En 1245, charte des péages, leudes et talonea décrétés à Mirepoix

Rédigé par Belcikowski 1 commentaire
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Ancien château de Mirepoix, dit aujourd'hui château de Terride, circa 1900.

Datée du dixième jour des calendes de février, troisième jour férié, de l’année 1245 de l’Incarnation, i.e. du 23 janvier 1245 du calendrier julien, la charte ci-dessous intéresse les droits de péage, pedagium, de leude, leuda, et de taloneum devant être pratiqués à Mirepoix. À noter qu'il s'agit là du premier Mirepoix, celui d'avant la catastrophe de 1289, situé sur la rive droite de l'Hers, au pied du château vieux, dit aujourd'hui château de Terride.

L'établissement de cette charte procède d'une requête des consuls de Pamiers, désireux de savoir à quels types et quels modes de prélèvements correspondait jusqu'alors à Mirepoix l'exercice de tels droits. L'établissement de cette charte procède également de l'arrivée de Gui II de Lévis à la tête de la seigneurie de Mirepoix, sachant que celui-ci prend possession de Montségur et rend hommage au roi de France au cours de la même année 1245.

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Gisant de Gui II de Lévis, relevé avant le milieu du XVIIIe siècle contre le mur nord du chœur de la chapelle de l'abbaye Notre-Dame de la Roche. Pierre. Hauteur : 2 mètres environ. Figure mutilée à la Révolution et très restaurée. Traces de polychromie signalées au XIXe siècle. Réf. Palissy IM78000670.

En 1245,le droit de péage s'exerce seulement à Mirepoix à l'endroit des marchands forains ou des voyageurs de passage ; le droit de leude est levé sur les marchandises ; le droit de taloneum 1 s'applique aux actes de vente et d'achat. Après consultation de Gui II, « seigneur maréchal », et à la lumière des observations formulées par leur homme de loi, le capitaine châtelain, le baile et les consuls de Mirepoix, fixent les règles d'application des droits de péage, de leude et de talonea dans le cadre de la charte qui suit.

Le texte de cette charte est en latin, mêlé de vieux roman. Félix Pasquier le reproduit dans le deuxième tome de son édition critique du Cartulaire de Mirepoix, publié en 1921 à Toulouse, à l'Imprimerie et Librairie Édouard Privat. J'en propose la traduction ci-dessous.

Au nom de Dieu. Dans l’année 1245 de l’Incarnation, sous le règne de Louis, portant ici la chose à l’audience de tous, nous, seigneur Stephanus, homme d’armes, châtelain de Mirepoix, et Stephanus, baile de Mirepoix, et maître Paganus, conseil de cette assemblée, tenants du lieu étant le seigneur maréchal et Bernardus Andivini, et Raimundus de Solerio, et lohannes Quairolli, et Guillelmus de Faris, consuls de Mirepoix, après consultation et accord du seigneur maréchal, à la demande pressante des consuls de Pamiers, entreprenons une enquête concernant les leudes, péages et talonea qui étaient déjà en usage dans les temps passés, et qui ont été imposés et levés dans la ville de Mirepoix. À partir des enquêtes faites aussi bien à propos des redevances qui ont été perçues auparavant qu’à propos des redevances qui seront à percevoir à l’avenir, et après délibération du conseil, nous décrétons comme suit le type et le mode des péages, leudes et talonea qui sont à lever.

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Denier d'argent frappé à Toulouse entre 1105 et 1112, 1.28 gr.

● Pour chaque tonneau (trossellus2 de tous types d’étoffes, qui soient de qualité, un denier toulousain
● Pour une charge (sarcinata3 de blé, un denier toulousain
● Pour chaque tonneau d’étoffes, qui soit le chargement d’un seul homme, une obole
● Pour chaque bœuf, un denier
● Pour un seul âne, un denier
● Pour chaque bât (saccus), une obole
● Par âne, dans le cas de plusieurs, une obole
● Pour chacun des chevaux et des mules en transit, un denier ; et s’ils sont vendus, quatre deniers
● Pour chacun des porcs et des truies en transit, une obole
● Pour chacune des brebis et des chèvres en transit, un quadrans
● Pour chaque ballot de lin en transit, une obole ; si ces ballots se vendent en ville, pour chaque ballot de lin, deux cers 4 de lin, ou rien, s’il s’agit de lin de qualité inférieure
● Pour chaque charge de sel, un denier et une coupe de sel
● Pour chaque charge d’huile, quatre deniers ; ou pour un setier, un denier
● Pour chaque charge de poivre ou de cire ou d’épices, neuf deniers ; ou pour chaque quintal, trois deniers toulousains
● Pour une charge de figues, quatre deniers ; ou pour chaque panier, un denier
● Pour chaque charge de cumin, quatre deniers ; ou pour un quintal de cumin, un denier.
● Pour une charge de cuir de chèvre, quatre deniers ; ou pour chaque charge qui est celle d’un portefaix, un denier
● Pour le cuir sylvestre 5 et pour chaque charge, neuf deniers ; ou pour chaque charge d’un portefaix, trois deniers si l’homme porte le poids d’un quintal, ou trois oboles si l’homme porte le poids d’un demi-quintal
● Pour chaque peau de cerf ou de biche, non tannée, une obole
● De même pour les peaux de bœuf, de vache, d’âne, de cheval et de jument
● Pour chaque douzaine de peaux de bélier et de chèvre, une obole
● Pour chaque charge de peaux d’agneau, six deniers ; ou pour la charge d’un portefaix, deux deniers
● Pour une charge et toute autre charge de rodoul 6 en transit, un denier
● Pour chaque quart de poisson salé, un poisson ; et s’il s’agit de poisson frais, rien
● Pour chaque charge de peaux de chevreau, trois deniers ; ou, pour la charge d’un portefaix, un denier
● Pour une charge d’oignons et autres, un denier ; ou pour chaque charge d’un portefaix, un quadrans 7
● Pour chaque quintal de suif et de saindoux et de fer, un denier
● Pour chaque charge de viandes rôties (aste) à la broche, quatre deniers ; ou une de ces broches de viande rôtie
● Pour chaque charge de pierres de taille (tailarz), deux deniers
● Pour chaque charge de comportes (cemalas), un denier
● Pour chaque maie, un quadrans
● Pour chaque vase et autres éléments de vaisselle, un denier
● Pour chaque quintal de laine, un denier
● Pour chaque charge de faux et d’herminettes 8 en transit, six deniers ; et s'il s'agit là de la charge d’un portefaix, la redevance doit être à la mesure de ce qu'il porte
● Pour les florenionis 9 et les fromages et la corne et la poix et la plume, rien.

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Vaches au pied de l'ancien château de Mirepoix.

Tout ce qui se trouve décrété de notre part ci-dessus, nous et les consuls de Mirepoix et les consuls de Pamiers voulons que cela soit strictement observé d’autre part.

Actée a été cette charte aux dixièmes calendes de février, feria tertia [mardi], en présence des témoins ci-nommés Bernardo Teulerio, et Donadeu, et Raimundo Morruto, et Bernardo den Arnaud, et Guillelmo de Sancto Iuliano, et Guillelmo Poncii, et Guillelmo Poncii, et Guillelmo Curati, et Petro de Faris, et Guillelmo Audivini, notaire public de Mirepoix, qui à la demande de tous les témoins ci-dessus, a écrit cette charte.

Ladite charte a été transcrite dans mon livre mot à mot par moi Guillelmum Helie,notaire public de Mirepoix, afin qu’elle soit appliquée par suite. 10


  1. Le terme latin taloneum s'est conservé sans traduction.↩︎

  2. Le mot latin trossellus désigne un petit tonneau, une barrique. Au Moyen Âge, à Bordeaux, la capacité de la barrique est d'environ 225 litres. Cf. Yves Renouard, « La capacité du tonneau bordelais au Moyen Âge », in Annales du Midi, année 1953, 65-23, pp. 395-403.↩︎

  3. Sarcinata, en français sarcinée : charge d'environ 100 litres.↩︎

  4. Cers, ser ou sers : prélèvement en nature réservé aux tiges de lin, en vertu d'une mesure romane, dont on ne sait rien de précis.↩︎

  5. Cuir sylvestre ? Cuir de sanglier ? On ne sait.↩︎

  6. Rodorus, rodoul, rodal, rodo, ou roudou : sumac, plante servant à tanner les cuirs.↩︎

  7. Quadrans : quart d'as, ancienne monnaie romaine. Sous Auguste, le denier romain d'argent valait 16 as, ou 32 semis, ou 64 quadrantes. Au Moyen Âge, la livre vaut 12 sols, solidos, ou sous ; le sol vaut 12 deniers ; le denier vaut 4 oboles ; l'obole vaut, semble-t-il, 4 quadrantes.↩︎

  8. Porador, paradoira : herminette. Cf. Dictionnaire de l'occitan médiéval.↩︎

  9. Florenio, florenionis : « mot inconnu ou mal transcrit », note Félix Pasquier. Peut-être floronius : bouquet de fleurs ?↩︎

  10. Félix Pasquier, édition critique du Cartulaire de Mirepoix, tome 2, Toulouse, Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1921, pp. 7-10.↩︎

1 commentaire

#1  - Gnml a dit :

Bonsoir
Très intéressant merci
Pour vos recherches historiques sur le comté de Foix ( Ariège).
Amitié
G. de Nogarède

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Quelle est le deuxième caractère du mot aiznw6 ?

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