Au théâtre rouge, il y a revenance
Tout le monde n’entre pas…
...n’entre pas.
Hermann Hesse, Le Loup des steppes, 1926.
No return ?
Il ne faut jamais dire jamais ?
Au théâtre rouge, il y a revenance.
Qui revient ?
Les fantômes,
ceux dont tu es, toi,
redevant.
Redevant
en nature,
ou bien en espèces ?
Mais lesquelles ?
Ya en los nidos de antaño,
no hay pájaros hogaño.
Dans les nids d’antan,
il n'y a plus d’oiseaux maintenant,
dit le Quijote,
qui est à l'article de sa mort.
Sur l'île de la tempête,
Sycorax, la sorcière fantôme,
t'a jeté un sort
Abracadabrax !
qui veut que tes mots
ne vaillent pas,
en tout cas ne vaillent pas
redevance.
Quel est donc ce théâtre
rouge
où les fantômes viennent,
dire, muets,
que tu as redevance ?
Point celui d'après Thermidor,
dont les grands rideaux rouges,
d'un beau rouge tout neuf,
épouvantaient,
épouvantaient
ceux qui avaient vu couler
sur le pavé des rues
des ruisseaux de sang.
Non, point celui-là, qui se doit oublier.
Il s'agit aujourd'hui d'un théâtre
invisible,
d'une scène insonore,
qui se joue sans personne,
personne d'autre que toi,
quand les lumières s'allument
impromptu,
où donc ?
Où donc ?
Dans le bruit de ton sang
de ton cœur battant,
dans le pas de l'eau
qui brise
le bleu du ciel,
dans la trouée du songe,
veduta
qui s'ouvre là-bas,
sur fond de nuit
aveugle.
Ton père est là,
dans une pièce
vide,
et sans voix qui s'entende,
il dit que l'heure n'est pas venue,
qu'il te faut repartir,
quitter sa revenance,
n'y jamais revenir.
Éteins la lumière
avant de sortir.
Mais le rouge est destin,
le sang continue de fluer
rouge,
le cœur, de battre,
rouge.
Il n'appartient aux fantômes
de solder
la redevance d'aucune âme
qui vive.
Il n'appartient à aucune âme
encore vive
de solder sa redevance
de son sang qui flue
rouge,
ni de son cœur qui bat
rouge,
ni de ses pâles mots,
ni de rien d'autre
qui vaille.
Le théâtre rouge reste ouvert,
et la dette continue de saigner
et les fantômes continuent
d'affluer.