Jean Meslier et les Cartésiens. V. 6. En quoi « les Cartésiens se rendent ridicules »

Rédigé par Belcikowski 2 commentaires
Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

mesureurs.jpg

Les Mesureurs, tableau attribué à Hendrick van Balen le jeune (1623–1661), Museum of the History of Science, Oxford.

VII. Fin de la sermocination de Jean Meslier. Où Jean Meslier précipite le motif de sa colère contre les Cartésiens

« Il est visible par tous ces raisonnements-là, déclare ici Jean Meslier, que la raison pourquoi les Cartésiens ne veulent pas reconnaître que la matière soit capable de penser, de désirer et de vouloir, d'aimer et de haïr etc., est, parce qu'ils s'imaginent que si la pensée et la connaissance, le sentiment et la volonté, l'amour et la haine, la tristesse et la joie et toutes autres sortes de pensées de l'âme n'étaient que des modifications de la matière, elles seraient nécessairement des choses étendues en longueur, en largeur et en profondeur, aussi bien que la matière ; qu'elles seraient nécessairement des choses rondes ou carrées, comme ils disent, et qu'elles pourraient, comme la matière même, se diviser, se fendre ou se couper en plusieurs semblables ou dissemblables parties. » 1

On remarque que Jean Meslier use d'abord ici de la formule « il est visible que... », reprise de loin en loin par « on voit clairement que... ». Formule plus simple et plus modeste que le « il est clair et évident que... » de l'évidence cartésienne ou malebranchiste, ce « il est visible que... » se révèle aussi plus représentatif du mode de l'évidence qui est propre chez Jean Meslier au curé de campagne nanti de l'expérience immédiate de la vie ordinaire. Et ce même « il est visible que... » se veut surtout plus propre au philosophe matérialiste qui se réclame de la primauté de l'empirie sur les vessies cogitatoires des philosophes cartésiens.

Jean Meslier revient ensuite ostensiblement à l'emploi de la formule « il est clair et évident que... ». Après avoir longuement fait parler Descartes, Malebranche et Fénelon, il leur retourne, si l'on peut dire, la politesse en reprenant d'eux, de façon qui les singe, le topos de l'évidence et des idées claires et distinctes. Chacune des assertions qu'il développe par la suite commence ainsi par la formule « il est clair et évident que... », détournée et pastichée principalement de Descartes.

Chacune desdites assertions reprend de plus, sur le mode de la rengaine grotesque, le motif des « choses étendues en longueur, en largeur et en profondeur » ou en « choses rondes ou carrées », i.e. celui du triste statut auquel, d'après les Cartésiens, sensations, sentiments et passions se trouveraient reconduits, si la matière — la matière vivante — pouvait effectivement « sentir et penser, désirer et vouloir, aimer et haïr, avoir de la joie ou de la tristesse, etc. ». Or, que la matière vivante puisse effectivement sentir et penser, désirer et vouloir, aimer et haïr, avoir de la joie ou de la tristesse, etc., c'est bien là, tout justement ce que Jean Meslier, philosophe matérialiste, tient pour vrai.

VII.1. Des sensations, sentiments, pensées et connaissances comme modes ou modifications de la matière

« Il est clair et évident », martèle donc Jean Meslier avec la charge d'ironie qu'on lui sait, « que quand la matière serait capable de penser et de sentir, de désirer et de vouloir, d'aimer et de haïr, d'avoir de la joie ou de la tristesse etc., il ne s'ensuivrait pas de là que ces sortes de modifications de la matière seraient des choses étendues en longueur, en largeur et en profondeur, et par conséquent qu'il ne s'ensuivrait pas de là que les pensées, que les désirs et que les volontés ou les autres affections de l'âme seraient des choses rondes ou carrées, comme ils disent, ni qu'elles pourraient, comme la matière même, se diviser et se fendre ou se couper en plusieurs semblables ou dissemblables parties. Il est même ridicule de s’imaginer que telle chose s'en suivrait. En voici évidemment la preuve. » 2

On constatera ci-dessous qu'il s'agit de preuves par l'absurde, bien faites pour ridiculiser chez les Cartésiens la démesure du champ de portée qu'ils accordent à la mathésis.

« Il est clair et évident que le mouvement, par exemple, est un mode ou une modification de la matière, aussi bien que l'étendue saurait l'être ; or il est évident que le mouvement en lui-même n'est pas une chose ronde ou carrée ; car quoiqu'il puisse aller en rond, en carré, en ovale, on ne dit pas, pour cela que le mouvement soit une chose ronde, carrée ou ovale, ni que ce soit une chose que l'on puisse mesurer à pots et à pintes, ni que l'on puisse peser au poids et à la balance ; et ce n'est pas une chose que l'on puisse fendre ni couper en plusieurs parties ; donc toutes les modifications de la matière ne sont pas nécessairement des choses rondes ou carrées, ni des choses que l'on puisse toujours diviser, fendre ou couper par parties. 3

pondus.jpg

Cuique suum pondus, in R.P. Francisco Reinzer, Meteorologia philosophico-politica, in duodecim dissertationes per quæstiones meteorologicas, Augustae Vindelicorum, 1709, p. 293.

« Pareillement la vie et la mort, la beauté et la laideur, la santé et la maladie, la force et la faiblesse des corps vivants ne sont que des modes ou des modifications de la matière, aussi bien que de l'étendue ; or il est évident que ni la vie, ni la mort, ni la beauté, ni la laideur, ni la force, ni la faiblesse, ni la santé, ni la maladie des corps vivants, ne sont pas des choses étendues en longueur, en largeur et en profondeur ; ce ne sont pas non plus des choses rondes ou carrées, ni que l'on puisse fendre ou diviser par pièces; ce ne sont pas des choses que l'on puisse mesurer à l'aulne ou peser au poids ni à la balance : quoiqu'elles ne soient néanmoins que des modifications de la matière. » 4

Il en va de même, dixit Jean Meslier, pour « les sons, les odeurs, les goûts ou les saveurs », pour les vices et les vertus, pour nos pensées et nos connaissances, nos désirs et nos volontés, nos sentiments et nos affections, nos amitiés et nos haines, nos plaisirs et nos douleurs, nos joies et nos tristesses, en un mot pour tous nos sentiments et toutes nos passions.

« Car la vertu dans les hommes n'est rien autre chose qu'une bonne, qu'une belle, honnête et louable manière d'agir et de se comporter ; au contraire le vice dans les hommes n'est autre chose qu'une mauvaise et qu'une laide et blâmable manière d'agir et de se comporter. Toutes lesquelles bonnes ou mauvaises manières d'agir et de se comporter dans la vie, sont visiblement dans les hommes, qui sont composés de matière, et par conséquent on ne peut pas dire que les vices et les vertus ne soient pas des modifications de la matière.

Donc a pari et par conséquence pareille, quand nos pensées et nos connaissances, nos désirs et nos volontés, quand nos sentiments et nos affections, nos amitiés et nos haines, nos plaisirs et nos douleurs, nos joies et nos tristesses, en un mot quand tous nos sentiments et toutes nos passions ne seraient que des modifications de la matière, il ne s'en suivrait nullement, que ce seraient ni que ce devraient être pour cela des choses rondes ou carrées, ni que ce seraient pour cela des choses que l'on pourrait, comme ils disent, fendre ou couper par pièces ou par morceaux. » 5

VII.2. Du « ridicule » de la prétendue « spiritualité » de l'âme

Après avoir décliné différentes « preuves » de ce que nos sensations, sentiments, pensées et connaissances, sont des modifications de notre matière, Jean Meslier poursuit son « raisonnement « en le tournant autrement ». Il se propose ainsi de déterminer « la raison pourquoi les Cartésiens ne veulent pas reconnaître que nos sensations, sentiments, pensées et connaissances, puissent être des modifications de notre matière. »

« La raison en est, dit Jean Meslier, que, penser, sentir, désirer, vouloir, aimer et haïr, etc., n'étant pas, d'évidence, des choses étendues comme la matière, ni des choses qui puissent être divisées, fendues ou coupées par pièces et par morceaux ; penser, sentir, désirer, vouloir, aimer et haïr, etc., passent donc aux yeux des Cartésiens pour preuve de « la spiritualité de l'âme », et donc pour preuve de l'existence de Dieu. Or Jean Meslier ne voit là aucune preuve, mais fruit seulement de l'imagination que les Cartésiens en ont :

« Car de même que l'idée que l'on a d'une chose ne prouve nullement, que cette chose soit comme on se l'imagine, de même aussi ce que l'on appelle la spiritualité des pensées, des désirs, des volontés, des affections et des passions de l'âme, qui ne sont point des choses étendues, qui ne sont point des choses rondes ou carrées et qui ne peuvent se fendre ou se couper par pièces ou par morceaux, ne prouve nullement qu'elles ne soient point des modifications de la matière.

La raison évidente de cela est que toutes les modifications de la matière ne doivent pas avoir toutes les propriétés de la matière ; et il est même impossible qu'elles les aient toutes. Le propre de la matière est, par exemple, d'être étendue en longueur, en largeur et en profondeur ; mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent être étendues en longueur, en largeur et en profondeur ; il serait même ridicule de le prétendre.

Le propre de la matière est de pouvoir avoir toutes sortes de figures, toutes sortes de mouvements ; mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent avoir toutes sortes de figures, toutes sortes de mouvements ; il serait même ridicule de le prétendre. Le propre de la matière est de pouvoir être divisée, fendue ou coupée en long et en travers et en toutes sortes de biais ; mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent être capables d'être divisées, fendues ou coupées en long et en travers et en toutes sortes de biais ; il serait même ridicule de le prétendre.

La raison pourquoi les Cartésiens ne veulent pas reconnaître que la matière soit capable de penser, de sentir, de désirer, de vouloir, d'aimer et de haïr, etc., c'est parce qu'ils ne peuvent se persuader qu'une volonté, qu'une pensée, qu’un désir, qu'un amour, qu'une haine, qu'une joie, qu'une tristesse, ni aucune autre affection ou passion, puissent être des modifications de la matière ; et ils ne se peuvent persuader que ces sortes de choses puissent être des modifications de la matière, parce que ce ne sont point, disent-ils, des choses étendues comme la matière et que ce ne sont pas des choses qui puissent être divisées, fendues ou coupées par pièces et par morceaux. Or cette raison n'empêche pas que la pensée, que la connaissance, que le sentiment, que la volonté, que le désir, que l'amour, que la haine, que la joie, que la tristesse et que toutes les autres affections ou passions de l'âme ne puissent être des modifications de la matière ; donc cette raison ne prouve rien pour la spiritualité de l'âme, comme nos Cartésiens le prétendent, et ils sont mêmes aussi ridicules de prétendre démontrer par là la spiritualité de l'âme, comme ils le font, lorsqu'ils prétendent démontrer l'existence d'un être infiniment parfait par l'idée qu'ils en ont.

Car de même que l'idée que l'on a d'une chose ne prouve nullement, que cette chose soit comme on se l'imagine, de même aussi ce que l'on appelle la spiritualité des pensées, des désirs, des volontés, des affections et des passions de l'âme, qui ne sont point des choses étendues, qui ne sont point des choses rondes ou carrées et qui ne peuvent se fendre ou se couper par pièces ou par morceaux, ne prouvent nullement qu'elles ne soient point des modifications de la matière.

La raison évidente de cela est que toutes les modifications de la matière ne doivent pas avoir toutes les propriétés de la matière ; et il est même impossible qu'elles les aient toutes.

Le propre de la matière est, par exemple, d'être étendue en longueur, en largeur et en profondeur ; mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent être étendues en longueur, en largeur et en profondeur ; il serait même ridicule de le prétendre.

Le propre de la matière est de pouvoir avoir toutes sortes de figures, toutes sortes de mouvements ; mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent avoir toutes sortes de figures, toutes sortes de mouvements ; il serait même ridicule de le prétendre.

Le propre de la matière est de pouvoir être divisée, fendue ou coupée en long et en travers et en toutes sortes de biais ; mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent être capables d'être divisées, fendues ou coupées en long et en travers et en toutes sortes de biais ; il serait même ridicule de le prétendre. 6

mesures_anciennes.jpg

« De même encore le propre de la matière est de pouvoir être mesurée au pied, par exemple, à l'aulne ou à la toise, comme aussi de pouvoir l'être au cartel 7, au pot ou à la pinte ; mais il ne s'en suit pas de là non plus que toutes les modifications de la matière puissent ou doivent être capables d'être mesurées ainsi au pied, à l'aulne, ou à la toise, ou d'être mesurées au cartel, au pot ou la pinte ; il serait même ridicule de le prétendre.

Enfin le propre de la matière est de pouvoir être pesée au poids ou à la balance, mais il ne s'en suit pas de là que toutes les modifications de la matière, ni même que toutes sortes de matières puissent ou doivent être actuellement capables d'être pesées au poids ou à la balance et il serait ridicule de le prétendre.

Donc il est ridicule à nos Cartésiens de prétendre que nos pensées, que nos raisonnements, que nos connaissances, que nos désirs et nos volontés et que les sentiments que nous avons de plaisir ou de douleur, d’amour ou de haine, de joie ou de tristesse etc. ne soient pas des modifications de la matière, sous prétexte que ces sortes de modifications de notre âme ne sont point étendues en longueur, en largeur et en profondeur et sous prétexte qu'elles ne sont ni rondes, ni carrées et qu'elles ne peuvent être divisées ou coupées en pièces et en morceaux ; il est ridicule à eux de prétendre cela, puisqu'il n'est pas possible que toutes les modifications de la matière aient actuellement toutes ces propriétés. » 8

Et, donnant une fois encore des exemples, Jean Meslier invoque successivement le vent, qui n'est incontestablement qu'un mouvement de la matière : « il ne peut être mesuré à pots, ni à pintes, ni à cartel, il ne peut être pesé au poids, ni à la balance » ; la vie ou la mort, la beauté ou la laideur, la force ou la faiblesse, la santé ou la maladie : « il serait ridicule de parler d'une aulne ou d'une toise de vie ou de santé ; il serait ridicule de parler d'un pot ou d'une pinte de santé et de force etc. Il serait ridicule de parler d'une livre ou de deux ou trois livres de maladie, de fièvre ou de pleurésie ; aussi bien que de deux ou trois livres de santé et de force etc. » ; les vices et les vertus : « ils ne consistent que dans certaines bonnes ou mauvaises dispositions ou manières d'agir ou de vivre, de se conduire et de se comporter dans la vie, qui sont certainement des dispositions et des manières d'agir, qui regardent le corps aussi bien que l'esprit, et par conséquent qui sont autant des modifications du corps que des modifications de l'esprit ; et quoique l'on ne puisse pas précisément dire que certains tels ou tels mouvements de matière en ligne droite, oblique ou circulaire, spirale, parabolique ou elliptique, comme disent nos Cartésiens, fassent un amour, une haine, un désir, une joie, une tristesse ou quelqu'autre affection ou passion de l'âme, il ne s'en suit pas de là que ces sortes de sentiments ou affections de l'âme ne soient pas des modifications de la matière » ; le bruit, le son,la lumière, l'odeur, la saveur, la chaleur, la froideur, ou la fermentation, qui ne sont certainement de la part des choses mêmes que des modes ou des modifications de la matière ; et le sommeil : « les Cartésiens auraient à l'aventure autant de raison de demander de quelle couleur serait le sommeil, de quelle couleur serait une pensée, un désir, une joie, une tristesse. » 9

dali_sommeil.jpg

Salvador Dali, Le sommeil, 1937, Museum Boymans-Van Beunigen, Rotterdam.

Les fols ! à quoi pensent-ils ? Ne voient-ils pas ?... et cependant il est visible que ces sortes de choses ne sont ni rondes, ni carrées, ni d'aucune autre figure. Il est visible qu'elles ne sauraient se fendre, ni se diviser par pièces et par morceaux. Et enfin il est visible qu'elles ne sauraient se mesurer ni se peser en aucune manière ; donc encore une fois il est constant, clair et évident que toutes les modifications de la matière ne doivent pas toujours avoir actuellement toutes les propriétés de la matière, qu'elles ne doivent pas toujours être rondes ou carrées, et qu'elles ne doivent pas toujours être divisibles au couteau ou à la hache et ne doivent pas toujours être mesurables à l'aulne ou à la toise, ni pesables au poids ou à la balance ; par conséquent il est clair et évident que nos Cartésiens n'ont pas raison de dire que les pensées, que les désirs et que les volontés de l'âme ne sont point des modifications de la matière, sous prétexte qu'elles ne sont ni rondes, ni carrées, ni d'aucune autre figure. Et ainsi leur prétendue démonstration de la spiritualité de l'âme, qu'ils appuyaient sur ce raisonnement, se trouve manifestement vaine et ridicule. » 10

VII.3. Du « ridicule » de la prétendue « immortalité » de l'âme

hache.jpg

Attention avec cette hache, Eugène, dessin anonyme inspiré par Careful with that Axe, la chanson éponyme du groupe britannique Pink Floyd, datée de 1968.

Après avoir ridiculisé la « prétendue spiritualité de l'âme », échauffé dans son « raisonnement » par l'imagination de la « hache » et du « couteau », Jean Meslier aiguise ledit « raisonnement » à l'encontre de la prétendue « immortalité de l'âme ». Et, pour en faire ressortir la pointe, il rapporte d'abord, de façon plus ou moins caricaturale, celui sur lequel les Cartésiens « prétendent » fonder leur foi en l'immortalité de l'âme.

« De cette prétendue spiritualité de l'âme, si bien démontrée suivant leur sens, les Cartésiens croient légitimement tirer une conséquence évidente pour son immortalité. Voici comme ils raisonnent.

Ce qui est spirituel n'a point d'étendue, ce qui n'a point d'étendue n'a point de parties qui puissent se diviser et se séparer les unes des autres ; ce qui n'a point de parties qui se puissent diviser et se séparer les unes des autres, ne peut se corrompre (car ce n'est que par la désunion et séparation des parties que les corps se corrompent ; ce qui ne peut se corrompre ne peut périr ni cesser d'être ; ce qui ne peut périr ni cesser d'être, demeure toujours dans son même état, et par conséquent l'âme étant spirituelle, suivant la prétendue démonstration, elle n'a point d'étendue, n’ayant point d'étendue ele n'a point de parties qui se puissent diviser ni séparer les unes des autres, n'ayant point de parties qui puissent se diviser ni se séparer les unes des autres, elle ne peut se corrompre, ne pouvant se corrompre, elle demeure toujours dans son même état ; et par conséquent ils trouvent ainsi qu'elle est immortelle. Voilà comme ils prétendent démontrer l'immortalité de leur âme.

Mais comme tout ce raisonnement n'est fondé que sur une fausse supposition et sur une vaine et ridicule prétendue démonstration de spiritualité, il est facile de voir, que cet argument ne peut rien conclure et qu'il n'est d'aucune force. Mais comment nos Cartésiens peuvent-ils dire que l'âme serait quelque chose de spirituel et d’immortel, puisqu'ils reconnaissent et qu'il faut nécessairement qu'ils reconnaissent qu'elle est capable de divers changements et de diverses modifications, et qu'elle est même actuellement sujette à divers changements, à diverses modifications et même à diverses infirmités. Ils devraient plutôt par cette raison dire qu'elle n'est pas spirituelle ni immortelle, car ce qui est capable de divers changements et de diverses modifications ne peut pas être une chose (c'est-à dire un Étre ou une substance) spirituelle et immortelle.

1° Il [ce qui est capable de divers changements et de diverses modifications, i.e. l'âme] ne peut pas être une chose immortelle : en voici la raison évidente. Ce qui est capable de divers changements et de diverses modifications est capable de diverses altérations ; ce qui est capable de diverses altérations est capable de corruption ; ce qui est capable de corruption, n'est pas incorruptible ; ce qui n'est pas incorruptible n'est pas immortel, cela est clair et évident. Or nos Cartésiens reconnaissent que l'âme est capable de divers changements et de diverses modifications ; ils reconnaissent même, qu'elle y est actuellement sujette, car ils disent et ils conviennent que toutes nos pensées, que toutes nos connaissances, que toutes nos sensations et que toutes nos perceptions, nos désirs et nos volontés sont des modifications de notre âme ; et ainsi notre âme étant de leur propre aveu sujette à divers changements et à diverses modifications, il faut qu'ils reconnaissent qu'elle est sujette à diverses altérations, qui sont des principes de corruption et par conséquent qu'elle n'est point incorruptible, ni immortelle, comme ils le prétendent. C'est pour cela que leur grand Saint Augustin dit qu'une volonté qui varie dans ses résolutions, de quelque façon que ce soit, ne peut être immortelle dans sa durée : et ainsi l'âme étant sujette à divers changements et à diverses modifications elle ne peut être immortelle dans sa durée. » 11

Jean Meslier fait ici allusion à un chapitre des Confessions dans lequel Saint Augustin médite sur quid a Deo didicerit, « ce que Dieu lui a enseigné » :

augustin_gravure.jpg

Saint-Augustin sur fond de scriptorium, gravure d'auteur inconnu, Bibliothèque publique et universitaire, Neuchâtel, Suisse.

Jam dixisti mihi Domine voce forti in aurem interiorem, quia tu æternus es, solus habens immortalitatem ; quoniam ex nulla specie motuve mutaris, nec temporibus variatur voluntas tua; quia non est immortalis voluntas, quæ alia et alia est.

« Seigneur, Tu as dit d'une voix forte à mon oreille intérieure que Tu es éternel, ayant seul l’immortalité, puisque Tu n'est sujet à aucun changement dans ta forme ni dans ton mouvement, et que Ta volonté ne varie pas au gré des temps ; car n'est pas immortelle une volonté qui est autre et autre... »

Item dixisti mihi Domine voce forti in aurem interiorem, quod omnes naturas atque substantias que non sunt quod tu es ; et tamen sunt, tu fecisti ; et hoc solum a te non est quod non est, motusque voluntatis a te qui es ad id quod minus est ; quia talis motus delictum atque peccatum est.

« Aussi, Tu as dit, Seigneur, d'une voix forte à mon oreille intérieure que toutes les natures et substances qui, sans être ce que Tu es, existent cependant, c'est Toi qui les as faites ; et il n'est rien qui n'ait été fait par Toi, sinon ce qui n'est pas, et ce mouvement de la volonté qui va de Toi, qui es, à ce qui est moins : car ce mouvement est une défaillance et un péché. » 12

« 2° L'âme étant, de l'aveu même de nos Cartésiens, sujette à divers changements et à diverses modifications, dit encore Jean Meslier, elle ne peut pas être spirituelle au sens qu'ils l'entendent, parce qu'une chose qui n'a point d'étendue ni de parties aucunes ne peut changer de manière d'être, et ne peut même avoir aucune manière d'être ; ce qui ne peut changer le manière d'être, et qui ne peut même avoir aucune manière d'être ne peut être sujet à divers changements, ni avoir diverses modifications. Or l'âme, suivant le dire de nos Cartésiens, n'aurait aucune étendue ni aucune partie : donc elle ne pourrait changer de manière d'être et ne pourrait même avoir aucune manière d'être : donc elle ne pourrait être sujette à aucun changement, ni avoir diverses modifications ; ou si elle peut changer de manière d'être et être sujette à divers changements et à diverses modifications, il faut qu'elle ait de l'étendue et qu'elle ait des parties ; et si elle a de l'étendue et des parties, elle ne peut être spirituelle au sens que nos Cartésiens l'entendent. Tout cela se suit évidemment. » 13

magritte_amants.jpg

René Magritte, Les amants, 1928, Museum of Modern Art, New York, USA.

« Ils ne peuvent concevoir, disent-ils, que de la matière figurée en carré, en rond, en ovale... etc. sente de la douleur, du plaisir, de la joie, de la tristesse, de la chaleur, de la couleur, de l'odeur, du son... etc. Ils devraient plutôt dire qu'ils ne conçoivent pas que la matière tellement ou tellement disposée fasse de la douleur, de la chaleur, du plaisir etc. car ce n'est pas précisément la matière qui est la douleur, le plaisir, la joie,la tristesse.... etc. ; mais c'est ce qui fait dans un corps vivant le sentiment de douleur, de plaisir, de joïe, de tristesse.... etc. par ses diverses modifications. Ils ne peuvent, dis-je, concevoir cela ; et pour cette seule raison ils ne veulent pas que ces sentiments-là soient des modifications de la matière. » 14

ushev_tristesse.jpg

Theodore Ushev, Physique de la tristesse, Festival de courts-métrages d'Annecy, 2020.

« Mais conçoivent-ils plutôt, ou conçoivent-ils mieux qu’un être [une âme] qui n'aurait point d'étendue ni de parties aucunes, puisse avoir quelque manière d'être et avoir plusieurs diverses manières d'être ? Conçoivent-is plutôt ou conçoivent-ils qu’un être qui n'aurait point d'étendue ni de parties aucunes, puisse voir, connaître, penser et raisonner sur toutes choses ? Conçoivent-ils plutôt ou plus facilement qu'un être qui n'aurait point d'étendue ni de parties aucunes puisse voir et contempler le ciel et la terre et compter les uns après les autres tous les objets qu'il verrait à travers de la masse grossière du corps, où il serait enfermé comme dans un sombre cachot ? Conçoivent-ils plus facilement qu'un être qui n'aurait point d'étendue ni de parties aucunes puisse avoir du plaisir et de la joie, de la douleur et de la tristesse ? Qui est-ce qui serait capable de donner du plaisir et de la joie à un être de cette nature ? Qui est-ce qui serait capable de lui causer de la douleur, de la crainte et de la tristesse ? La joie même, ou la tristesse, pourrait-elle trouver un siège dans un tel être ? Certainement nos Cartésiens disent et reçoivent en cela des choses qui sont mille et mille fois plus inconcevables que celles qu'ils rejettent, sous prétexte de ne les pouvoir concevoir. » 15

platon.jpg

Buste de Platon, copie romaine d'un original grec du dernier quart du IVe siècle av. J.-C., Musées du Vatican.

Reprochant aux Cartésiens de méconnaître « ce qui fait dans un corps vivant le sentiment de douleur, de plaisir, de joïe, de tristesse.... etc. » et d'enfermer par là l'âme dans « la masse grossière du corps comme dans un sombre cachot », Jean Meslier se souvient de la leçon platonicienne qui veut, au regard de leur mystérieuse proximité sémantique, que le corps (σώμα, sôma) soit le tombeau (σῆμα, sêma) de l'âme. Dans cette même leçon, il méconnaît, quant à lui, qu'au regard de la prosonomasie, ou identité phonique des mots σῆμα (sêma), tombeau, et σῆμα (sema), signe, le corps (σώμα, sôma) peut être dit aussi tombeau σῆμα (sêma) en tant que signe (σῆμα, sêma) ou mémoire, vacillante ou éteinte, de l'âme.

socrate2.jpg

Socrate, d'après un buste romain du Ier siècle conservé au Musée du Louvre, copie peut-être d'un bronze perdu réalisé par Lysippe.

Οὐ γάρ τοι θαυμάζοιμ' ἂν εἰ Εὐριπίδης ἀληθῆ ἐν τοῖσδε λέγει, λέγων — τίς δ' οἶδεν, εἰ τὸ ζῆν μέν ἐστι κατθανεῖν, τὸ κατθανεῖν δὲ ζῆν — καὶ ἡμεῖς τῷ ὄντι ἴσως τέθναμεν· ἤδη γάρ του ἔγωγε καὶ ἤκουσα τῶν σοφῶν ὡς νῦν ἡμεῖς τέθναμεν καὶ τὸ μὲν σῶμά ἐστιν ἡμῖν σῆμα. 16

« En vérité, je ne serais pas surpris que ce que dit Euripide fût vrai », observe Socrate à l'intention de Calliclès dans le Gorgias — " Qui sait si la vie n'est pas pour nous une mort, et la mort une vie ? " — Peut-être mourons-nous réellement nous autres, comme je l'ai ouï dire à un sage qui prétendait que notre vie actuelle est une mort, notre corps un tombeau. »

Πολλαχῇ μοι δοκεῖ τοῦτό γε· ἂν μὲν καὶ σμικρόν [400c] τις παρακλίνῃ, καὶ πάνυ. Καὶ γὰρ σῆμά τινές φασιν αὐτὸ εἶναι τῆς ψυχῆς, ὡς τεθαμμένης ἐν τῷ νῦν παρόντι· καὶ διότι αὖ τούτῳ σημαίνει ἃ ἂν σημαίνῃ ἡ ψυχή, καὶ ταύτῃ « σῆμα » ὀρθῶς καλεῖσθαι. Δοκοῦσι μέντοι μοι μάλιστα θέσθαι οἱ ἀμφὶ Ὀρφέα τοῦτο τὸ ὄνομα, ὡς δίκην διδούσης τῆς ψυχῆς ὧν δὴ ἕνεκα δίδωσιν, τοῦτον δὲ περίβολον ἔχειν, ἵνα σῴζηται, δεσμωτηρίου εἰκόνα· εἶναι οὖν τῆς ψυχῆς τοῦτο, ὥσπερ αὐτὸ ὀνομάζεται, ἕως ἂν ἐκτείσῃ τὰ ὀφειλόμενα, [τὸ] « σῶμα, » καὶ οὐδὲν δεῖν παράγειν οὐδ᾽ ἓν γράμμα. 17

« Quelques-uns appellent le corps le tombeau, σῆμα, de l'âme où elle serait présentement ensevelie », dit Socrate à Hermogène dans le Cratyle ; « en outre, c'est par le corps que l'âme signifie tout ce quelle veut signifier ; et, à ce titre, le nom de σῆμα (sêma), qui veut aussi dire signe, est encore parfaitement convenable. Mais je crois que les disciples d'Orphée considèrent le nom de σῶμα (sôma) comme relatif à la peine que l'âme subit durant son séjour dans le corps en expiation de ses fautes. Ainsi cette enceinte corporelle serait comme la prison où elle est gardée, σώζεται (sôzetai). Le corps est donc, comme son nom le porte, sans qu'il soit besoin d'y changer aucune lettre, ce qui conserve, τὸ σῶμα (to sôma), l'âme, jusqu'à ce qu'elle ait acquitté sa dette. »

« En effet nous avons dit que toute âme humaine doit avoir contemplé les essences, puisque sans cette condition aucune âme ne peut passer dans le corps d'un homme », dit Socrate dans le Phèdre.

« Mais il n'est pas également facile à toutes de s'en ressouvenir, surtout si elles ne les ont vues que rapidement, si, précipitées sur la terre, elles ont eu le malheur d'être entraînées vers l'injustice par des sociétés funestes, et d'oublier ainsi les choses sacrées qu'elles avaient vues.

Quelques-unes seulement conservent des souvenirs assez distincts ; celles-ci, lorsqu'elles aperçoivent quelque image des choses d'en haut, sont transportées hors d'elles-mêmes et ne peuvent plus se contenir, mais elles ignorent la cause de leur émotion, parce qu'elles ne remarquent pas assez bien ce qui se passe en elles. La justice, la sagesse, tout ce qui a du prix pour des âmes, a perdu son éclat dans les images que nous en voyons ici-bas ; embarrassés nous-mêmes par des organes grossiers, c'est avec peine que quelques-uns d'entre nous peuvent, en s'approchant de ces images, reconnaître le modèle qu'elles représentent.

La beauté était toute brillante alors que, mêlées aux chœurs des bienheureux, nos âmes, à la suite de Jupiter, comme les autres à la suite des autres dieux, contemplaient le plus beau spectacle, initiées à des mystères qu'il est permis d'appeler les plus saints de tous, et que nous célébrions véritablement quand, jouissant encore de toutes nos perfections et ignorant les maux de l'avenir, nous admirions ces beaux objets parfaits, simples, pleins de béatitude et de calme, qui se déroulaient à nos yeux au sein de la plus pure lumière », non moins purs nous-mêmes, νῦν δὴ σῶμα περιφέροντες ὀνομάζομεν, ὀστρέου τρόπον δεδεσμευμένοι, et libres encore de ce tombeau qu'on appelle le corps, et que nous traînons avec nous comme l'huître traîne la prison qui l'enveloppe. » 18

Οὐκοῦν, ἦν δ’ ἐγώ, ἡ διαλεκτικὴ μέθοδος μόνη ταύτῃ πορεύεται, τὰς ὑποθέσεις ἀναιροῦσα, ἐπ’ αὐτὴν τὴν ἀρχὴν ἵνα βεβαιώσηται, καὶ τῷ ὄντι ἐν βορβόρῳ βαρβαρικῷ τινι τὸ τῆς ψυχῆς ὄμμα κατορωρυγμένον ἠρέμα ἕλκει καὶ ἀνάγει ἄνω· 19

« Il n’y a donc que la méthode dialectique [ou la pratique de la raison critique] qui, écartant les hypothèses, puisse aller droit au principe pour l’établir solidement, et tirer ainsi l’œil de l’âme du bourbier où celui-ci se trouve honteusement plongé », déclare finalement Socrate dans la République.

Or Jean Meslier, qui n'a cure de l'âme non plus que d'une vie antérieure ni d'une vie future, témoigne dans son Mémoire de ce que le corps des hommes n'est point ce « tombeau » ou ce « bourbier » dont parle Socrate, mais le siège de « toutes nos pensées, connaissances, sensations, perceptions, désirs, volontés, et qu'à ce titre, les hommes n'ont nul besoin qu'on les en délivre. Et s'il use de la méthode dialectique, lui aussi, Jean Meslier, pour « aller droit au principe », c'est pour « établir solidement », comme son Mémoire y prétend, que l'âme n'existe pas.

alexandre_tombeau.jpg

Jean Eugène Buland (1852–1926), Auguste au tombeau d'Alexandre, ca 1870-1878, Musée d'Orsay.

À suivre : Jean Meslier et les Cartésiens. V. 7. En quoi « les Cartésiens se rendent ridicules »


  1. Le testament de Jean Meslier, tome III, publié par Rudolph Charles, Amsterdam, chez R. C. Meijer, 1864, p. 286.↩︎

  2. Ibidem, p. 287↩︎

  3. Ibid.↩︎

  4. Ibid., p. 288.↩︎

  5. Ibid., p. 288 sqq.↩︎

  6. Ibid., p. 289 sqq.↩︎

  7. Cartel : ancienne mesure des grains, des céréales, jadis en vigueur à Rocroi, Mézières, Sedan, et sur le port de Givet. À Sedan le cartel de froment pèse trente-neuf livres, celui de méteil une livre de moins ; le cartel de seigle, trente-sept, et celui d’avoine trente-cinq livres. Chopine ou sétier : 0,476 litre. Pinte : 2 chopines, soit 0,9305 litre. Pot ou quade (cade) : 2 pintes, soit 1,861 litre. Velte (du latin médiéval gualguita, « petite jauge » : 8 pintes, soit 7,62 litres. Quartaut : 9 veltes, soit 68,5 litres. Toise : 6 pieds. Aune : 4 pieds, ou 2 tiers d'une toise. ↩︎

  8. Le testament de Jean Meslier, tome III, publié par Rudolph Charles, Amsterdam, chez R. C. Meijer, 1864, p. 291 sqq.↩︎

  9. Ibidem, p. 292-295.↩︎

  10. Ibid., p. 296-297.↩︎

  11. Ibid., p. 296 sqq.↩︎

  12. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites en français et annotées, tome 2, Paris, Louis Vivès, Livre XII, ch. XI, § 11, p. 346.↩︎

  13. Le testament de Jean Meslier, tome III, publié par Rudolph Charles, Amsterdam, chez R. C. Meijer, 1864, p. 298 sqq.↩︎

  14. Ibidem, p. 298.↩︎

  15. Ibid., p. 299.↩︎

  16. Platon, Gorgias, 492e-493a.↩︎

  17. Platon, Cratyle, 400c.↩︎

  18. Platon, Phèdre, 250a, 250b, 250c.↩︎

  19. Platon, République, Livre VII, 533d.↩︎

2 commentaires

#1  - Gérard Bischoff a dit :

Dès que je prends du temps, que j'ai envie de m’abandonner aux rêves de la poésie de l'histoire et de la littérature, je vais surfer sur votre site, si bien tenu, si riche, si modeste et orgueilleux à la fois, tellement intéressant surtout par cette promiscuité avec le terroir...
Cela fait quelques années que je fréquente vos sujets, vos thèmes, en loucedé comme un voyeur, qu'il m'est devenu nécessaire de vous remercier pour cet énorme travail extrêmement généreux .
Vous convaincre de ma profonde admiration pour votre compétence et en même temps séduit par une sorte de légèreté formelle difficile à décrire qui distingue votre blog.
Votre nom est gravé depuis tout petit dans ma mémoire lorsque j'étais fasciné par les grosses lettres affichées place de la République à Pamiers quand je passais du temps chez mes grand parents rue du Pont Neuf.
Avec le temps, vient la reconnaissance.
Très cordialement,
GB

Répondre
#2  - Belcikowski a dit :

Je suis confuse de cet énorme compliment. Celui-ci en tout cas me va droit au cœur.
Amitiés,
C.B.

Répondre

Écrire un commentaire

Quelle est le premier caractère du mot yeb3vmj ?

Fil RSS des commentaires de cet article