Hier matin, 22 novembre 2008, la petite commune de Manses fêtait la restauration et la réinstallation du grand vitrail qui constitue le joyau de son église. Installé dans le cadre de cette église romane, le grand vitrail est l’oeuvre du maître verrier Fernand Hucher. Il a été réalisé en 1894 au Carmel du Mans, suite à une commande de François Henri de Portes de Pardailhan, en hommage à son père décédé. La famille de Pardailhan tenait de Louis XV, depuis 1747, la seigneurie de Manses et le marquisat de Portes.
Le vitrail est de forme octogonale et de dimension exceptionnelle, puisqu’il mesure 6m de diamètre et occupe une surface de 32m2. Protégé par une coupole extérieure, il repose sur un plan horizontal, à l’entrée du choeur, dans l’espace initialement prévu pour le clocher. Visible sur des plans anciens, ce clocher a été détruit, ou bien n’a jamais vu le jour. La dépose du vitrail était envisagée de longue date à fin de nettoyage. Mais techniquement difficile et forcément très coûteuse, l’opération semblait excéder les forces de la commune.
Présidée par Gabrielle Cambus, c’est d’abord l’association AREMA qui se jette dans la bataille. L’association organise des concerts, expositions, visites archéologiques, afin de recueillir des financements privés. Elle obtient à cette occasion le label de la Fondation du Patrimoine. Ironie du sort, les dégâts occasionnés par la grêle du mois d’avril 2007 permettent enfin de trouver auprès des assurances les compléments de fonds qui manquaient.
La dépose, le nettoyage et la restauration du grand vitrail peuvent dès lors confiés à Pierre Rivière, maître verrier installé à Saint-Jean de Verges. Présent hier matin à Manses, Pierre Rivière y évoquait avec un beau sourire le travail de dépose, réalisé à 11m du sol sur les 141 panneaux qui composent le vitrail, puis l’ensemble des opérations de nettoyage et de restauration effectuées en son atelier, enfin le délicat exercice de la réinstallation in situ.
Ci-dessus : au premier plan, Gabrielle Cambus ; à ses côtés, Pierre Rivière.
Le résultat est saisissant.
Le vitrail verse au coeur de l’église un jour diapré. Il révèle alentour la pureté des lignes architecturales et l’étrangeté des figures sculptées qui ornent les chapiteaux du transept.
Le vitrail représente l’histoire de saint Jean Baptiste, avec en son centre le baptême du Christ, et à la périphérie la décollation de Jean. Il reprend de la sorte le thème des fresques réalisées au XVIe siècle dans l’église de Mazerettes 1.
Le baptême du Christ
La décollation de saint Jean
Le festin d’Hérode (Mazerettes)
Le vitrail porte les armes de son commanditaire, jointes à celles de son épouse.
A gauche : tour et trois oies, le blason de François Henri de Portes de Pardailhan.
Depuis le vitrail, le jour tombe au sol directement sur une grande dalle, dégradée par un long usage. On distingue sur la dalle les restes d’une croix de Malte.
Semblablement à Vals, Manses constituait jadis une étape sur le chemin de Saint Jacques.
Alentour du grand vitrail, une lueur bleutée se diffuse dans les chapelles latérales, révélant au passage quelques têtes étranges, figurées en saillie sur les chapiteaux.
Habitants de la commune, membres de l’association AREMA, maître verrier, partenaires financiers, élus, amis de Mirepoix venus en voisins, touristes, visiteurs de hasard, tous, nous avons été frappés de stupeur à la vue du grand vitrail, ainsi rendu à sa splendeur d’origine. Les vitraux de la nef et des chapelles latérales, oeuvre du maître-verrier toulousain Henri Louis Victor Gesta, ont également été restaurés. Ils ont retrouvé, eux aussi, leur eau initiale. La toiture enfin a bénéficié de la réfection dont elle avait depuis si longtemps besoin.
Les élus ont pris la parole tour à tour. Ils ont célébré, à propos de la restauration du grand vitrail de Manses, une opération patrimoniale exceptionnelle. Derrière eux, cette descente de croix située dans une chapelle latérale ménageait un contraste fort. L’oeuvre est assortie d’un cartel mentionnant "Donné par l’Empereur". L’Inventaire général du patrimoine indique qu’il s’agit d’une toile d’Henri Grenaud, d’après Charles Le Brun. Datée de 1857, l’oeuvre s’intitule Le Christ mort sur les genoux de la Vierge.
"Le premier plan du tableau est occupé par la Vierge de Pitié tenant le corps du Christ dans ses bras et sur ses genoux. A côté du Christ dans son linceul blanc, la partie inférieure droite du tableau est occupée par une nature morte mystique composée de la couronne d’ épines, des clous et du titulus portant une inscription en grec et en latin. L’arrière-plan du tableau représente un paysage de collines boisées" 2.
Radieuse, Mme Simone Verdier, maire de Manses, accueille ici le Père Ottaviani, curé de Mirepoix, représentant du doyenné du Pays d’Olmes-Mirepoix et du secteur paroissial de Rieucros, dont l’église de Manses fait partie. A gauche sur l’image, M. Jean Cazanave, ancien maire de Mirepoix, aujourd’hui conseiller général, a évoqué la toute récente attribution du label "Pays d’Art et d’Histoire" au Pays des Pyrénées Cathares, dit aussi "Pays d’Olmes-Mirepoix". Il a tracé ensuite les grandes lignes de l’action à venir et insisté sur le projet de développement qui vise à faire du petit pays de Manses-Teilhet-Vals, sur la rive droite de l’Hers, un pôle d’attraction culturelle et une destination touristique. Ce petit pays a déjà des atouts notoires : à Manses, l’église romane et le vitrail de Ferdinand Hucher ; à Teilhet, la nécropole mérovingienne de Tabariane ; à Vals, l’église rupestre et les fresques du Dieu en Gloire. Il faut défendre et promouvoir de tels atouts.
Reste, selon moi, à parfaire l’inventaire du patrimoine, à développer la recherche historique et archéologique relative au patrimoine non documenté, à rendre la documentation plus accessible au public, à diversifier et enrichir à l’intention des visiteurs les approches proposées, à valoriser des oeuvres ou des sites jusqu’ici négligés, bref à défendre et illustrer une conception de la culture qui soit, par son exigence et son ouverture, digne des attentes formulées par le public contemporain. Les associations fournissent, dans ce domaine, un exemple d’engagement admirable.
Ci-dessus : devant l’église de Manses, croix forgée datant du XVIe siècle
1 commentaires au sujet de « A l’église de Manses, réinstallation du grand vitrail »
CAMBUS
Bonsoir Christine ,il n’est jamais trop tard pour dire » merci » !
En faisant quelques recherches sur internet j’ai relu avec émotion l’article sur ta visite lors da la » réinstallation » du « virail » merci et merci encore pour ton talent d’écrivain .
bien à toi
Gabrielle