Auguste Labouisse-Rochefort et la Société philotechnique de Castelnaudary. 10. Une figure oubliée. De 1830 à 1840 (suite)
William Bouguereau (1825–1905), L'agneau nouveau-né, 1873, Berkshire Museum, Pittsfield, Massachusetts, USA.
« Ce ne fut pas un mariage que je rencontrai le lendemain, mais une campagne aride, sèche, rougeâtre. Il faut toujours monter et descendre. Cependant au milieu de ces âpres collines, j'aperçus une jeune fille très fraîche et très jolie. La blancheur de son teint, les roses de ses lèvres, présentaient un doux contraste avec ces affreuses bruyères et cette nature sauvage. La quenouille au côté, elle gardait un troupeau... » 1
Depuis les parages de Mirepoix, Auguste de Labouisse semble cheminer sur la carte du Tendre, et les scènes auxquelles il assiste, l'enchantent. Après avoir suivi deux cortèges de mariage, il s'enchante ici de rencontrer une jeune et jolie bergère, et il relate cette rencontre sur le mode de la bergerie, scène de genre qui fait florès depuis le XVIIIe siècle au théâtre chantant ainsi que dans le domaine de la peinture et de la gravure galantes.
La bergère chante en patois les couplets d'une peine d'amour auxquels Auguste de Labouisse trouve un air de ressemblance avec ceux de Métastase, « le Racine de l'Italie », qu'il connaît bien pour les avoir traduits et souvent imités.
La bergère chante d'abord les couplets de l'amante de Daphnis. Puis, « un rustre, jeune et vigoureux », s'étant approché de la bergère, chante à son tour les couplets de Daphnis, amant de la bergère :
« Lé temps, lé jour, l'houro cruelo,
L'istent fatal és arribat,
Ou, de tant jantio patourélo
Mè caldra beizé séparat...
[...]
Pens' al chagrin qué me deboro,
Pens' al trait que blasso moun cor,
Penso qué Philinet t'adoro,
Penso qu'en té perdan sé mor.
Penso qué as ma fé per gatgé,
Pens' a nostro séparatiou……………
Pensi qué beleu, bel mainatgé,
Nou pensaras pas pus a you. » 2
Ces couplets inspirent au voyageur des couplets analogues, quoique composés sur le mode plus noble qui est celui de la poésie d'expression française. Ces couplets disent la peine que lui vaut de s'être trouvé, quant à lui, obligé de se séparer de sa bien-aimée Éléonore. Et ces nouveaux couplets sur la peine d'aimer font de lui par effet de mise en abîme le double du « rustre, jeune et vigoureux » Daphnis sur la scène lyrique :
« Le voici donc ce moment que j'abhorre,
De mon départ, des regrets, des adieux !
Hélas, sans toi, sans mon Eléonore,
Comment vivrai-je éloigné de ces lieux ?
Je n'aurai plus que désespoir sans Elle,
Dans la douleur, je coulerai mes jours !.....
Mais toi ! qui sait, si constamment fidèle,
Ton cœur, de moi, se souviendra toujours ? » 3
« Mais toi ! qui sait, si constamment fidèle, / Ton cœur, de moi, se souviendra toujours ? »
Après avoir auguré que la bergère et son Philinet se retrouveraient sûrement, Auguste de Labouisse avait « si fort retenu les pas de son cheval, pour écouter les couplets du berger, que Favori [le cheval] marchait à peine » et que, dit l'auteur, « d'ailleurs occupé à rêver, et ne voulant pas le fatiguer, sur une route si montueuse, je n'avais pas été très vite ». Ce pas ralenti « fournit à un cavalier, qui me suivait d'assez près, la facilité de me joindre. Il paraissait le désirer. Dès qu'il m'eut atteint, il me salua et la conversation s'engagea entre nous.
Il m'eut bientôt appris qui il était, et obtenu de moi les mêmes confidences. Ce dernier point n'était pas très difficile ; tu sais que j'ai beaucoup d'abandon et de franchise dans le caractère. M. le chevalier de Toland s'en aperçut ou il le devina et il m'en sut gré. Il voulait même m'en donner des preuves, qu'il m'eut été si agréable et si avantageux de recevoir. »
« Il a été attaché au duc de Choiseul, ministre, et en correspondance avec Voltaire, au sujet du fameux Masque de fer, dont il a découvert le secret. — De l'écriture de Voltaire et un mystère historique dévoilé !!! .... Tu sens que je l'écoutais avec une vive attention et que je dévorais toutes les paroles qui échappaient à mon aimable compagnon de voyage. Elles me semblaient autant d'oracles. Je l'interrogeai avec empressement.
— Il sourit et sans refuser de satisfaire ma curiosité, il m'imposa une condition que je ne pus remplir. Venez avec moi, me dit-il, jusqu'à Carcassonne, où est ma malle ; j'en retirerai ces papiers dont je ne me sépare jamais, et je vous promets de vous les montrer tous. C'est ce que je fais rarement, ne voulant point que ma découverte soit publiée avant que ces lettres s'impriment ; mais vous paraissez mériter une exception et je la ferai avec plaisir, si vous consentez à me suivre. Je veux même, par rapport à vous, séjourner vingt-quatre heures à Carcassonne, si vous y venez.
Cette proposition me fit tressaillir. Que n'ai-je pu l'accepter ! comme j'aurais profité avec empressement et reconnaissance, de cette offre et que cette course m'eut été utile ! — J'en parlai le soir à ma tante Charlotte Eléonore, qui eut la bonté de me dire, qu'elle aurait volontiers consenti à ne partir qu'à mon retour de cette caravane, puisque j'y aurais trouvé mon plaisir et mon instruction. Mais il était alors trop tard ; le chevalier de Toland avait continué sa route et il devait s'embarquer le lendemain grand matin, sur le canal, pour voir la montagne percée [la montagne d'Ensérune, sous laquelle le Canal Royal du Languedoc, ou Canal du Midi passe par le tunnel du Malpas] et poursuivre son voyage en visitant Béziers, Montpellier, Nîmes, Vaucluse, etc. » 4
La rencontre d'un personnage tel que ce « chevalier de Toland » étonne, et elle constitue à ce titre l'un des épisodes les plus passionnants du Voyage à Rennes-les-Bains. Dans une campagne aride, sèche, rougeâtre, un cavalier, surgi de nulle part, suit « d'assez près » le narrateur et le rejoint... Cette rencontre est tellement curieuse, qu'on incline d'abord à se demander si Auguste de Labouisse, versant là sur la pente du roman fantastique, ne l'a pas inventée. D'autant que le nom de ce « chevalier de Toland » ne se trouve nulle part ailleurs, sinon chez Henri Duclos, dans le volume 8 de son Histoire des Ariégeois, lequel Henri Duclos, en 1885, tire manifestement ce nom de la lecture du Voyage à Rennes-les-Bains, dont la publication date de 1832 !
Mais Auguste de Labouisse signale en bas de page que « cette rencontre n'est point une fiction ». Et, outre qu'il mentionne le « chevalier de Toland », Henri Duclos assortit cette mention d'une note qui fournit une piste concernant l'identité dudit chevalier.
« M. de Tersac ne connaissait que trop Voltaire. Le chevalier de Toland, originaire, croit-on, du Béarn, quelque temps attaché au duc de Choiseul, ministre, avait été en correspondance avec Voltaire. M. de Tersac, qui eut diverses occasions de rencontrer M. de Toland, à Paris comme dans les Pyrénées, était au courant des lettres échangées entre Voltaire et M. de Toland. » 5
Mais qui est donc ce M. de Tersac, « qui ne connaissait que trop Voltaire » ? Une habitude des généalogies languedociennes donne à penser qu'un Tersac pouvait être originaire du Couserans. Eh oui ! À partir de cette première supposition, on trouve Jean Joseph Faydit de Tersac, né le 23 avril 1739 au château de Commanies, près Saint-Girons, dans le diocèse de Couserans (Ariège), troisième des neuf fils du comte Jean François Faydit de Tersac, baron de Lescure et seigneur de Montesquieu-Avantès, près de la frontière d'Espagne, et d'Isabeau Élisabeth de Soueix de Baup ; prêtre, docteur en théologie, curé de la paroisse Saint-Sulpice, à Paris, mort le 14 août 1788 à Paris.
Mais d'où vient donc que M. de Tersac « ne connaissait que trop bien Voltaire » ? Charles Hamel (1873-1853) l'explique dans son Histoire de l'église Saint-Sulpice.
« Après avoir fait son séminaire et pris ses grades en théologie à Toulouse, M. de Tersac vint à Paris et entra, le 2 juin 1761, à la Communauté de la paroisse de Saint-Sulpice. Il était depuis huit ans le vicaire de M. Dulau, quand il lui succéda en 1777. Cinq ans après, l'assemblée générale de 1782 ratifiait son agrégation à la Compagnie. Il y avait à peine un an qu'il exerçait ses fonctions curiales, quand il eut à prendre part à l'un des plus tristes événements de son administration, la mort de Voltaire, qui eut lieu le 30 mai 1778, chez le marquis de Villette, dont l'hôtel, situé quai des Théatins, était sur la paroisse Saint-Sulpice. [...].
Voltaire était revenu à Paris, le 10 février précédent, après vingt ans d'absence ; et les transports de joie et les hommages dont il ne cessait d'être l'objet depuis son retour, lui causèrent de si vives émotions que, vers la fin du mois, il lui survint une violente hémorragie qui mit ses jours en danger. Quelques ecclésiastiques s'offrirent alors à travailler à sa conversion, entre autres l'abbé Gauthier, aumônier des Incurables, qu'il fit venir probablement parce qu'il crut voir en lui un casuiste assez commode ». Voltaire signa là une profession de foi dont M. de Tersac était bien fondé à soupçonner l'insincérité, d'autant que Voltaire, qui allait mieux, refusa ensuite de le recevoir.
« Dès le milieu de mai, de nouveaux accidents se produisirent qui l'obligèrent à prendre le lit pour ne plus le quitter. Le 30, dernier jour de sa vie, l'abbé Mignot, son neveu, conseiller clerc au Parlement, le voyant très mal, alla chercher M. de Tersac et l'abbé Gauthier, qui essayèrent en vain de lui inspirer des sentiments conformes à la gravité de son état ; il ne répondit à leurs exhortations que par le silence. Alors M. le curé de Saint-Sulpice, s'approchant de son lit, lui dit avec douceur : « Monsieur de Voltaire, (vous êtes au dernier terme de votre existence ; reconnaissez-vous la divinité de Jésus-Christ ? » Le malade hésita un moment, puis étendant la main, comme pour repousser M. le curé, il lui répondit : — Monsieur le curé, laissez-moi mourir en paix. Et il se tourna d'un autre côté. Aussitôt, M. de Tersac et l'abbé Gauthier se retirèrent. Une heure après, Voltaire n'était plus.
M. de Tersac lui refusa la sépulture chrétienne. » 6
« Allons-nous-en. Il n'a plus sa tête. » In Henri Louis Duclos, Henri Duclos, Histoire des Ariégeois (Comté de Foix, Vicomté de Couserans, etc.). De l'esprit et de la force intellectuelle et morale dans l'Ariège et les Pyrénées centrales, Paris, Librairie Académique Didier Émile Perrin, 1885, p. 488.
Mais que vient donc faire dans cette histoire voltairienne un certain « chevalier de Toland » qu'on ne trouve nulle part ailleurs que chez Auguste de Labouisse et chez Henri Duclos ?
Du « chevalier de Toland », Henri Duclos dit dans son Histoire des Ariégeois qu'il échangeait des lettres avec Voltaire. Le même « chevalier de Toland » dit lui-même à Auguste de Labouisse qu'il était « en correspondance avec Voltaire, au sujet du fameux Masque de fer, dont il a découvert le secret. »
Une recherche sur Gallica montre qu'un ouvrage intitulé L'Homme au masque de fer, mémoire historique où l'on réfute les différentes opinions relatives à ce personnage mystérieux, et où l'on démontre que ce prisonnier fut une victime des jésuites. Suivi d'une correspondance inédite de Voltaire avec M. de Taulès sur le siècle de Louis XIV, le testament politique du cardinal de Richelieu etc., œuvre de feu le Chevalier de Taunès, ancien consul général en Syrie, a été publié à Paris chez Gaultier-Laguionie, en 1825 ; puis qu'un autre ouvrage intitulé Du Masque de fer, ou Réfutation de l'ouvrage de M. Roux Fazillac : Recherches historiques sur le masque de fer, et réfutation également de l'ouvrage de M. J. Delort, par feu M. de Taulès, ancien consul de Syrie, a été publié à Paris chez Peytieux, en 1825. Relative à une affaire qui qui a passionné et qui passionne encore l'opinion, la publication de ces deux ouvrages se trouve largement commentée dans la presse du temps — la Gazette de France, le Figaro, la Pandore, etc.
L'Homme au masque de fer, mémoire historique où l'on réfute les différentes opinions relatives à ce personnage mystérieux, et où l'on démontre que ce prisonnier fut une victime des jésuites. Suivi d'une correspondance inédite de Voltaire avec M. de Taulès sur le siècle de Louis XIV, le testament politique du cardinal de Richelieu etc., par feu le Chevalier de Taunès, ancien consul général en Syrie » ; Du Masque de fer, ou Réfutation de l'ouvrage de M. Roux Fazillac : Recherches historiques sur le masque de fer, et réfutation également de l'ouvrage de M. J. Delort, par feu M. de Taulès, ancien consul en Syrie.
Une recherche généalogique concernant Pierre de Taulés, auteur des deux ouvrages mentionnés ci-dessus, révèle l'identité de l'homme qui chevauchait dans une campagne aride, sèche, rougeâtre derrière Auguste de Labouisse. C'était ce même Pierre de Taulès !
Pierre de Taulès, chevalier de Taulès, né circa 1730, probablement à Oloron-Sainte-Marie, est fils de noble Nicolas de Taulès — qui achète la Maison noble de Domecq de Précillon le 19 novembre 1750, avant d'être admis aux États de Béarn pour ce fief et de le dénombrer le 1er juin 1752 — et de Jeanne de Barrau ; et frère de Françoise de Taulès, née circa 1732, mariée à Oloron Sainte-Marie à noble Jean de Jausiondy, seigneur de Duclos de Pontacq ; et frère de Marie de Taulès née circa 1739, mariée à Oloron-Sainte-Marie à Paul de Navailles Labatut, baron de Batut Figuières.
L'Armorial de Béarn, 1696-1701, mentionne la présence de Pierre de Taulès, parrain de l'enfant, capitaine de dragons dans la légion de Conflans, au baptême de noble Pierre de Jausiondy, seigneur de Duclos, célébré le 4 février 1770 à Montpezat. 7
L'Armorial de Béarn, 1696-1701 mentionne encore la présence de noble Pierre, chevalier de Taulès, ancien capitaine de dragons et consul général dans l'empire ottoman, habitant à Vic-Bigorre, grand-oncle maternel de l'épouse, âgé de 85 ans, au mariage de Françoise de Jausiondy-Duclos avec noble Jacques de Barbanègre-Estibayre, le 23 novembre 1814. 8
Rédigée par une plume anonyme, la « Notice historique sur les principaux Agents français, chargés de la même commission... » qui précède les Lettres particulières du baron de Vioménil [Antoine Charles du Houx de Vioménil (1728-1792)] sur les affaires de Pologne en 1771 et 1772, officier général envoyé par la France pour diriger les opérations militaires des Confédérés, fournissent de plus amples renseignements sur la carrière du Chevalier de Taulès, « agent français », i.e. agent du [Service] Secret de Louis XV.
Lettres particulières du baron de Vioménil sur les affaires de Pologne, en 1771 et 1772, officier général envoyé par la France, pour diriger les opérations militaires des Confédérés, Paris, chez Treuttel et Würtz, ancien hôtel de Lauraguais, rue de Lille, n° 17, vis-à-vis les Théatins, 1808.
Notice historique précédant les Lettres particulières du baron de Vioménil sur les affaires de Pologne, en 1771 et 1772, p. 299.
« AUSSITÔT que le ministère français, alors dirigé par le duc de Choiseul, s'aperçut que l'impératrice de Russie Catherine II, cherchait à s'immiscer essentiellement dans les affaires de Pologne, une sage politique lui fit sentir qu'il importait à la tranquillité de l'Europe, de circonscrire les Russes dans les limites de leur Empire, et d'empêcher qu'ils ne troublassent le repos des nations voisines ; mais le dégoût que Louis XV avait conçu pour la guerre, depuis les mauvais succès de celle de 1756, et surtout l'apathie du monarque qui voulait vieillir tranquillement dans le sein de la volupté, ne permettaient à M. de Choiseul, qui connaissait les intentions du Roi, d'employer que des voies détournées, et par conséquent faibles, pour atteindre le but qu'il se proposait ; c'est-à -dire, de réprimer l'ambition de la Russie. »
Anonyme, d’après Louis Michel van Loo (1707–1771), Étienne François, duc de Choiseul Stainville (1719-1785), ministre de Louis XV, après 1763, Château de Versailles.
« M. de Choiseul ayant réussi, en octobre 1768, à pousser l'Empire ottoman à prendre les armes, pour soutenir l'indépendance de la Pologne contre Catherine II, jugea utile d'opérer une diversion en faveur des Turcs au moyen des Polonais confédérés, qui pouvaient occuper un corps considérable de troupes russes, si on parvenait à mettre de l'ordre et de l'ensemble dans leurs entreprises militaires ; mais il fallait leur donner un directeur, qui ne fût pas d'un rang assez élevé pour produire dans le pays une grande sensation, contraire au rôle obscur auquel la France se réduisait dans cette conjoncture, et qui, d'un autre côté, eût assez d'esprit et de talents pour faire concourir au même but, une foule d'hommes que la diversité de leurs intérêts, quoiqu'ils se fussent armés pour même cause, rendait peu susceptibles d'accord. Ce choix n'était pas facile. [...]. M. de Choiseul choisit un agent, doué des qualités qu'exigeait une mission aussi difficile.
Il s'agit de M. le chevalier de Taulès, entré en 1754 dans les gendarmes de la garde du Roi, et qui, dix ans après, c'està-dire en 1764, avait embrassé la carrière des affaires étrangères. Les troubles qui agitaient la ville de Genève, en 1766, ayant engagé le Roi à y envoyer le chevalier de Beauteville, son ambassadeur en Suisse, M. de Taulès l'accompagna. L'objet de cette mission était de rétablir la paix dans cette parvulissime République. L'obligation de se concerter avec les cantons de Zurich et de Berne, dont les vues et les principes étaient absolument contraires à ceux de la France, rendit cette négociation pénible et infructueuse. De Genève, M. de Taulès passa en Suisse, et résida une année à Soleure, pour y suivre la même affaire. Ce fut pendant son séjour à Genève, qu'il fit connaissance avec Voltaire, à qui l'aimable originalité de son esprit et de son caractère plurent infiniment. [...]. »
Ernest Meissonier (1815–1891), Dragon, sous le règne de Louis XV, 1863, Musée Condé.
En 1768, M. de Taulès fut nommé capitaine de dragons, et le duc de Choiseul l'envoya en Pologne et vers les frontières de la Moldavie. Il y rendit tous les services dont sa mission était susceptible. Une campagne triste et malheureuse qu'il fit contre les Russes dans la Podolie, avec les Confédérés, le mit à portée de connaître d'une manière sûre, qu'on n'avait rien à attendre de ce ramas de gentilshommes, sans ordre ni discipline, et commandés par des chefs toujours divisés. Chargé, pour eux, par la cour de Versailles, d'une somme considérable, il se convainquit que toutes les dépenses qu'on pourrait faire en leur faveur, seraient perdues pour les vues de la France, où il revint de lui-même, en rapportant l'argent. [...].
Artur Grottger (1837–1867), Modlitwa konfederatów barskich przed bitwą pod Lanckoroną. Prière des Confédérés de Bar avant la bataille de Lanckorona, qui exprime la foi et le dévouement des confédérés dans leur lutte pour la liberté. 1863.
À la fin de 1769, M. de Taulès fut chargé, à son retour de Pologne, d'un travail important sur les négociations de la France avec la Suisse. En 1771, après la disgrâce du duc de Choiseul, les établissemens de commerce des Français dans la Syrie et la Palestine, se trouvant exposés aux désordres et aux troubles qui sont la suite des guerres civiles, il parut essentiel, suivant les propres expressions de la feuille signée par le Roi, d'y faire passer un sujet connu et éprouvé, sur lequel on pût compter, et qui eût des ressources dans l'esprit. M. de Taulès y fut envoyé avec le titre de consul général. A peine arrivé en Syrie, il se trouva renfermé dans la ville de Seyde, bientôt assiégée par une armée de trente mille Turcs, prévenus contre les Français, qu'ils accusaient d'avoir appelé une escadre russe dans cette partie du Levant : ils ne parlaient que de les massacrer. M. de Taulès parvint à effacer ces dangereuses impressions, et à s'attirer également la confiance des deux partis. Jamais la considération pour la France ne fut portée plus loin en Turquie, que dans le territoire où s'étendait l'administration de M. de Taulès ; jamais la protection exercée au nom du Roi n'y fut plus respectée et plus efficace. Les Turcs, pour mieux honorer le nom Français, parurent en différentes occasions oublier leurs lois, leurs moeurs, leurs usages. Le Grand Émir des Druses, chef des rebelles, d'un côté, et le fameux Dgezzar-Pacha, revêtu de toute l'autorité du Grand-Seigneur, de l'autre, désirèrent qu'il devînt le médiateur de leurs différends. Malgré les avantages qu'il devait retirer personnellement de cette médiation, des raisons fondées sur l'intérêt du commerce national, le portèrent à se refuser à leurs instances. Quoique longtemps et fortement sollicité par eux, il se conduisit avec assez de ménagement, pour éviter de les aigrir par son refus.
Thomas Aldridge, Portrait de Jezzar Hadji Ahmed Pasha (entre 1720 et 1735-1804), gouverneur de Saint-Jean d'Acre, 1775. Photographie : Micawish.
Dans la guerre de 1778, des corsaires anglais, sans aucun égard pour le droit des nations, eurent l'audace d'enlever plusieurs de nos vaisseaux dans les ports du Grand-Seigneur. Ce fut en vain que le ministère et l'ambassadeur de France réclamèrent à Constantinople contre ces attentats. De pareils outrages, en demeurant impunis, livraient les Français au mépris des peuples dans tous les ports du Levant. Un seul moyen leur restait pour se rétablir dans la considération qui leur était due : c'étaient les représailles. Il importait de faire voir aux Turcs, que les Français savaient se faire justice eux-mêmes, lorsqu'elle leur était refusée. M. de Taulès saisit la première occasion qui se présenta, de mettre cette idée en exécution. Encouragé et enhardi par la certitude de bien servir son pays, et fermant les yeux sur tout ce qu'une entreprise semblable pouvait avoir de dangereux pour lui-même, il engagea le commandant d'un vaisseau à se saisir audacieusement, dans le port de Larnaca, en Chypre, d'un bâtiment français que les Anglais y avaient conduit, après s'en être emparés. Cette action produisit le résultat que M. de Taulès avait prévu. La [Sublime] Porte étonnée, et craignant de voir une guerre intestine s'élever dans ses ports, changea absolument de conduite, et lorsque les Anglais renouvelèrent ensuite leurs pirateries, ils furent promptement obligés par les Turcs, à la restitution des vaisseaux qu'ils avaient pris, et à la réparation des dommages qu'ils avaient occasionnés. Ils rendirent ainsi sept bâtiments enlevés dans les rades de la Syrie et de l'Égypte. Sans les représailles que M. de Taulès avait pris sur lui de faire exercer, ils étaient perdus pour la France, et il fallait ce trait de hardiesse pour forcer les Turcs à être justes à notre égard. Le capitaine en second du vaisseau pris par les Anglais, détenu prisonnier par eux sur son propre bâtiment, ayant été grièvement blessé d'un coup de feu par nos soldats, au moment de la reprise, M. de Taulès eut la générosité de lui assigner sur ses propres pensions, qui étaient très minces, un revenu de deux cents livres.
Vaisseau de ligne français à deux ponts, entre 1715 et 1774, Musée de la Marine.
En 1779, la santé de M. de Taulès, qu'un climat brûlant avait extrêmement dérangée, le mit dans la nécessité de demander sa retraite. Le ministre lui écrivit : Que Sa Majesté aurait desiré conserver plus longtemps à son service, un officier dont elle connaissait si bien le zèle et les talents ; mais qu'elle s'était décidée à lui accorder sa retraite, par égard pour les motifs pressants qui le forçaient à quitter les fonctions qu'elle lui avait confiées.
Une lettre précédente fait encore mieux connaître le jugement que le ministre portait de sa conduite : Je n'ignore pas, lui mandait-il, la manière distinguée avec laquelle vous avez servi Sa Majesté au milieu des troubles de la Syrie, la considération dont vous jouissez parmi les chefs des deux partis, l'intelligence, l'impartialité et la probité qui ont dirigé toutes vos démarches, et les marques d'approbation que vous avez reçues en différentes occasions du feu Roi et de son conseil.
Ces éloges mérités furent la seule récompense de M. de Taulès. On le croit mort depuis quelques années ». L'auteur de la Notice anonyme écrivait ces lignes en 1808. On sait par ailleurs que le Chevalier de Taulès résidait en 1808 à Vic-Bigorre, qu'il vivait encore en 1814, et qu'il est mort avant 1825.
« En faisant des recherches dans des archives publiques », ajoute l'auteur de la Notice historique, « M. de Taulès a trouvé un fil qui, suivi avec sa persévérance et sa sagacité accoutumées, paraît l'avoir conduit à découvrir le véritable secret du prisonnier au masque de fer. Il a composé à ce sujet un ouvrage assez considérable, que nous avons lu, et dont nous ne dévoilerons pas le résultat, afin de ne pas priver ceux à qui il a laissé son manuscrit, des avantages qu'ils peuvent retirer de cette intéressante découverte. » 9
Voilà, en la personne du Chevalier de Taulès, qui était le Chevalier de Toland, rencontré par Auguste de Labouisse en septembre 1803 au sortir de Mirepoix, dans « une campagne aride, sèche, rougeâtre » et un paysage « d'âpres collines ». Pourquoi donc Auguste de Labouisse, et par suite, Pierre Duclos, l'appellent-ils « Chevalier de Toland » plutôt que Chevalier de Taulès ? Sans doute par effet de glissement paronymique. Auguste de Labouisse, qui semble avoir du mal avec la remémoration et la graphie exactes des noms propres, se montre coutumier de ce genre de glissement dans l'ensemble de son œuvre.
« Quand nous nous rencontrâmes », ajoute Auguste de Labouisse, « il revenait de Bélesta. Il avait, comme moi, couché à Mirepoix. »
Résurgence de Fontestorbe, XIXe siècle. Source : Bilan des sites classés et inscrits de l’Ariège. Lieux de beauté, lieux de mémoire.
« — J'étais curieux me dit-il, de connaître la fontaine intermittente ou intercalaire, qu'Astruc a si bien décrite 10. Elle sort d'un antre large et profond, taillé dans le roc, au pied de la montagne de Fontestorbe, dont elle porte le nom. Le paysage qui l'entoure est fort joli, et a fourni, dit-on, à plusieurs peintres, le sujet de plusieurs charmants tableaux. Mais j'ai été indigné d'apprendre qu'un barbare spéculateur, avait voulu barrer l'ouverture de cette fontaine, afin d'enfler ses eaux et faire aller un moulin à scie, qui aurait produit chaque année, une rétribution de douze francs ! ..... 11 Ce lieu enchanté n'aurait plus été qu'un cloaque, si quelques habitants généreux ne s'étaient élevés contre cette coupable entreprise, et n'avaient fait disparaître, à force de réclamations, l'usine qu'on avait commencé à y construire. » 12
Soucieux de ne pas demeurer en reste, Auguste administre ensuite au Chevalier de Toland une leçon sur le Puy-du-Till et ses barènes [cavités, zones mouillées] ainsi que sur le village de Blaud et son vent de pas. Puis il propose au Chevalier de le renseigner sur « une contrée curieuse, trop ignorée peut-être, mais qui mérite d'être connue. Ce sont les vallées et souverainetés de l'Andorre. »
Pour le bonheur d'Auguste de Labouisse, ici reconduit à son personnage de Voyageur Pédant, le Chevalier de Toland « ne se souvenait pas d'en avoir entendu parler et il me pria de lui donner quelques renseignements à ce sujet. — Cela m'est d'autant plus facile », lui répond le Voyageur Pédant, « que M. Mercadier, ingénieur en chef du département de l'Ariège, et M. Pilhes, auteur de la comédie du Bienfait anonyme 13 , m'ont fourni des documents sur ce petit état, que quelques détails que j'avais trouvés dans Dom Vaissette [auteur d'Histoire de Languedoc] m'avaient inspiré le désir de connaître plus particulièrement. J'aime à m'instruire et je voudrais pouvoir ne rien ignorer. 14
Et, en matière de documents sur les « merveilles » de l'Ariège et de l'Andorre, Auguste de Labouisse signale en note de bas de page, qu'avant 1832, date de la première publication de son Voyage à Rennes-les-Bains, il a procédé depuis 1819, date de la rédaction princeps du texte de cet ouvrage, à de nombreux ajouts, empruntés à « un très intéressant Mémoire que M. le chevalier de Roussillou, viguier d'Andorre, a fait imprimer pour le gouvernement et qu'il lui a fait l'honneur de lui communiquer », et aux Merveilles et beautés de la nature en France, etc. de G.-B. Depping, ouvrage paru en 1812.
Georges Bernard Depping, Merveilles et beautés de la nature en France, ou Descriptions de tout ce que la France offre de curieux et d'intéressant sous le rapport de l'histoire naturelle... Paris, P. Blanchard, 1811.
On remarque à cette occasion, comme un peu partout dans l'œuvre d'Auguste de Labouisse, que, toujours semblablement à Montaigne, il se plaît à revenir inlassablement sur son texte princeps et à l'enfler chaque fois de farcissures nouvelles, de telle sorte que la chronologie du texte en question échappe au terminus ab quo annoncé — — septembre 1803 – et se donne à lire seulement dans l'après-coup d'un terminus ad quem qui, une fois atteint, n'est pas la date de fin du texte du Voyage à Rennes-les-Bains, mais la date de la dernière édition de ce texte — ici 1832 —, laquelle ne sera probablement pas la dernière... Le développement du texte se fait donc sur le mode d'une vis sans fin.
On remarque également à cette occasion que, toujours semblablement à Montaigne, Auguste de Labouisse n'hésite pas à emprunter, peu ou beaucoup, à ses riches lectures, et qu'il le souligne, de telle sorte que son texte se trouve, de façon assumée, à la fois le sien et celui des autres. Mais, alors que Montaigne revendique par ailleurs la singularité de sa propre voix, la voix d'Auguste de Labouisse se veut ici non seulement sienne, mais — esto memor, dira Baudelaire — la voix de tous, dans le cadre symphonique d'un projet littéraire qui n'est pas celui de l'unique et de sa propriété, mais celui de la mise en commun de la connaissance et du partage de la pensée.
On remarque enfin que, parlant indifféremment de ce qu'il a vu et de ce qu'il a lu ou entendu, Auguste de Labouisse vit dans un univers au sein duquel les choses lues ou entendues valent les choses vues, de telle sorte qu'à tout moment, la connaissance de seconde main risque de se substituer à la vérité de l'expérience, ou, du moins, qu'elle risque de s'exempter de la critique à laquelle elle devrait pourtant chaque fois se voir soumise. Auguste de Labouisse historien, qui déclarait hautement en septembre 1796, « J'attaque l'erreur partout où je la rencontre, et de quelque part qu'elle vienne », 15, ne manque pas de verser parfois sur la pente dangereuse de l'information non vérifiée.
À l'intention de M. de Toland, Auguste de Labouisse déroule, documentée comme on l'a vu ci-dessus, une vaste leçon sur l'Andorre, « que quelques écrivains ont eu le tort d'appeler une république » alors qu'elle bénéficie d'un « gouvernement aristocratique », et qu'il décrit, non sans un clin d'œil au jardin du Candide de Voltaire, comme une sorte d'Eldorado.
Depuis Charlemagne « qui affranchit les Andorrans de toute domination, ce peuple se gouverne par ses propres lois, ayant conservé les mêmes mœurs, les mêmes institutions, les mêmes usages, sans aucune altération, depuis plus de douze cents ans ; au milieu des révolutions qui ont souvent changé la face des deux grands royaumes qui l'entourent et le cernent de toutes parts. » 16
Charmé par ce bel éloge d'un « gouvernement aristocratique », M. de Toland prête à la leçon d'Auguste de Labouisse l'attention flatteuse à laquelle celui-ci aspire. « — En vérité, s'écria M. de Toland, vous me donnez de vifs regrets de n'avoir pas connu plutôt ces circonstances, je me serais arrangé pour pousser mes courses jusque là. Mais puisque à présent cela m'est impossible, faites moi le plaisir d'y suppléer par vos souvenirs », — dont on se souviendra ici qu'il s'agit de souvenirs de lecture.
Andorra la Vella circa 1900.
« — L'Andorre au sein des Pyrénées, est entourée de hautes montagnes qui en empêchent l'approche. Elle est divisée en deux vallées pittoresques », etc. Et Auguste de Labouisse de passer en revue, dans le style du Voyageur Pédant, la géographie physique et humaine, l'histoire, l'administration et la culture du pays andorran, avant de faire remarquer à M. de Toland l'essentiel, qui est ici politique :
Costume des chefs de famille d’Andorre au début du XIXe siècle, frontispice de Pierre Roch Roussillou (1785-1874), De l’Andorre, Toulouse, Toulouse, F. Vieusseux, 1823 :
« Il est un costume pour les cérémonies qui ne subit jamais aucune variation, et avec lequel les hommes en place remplissent toutes leurs fonctions. C'est un manteau de couleur brune doublé en drap cramoisi, avec des manches où ils passent toujours les bras dans les cérémonies ; ils ont aussi le soin de retourner en dehors le revers cramoisi ; ce costume quoique grossier, ne laisse pas que d'être imposant, et il donne même à la jeunesse un air respectable. »
« Deux notaires, (dont l'un est le greffier des États) sont chargés de rédiger toutes les transactions, qui se font sur papier libre. Le fisc et le timbre n'ont pu pénétrer dans cette province patriarchale. Souvent les actes s'y consentent verbalement, avec une bonne foi qui n'a jamais été trompée. Et pour achever leur bonheur, ils [les Andorrans] ne connaissent ni fisc, ni douanes, ni droits d'entrée quelconque, sur les objets de commerce. Enfin ils estiment peu l'industrie, qu'ils regardent comme inutile et dangereuse, par les innovations qu'elle peut produire. Chacun y est satisfait de son état ; les colons n'y sont point jaloux de la noblesse, qui les secourt, les soutient, les défend, occupe leurs bras, assure leur existence.
« D'une égalité folle ils ne sont pas épris,
Et nulle ambition jamais ne les travaille.
La noblesse, est pour eux, une antique médaille,
Dont le temps a fixé le prix. »
Heureux peuple ! il sait se contenter de son bonheur ! aussi notre désastreuse révolution n'a-t-elle pu l'atteindre. Ses fureurs sont venues s'arrêter, se briser, aux frontières de ses vallées, qui ont su maintenir intactes leur belle indépendance. » 17
S'arrêtant un moment sur les mœurs des femmes andorranes, Auguste de Labouisse, qu'on sait attaché aux questions relatives à la condition féminine, observe les particularités suivantes, dont certaines ne sont sans doute pas pour lui déplaire :
Les femmes sont exclues des réunions politiques, et du palais de la vallée, quand le conseil souverain s'y assemble. Elles sont douces, laborieuses, obéissantes. Leurs mœurs sont aussi pures que leur extérieur est modeste. Il n'y a peut-être pas eu d'exemple qu'une seule femme de cette contrée, ait oublié ses devoirs. Les filles même y vivent dans une réserve et une retenue, qui ne connaît guère d'exception. » 18
Timbre dédié au costume traditionnel andorran, 1970.
« J'avais fini de parler », observe Auguste de Labouisse, « que M. de Toland m'écoutait encore ; il était émerveillé d'un pareil récit, qui lui semblait être une fiction des Mille et une nuits. — Non, lui répondis-je, je n'ai rien ajouté à la vérité, je n'ai rien embelli, j'ai même négligé diverses circonstances ; mais j'allais oublier de vous dire que l'Andorre a eu quelques hommes remarquables, quelques héros, qui se sont fait un nom dans l'histoire ». Et le Voyageur Pédant poursuit donc sa leçon... jusqu'au moment où, dit-il, « nous arrivâmes sur la hauteur, d'où Fanjeaux domine une immense plaine. » 19
Vue de Fanjeaux, circa 1900.
« Cette petite ville, située non loin des limites du département de l'Ariège, est la première qu'on rencontre appartenant au département de l'Aude. Elle semble orgueilleuse d'être placée sur la cime d'un précipice et plus orgueilleuse encore de l'origine latine de son nom, Fanum jovis, (temple de Jupiter) », remarque Auguste de Labouisse à l'intention toujours de M. de Toland.
Auguste de Labouisse tient par ailleurs la ville de Fanjeaux pour peu fière d'avoir abrité à partir de 1204 un « conventicule de religionnaires », qu'il assimile aux anciens Bogomiles et aux Vaudois lyonnais, et dont il dit le plus grand mal. Ces « religionnaires », qui prétendaient « s'être rendus à Dieu et à l'Évangile », se réclamaient de la « secte » ou de « l'hérésie », dite « cathare ». Parlant de la « quintaine de Dames », dont Esclarmonde, sœur du comte de Foix, qui avaient promis « de ne plus manger de la chair, des œufs, ni du fromage, d'user seulement d'huile et de poisson », et qui « n'aimaient guère l'Amour, / Et moins encor les nœuds du mariage ! », Auguste de Labouisse déclare ici « qu'il n'aurait pas fallu qu'elles vinssent m'enrôler dans une secte aussi folle ; d'autant que je suis peu disposé à donner gain de cause aux hérésies ». Et, pour corroborer son propos, il use d'une citation empruntée au Bossuet de l'Histoire des variations des églises protestantes (1682-1688) : « On n'aurait jamais cru que les hommes en pussent être si étrangement entêtés, si on ne l'avait connu par expérience ; Dieu voulant donner à l'esprit humain des exemples de l'aveuglement où il peut tomber quand il est laissé à lui même. [Voilà donc la véritable origine des hérétiques de France venus des cathares d'Italie]. »
Jacques Bénigne Bossuet, Histoire des variations des églises protestantes, tome 2, LIV,XI, Paris, Garnier Frères, 1921, p. 74.
Auguste de Labouisse formule en revanche un bel éloge de Saint Dominique, totalement absous ici de la légende noire dont celui-ci se trouvera crédité au fil du temps, plus particulièrement à partir du XIXe siècle.
Fra Angelico (vers 1395–1455), détail d'une fresque du couvent dominicain de San Marco à Florence, vers 1437-1446.
« C'est au milieu de ces tribulations de la chrétienneté, que Saint Dominique, poussé par l'esprit divin, se chargea de l'entreprise d'aller prêcher et convertir ces nouveaux sectaires, qui rétablissaient d'anciennes erreurs. Il travailla pendant 10 ans avec un invincible courage, à ces conquêtes spirituelles, plus douces, plus bienfaisantes, plus utiles, que celles que les guerriers multiplient pour le malheur de l'humanité. Il habitait Fanjeaux en 1206, lorsqu'il institua un monastère de dames. Il logeait dans un quartier appelé depuis, le Bourguet de Saint Dominique, où par acte du 12 juillet 1538, on bâtit en son honneur, un oratoire, surmonté d'une croix blanche, vers laquelle se dirigent différentes processions, entr'autres celles pour conjurer la colère divine, dans les temps d'orage. » 20
Site de l'Oratoire de Saint Dominique à Fanjeaux.
« Sorèze ! Sorèze ! ... » Depuis la « cime du précipice » que surplombe Fanjeaux, Auguste de Labouisse se trouve pris par la vision de ce qui lui apparaît à lui seul. « Regardez de ce côté-là, m'écriai-je, en m'adressant à mon compagnon ; vers le milieu de la montagne noire, dont je franchis en idée, les âpres et stériles hauteurs, il me semble l'apercevoir là bas, là bas, avec son parc, ses jardins, ses cours et ses nombreux espiègles. Déjà je suis de l'œil tous ces joyeux enfants / Dans leurs jeux tour à tour vaincus et triomphants. / L'un roule une toupie au gré de sa ficèle, / L'autre instruit un oiseau dans l'art de Philomèle... »
« Dans cette pittoresque et docte solitude,
Où règnent l'innocence et l'amour de l'étude,
À ces plaisirs passés je crois encor m'unir.
En avançant dans l'avenir,
(D'un cœur sensible et bon c'est le besoin suprême),
On aime à replier ses pensers sur soi-même,
À revivre de souvenir. »
«... là bas, là bas... » marque ici tout à la fois la distance de ce qui demeure impossible à voir de si loin, et le miracle du souvenir qui ressurgit de la profondeur du temps. Foyer d'une émotion débordante, la résurgence d'un tel souvenir entraîne dans le texte le changement de registre en vertu duquel l'auteur passe de la prose narrative aux vers d'une longue élégie, dédiée aux grands bonheurs et menus plaisirs de son séjour à l'École Royale et militaire de Sorèze, ainsi qu'aux beautés du paysage dont Pierre Pol Riquet a fait la matière initiale de son œuvre et qu'il a signé en quelque sorte de son génie propre.
« Généreux Souvenir, j'ai redit ta puissance,
Lorsque j'ai peint les jeux qui charmaient mon enfance,
Ces monts voisins, audacieux remparts
De cette brillante vallée,
Ce bassin immortel, ce chef- d'œuvre des arts
Où l'âme de Riquet s'est jadis signalée... »
« Ce bassin immortel, ce chef-d'œuvre des arts / Où l'âme de Riquet s'est jadis signalée ». Vue de la jetée et du bassin de Saint-Ferréol.
L'ancien élève de l'École Royale et Militaire de Sorèze verse alors sur une pente de mélancolie qui le reconduit, de la nostalgie de son enfance et de sa jeunesse sorézienne au regret de n'avoir pas pu s'engager, comme son père, dans la carrière des armes. La présence du Chevalier de Toland à ses côtés, qui a été, lui, capitaine de dragons, ravive sans doute encore ce regret.
« Déjà, rempli d'un espoir martial,
Le pas soumis à la mesure,
Tenant en main cette brillante armure
Des plus cruels combats le plus cruel signal,
Me faisant distinguer sous le drapeau royal
Par mon adresse obéissante,
Je songeais à ma mère, à ce moment joyeux
Où je pourrais présenter à ses yeux
D'une épaulette d'or la parure élégante.
Doux plaisirs, que les ans emportent dans leur cours ! ... » 21
Mais foin de ce moment de repli sur soi ! Auguste de Labouisse se trouve bien vite ressaisi par la vision de l'étendue du paysage. « Du haut de cette montagne, car c'en est presque une (367 m, précise l'auteur), la vue s'étend à une distance considérable. On aperçoit en deçà de Sorèze, d'abord Castelnaudary », et d'abord, surtout, ses moulins.
Route de Mirepoix et entrée de la ville en 1908.
« Ce n'est pas seulement par ses moulins , dis-je, à M. le chevalier de Toland, que cette ville est célèbre. Ancienne capitale du Lauragais, pays riche et fertile, elle a pris place dans l'histoire par les faits d'armes qui s'y sont passés » 22. Suit la leçon d'histoire sur laquelle le Chevalier de Toland compte bien, et le lecteur aussi !
Les historiens disputent sans pouvoir s'entendre, de la date de création de la ville, observe Auguste de Labouisse. « [Jean] Astruc pense que Castelnaudary pourrait bien être le lieu indiqué sous le nom de Sostomagus, construit à la fin du règne de Constantin, vers l'an 333 de l'ère chrétienne, et Astruc a raison. En effet, cette ville se trouve positivement désignée sur la voie romaine, entre Toulouse et Carcassonne, à la même distance où elle est aujourd'hui. Mais elle était située différemment. Sa place se trouvait un peu en deçà de l'ancien Lac, qui sert aujourd'hui de port à cette ville. » 23p>
L'archéologie contemporaine confirme la raison de Jean Astruc, partant, celle d'Auguste de Labouisse.
Vue du Pech de Castelnaudary aujourd'hui.
« L’ancienne ville de Castelnaudary correspond, dans sa partie la plus haute, à l’ouest, nommée localement le Pech, à l’emplacement de l’antique Sostomagus », dit l'archéologue Michel Passelac. « C’était une importante agglomération de hauteur, en appui sur un talus, établie à la fin du premier âge du Fer. Elle se trouvait en bordure du tracé d’une ancienne route au profil de chemin de crête emprunté ensuite par la voie d’Aquitaine en direction de Toulouse. Vers l’est, cette route protohistorique se prolongeait par un chemin de même allure, parcourant de façon sinueuse l’interfluve Frequel-Tréboul. Au Moyen Âge, il se nomme Camin francès et passe par Lasbordes et Saint-Martin Lalande. À la fin du deuxième âge du Fer est créée l’agglomération d’Eburomagus [Bram]. Celle-ci est centrée sur un carrefour de routes dont la principale deviendra la voie d’Aquitaine » 24. Le tracé de la route nationale actuelle demeure fidèle à la limite du territoire de la civitas Tolosa et de celui du castellum de Carcassonne.
« Détruite dans l'irruption des Vandales et des Goths, Sostomagus fut reconstruite sous le nom de Castrum Novum Arianorum, désignation prise de la secte des Ariens que les Visigoths avaient embrassée [...]. La première mention que l'on connaisse de ce château nouveau Arien, se trouve dans un testament de Bernard Aton, Vicomte de Béziers et de Carcassonne, du 7 mai 1118 , par lequel ce Vicomte étant sur son départ pour l'Espagne, légue à ses deux fils, en commun, les châteaux de Boussages, de Castel-naud-ary, et de Saint-Félix. » 25
La suite de l'histoire de Castelnaudary, telle que la détaille Auguste de Labouisse, est trop longue et trop riche pour qu'on la rapporte ici point par point. On remarque que, dans le nombre des grands personnages qui sont passés à Castelnaudary, l'auteur célèbre d'abord les mérites de Marie d'Anjou, femme de Charles VII, — « Quelle joie en 1442 pour les habitants [de Castelnaudary], de posséder au sein de leurs murailles, une princesse, laquelle tout son temps, eut bonne renommée d'étre trés bonne et très dévote Dame et moult aumônière et patiente » —, une reine vertueuse, dont il s'indigne de ce qu'une certaine Catherine Durand, dame Bedacier, ait eu en 1700 la malhonnêteté de la calomnier dans ses Mémoires de la cour de Charles VII, faits d'anecdotes odieusement inventées ; puis, les mérites de François Ier, « roi volage et galant », « qui protégea les Lettres et les Arts, parce qu'il savait que la gloire convient aux Rois et que ce sont les Muses qui dispensent la gloire. » 26
Marie d'Anjou, reine de France (1404-1463), copie d'un portrait disparu, collection Roger de Gaignières (1642-1715), Gallica ; Portrait de François Ier, roi de France (1550-1574) par Jean Clouet (1480–1541), vers 1515, Musée Condé, Chantilly.
Ensuite, Auguste de Labouisse évoque les « dissensions intestines», « désordres » et autres « égarements » auxquels protestants et catholiques s'abandonnent à Castelnaudary autour de 1562 27. Puis il s'arrête sur la tentative de soulèvement menée par Gaston d'Orléans, frère du roi, et Henri II de Montmorency en 1630 contre la politique du cardinal de Richelieu, et sur la folle bataille qui se livre devant Castelnaudary en 1632 et met fin au soulèvement. Henry II de Montmorency, sur ordre de Louis XIII, sera décapité à Toulouse le 30 octobre 1632, et « peu de jours après la bataille, Louis XIII et son terrible ministre, vinrent à Castelnaudary. Le Roi logea chez M. de Sérignol, où il occupa la même chambre qui avait servi de prison à l'infortuné maréchal de Montmorency ! » Légitimiste de toujours, Auguste de Labouisse se borne au commentaire suivant : « Tirons un voile épais sur ces jours malheureux de haine et de discorde ; il y est question de la révolte d'un sujet contre son Roi et d'une bataille entre Français ! ....... Castelnaudary n'y participa point. Cette ville ne fut que spectatrice de ce triste combat ; cela suffit pour son éloge. 28
Pierre Daret (1604–1678), Portrait d'Henri II de Montmorency, Maréchal de France (1595-1632), photographie : Norbert Pousseur.
Mais le même Auguste de Labouisse se montre critique envers l'action menée par Louis XIII contre les calvinistes cette fois, en 1834. Deux ans après son premier passage, « le même Prince revint à Castelnaudary où il prit le même logement. Ce fut là qu'il signa l'ordre de brûler le Mas-Saintes-Puelles, bourg calviniste qui s'était révolté. La révolte était punissable sans doute ; mais la clémence eût été préférable, dans l'intention où l'on était de ramener les hérétiques. Le triomphe de la religion, a dit Saint Bernard, n'est pas de les passer au fil de l'épée, mais de les convertir. L'Église ne doit employer d'autres armes que les prières et la raison. Ces paroles sont belles et ces principes sont sages. Je regrette d'ajouter qu'on ne les pratiqua point, et que Donnadieu, conseiller au présidial de Lauragais, chargé de l'exécution de cet ordre funeste, prit cent hommes armés de la ville de Castelnaudary, avec lesquels il alla incendier ce lieu ! ... » 29
Mas-Saintes_Puelles, avenue de Castelnaudary.
Auguste de Labouisse dit avoir découvert dans la correspondance d'Anne Marguerite de Noyer, première femme journaliste du XVIIIe siècle, que Marguerite de Valois, première épouse d'Henri IV, a été reléguée par son mari à Castelnaudary, peut-être vers 1588 ou 1590 ». Il se déclare offusqué par la légende noire que les huguenots ont attachée à cette reine, et, volant au secours d'une femme injustement villipendée, il dit aussi emprunter les mots de M. de Bury dans son Histoire d'Henri IV pour défendre et illustrer comme suit la mémoire d'une « princesse célèbre par sa beauté, ses talents, son esprit et ses grâces » : « Elle parlait et écrivait plus poliment et plus éloquemment qu'aucune personne de son sexe et de son temps : elle aimait les gens de lettres, elle se plaisait à leur conversation ; elle était très instruite sans paraître être savante ; elle était libérale et très charitable. On l'a beaucoup accusée d'irrégularité dans sa conduite, sans nous en donner des preuves absolument convaincantes » 30.
Au vrai, Auguste de Labouisse se contente de se réclamer là de l'autorité de M. de Bury ; il ne le cite pas, mais se plaît à amender le compliment incertain de M. de Bury, qui, moins soucieux des grâces des dames que de l'établissement des « faits », dit, lui, de Marguerite de Valois qu'elle était « une personne très spirituelle, et très habile dans les intrigues de la Cour et de la Politique » 31
Portrait de Marguerite de Valois (1553-1615), auteur anonyme, XVIIe siècle, collection privée.
Les historiens contemporains semblent donner raison à Auguste de Labouisse quant à la fausseté de la légende noire de Marguerite de Valois. On retiendra surtout dans le portrait qu'Auguste de Valois brosse de la reine, les mots qui servent à caractériser une sorte d'idal féminin propre à l'auteur des Amours, à Éléonore : outre que Marguerite de Valois avait pour elle « sa beauté, ses talents, son esprit et ses grâces », « Elle était très instruite sans paraître être savante ; Elle était libérale et très charitable ». Mutatis mutandis, une préfiguration d'Éléonore de Labouisse avant le temps ?
Auguste de Labouisse évoque ensuite la peste qui a frappé Castelnaudary en 1629, et à cette occasion l'offrande d'une lampe d'argent à Notre Dame de Garaison ainsi que l'intercession de la Madone dans divers cas de guérisons miraculeuses ultérieurs. Il mentionne encore les eaux miraculeuses du village de Sainte-Camelle, proche de Castelnaudary, et la seconde église de ce village qui reçut en 1662 la princesse de Conti, puis en 1672 celle du cardinal de Bonzi. Ruinée par les religionnaires, en même temps que le château, la première église du village conservait les reliques de Sainte Camelle, supérieure ou abbesse au XIe siècle d'un couvent de religieuses de l'ordre de Saint Bernard. Une partie de ces reliques a été transférée en 1661 à la cathédrale de Mirepoix, sous le contrôle de Louis Hercule de Levis de Ventadour, évêque de Mirepoix. En 1991, afin de sauver de la destruction le contenu des reliquaires en argent de la cathédrale de Mirepoix, qui se trouvaient alors voués à la fonte, l'abbé Mailhol 32, curé de la cathédrale et théologal de Monseigneur de Cambon, évêque de Mirepoix, a fait transférer le contenu de ces reliquaires dans la chasse en bois doré de Sainte Camelle, moins menacée par les réquisitions révolutionnaires.
Détail d'une vue de Sainte-Camelle dans les années 1900.
À Sainte-Camelle, les ruines de l'ancien couvent, de l'ancienne église et de l'ancien château conservent en 1803, au dire d'Auguste de Labouisse, une sorte de « magnificence gothique ». Sensible à la poésie des ruines, tenant de la droite catholicité et enclin au pessimisme historique, l'auteur reprend à son compte les mots d'un habitant du village : « Ces illustres débris, monuments lugubres de tant de maux soufferts, semblent subsister en dépit du temps, pour perpétuer d'âge en âge, le souvenir désolant de la destruction de cet asile de la religion, de l'indigence et de la charité. Élevé jadis par la piété de nos aïeux, il a été détruit par l'hérésie » 33. L'hérésie n'est pas seulement ici celle qu'on croit. C'est aussi, dans la pensée d'Auguste de Labouisse, l'hérésie révolutionnaire, fille de la rupture civilisationnelle induite selon lui par la dérive religionnaire.
« Revenons à Castelnaudary... », dit là Auguste de Labouisse dans sa démarche de Voyageur Pédant, si typiquement vagabonde. Et l'on n'oubliera pas ici que le Chevalier de Toland marche toujours de conserve avec le Voyageur et qu'il l'écoute attentivement dans sa déambulation savante.
Rue Riquet, voie d'entrée dans la ville de Castelnaudary, circa 1900. En arrière-plan, le clocher de la collégiale Saint-Michel.
En 1660, Louis XIII qui se rendait alors à Saint-Jean-de-Luz pour épouser l'infante Marie Thérèse d'Autriche, s'est arrêté à Castelnaudary. Il a dormi dans la même maison que Louis XIII, chez M. de Sérignol ; La Reine-Mère, Anne d'Autriche, a dormi chez M. Du Cup, juge mage ; le Cardinal Mazarin, dans la maison qui appartient en 1803 à M. de La Nogarède ; Mademoiselle, Élisabeth Marguerite d’Orléans, cousine germaine de Louis XIV, également appelée Mademoiselle d’Alençon, puis, après la mort de sa sœur aînée, Mademoiselle de Valois, également appelée Mademoiselle d’Alençon, puis, après la mort de sa sœur aînée, Mademoiselle de Valois, a dormi chez mademoiselle de Lastrapes, rue du Clocher de Saint Michel. 34
En 1701, Philippe, duc d'Anjou, fils de Louis XIV, allant prendre possession de la couronne d'Espagne, accompagné de ses frères, les ducs de Bourgogne et de Berry, couche chez M. de Sérignol fils, juge criminel. En 1706, le roi d'Espagne, arrivant de Narbonne, couche lui aussi å Castelnaudary, et cette fois-là, son gîte fut chez M. de Soubiran. Les ducs de Bénavente, de Médina-Sidonia et d'Ossone, étaient avec lui, ainsi que le Comte fils aîné du duc de Noailles, qui logea chez M. Dolmières, seigneur de Lastouseilles. 35
Auguste de Labouisse signale encore qu'Henri II « établit un présidial à Castelnaudary, auquel il assigna pour ressort le Comté du Lauragais. Ce nouveau tribunal, tint d'abord ses séances, dans un bâtiment situé au fond de la petite rue Saint-Michel, appelée aussi Saint-Augustin, où se trouvait au rez-de-chaussée, une salle spacieuse, suivie d'un jardin, qui touchait au rempart. Le présidial « alla bientôt après siéger dans le château, que lui céda la reine Catherine de Médicis, et qui, de ce moment, prit le nom de Palais. La maison qu'avait abandonné le présidial, devint la propriété de la Reine Marguerite de Valois, qui pendant le séjour qu'elle fit à Castelnaudary, s'y rendait fréquemment l'après-midi ; elle y tenait sa cour et s'y livrait à d'aimables conversations. ce bâtiment, où il n'y avait absolument qu'une seule salle, n'était pour la Reine qu'un lieu de récréation, peu distant d'un bel hôtel où elle logeait ». Auguste de Labouisse signale dans une note datée de 1829 que le bâtiment qui avait servi de présidial a été « transformé en remise ». Marguerite de Valois avait aussi « une habitation à la campagne ; c'était le domaine de La Planque, sur les bords du canal, qui a donné son nom à une des écluses ». Le bâtiment, qui - subsiste encore [en 1803] —, est « un château gothique, peu considérable, mais agréable par sa position ». Il a été démoli en 1808 et remplacé par « un pavillon élégant, entouré de beaux jardins », qui appartient en 1832 à la baronne de Barral. Le nouveau présidial, quant à lui, est devenu à partir de la Révolution la prison de la ville. » 36
Entrée de l'ancien château, puis ancien présidial, puiq ancienne prison de Castelnaudary, aujourd'hui transformée en musée.
Arrivé à ce stade de la description de Castelnaudary, Auguste de Labouisse qui, dit-il, « n'écrit pas une grave histoire et aime à recueillir les traditions locales, qui conservent d'agréables souvenirs pour diverses familles », ne résiste pas à la tentation de parler une fois encore de la famille de son ami Jules de Paulo.
« Le 18 février 1716, arriva à Castelnaudary, Antoine François, vicomte de Paulo, vicomte de Calmont, seigneur de Saint-Jean-del-Tour et de Saint-Marcel, âgé d'environ 25 ans, fils aîné de Jean François de Paulo, pour se faire installer sénéchal du Lauragais, titre qui le plaçait en même temps à la tête de la justice et de la noblesse. Il succédait à son père, dans un emploi qui réunissait la robe et l'épée. Il était vêtu en habit noir et manteau court de velours, portant un collet de point d'Espagne et l'épée au côté. Il fut reçu par M. Du Cup, juge mage, et M. de Ménard, avocat royal ». Au banquet qui suivit « furent invités Messieurs Dejean, lieutenant particulier, de Vernès, conseiller ; Dolmières, procureur du roi, et M. de Saint-Étienne, seigneur de la Pomarède ; de Bertrand, seigneur de Molleville ; d'Auriolem>, seigneur de Salelles ; d'Auriol, seigneur de Peyrens ; d'Hébrail, seigneur de Canast ; Lerɔi, seigneur de la Roquette ; de Raymond, seigneur de Lasbordes ; le chevalier Du Cup, frère du juge-mage ; le chevalier de Puichéric de Donadieu, Vergés ou Verger de Leuc ; de La Nogarède, colonel, et son fils, aide-major du régiment des milices ; deux Rouan, dont l'aîné faisait parfois des vers malins ; de Polastre Saint-Bris et Baillot d'Acher, autre épigrammatiste de cette époque ». Auguste de Labouisse qui a entendu parler de ce beau monde dans sa famille dès son enfance, trouve manifestement plaisir à en décliner les patronymes en 1803.
Il livre par la même occasion un portrait de groupe des hommes de la famille d'Antoine François de Paulo, grand-père de son ami Jules de Paulo : « M. le Sénéchal, dit l'historiographe de la ville, est bien fait, d'une taille médiocre, et a un air de bonté, qui est héréditaire dans sa famille. Le baron de Paulo, son frère, est un des hommes les mieux pris dans ses formes ; il a un air guerrier et très majestueux, et est doué d'une force extraordinaire. — Il ne parle point de l'abbé de Paulo qui s'y trouvait aussi. Tous trois revinrent coucher chez leur oncle, Barthélémy de Lanta de Grammont, évêque de Saint-Papoul » 37. On devine que la mention de cet « air de bonté, qui est héréditaire » dans la famille de Paulo » a dû émouvoir Auguste de Labouisse en le reconduisant au souvenir visuel du visage de son ami de toujours.
Terminant ici son survol de l'histoire de Castelnaudary, Auguste de Labouisse évoque encore la venue de « Monsieur, frère de Louis XVI, futur Louis XVIII », en juin 1777 dans cette ville, « d'où il se rendit à Sorèze, qu'il visita avec admiration. »
Écluse de Béteille, située sur le territoire de la commune de Montréal, à 5,5 km de Bram et 7,5 km de Villesèque.
« Poursuivant sa route par le Canal, il arriva à l'écluse de Béteille, accompagné de son brillant cortège. On accourut avec empressement des environs pour voir le Prince Français. Pendant que l'on dînait, le joli bateau fut visité par plusieurs dames ; ma mère, qui n'était point encore mariée, partagea la curiosité générale. Elle était encore dans le salon de la barque, quand le Prince rentra, et l'on allait se mettre en marche, lorsque Monsieur, s'apercevant de la crainte respectueuse que lui occasionnait sa présence et de l'embarras de ma mère pour sortir, pendant que le bateau se mouvait, fit arrêter et lui donna lui-même la main pour lui aider à descendre à terre. Elle en a conservé un doux souvenir, que ma reconnaissance filiale n'a pas voulu laisser échapper, puisque je trouvais l'occasion de vous en entretenir. Les Bourbons ont toujours été galants, courtois et obligeants. » 38
Auteur anonyme, Monsieur et la famille royale réunis autour du dauphin Louis Joseph Xavier François en 1782, Château de Versailles.
Avant de quitter Castelnaudary, afin de faire pièce à « ces illustres visites et les sanglants lauriers dont j'ai rappelé la mémoire », Auguste de Labouisse dresse à l'intention de M. de Toland la « nomenclature » des écrivains célèbres que la ville a connus : Arnaud Vidal, troubadour qui eut l'honneur d'obtenir en 1324 la première violette d'or au Consistoire du Gai Savoir de Toulouse, ancêtre de l'Académie des Jeux floraux ; Blaise d'Auriol, jurisconsulte et poète 39 ; Antoine Tholosany (Tolosain) 40, abbé général de l'ordre de Saint Antoine de Viennois, un des plus fameux prédicateurs du XVIe siècle ; Pierre Jean de Fabry, ou Fabre 41, docteur en médecine et chimiste, qui publie vers 1649, un traité d'alchimie qu'il intitule Alchymista Christianus « pour éviter d'être poursuivi comme hérétique ; Guillaume de La Faye 42, auteur des Annales de Toulouse, « ouvrage curieux et intéressant, écrit d'un style vif et concis » ; quatre Ingénieurs très distingués dans leur partie : Andréossy 43, qui exécuta si habilement sous Louis XIV, le plan du Canal, conçu et entrepris par Riquet, Cazals 44, qui a fait construire la digue si hardie et si surprenante qui forme le bassin de Lampy, J.-B. de Lespinasse 45, qui jouit dans le pays d'une si haute considération, et Clausade 46, dont Venance a fait une mention amicale dans ses œuvres ; le P. de Ménard 47, couronné plusieurs fois par l'Académie des Jeux floraux ; l'abbé Gros de Besplas 48, qui se fit une réputation dans la chaire, par ses discours, dans le monde, par ses charitables actions ; le chevalier de Tréville 49, écrivain ascétique d'un grand mérite ; le poète Ferlus 50, heureux imitateur d'Horace, de Perse et de Juvenal ; Alexandre Soumet 51, étudiant, dont la jeune Muse promet de si beaux fruits ; et le brave Martin d'Auch 52, député à l'Assemblée constituante, qui s'illustra à jamais le 20 juin 1789, par sa courageuse opposition au serment criminel, prêté séditieusement à Versailles, dans le Jeu de paume ! ....... N'oublions pas son collégue aujourd'hui émigré, M. de Guilhermy 53, autre député loyal, ferme et fidèle, qui lorsqu'au retour du fatal voyage de Varennes, Louis XVI reparaissant dans l'Assemblée constituante, où les Députés restèrent assis et couverts, seulem>, se leva et ôta son chapeau, rendant ainsi au monarque déchu, les mêmes marques de respect, qu'il lui aurait données au faîte de sa puissance. C'est M. de Guilhermy, qui, au sujet de la célèbre déclaration des droits de l'homme, dit ces sages paroles : — J'avais cru qu'il n'était pas prudent de rappeler aux hommes leurs droits, sans leur rappeler leurs devoirs. » 54
De gauche à droite : Anthoine de Tholosany ; Pierre Fabre, détail du frontispice de son Palladium spagyricum (1624), Institut d'Histoire des Sciences, Philadelphia, USA.
De gauche à droite : François Ferlus ; Martin-Dauch, détail du Serment du Jeu de Paume, de Jacques Louis David ; Jean François César de Guilhermy, physionotrace par Jean Baptiste Le Tellier, dit Le Tellier Fils (1759-1812), Musée Carnavalet.
Alexandre Soumet, in Le Mussettiste, volume 2-5, Organe de la Société littéraire Les Mussettistes, Paris IXe, 1908.
À cette liste d'illustres « castelnaudariens », Auguste de Labouisse ajoute encore quelques autres illustres, dont certains d'origine voisine ou de destinée plus lointaine, tels Saint Pierre Nolasque, gentilhomme du Languedoc, né au Mas-Saintes-Puelles, contemporain de Saint Dominique et fondateur de l'ordre charitable de la Merci, pour la rédemption des captifs ; Jean Pierre Rivals, né en 1625 au village de la Bastide-d'Anjou, peintre qui fut « l'élève et l'ami du fameux Poussin » ; Antoine Rivals (Toulouse, 1667-1735, Toulouse), fils du précédent, « dont la collégiale Saint Michel de Castelnaudary conserve le grand tableau de la Flagellation » ; le P. Jean Baptiste Gibrat (Gaillac, 1727-1803, Castelnaudary), professeur de Lettres au collège de Castelnaudary, principal du collège avant la Révolution, signataire de la Constitution civile du clergé, auteur de livres liturgiques et de deux manuels de géographie ; Daniel Bertrand de l'Angle, évêque de Saint-Papoul, qui, en vertu des lettres patentes du roi Louis XV datées de 1738, « fit construire à Castelnaudary un bel hôpital, qu'il dota et qu'il enrichit de sa bibliothèque, devenant ainsi « Castelnaudarien » par ses bienfaits » ; le général Jean François Aimé Dejean (Castelnaudary, 1749-1824, Paris), ancien élève de Sorèze, nommé ministre-directeur du matériel de la guerre en 1802 ; le général Antoine François Andréossy (Castelnaudary, 1761-1828, Montauban), ancien élève de Sorèze lui aussi, et le colonel du Génie Louis Joseph Élisabeth Cazals (Castelnaudary, 1774-1813, Charenton-le-Pont), « qui se signalèrent tous deux en Égypte. » 55
Saint Pierre Nolasque, gravure anonyme, Wellcome Collection, London.
Hôpital fondé à Castelnaudary, en vertu des lettres patentes de Louis XV datées de 1738, par Daniel Bertrand de l'Angle, évêque de Saint-Papoul de 1738 à 1774.
De gauche à droite :Jean François Aimé Dejean ; Antoine François Andréossy.
« Castelnaudary a possédé en grand nombre des écrivains célèbres », disait Auguste de Labouisse avant de se lancer dans la longue « nomenclature » détaillée ci-dessus. On voit là qu'il use du mot « écrivains » pour désigner, dans une acception étendue, des hommes qui se sont distingués dans des domaines divers, littérature, art, droit, médecine et alchimie, histoire, géographie, science hydraulique, prédication et charité, éducation, guerre, engagement politique ; qui n'ont certes pas tous écrit, au sens où l'entend d'ordinaire, mais qui ont vécu, pensé et placé leur vie sous le signe d'une résolution qui les obligeait à être tels qu'ils se voulaient, sans se laisser jamais arrêter par rien. Auguste de Labouisse lui-même, au moins dans sa pratique littéraire, fait partie de cette espèce-là. Très tôt, il s'est voulu écrivain, sur le mode et sur les sujets qu'il entendait, non point d'autres ; et, malgré les critiques, les traverses, il n'a jamais dévié de cette résolution initiale. Une vocation, une passion, qui prend toute la vie.
Soudain, Auguste de Labouisse désigne une direction du paysage à M. de Toland : « En jettant les yeux de cet autre côté, vous pourriez par un temps serein, distinguer Carcassonne, où vous devez vous rendre, et surtout son antique Cité, aux vieux crénaux. Regardez aussi dans les escarpements de la montagne noire, plusieurs petites villes ; à côté, Alzonne, qui occupe le milieu de la plaine [...]. Plus à droite et adossé sur ces collines, qui se rattachent aux Corbières, montagnes que l'on peut appeler, les sentinelles avancées des Pyrénées, vous apercevez Montréal, où vous allez passer sous peu, et qui comme Fanjeaux, est placé sur une très haute éminence... » 56
Après une nouvelle leçon d'histoire consacrée aux « adversités et vicissitudes » que Montréal et sa contrée ont connues du fait de Simon de Montfort, « cet homme barbare », puis des guerres de religion, « cette horrible époque », Auguste de Labouisse dit soudain au Chevalier de Toland : — Puisqu'en chevauchant, nous en avons le temps encore, et que de semblables détails plaisent à votre esprit, permettez-moi de vous faire part d'un doute » — d'une petite histoire ! —, « qui trouve ici naturellement sa place. Je veux vous parler d'un village près de Castelnaudary. Auguste de Labouisse ne dit pas qu'il songeait ici au village de Miraval-Cabardès, lieu de naissance du troubadour Raimon de Miraval. Les historiens ont écrit que Raymond de MIRAVAL, que Nostradamus appelle MIREVAUX, était un pauvre chevalier de Carcassonne cavalliers de Carcassés... »
« Raymond de Miraval... était un pauvre chevalier, qui se distinguait par son bien trouver et son bien dire, mais qui n'avait que le quart de la terre de Miraval et un château en aquel castel non entravo 40 homes ». Le récit débute dans le style du conte, et, sous la plume d'Auguste de Labouisse, c'est bien d'une sorte de conte qu'il s'agit, puisque, dixit le narrateur, « je vous avoue que je ne saurais comment placer ce château-là, près de Carcassonne, ce qui m'a fait imaginer qu'il pouvait avoir existé à Mireval, petit village que j'ai oublié de vous faire apercevoir entre le Villa-Savary et Castelnaudary. »
« Raymond de Miraval devint éperdument amoureux d'une dame de Lombez, nommée Azalaïs, femme de Bernard de Ballaison. Cette Azalaïs était une habile coquette, qui voulant être célébrée par ses vers, lui fit des agaceries dont il fut la dupe. [...]. Azalaïs était recherchée par les plus puissants seigneurs de la contrée, entr'autres le Vicomte de Béziers, le Comte de Toulouse, Raymond VII, et Pierre II, roi d'Aragon, qui résidait souvent à Montpellier ». Elle trompe le poète avec le roi dès l'instant qu'elle a obtenu les vers désirés. Après Azalaïs, Raymond de Miraval tombe amoureux d'Ermengarde, dite la belle Albigeoise, qui « le prend pour son chevalier et serviteur et devient la Divinité dont il chante les perfections ». Détail gênant, qu'il n'avait pas dit jusque là, Miraval est déjà marié. La belle Albigeoise le somme de répudier son épouse.
« Sa femme se nommait Dona Gaudeireinça ; elle avait du talent pour la poésie et pour la danse ; elle en devait, ce semble, plaire davantage à un troubadour : point du tout, ce fut un prétexte de séparation. « De retour dans son château, Miraval lui dit : Je ne veux point d'une femme qui fait des vers comme moi. C'est assez d'un poète dans un ménage, Préparez-vous à retourner chez votre père, je ne veux plus de vous pour femme ». Dona Gaudeireinça, qui est amoureuse d'un autre, ne se le fait pas dire deux fois. Elle se remarie aussitôt.
La belle Albigeoise, quant à elle, se joue du récent divorcé : « — C'est bien fait à vous... allez préparer tout ce qu'il faut pour une grande посе ». Il court faire les préparatifs de leur mariage. Le lendemain, il trouve la belle Albigeoise mariée à son amant, Olivier de Saissac. « En butte aux plaisanteries de tout le monde, il fut pendant deux ans comme un homme dont la raison est troublée ». Puis, après encore d'autres amours désastreuses, la prise de son castel par Simon de Montfort, et en 1213, sa participation à la bataille de Muret, il finit dans un couvent « à Lérida, chez les religieux de Citeaux, on ne sait pas en quelle année », mais non sans avoir écrit en 1218 « un traité des Louanges de Provence, non encore imprimé ». 57
Pierre Denis Martin (1673-1742), Déplorable succès de la pièce (1720), illustration du Roman comique(1651) de Paul Scarron (1610-1660), Musée de Tesse, Le Mans.
Il se peut bien que, sous ses dehors tragi-comiques, l'histoire du Chevalier de Miraval traduise le complexe de pensées non dites qui habitent Auguste de Labouisse cependant qu'il chevauche en compagnie du Chevalier de Toland. En la personne du Chevalier de Miraval, l'auteur figure peut-être son propre double, hanté par quelque sentiment d'infériorité à l'endroit dudit Chevalier de Toland, personnage plus considérable que lui, car ancien capitaine de dragons, puis consul général dans l'empire ottoman ; hanté aussi, après avoir mentionné Montréal et s'être souvenu de ses années anciennes, par l'angoisse de perdre l'amour de la Bien-Aimée qu'il a laissée derrière lui ; et hanté encore par une sorte d'obscure défaillance de l'estime de soi, qui est essentiellement chez lui celle du poète. Il accuse en conséquence le caractère burlesque de ce double, qui emprunte quelque chose au personnage de Don Quichotte et surtout au Ragotin du Roman comique de Paul Scarron. Une façon mi-figue mi-raisin de renouer ici avec le picaresque du Gil Blas de Santillane qui fut la lecture augurale de sa jeunesse.
En parlant du Chevalier de Miraval, reprend Auguste de Labouisse, « nous avions descendu la rapide colline de Fanjeaux, et nous étions à côté du vaste terrain où Saint Dominique institua la maison de Prouille, à la suite d'une céleste vision, dans un petit bourg qui n'existe plus, où se trouvait une chapelle dédiée à Notre-Dame. Bérenger, archevêque de Narbonne, accorda à ces religieuses enseignantes, l'église de Saint Martin, dépendante de Limoux, qu'elles ornèrent et agrandirent considérablement. Ce beau monastère a disparu totalement ; à peine en reste-t-il quelques vestiges et des décombres. Ici fut Troie ! de même on pourrait dire : Ici fut un pieux asile que la charité avait élevé, et que détruisit l'infâme révolte. »
« J'ai trouvé une ancienne note qui date à-peu-près de 1630 », ajoute le Voyageur Pédant. Voici ce qu'elle dit : « La maison de Prouille, a 400 pas de longueur et 300 de largeur. Elle est environnée de fossés à double portes. Les murailles de la clôture, en pierre de taille, ont 20 pieds de haut ; 15 tours les surmontent, placées chacune d'elles, de cent pas en cent pas, en l'honneur des quinze mystères du Rosaire. » 57
Plan de restauration de l'ancien monastère Sainte-Marie de Prouille, proposé par l'archéologue Alexandre de Mège (1780-1862). Cette restauration n'a pas eu lieu. Le monastère a été reconstruit dans le style néo-byzantin à partir de 1860. Monastère de Prouille.
Telle que donnée à imaginer par la note du XVIIe siècle, la silhouette de l'ancien monastère inspire à Auguste de Labouisse l'envie de raconter une nouvelle histoire, et c'est encore une histoire d'amours malheureuses, mais cette fois-ci uniques et rendues sublimes par leur élévation morale.
C'est dans cette forteresse d'un nouveau genre, où fut obligée de vivre retirée, dans le XVe siècle, la jeune et belle Alamanda, alliée à la famille de Josse Lauvreins. Cette sensible Toulousaine était aimée de Jean de RECAUT 59, poète âgé de 25 ans, que les Mainteneurs du gai savoir venaient de couronner en 1462, et elle répondait à la passion du jeune troubadour. Un mariage secret allait combler leurs vœux, lorsqu'une indiscrétion les sépara pour toujours.[...]. Alamanda prit le voile. Jean de RECAUT, désespéré, embrassa aussi la vie monastique, et entra dans le couvent des Augustins de Toulouse. [...]. Comme Pétrarque séparé de sa Laure, il consacra le souvenir de ses peines dans des chansons, inspirées par la plus vraie, par la plus vive douleur ». Auguste de Labouisse cite à ce propos des vers traduits de Jean de Recaut par son ami Alexandre de Mège, qui se propose, dit-il, d'écrire « l'histoire trop incomplète de nos anciens Troubadours » :
« Moi seul, errant dans ces sombres demeures,
Je ne sens plus le charme de l'espoir ;
En vain le temps accumule les heures,
ALAMANDA je ne dois plus te voir ! ........
Le Rosier refleurit, aimez jeunes Bergères,
Vous n'éprouverez point les maux du Troubadour !
Aimez et répétez les cadences légères
Des chants de bonheur et d'amour. » 60
Là encore, il se peut bien, mais sous des dehors élégiaques cette fois, qu'Auguste de Labouisse emprunte à l'histoire de cet autre double, le troubadour Jean de Recaut, le moyen de signifier sans la dire de l'angoisse qui l'étreint un moment, alors qu'ayant laissé derrière lui Saverdun, ensuite Castelnauday, il s'éloigne de plus en plus de sa mère bien-aimée et de sa Bien-Aimée Éléonore.
Passé le petit village de La Force, Auguste de Labouisse et son compagnon arrivent à Rebenty, jolie habitation des champs , plantée avec goût, appartenant à M. de La Case, qu'arrose une rivière, où pour mieux dire, un torrent, fougueux en hiver, dont elle porte le nom.
Fanjeaux, Prouille, La Force, Rebenty, sur la carte de Cassini.
C'est là qu'Auguste de Labouisse et le Chevalier de Toland se quittent, sans grandes phrases, parce que, dit Auguste de Labouisse, « ma tante et moi, pour ma mère, nous avions au sujet d'une succession, quelques affaires de famille, à terminer avec mon oncle, qui nous attendait à la campagne, où il avait rassemblé ce jour-là plusieurs personnes ; de sorte qu'en descendant de cheval, après m'être séparé à regret de mon aimable compagnon de voyage et nous être redit, en nous serrant vivement la main, le triste mot d'adieu, ce mot si difficile et si cruel à prononcer dans la vie, et après que j'eus recommandé à mon domestique, Favori [le cheval], qui était un peu fatigué, je me vis obligé de monter en voiture pour me rendre au château de La Tour... » 61
Curieusement, Auguste de Labouisse, qui nourrit la passion des faits curieux, des manuscrits, des correspondances et autres matières à chroniques coruscantes, semble avoir oublié quand il dit adieu au Chevalier de Toland, la grande curiosité qu'il avait de connaître, depuis peu, le contenu des lettres échangées par le Chevalier et Voltaire à propos de la mystérieuse affaire du Masque de fer. De façon anticipée, lui-même faisait déjà état de cette étrange intermittence de sa curiosité, bien avant dans le récit, lorsqu'il évoquait les premiers moments de sa rencontre avec ledit Chevalier.
Jean François Lorent (1773-18..), L'homme au masque de fer, 18.., BnF, département Bibliothèque-musée de l'opéra, estampes.
« Si j'avais pu l'accompagner à Carcassonne », observe Auguste de Labouisse dans une note postérieure à 1803, « il m'aurait lu ses lettres et celles de Voltaire, que j'avais une si grande envie de connaître. Le chevalier de Toland n'existe plus ; cette correspondance inédite est perdue ou du moins on ne l'a pas encore publiée ; tandis que peut-être si j'avais pu me trouver une journée de plus, avec cet intéressant voyageur, qui me montra si soudainement une amitié, qui naissait sans doute de quelque heureuse sympathie, il m'aurait confié ce dépôt, pour en être l'éditeur, ou du moins il m'aurait permis de tout transcrire. Ma jeunesse, ma naïveté, mon admiration, mon enthousiasme pour tout ce qui est bon et utile, paraissaient l'y avoir disposé. Hélas ! je n'étais pas libre de céder à mon désir ! J'en ai été toujours extrêmement fâché et ce souvenir pèse constamment sur mon esprit. Mais je fus entraîné, ou pour mieux dire, enchaîné par ces impérieuses circonstances, qui nous conduisent, nous maîtrisent malgré nous, et nous causent si souvent, ou de longs regrets, ou d'amers repentirs, ou de profondes douleurs ! » 62
Sans qu'il sache lui-même l'expliquer, Auguste de Labouisse fait montre ici d'une intermittence de sa curiosité qui est peut-être aussi une intermittence de son rapport à l'ouvert du monde, et qui, se manifestant à l'évocation de Montréal au lointain, pays de sa famille maternelle et des jours nombreux de son enfance, témoignerait, sous le couvert de l'attachement à son passé, d'une fragilité secrète de l'homme adulte, comme d'une paille dans l'acier. Sa tante Charlotte Eléonore avait eu pourtant la bonté de lui dire, « qu'elle aurait volontiers consenti à ne partir qu'à mon retour de cette caravane [vers Carcassonne], puisque j'y aurais trouvé mon plaisir et mon instruction » ! « Il m'aurait confié ce dépôt, pour en être l'éditeur, ou du moins il m'aurait permis de tout transcrire », dit-il encore du Chevalier de Toland et de ses mystérieux papiers » ! On voit se dessiner ici le profil d'un rêveur plutôt que celui d'un homme de décision, d'un homme qui bâtit facilement des châteaux en Espagne, puis se détourne tout aussi facilement de leur réalisation, d'un enthousiaste « pour tout ce qui est bon et utile », qui oublie son enthousiasme le lendemain, et s'enthousiasme le surlendemain pour autre chose de tout aussi « bon et utile ». Qu'on se rassure toutefois : les nécessités de la vie feront qu'Auguste de Labouisse deviendra plus tard... éditeur.
À suivre : Auguste Labouisse-Rochefort et la Société philotechnique de Castelnaudary. 10. Une figure oubliée. De 1830 à 1840 (suite 2) : du château de La tour à Rennes-les-Bains.
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, p. 235.↩︎
Ibidem, p. 236-237.
« — Le temps, le jour, l'heure cruelle, l'instant fatal est arrivé, où, de tant gentil pastoureau, me faudra bientôt séparer... »
« — Pense au chagrin qui me dévore, pense au trait qui blesse mon cœur, pense que Philinet t'adore, pense qu'en te perdant je suis mort. Pense que tu as ma foi pour gage, pense à notre séparation... J'ai pensé que peut-être, beau ménage, tu ne penseras plus jamais à moi ».↩︎Ibid., p. 237-238.↩︎
Ibid., p. 238-240.↩︎
Henri Duclos, Histoire des Ariégeois (Comté de Foix, Vicomté de Couserans, etc.). De l'esprit et de la force intellectuelle et morale dans l'Ariège et les Pyrénées centrales, Paris, Librairie Académique Didier Émile Perrin, 1885, p. 487. Henri Duclos reprend d'Auguste de Labouisse un nom qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.↩︎
Charles Hamel (1873-1853), Histoire de l'église Saint-Sulpice, Paris, V. Lecoffre, 1909, pp. 238-240.↩︎
Armorial de Béarn, 1696-1701 : extrait du recueil officiel dressé par ordre de Louis XIV [sous la direction de C. d'Hozier] / texte publié d'après les manuscrits de la Bibliothèque nationale et annoté par A. de Dufau de Maluquer,... et J.-B.-E. de Jaurgain..., Paris, H. Champion, 1889-1893, p. 24.↩︎
Lettres particulières du baron de Vioménil sur les affaires de Pologne, en 1771 et 1772, officier général envoyé par la France, pour diriger les opérations militaires des Confédérés, Paris, chez Treuttel et Würtz, ancien hôtel de Lauraguais, rue de Lille, n° 17, vis-à-vis les Théatins, 1808, pp. 1-15.↩︎
Jean Astruc, Mémoires Pour L’Histoire Naturelle De La Province De Languedoc, Paris, chez Guillaume Cavelier, 1737, p. 257 sqq.↩︎
Un scierie à marbre a été construite et a fonctionné en tout cas, sans autorisation, entre 1865 et 1868, en amont du hameau la Forge. Cf. Pays des Pyrénées Cathares. Bélesta : l'industrie.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, pp. 241-242.↩︎
Joseph Pilhes (Tarascon, Ariège, 1740-1832, Tarascon, Ariège), avocat, viguier de la République d'Andorre, juge au tribunal de Foix, poète et auteur dramatique, protégé et ami de M. de La Beaumelle à Mazères [Cf. Christine Belcikowski, Auguste Labouisse-Rochefort et la Société philotechnique de Castelnaudary. 9. Une figure oubliée. De 1830 à 1840], et de de Mme de Salles au château de Gudanes. « Le Bienfait anonyme, comédie en 3 actes, en prose, fut jouée le 21 août 1781 à Versailles,où elle a été très goûtée ; la reine Marie-Antoinette témoigna sa satisfaction au poète en lui envoyant une épingle de diamants. Cette pièce n'obtint pas moins de succès à Paris, un quart de siècle plus tard. la représentation du 15 octobre 1811, à laquelle assistaient Napoléon et Marie-Louise ; elle fut accueillie à Bordeaux, à Toulouse, puis enfin à Foix, avec autant de faveur ». Cf. Alex Duboul, Les deux siècles de l'Académie des jeux floraux, tome 2, Toulouse, Édoard Privat, 1901, pp. 488-490.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, pp. 242-244.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Trente ans de ma vie (de 1795 à 1826): ou Mémoires politiques et littéraires, volume 1-2, Toulouse, chez M. Delsol, 1844, p. 408.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, p. 245.↩︎
Ibidem, p. 235-248.↩︎
Ibid., p. 250.↩︎
Ibid., pp. 251-252.↩︎
Ibid., pp. 253-254.↩︎
Ibid., pp. 255-260.↩︎
Ibid., p. 260-261.↩︎
Ibid., p. 261.↩︎
Michel Passelac, « Construction du tracé de la voie d’Aquitaine. Le segment d’Eburomagus à Sostomagus », Pallas, 82 | 2010, 103-120.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, p. 261-262.↩︎
Ibidem, pp. 263-267.↩︎
Ibid., pp. 267-269.↩︎
Ibid., pp 279-281.↩︎
Ibid., pp. 281-282.↩︎
Ibid., p. 284.↩︎
Richard de Bury (1730-1794), Histoire de la vie de Henri IV, roi de France et de Navarre, tome premier, Paris, Didot l'aîné, 1765, p. 76. « Je ne parlerai que des faits » (p. 65).↩︎
Cf. Christine Belcikowski, « À propos de Jean Pierre Mailhol, né à Carcassonne, prêtre constitutionnel enfermé en l'an II aux prisons de Castelnaudary ». In Pages lauragaises 8. Centre Lauragais d'Études Scientifiques. 2018.
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, pp. 288-291.↩︎
Ibidem, pp. 292-293.↩︎
Ibid., p. 293.↩︎
Ibid., pp. 294-295.↩︎
Ibid., pp. 295-296.↩︎
Ibid., pp. 296-297.↩︎
Cf. Tolosana-Université de Toulouse : Blaise d'Auriol (1470 ?-1540).↩︎
De la gens Tholosany, Jules Villain, dans La France moderne (1906-1913), dit qu'il s'agit d'une « très ancienne maison originaire du Piémont, établie au comté de Castres, puis à Toulouse dans le courant du XVIe siècle. Léonard de Tholosany, écuyer, seigneur de la Sesquière, né à Carmagnole, en Piémont, fut reconnu noble dans une attestation de l’évêque de Salusse donnée en 1534. Envoyé extraordinaire du duc Charles III de Savoie auprès du roi Henri II, il se fixa en France où il fit souche. Il reçut une charge de trésorier général du comté de Castres et acquit peu après la seigneurie de la Sesquière. Il avait épousé le 17 février 1517 Jeanne de Carli et il testa le 4 septembre 1550. Antoine de Tholosany, son fils aîné, réformateur de Ordre de Saint-Étienne de Vienne (Isère), célèbre prédicateur, est mort en odeur de saïnteté en 1615 ; son buste est à la salle des Illustres au Capitole ». Jean de Loyac lui a été consacré en 1645 une biographie intitulée Le Bon prélat ou discours de la vie et de la mort du R.P. en Dieu, messire Anthoine de Tholosany, abbé et supérieur général. Cf. aussi la page Antoine Tolosain, du Musée de l'Isère. Marcel Briol, dans Le Capitole et la Salle des Illustres, Toulouse, J.-B. Cazaux, 1853, p. 14, dédie à Antoine de Tholosany ces vers : « Tolosani l’ardent, qui fit faire une halte / Aux dogmes de Calvin, et frappa droit au cœur / Le schisme que créait ce grand réformateur ».↩︎
Pierre Jean Fabre (ca 1588-1658, Castelnaudary). Cf. Christine Belcikowski, Pierre Jean Fabre, médecin alchimiste, et Cécile de Polastre.↩︎
Germain de La Faille (Castelnaudary, 1616-1711, Toulouse), auteur des Annales de la ville de Toulouse depuis la réünion de la comté de Toulouse à la Couronne, avec un abrégé de l'ancienne histoire de cette ville et un recueil de divers titres et actes pour servir de preuves ou d'éclaircissement à ces Annales (1687), du Traité de la noblesse des capitouls de Toulouse (1707), et préfacier des Obros de Pierre Goudelin (1774).↩︎
François Andréossy (Paris, 1633-1688, Castelnaudary), ingénieur, géomètre et cartographe.↩︎
Jean Louis de Cazals (Vénès, Tarn, 1731-1782, Castelnaudary), directeur du Canal royal.↩︎
Jean Baptiste de Lespinasse (ca 1740-1797, Castelnaudary), directeur du canal royal du Languedoc au département de Trèbes, professeur de mathématiques de l'École du Canal à Toulouse en 1759. Antoinette de Lespinasse, sa fille, épouse Joseph Pierre Claude d'Andréossy, co-seigneur de Castelnaudary (1744-1820).↩︎
Jean Pierre Clausade (Béziers, 1751-1832, Castelnaudary), ingénieur en chef au corps impérial des Ponts et Chaussées, directeur du Canal royal.↩︎
R.P. Ménard, Violette d'argent. Poème : La satire à MM. de l'Académie des Jeux Floraux. Violette d'argent réservée : Églogue. Atis et Licas. 1719.↩︎
Joseph Marie Anne Gros de Besplas (Castelnaudary, 1734-1783, Paris, prêtre, docteur en Sorbonne, vicaire général de l'évêque de Besançon et de Fréjus, aumônier du comte de Provence (futur Louis XVIII), auteur de Essai sur l'éloquence de la chaire, 1767) et de Des causes du bonheur public (1768). Cf. L. Petit de Bachaumont, M.-F. Pidansat de Mairobert et Moufle d'Angerville in Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des Lettres en France depuis MLCCLXII jusqu'à nous jours, ou Journal d'un Observateur, tome 23, à Londres, chez John Adamson, 1784, p. 153 : « 29 août 1783. On prétend que dans son discours de la Cène prononcé à Versailles en 1777, il fit une peinture si pathétique de ces horribles demeures, que Sa Majesté en parla à M. Necker, et que celui-ci saisit avec empressement de faire valoir et de s'attribuer un acte de commisération qui n'était au fond dû qu'au cœur du monarque et à l'éloquence du prédicateur. »↩︎
Bernard Calouin de Tréville (Castelnaudary, 1728-1808, Castelnaudary), dit Chevalier de Tréville, seigneur de Tréville, capitaine au régiment de Mailly, marié en 1763 à Trèbes avec Louise Rose de Grave, membre des délibérations de la noblesse de la sénéchaussée de Lauragais aux États généraux de 1789, auteur de Doctrine de saint Thomas sur le tyrannicide. Par M. le chevalier de Tréville. Ensemble le détail du traitement qu'a essuyé l'auteur, pour avoir composé cet ouvrage, tiré des pieces justificatives que M. le chevalier de Tréville a produites devant la Cour, Paris, sans nom d'éditeur, 1764. Il s'agit d'un ouvrage violemment tourné contre les Jésuites.
« En mettant entre les mains du Public l'opuscule sur Saint Thomas », dit le préfacier anonyme de l'ouvrage, « je ne prétends point lui procurer une Dissertation martelée, une Pièce d'éloquence, ni un modèle, quant à la pureté de la Langue. L'auteur est un Gentilhomme de Province, suffisamment instruit des matières Ecclésiastiques, doué d'un jugement prompt et sain, d'une plume féconde et assez agréable, d'un style nerveux, nourri et dialectique, et d'une étonnante facilité à mettre par écrit ; mais qui ne se donna jamais pour Auteur en titre » [pp. V-VI)].↩︎Abbé François Ferlus (Castelnaudary, 1748-1812, Sorèze), religieux de la congrégation de Saint-Maur, professeur de philosophie, principal de l'École Royale et Militaire de Sorèze jusqu'en 1791 ; membre de l'Institut national, membre associé non résidant de la Classe des Sciences morales et politiques (section de Morale), 1796-1803 ; membre correspondant de la classe d'Histoire et de Littérature ancienne, 1803-1812 ; moine bénédictin et professeur de rhétorique à l'Ecole Royale Militaire; auteur d'un Éloge funèbre de Mirabeau à Sorèze en 1791 ; d'un Projet d'éducation nationale, présenté à l'Assemblée nationale le 10 juillet 1791, et agréé par elle, par D. Ferlus,..., Paris, Belin, 1791 ; d'un De l'éducation publique, long poème daté de 1793 ; et d'autres poésies à caractère didactique, reprises plus tard dans l'Almanach des Muses.↩︎
Alexandre Soumet (Castelnaudary, 1786-1845, Paris), poète et dramaturge, membre de l'Institut. Cf. Christine Belcikowski, « Alexandre Soumet (Castelnaudary 1786-1845 Paris), poète et dramaturge, de sa naissance à son élection à l’Académie française en 1824 » ; « Alexandre Soumet (Castelnaudary 1786-1845 Paris) : 1825-1830, cinq années de théâtre » ; « Alexandre Soumet (Castelnaudary 1786-1845 Paris) : troisième partie, 1831-1840 » ; « Alexandre Soumet (Castelnaudary 1786-1845 Paris) : quatrième partie 1841-1845 » ; in CLES, Pages lauragaises 12, 13, 14, 15.↩︎
Joseph Martin-Dauch (Castelnaudary, 1741-1801, Castelnaudary), député du tiers état aux États généraux de 1789, seul député qui n'a pas voté le 20 juin 1789 en faveur du serment du Jeu de Paume : « La ville de Castelnaudary ne m'a pas envoyé pour insulter et déchirer la monarchie ; je proteste contre le serment adopté » ; seul député qui a salué le roi à l'Assemblée le 14 septembre 1791. Il est emprisonné pendant la Terreur, puis rentre à Castelnaudary et rompt avec la politique.↩︎
Jean François César de Guilhermy (Castelnaudary, 1761-1829, Paris), député du tiers état aux États généraux de 1789 pour la sénéchaussée de Castelnaudary, émigré en 1791, homme lige du comte de Provence (futur Louis XVIII), rentré en France en 1814, maître des requêtes au Conseil d’État, puis intendant de la Guadeloupe, etc.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, pp. 297-302.↩︎
Ibidem, p. 302-303.↩︎
Ibid., p. 304.↩︎
Ibid., p.308-314.↩︎
Ibid., p. 314-315.↩︎
À propos de Jen de Recaut, dans sa langue originale et en traduction, cf. Monuments de la littérature romane : publiés sous les auspices de l'Académie des Jeux floraux par M. Gatien Arnoult, volume 3, VERS FIGURAT, Per coblas sparsas, per loqoal [sic, per loqual] Johan de Recaut gassanshec l'Anglentina, l'an MCCCCLXII, [manuscrit n° 2, pag. 57], Toulouse, J.-B. Paya, 1843, p. 139-142.↩︎
M. de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, Paris, chez Achille Désauges, 1832, pp. 315-317.↩︎
Ibidem, p. 317.↩︎
Ibid., p. 240.↩︎