Ci-dessus, de gauche à droite, dans l'église de La Bastide de Bousignac : bois polychrome représentant la Vierge au rosaire ; anges musiciens, membres du Rameau musical de Dun.
Mieux qu'ailleurs, dans une petite église de village, on goûte sous le regard des anges la douceur du moment qui préside au concert. Avec Le Rameau musical de Dun, on se retrouve entre amis.
Tandis que les chanteurs se préparent à la sacristie, l'accordéoniste et la pianiste s'installent près de l'autel. L'un ajuste ses bretelles, l'autre allume son clavier. On va les voir. Une chanteuse passe. Puis une autre encore. Embrassons-nous. Comment va la voix ? Comment va la vie ? Il y a tout cela aussi autour d'un concert, les mots de l'amitié, la couleur des jours, le bruit du temps.
Le temps soudain fait silence. L'éclat du marbre hésite sur l'autel entre le rubescent et le flavescent.
Puis les voilà. Vêtus de rouge, ils sont venus, ils sont tous là, l'accordéoniste et la pianiste, les soprani et les alti, les ténors et les basses, et Colette, qui dirige d'une main de velours tout ce joli monde-là. Tel qu'en lui-même, c'est le Rameau musical de Dun.
Le Rameau musical de Dun interprète ce soir un ensemble de chants sacrés, empruntés de façon éclectique à la liturgie catholique et la liturgie orthodoxe, aux maîtres de chapelle de l'âge baroque et aux géants de l'opéra, à l'Anonyme et à Mozart, Beethoven, Fauré, à l'expression contemporaine enfin, qui côtoie fraternellement celle du passé. Le tout compose une sorte de retable sonore, dans le cadre duquel, au gré de leur distribution et de leur inflexion changeantes, les voix font lever tour à tour les Ave Maria, les Agnus Dei, les Alleluia, comme autant de figures de la prière, qui est élan imprimé à nos âmes par la vérité de nos peines et nos joies.
Lorsque l'isson, la note continue du Gospody Pomilouy, i. e.du Seigneur, aies pitié de nous de la tradition orthodoxe, se déploie sous la voûte de la petite église, le Beau se charge du sentiment du terrible : un frisson court.
Lorsque le choeur implore la Signora delle cime, Signora della neve, pour un nostro amico, nostro fratello, qui hai chiesto alla montagna :
Su nel paradiso, su nel paradiso,
lascialo andare
per le Tue montagne
aucune âme ne saurait demeurer insensible à l'attente mystérieuse dont témoigne une telle prière 1. L'Abbé Ottaviani, curé de Mirepoix, ou plutôt le Père Mario, comme disent ses paroissiens et les autres, viendra dire, à la fin du concert, combien la musique et la prière sont faites pour s'entendre, dans le champ de notre vie spirituelle.
Choeur, quatuors, duos alternent ainsi à la faveur de pièces courtes, susceptibles de toucher à la fois les mélomanes les plus exigeants et le public le moins averti. Contrairement à l'habitude, un seul solo cette fois : Colette chante l'Ave Maria de Caccini avec une expressivité bouleversante.
Duos et quatuors font valoir, en même temps que l'agilité concertante des voix, l'efflorescence de la musique, qui est âme commune en plusieurs corps.
Le choeur déploie, disais-je, à la façon d'un retable, le paysage richement voisé de cette âme commune. On y entrevoit par instants les apôtres ou les anges musiciens.
Divine surprise, si je puis dire, apôtres et anges musiciens swinguent aussi ! Je feins là de m'en étonner. Dum deus (calculat) swinget 2, fit mundus. Cependant que Dieu calcule, le monde se fait, dit le grand Leibniz. C'est le principe même du gospel ! Le Rameau musical de Dun chante ainsi, avec une balance digne du chemin de la Jérusalem céleste, Swing low, sweet chariot, un standard du genre spiritual, créé par les Fisk Jubilee Singers dans les années 1870.
Le concert se termine sur un Alleluia de Tim Brace, bien sonnant, comme on aime. Je me souviens d'une répétition de cet Alleluia en septembre 2009, chez Colette : "On va se brûler les ailes ! Ça va être très, très bien !" 3. Colette avait raison. Le Rameau musical de Dun rit et chante encore, pour notre plus grand plaisir, un chant letton qui parle du pays natal. Pas de problème de langue : la musique, justement, est langue natale. Nous en conviendrons avec Colette, lors du verre de l'amitié offert par la mairie de La Bastide de Boussignac à la suite du concert.
Prochain concert du Rameau musical de Dun, à 20h30, le 11 mai 2010, à l'église de Sainte-Colombe sur l'Hers (11230).
En attendant, voici deux vues de La Bastide de Bousignac, prises vendredi dernier, à l'heure où nous sortions du concert :
Même si les platanes ont été tondus, c'est beau, un village d'Ariège la nuit.
A lire aussi :
Le Rameau musical de Dun chante aux Issards
Le Rameau musical de Dun – Une répétition chez Colette
Quand le Rameau musical de Dun chante à Vira
A l’église de Bensa, le Rameau musical de Dun
1 commentaire au sujet de « Quand le Rameau musical de Dun chante à la Bastide de Bousignac »
christine
merci a toi christine pour ce joli compte rendu et ces jolis photos, si le publica eu plaisir a nous entendre nous en avons eu autant sinon plus a chanter. En chantant on oublie les soucis quotidiens et on communie avec les autres personnes du choeur et avec le public. Je pense que cette communion etait palpable vendredi soir.
bisous
Martine Rouche
Ouf ! Les angelots callipyges qui tressent la couronne du Rameau musical de Dun sont définitivement bruns … Sinon, le doute était permis ………
Comme toujours, tu rends magnifiquement grâces et hommage à Colette et sa cohorte d'anges musiciens, il serait donc bien présomptueux de ma part d'ajouter quoi que ce soit. L'émotion qui broie le coeur, l'énergie qui donne le swing, high and low, tout y était comme d'habitude, avec humour et générosité. Peut-être encore plus que d'habitude. Rendez-vous à un des prochains concerts ?
Pour le plaisir, j'ai recherché dans mes multiples dossiers ce que j'avais noté sur La Bastide de Bousignac. Première moisson.
Situé dans la vallée du Countirou, le village s'appelait à l'origine La Bastide Saint-André, du nom du saint patron de l'église, dont Félix Pasquier pense qu'elle fut toujours située là, alors que l'agglomération elle-même se déplaça sûrement avant de se regrouper autour de la nef.
Le nom de " La Bastide Saint-André " apparaît dès 1301 selon le cartulaire de Félix Pasquier, puis est remplacé par celui de " La Bastide de Bousignac " vers 1493.
Le village est bâti sur un plan régulier, avec une église alignée (NE-SO) non sur la rue centrale mais sur un ancien chemin (qui borde actuellement le cimetière). Cette position renforce l'hypothèse de son antériorité par rapport à la bastide elle-même.
L'église joue un rôle important de point d'ancrage angulaire dans le plan de la petite bastide, essentiellement composée de trois gros moulons parallèles et partagée autrefois par les rues de Devant (actuelle route de Lavelanet à Mirepoix) et de Derrière (actuelle rue de l'église).
La bastide fut ceinte de remparts et fossés, comme Mirepoix, à la fin du XIVe siècle. Il y avait une Porte d'Avail et une Porte d'Amont qui, si elles existaient encore, enjamberaient la route qui traverse la bastide, à peine au-delà du chevet de l'église et au niveau de la tour de l'horloge.
En 1789, La Bastide de Bousignac et plusieurs communautés voisines s'associent, en dehors de la Confédération des Pyrénées, pour retrouver un droit d'usage dans la forêt de Bauré, droit que conteste Louis Marie François Gaston de Lévis, marquis de Mirepoix. (Joseph Laurent Olive)
C'est un maçon de La Bastide de Bousignac, le sieur Guillaume Boudouresques, qui est chargé par la municipalité de Mirepoix d'établir une estimation de la maison que le maire souhaite acheter comme maison commune, ainsi que des travaux à y effectuer. (AM Mirepoix)
(à suivre …)