L'obscurité du lieu

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Classé dans : Poésie, Littérature Mots clés : aucun

Fantaisie à la manière de Platon et d'Aristote

friedrich_lune.jpg

Caspar David Friedrich (1774–1840), Homme et femme contemplant la lune, ca 1824, Alte Nationalgalerie, Berlin.

— Ξένος
Διὰ τὸ σκοτεινὸν τοῦ τόπου κατανοῆσαι χαλεπός· ἦ γάρ.

— L'étranger
C'est l'obscurité du lieu qui le rend difficile à comprendre, n'est-ce pas ?
Platon, Sophiste, 254a.

lune.jpg

The Moon, Nosigner, 2011, Exposition Materiality-Immateriality, Kyoto ddd gallery, 2014 ; in Murielle Hladik, Lumière, éclat et dissimulation : La lune dans l'art, l'architecture et la littérature au Japon.

— MOI

D'où vient que
     τόπος et locus,
mots grec et latin, qui disent le lieu,
soient d'étymologie
     obscure ?

D'où vient que, dans le cas du lieu,
     τόπος...locus,
l'étymologie demeure
     introuvable ?

D'où vient que l'on ne sache même
s'il faut dire en tel cas
que l'étymologie demeure
     introuvable,
ou plutôt, dans une autre guise,
que l'étymologie demeure ICI
     introuvable.

Entre ICI et ,
     où le doigt ?
     où la lune ?
Autre guise, autre leçon,
autre guise, autre chanson.

D'où vient que, d'une guise l'autre,
     ICI et
demeurent
     en balance ?

— L'ÉTRANGER

— De l'obscurité du lieu
qui vient à paraître
     seulement,

ὀνειροπολοῦμεν,
comme en rêve...

     Il Y a
     un loup dans la glace de l'armoire,
     la lune dans la fenêtre
...

quand tu augures,
par effet d'extrapolation,
que ce qui vient
     à paraître
et tourne son visage
     vers toi,
se trouve nécessairement quelque part,
     en un lieu,
le loup, la lune, LÀ-BAS,
toi, ICI.

— MOI

Mais ce qui fait
     qu'il Y a lieu
reste
     difficile à comprendre,
puisque n'est pas ICI
et qu'ICI n'est pas .

— Où, le lieu ?
Quoi, le lieu ?

— L'ÉTRANGER

— Dans le Y
seulement.

Dans le Y
seulement
du il Y a lieu.

— MOI

— Mais où le Y ?
Et quoi le Y ?

...

— L'ÉTRANGER

— Où le Y ?
Nulle part,
sinon dans l'obscurité
de l'âme et du corps,
lorsque, façons d'endormis, façons d'éveillés,

          ὀνειροπολοῦμεν,
          nous rêvons,
          ὀνειροπολεῖς,
          tu rêves,

et que, par effet de mouvement tournant
à partir de l'axe de symétrie
ou le pôle
     dont tu figures,
au sein du rêve
qui s'entretient ici, maintenant,
sous le grand ciel,
     le signe vivant,
tu extrapoles
au regard de ce qui vient à paraître
dans l'espace maintenu ouvert
à partir de et à partir d'ICI tout à la fois,
     qu'il Y a lieu
et qu'il Y faut,
comme si, soudain,
sans le vouloir,
tu secouais un peu tes épaules,
     le moment pole dance,
le moment du Y !

Et quoi, le Y ?
Mais rien d'étant,
autrement dit, rien du tout,
     rien qui ait matière ni forme,
rien d'autre que l'invisible champ de force,
      versus ICI,
     ICI versus ,
qui s'entretient aux lisières du rêve,
comme d'un vase
qui contiendrait un fleuve immobile...

C'est aux lisières du vase
qu'en vertu du moment de la force,
touchant à ICI
et ICI à
     twist again,
il Y a lieu,
fleuve immobile,
     le lieu afflue,
comme la photographie
en témoigne parfois,
     de façon explosante-fixe.

À la limite du rêve...
À la limite du vase...

— MOI

— L'obscurité du lieu
reste difficile à comprendre...
Mais je sais,
     quand je nage,
l'obscurité du lieu
et pourquoi tu parles d'un fleuve,
     d'un fleuve immobile.

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