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A Dreuilhe, une visite à l’église Notre Dame de Pierre Pertuse

La petite église paroissiale de Dreuilhe, Ariège, abrite, sous des dehors modestes, la pierre tombale de dame Catherine de Caulet, veuve de Jean de Lévis, baron de Mirepoix, seigneur de Lavelanet. Soeur de monseigneur de Caulet, évêque de Pamiers, qui "prêcha et édifia partout", dit la chronique 1, et mourut en odeur de sainteté, Catherine de Caulet constitue une grande figure de l’histoire de la seigneurie de Lavalanet et un exemple du haut niveau d’engagement dont certaines femmes ont pu faire preuve dans la société du XVIIe siècle. Gestionnaire avisée de la seigneurie, femme d’action animée par l’esprit de charité, Catherine de Caulet est la fondatrice des Mirepoises, congrégation de régentes pour l’instruction des jeunes filles.    

A l’entrée de la nef, un beau bénitier, de forme octogonale. Le décor de la vasque est devenu illisible pour cause d’érosion. 

L’Inventaire général du patrimoine date l’objet du XVIIe siècle 2. D’apparence au moins, il semble plus ancien. 

Depuis le bénitier, on dispose d’une vue superbe sur l’ensemble du décor de style baroque qui est venu modifier aux XVIIe et XVIIIe siècles le climat d’une petite église gothique, initialement moins spectaculaire et sans doute plus modeste.  On ne remarque pas de prime abord, dans ce contexte théâtralisé, l’emplacement de la dalle funéraire de Catherine de Caulet. 

 

Au dessus de l’arc doubleau, une fresque du XVIIe siècle, attribuée à Jean Soum 3.

Semblablement à son frère, Monseigneur de Caulet, dont la dépouille repose à la cathédrale de Pamiers, Catherine de Caulet a souhaité être ensevelie sous une dalle que les fidèles puissent fouler sans égards particuliers. Sur la dalle, posée en 1708, point d’ornements, sinon, gravée en caractères romains, une longue épitaphe.

HIC JACET
NOBILIS CATHARINA
DE CAULET BARONA
MIRAPISCENCIS QUAE
IN CORPORE FEMINEO
ANIMUM HABUIT
VIRITEM ET APOSTOLICU
PLENA FIDE FORTITUDIME
ET SPIRITU SANCTO
FECIT ET DOCUIT…

Dans la nef, des figures d’anges, en bois polychrome, ornent la base des arcs qui tombent de la voûte ogivale.

Entre la nef et le choeur, l’arc doubleau porte sur des piles quadrangulaires dont l’une est ornée d’un blason à deux étoiles, symboles de la participation aux croisades, et l’autre de rinceaux et de figures géométriques. A côté de cette dernière, un arc plus court vient buter sur un cul-de-lampe assorti d’un motif de salamandre.

Derrière l’autel, les murs de l’abside déploient, de façon polyptyque, un ensemble de statues et de peintures, complété à gauche par un retable en bois doré, surmonté d’une Vierge à l’Enfant.

Tableaux et statues s’articulent, dans la partie basse, autour d’une toile de très grande taille, elle-même surmontée d’une Vierge à l’Enfant, traitée dans le style des icônes byzantines.

Les statues représentent, à gauche probablement Saint Gauderic, à droite un évêque.

De facture et de style identiques, les tableaux semblent issus de la même main. Je n’ai trouvé nulle part d’indications les concernant.

Cliquez sur les images pour les agrandir.

On retrouve sur la grande toile le personnage  drapé de rouge figuré sur la toile de gauche. On reconnaît dans la statue d’évêque le personnage figuré sur la toile de gauche. Tous les personnages tournent vers le ciel, dans lequel paraît, sur les toiles de gauche et de droite, l’Esprit Saint, et sur la grande toile la Vierge en Assomption (?), des yeux ourlés de noir, comme révulsés. Présent sur chacune des toiles, le même motif de drapé rouge ponctue, de façon mystérieuse, la composition de l’ensemble. Je suppose que la lecture de cet ensemble doit se faire, de façon doublement sagittale, à la fois à partir de la gauche et de la droite, dans le cadre de la perspective ascensionnelle qui ouvre au ciel sur la Pentecôte et sur l’Assomption. Je suppose également que la toile de gauche figure la Pentecôte aujourd’hui promise aux hommes de foi et que la toile de droite représente la Pentecôte propre au Christ. Sur la toile centrale, l’Assomption de la Vierge, Mère du Christ, scellerait la promesse faite aux hommes en la personne du Fils.  

L’ensemble de ce dispositif pictural et statuaire se trouve complété, dans la partie supérieure des murs de l’abside, par deux pans de fresque, situés respectivement à gauche et à droite du panneau central. L’Inventaire général du patrimoine signale que ces fresques sont "très restaurées et dénaturées" 4. On remarque en leur centre, parmi un entrelacement de rinceaux, à gauche le symbole christique I.H.S., à droite le symbole marial A.M., inscrits chaque fois dans un soleil. Au symbole I.H.S. s’ajoute ici celui du Sacré Coeur.

Au dessus de l’abside, la clé de voûte s’orne d’un blason dont l’écartelé hélas est devenu aujourd’hui illisible.

Avant de quitter l’église, sur la tribune qui surplombe l’entrée de la nef, nous avons trouvé, sagement rangés dans une boîte, les personnages  de la crêche, qui attendent pour bientôt la naissance de l’enfant.      

Notes:

  1. Louis Maïeul Chaudon, François Xavier de Feller, Dictionnaire historique, ou Histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom par le génie, les talens, les vertus, les erreurs, etc, p. 598, imprimerie de Fr. Lemarié, 1797 ↩︎

  2. Base Mérimée, Mobilier, Ariège, Dreuilhe ↩︎

  3. D’autres fresques de Jean Soum (ou Jean Soun) sont visibles à la chapelle du cimetière et à l’église de Saint-Jean-de Falga. Elles portent la signature suivante : "Fait par Jean Soun pintre de Verdun en Foix 1695". Cf. Base Mérimée, Mobilier, Auteur : Jean Soun. ↩︎

  4. Base Mérimée, Mobilier, Ariège, Dreuilhe ↩︎

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dans: Ariège, art, églises.

1 commentaire au sujet de « A Dreuilhe, une visite à l’église Notre Dame de Pierre Pertuse »

  1. Martine Rouche

    Très jolie visite archéologique, comme toujours…
    Un mémoire anonyme, qui se trouva un temps aux archives de Léran et dont j’ai pu lire des extraits en copie, fait le plus grand éloge de la baronne de Mirepoix. Dans le style grandiloquent de l’époque, elle y est qualifiée de « scarboucle enchâssée dans l’or », de « ver à soie évangélique » et comparée à la prophétesse Déborah. Nous ne quitterons pas si facilement les  » femmes fortes « , puisque Déborah fut aussi juge et auteur d’un cantique ! Même si la dalle funéraire, grise, n’a certes pas l’éclat d’une escarboucle, l’image d’un joyau enchâssé dans l’or nous rappelle bien la nef de la chapelle. Après tout, le texte en est bien ciselé ….

  2. Pédoussat Michèle

    Bonjour,

    Je suis née à Dreuilhe où j’ai vécu jusqu’à mes seize ans. J’ai souvent posé des questions sur la dalle située au centre de l’église et sur les inscriptions qui y figurent, mais à l’époque, nul ne savait me répondre si ce n’est qu’une baronne était inhumée là.

    Alors, imaginez ma joie,en découvrant sur le net toutes ces informations sur cette Dame extraordinaire que fut Catherine de Caulet.

    Je joins une photo du retable doré à l’or fin, et une autre de la crèche, montrant que chaque année, aux alentours de Noël, les santons sortent de leur sommeil…

    Un grand MERCI pour votre participation à la diffusion de toutes ces informations.

    Michèle