ornements qui gardent la raideur des belles soies ; elle suit des yeux le vol des encensoirs, le va-et-vient des enfants de choeur.  »

    Raymond Escholier, La nuit, p. 61, 62, Bernard Grasset, 1923