Jean Meslier et les Cartésiens. III. Bref panorama de quelques-unes des idées de René Joseph de Tournemine

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René Joseph de Tournemine (1661-1739), Préface de la Démonstration de l'existence de Dieu, tirée de la connaissance de la nature, et proportionnée à la faible intelligence des plus simples / par Fénelon (1651-1715), seconde édition, Paris, J. Estienne, 1713.

On ne connaît aucun portrait de René Joseph Tournemine, né en 1661 à Rennes et mort à Paris en 1739. L'incipit de sa Préface à la Démonstration de l'existence de Dieu, tirée de la connaissance de la nature, et proportionnée à la faible intelligence des plus simples / par Fénelon, lui servira donc ici de portrait.

Savant Jésuite, René Joseph de Tournemine a dirigé le Journal de Trévoux de 1701 à 1718, multiplié les publications scientifiques, littéraires et philosophiques, et entretenu une vaste correspondance, notamment avec le jeune Voltaire, qui a été son élève au Collège Louis-le-Grand, et qu'il a tenté de reconduire à la droite pensée chrétienne, après que celui-ci eut publié ses Lettres philosophiques, en 1734. Le R.P. de Tournemire a pu, en vertu de sa notoriété, déplaire à certains au sein de son ordre. Ceux-là disaient, si l'on en croit Voltaire dans une lettre de 1762 :

« C’est notre père Tournemine
Qui croit tout ce qu’il imagine. » 1

I. René Joseph de Tournemine et l'athéisme

« S'il y a eu des hypocrites d'athéisme, il n'y a jamais eu de véritables athées », déclare d'emblée l'abbé de Tournemine dans sa Préface. « L'opinion qu'on a de la mauvaise foi des impies, est appuyée sur l'aveu qu'ont fait, en mille occasions, les plus déterminés d'entre eux, qu'ils ne pouvaient s'empêcher de croire l'existence de Dieu, dans le temps qu'ils mettaient tout en usage pour empêcher qu'on ne la crût. »

II. D'où il ressort que René Joseph de Tournemine joue Fénelon contre Pierre Bayle

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Louis Elie (1648–1717), Portrait de Pierre Bayle circa 1675, Versailles. Né en 1647 au Carla-le-Comte (aujourd'hui le Carla-Bayle), près de Pamiers, Ariège, mort en 1706 à Rotterdam, baptisé protestant, converti au catholicisme en 1669, retourné au protestantisme en 1671, révolté en 1685 par la mort de son frère emprisonné pour avoir refusé d'abjurer le protestantisme, Pierre Bayle dénonce l'intolérance et prône une tolérance civile de toutes les confessions ainsi que de l'athéisme. Philosophe, journaliste, écrivain et lexicographe, il est l'auteur, entre autres, des Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète qui parut au mois de décembre 1680 (1682), des Nouvelles de la république des lettres (1684-1687), d'un Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d’entrer », et d'un Dictionnaire historique et critique (1697) qui préfigure l'Encyclopédie.

Au titre des « athées jamais pleinement persuadés », l'abbé de Tournemine invoque plus spécialement « Feu M. Pierre Bayle, qui de nos jours a entrepris l'apologie de l'athéisme pour faire paraître son esprit et le grand talent qu'il avait de disputer pour et contre sur tout », et qui « parle de certains peuples barbares dépourvus de toute connaissance de Dieu ».

Certes, observe l'abbé de Tournemine, « les barbares à qui M. Bayle impute une ignorance entière de Dieu, n'ont presque d'hommes que la figure, ils manquent de raison autant que de religion ». Mais « manquent-ils de religion jusqu' à être tombés dans un véritable athéisme ? Non. Ils sont fort éloignés d'être persuadés qu'il n'y a point de Dieu ; point d'auteur du monde. Leur disposition ne peut passer pour incrédulité et c'est un pur oubli de Dieu. Enfoncés dans la matière et occupés du sensible, ils n'ont jamais pensé à Dieu, jamais suivi les réflexions que la nature leur offrait ». Mais « combien de mondains, Chrétiens dans le coeur, passent un temps fort long sans penser à Dieu y ni aux devoirs de la Religion ? Les mettra-t-on au nombre des athées ? »

Quand on a interrogé quelqu'un de ces barbares sur l'origine du monde », observe encore l'abbé de Tournemine, « quand on les a forcés à développer un peu leurs idées, les preuves de l'existence de Dieu ont eu sur ces esprits grossiers leur effet immanquable, et ils ont confessé un Dieu. Les preuves les plus claires ne sont preuves que pour ceux qui s'y rendent attentifs. »

L'abbé de Tournemine critique encore M. Bayle pour avoir assuré qu'il existe « en Chine, une secte nombreuse, éclairée » 2, qui ferait « une profession ouverte d'athéisme ». Lui tient en revanche qu'une telle secte « ne peut passer pour athée ».

« Quelques Docteurs modernes de cette secte se trompent, il est vrai sur l'essence de Dieu ; ils conçoivent la Divinité comme je ne sais quelle vertu répandue dans l'univers et surtout dans le ciel matériel, son principal instrument. Après tout, se tromper ainsi, ce n'est pas nier l'existence de Dieu ; ce n'est pas être athée. Les Idolâtres ont des idées plus belles de la Divinité, et ne sont pas athées. Il y a plus, on ne peut parler de la Divinité en des termes plus magnifiques que ceux dont se servent les lettrés de la Chine. ils lui attribuent les mêmes perfections que nous lui attribuons. Ils s'expriment comme nous sur la création, la conservation de l'univers, sur la providence : voilà une espèce d'athées fort particulière. Non certainement ils ne le sont pas. Ils le sont si peu que l'erreur monstrueuse qu'ils suivent, n'a pu entrer dans leur esprit qu'en s'accommodant à l'idée naturelle qu'on a de Dieu, qu'en donnant à leur Ly [ou Li2 chimérique les traits de la Divinité. »

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Ly, ou Li, le principe, la raison...

L'abbé de Tournemine reproche en outre à M. Bayle de s'être fait le porte-parole d'une infime minorité spinoziste, qui regarde scandaleusement « l'athéisme comme un système très certain »

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Portrait de Baruch Spinoza (1632-1677) vers 1665, auteur anonyme, Herzog August Bibliothek, Wolfenbüttel, Allemagne.

« M. Bayle se réduit donc à nous promettre que cinq ou six Spinozistes viendront, sur la foi d'un sauf-conduit, déclarer publiquement qu'ils regardent l'athéisme comme un système très certain. Il nous demande si nous les en croirons. Non, nous ne les en croirons pas, à moins qu'ils ne nous donnent quelques marques de folie : et ce qui nous empêchera de les croire, c'est que de tant d'impies convertis, il ne s'en est pas trouvé un seul jusqu'ici qui ait reconnu avoir été un seul moment persuadé qu'il n'y avait point de Dieu ; c'est que cent impies qui ne sont pas convertis, ont avoué qu'ils n'avaient jamais pu, quelque effort qu'ils fissent, porter l'incrédulité au-delà du doute, ni se cacher entièrement cette lumière qui éclaire tout homme venant au monde.

On n'entrera pas ici dans la question de l'athéisme de Spinoza, qui demeure discutée aujourd'hui encore. Il se trouve, quoi qu'il en soit, que Pierre Bayle et Novalis ont formulé, à un siècle de distance, deux réponses notoirement contraires à ladite question.

Pierre Bayle affirme dans son Dictionnaire historique et critique (1697) que le Spinoza du Traité théologico-politique (1670), « juif de naissance, et puis déserteur du judaïsme, et enfin athée, a été un athée de système, et d’une méthode toute nouvelle, quoique le fond de sa doctrine lui fût commun avec plusieurs autres philosophes anciens et modernes, européens et orientaux. » 4

Georg Philipp Friedrich von Hardenberg, dit Novalis (1772-1801), note, quant à lui, dans ses Fragments, que le Spinoza de l'Éthique est « un homme ivre de Dieu », que « le spinozisme est une saturation de divinité, et que l’incrédulité est la privation de l’organe du divin, la privation de divinité. » 5

L'abbé de Tournemine, qui n'a cure, au vrai, ni de M. Bayle, ni de Spinoza ni d'aucune secte chinoise, tient derechef « qu'il n'y a point de véritables athées. « Ce n'est pas donc pas pour eux », observe-t-il, « que l'on [Fénelon] écrit sur l'existence de Dieu ; et lorsqu'on entreprend de la prouver, on ne veut pas détromper des esprits convaincus : on veut affermir des esprits ébranlés. [...]. Il n'y a point d'athées ; on doit cependant écrire sur l'existence de Dieu, pour confondre ceux qui voudraient devenir athées. »

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De gauche à droite : Charles de Marquetel de Saint-Évremond (1614-1703), peint par Jacques Parmentier (1658–1730), National Gallery, London ; Bernard Le Bouyer (ou Le Bovier) de Fontenelle (1657-1757), peint par Nicolas de Largillière (1656–1746), Musée des Beaux-Arts de Chartres.

« Un bel esprit fameux par son zèle pour étendre l'impiété », rapporte l'abbé de Tournemine, qui songe ici à Saint-Évremond peut-être, ou à Fontenelle plutôt, « m'a sincèrement avoué qu'il n'omettait rien pour persuader aux autres ce qu'il ne pouvait croire lui-même : il se flattait du vain espoir qu'il croirait enfin ce qu'il verrait crû de plusieurs, et que le nombre de ceux qu'il aurait convaincus, serait pour lui une espèce nouvelle de démonstration. Si les impies étaient de bonne foi, ils conviendraient que la disposition de cet homme est leur disposition la plus ordinaire. Que leurs efforts sont vains ! Toutes les vérités sont tellement liées avec cette première vérité, que chacune d'elles en devient la preuve. L'esprit ne peut s'appliquer à rien qui ne lui présente Dieu. »

Et l'abbé de Tournemine de célébrer ici l'évidence universelle de Dieu :

« Que le métaphysicien se perde dans les subtilités de cette science abstraite, qu'il suive des routes où peu de gens le suivent : il y rencontre Dieu. Que le mathématicien s'occupe uniquement des corps, et de leurs mesures sensibles : il y découvre Dieu quoiqe Il soit esprit. Qu'un amateur de l'histoire charge sa mémoire d'événements ; la sagesse, la justice, la bonté de Dieu maître des événements ne lui peut être inconnue, et l'histoire de la religion, à laquelle il voit tout rapporté, par une intelligence suprême, devient pour lui une démonstration de l'existence de cette intelligence. Qu'un voyageur erre en divers pays : il trouve partout Dieu, connu au moins confusément, et se persuade aisément qu'il faut être bête pour l'ignorer. Mais de toutes les preuves, la plus évidente est celle qui se tire de la connaissance de l'Univers, et de la connaissance de l'homme en particulier. »

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Rembrandt 1606-1669), Saint Paul, 1633, Kunsthistorisches Museum Wien, Autriche.

Concernant la connaissance de l'Univers, l'abbé de Tournemine renvoie probablement ici aux travaux scientiques de Descartes, Newton et autres sommités scientifiques du temps ; concernant la connaissance de « l'homme en particulier », il compte exclusivement sur la lumière du Saint-Esprit, telle que reflétée par les écrits de saint Paul ou encore par ceux des Pères de l'Église, dont Fénelon, dit-il, vient prolonger la leçon, rendant ainsi accessibles aux esprits les plus simples « les profondeurs de Dieu. »

L'abbé de Tournemine observe toutefois qu'on a fait à Fénelon « deux remarques qui méritent qu'on les examine », même si lui les juge « frivoles ». On a ainsi pu dire de Fénelon, à propos principalement de l'article LVIII (« C'est la vérité primitive elle-même qui éclaire tous les esprits, en se communiquant à eux ») et de l'article LXV (« Un être supérieur étant la cause de toutes les modifications des créatures, il est impossible que la volonté puisse vouloir le bien par elle-même ») de sa Démonstration de l'existence de Dieu, « qu'il appuie quelquefois sur des opinions nouvelles fort contestées, et fort éloignées de la certitude des principes ». L'abbé de Tournemine signale qu'il s'agit dans ces articles-là de fourbir des « preuves particulières », « fondées sur les principes reçus par les adversaires contre qui on dispute », lesquels adversaires sont en l'occurrence les premiers philosophes des Lumières, tandis que lesdites « preuves particulières » se trouvent empruntées au champ de réflexion maintenu ouvert par les partisans de la physique de Newton à propos de la physique de Descartes.

On dit également de Fénelon qu'il a « oublié les Spinozistes », relève encore l'abbé de Tournemine. Jugeant cette remarque « encore plus frivole que la précédente », l'abbé rappelle que « l'ouvrage qu'on donne aujourd'hui est composé il y a longtemps », et que l'illustre auteur n'y a pas mis la dernière main. Si l'ouvrage repasse un jour sous ses yeux, les Spinozistes ne seront pas épargnés : l'auteur portera la lumière dans ce système, que son obscurité seule rend célèbre, et il fera voir sans peine qu'il l'a détruit absolument dans son ouvrage, en combattant les autres espèces d'athéisme. »

III. René Joseph de Tournemine contre Spinoza et les Spinozistes

« En attendant que ses grandes occupations lui permettent de le faire, je n'ai pu refuser à des personnes pour qui je dois avoir une révérence absolue », dixit l'abbé de Tournemine, « quelques réflexions, qui remplaceront mal celles que l'illustre auteur [Fénelon] n'a pas faites. »

« Le système de Spinoza n'a rien de nouveau que les principes cartésiens, auxquels il a tâché de l'ajuster, et le langage obscur dont il l'a enveloppé. Les philosophes qui ont combattu l'existence de Dieu, ont bientôt aperçu qu'exposés à mille objections invincibles, ils ne pouvaient se réduire à un trop petit terrain, qu'ils auraient toujours trop d'espace à défendre : que les systèmes qu'ils voulaient substituer au vrai système de la formation de l'Univers, composés de fictions, laissaient entrevoir de tous côtés l'opposition de leurs parties, et qu'en multipliant les suppositions sur lesquelles ils les fondaient, ils multipliaient les contradictions. Quand on attaque la vérité, les objections ne sauraient être trop amples et trop obscures, pour ne point donner de prise.

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Épicure, copie romaine d'un original hellénistique, British Museum.

Quelques anciens défenseurs de l'athéisme se sont attachés à cette méthode. Plus sages que les Épicuriens 6, sans entrer dans aucun détail, ils se sont contentés de dire que tous les Êtres qui ont été, qui sont, et qui seront productions nécessaires d'une substance éternelle, en sortent de manière que cette substance ne peut s'empêcher de les produire, n'en peut produire d'autres, ni les produire eux-mêmes autrement : en un mot, que tout est nécessairement tel qu'il est et qu'ainsi il n'y a point d'autre Dieu que le monde, que le tout, que l'être universel, que cette source éternelle et nécessaire de tout ce qui paraît, que cette substance unique dont tout ce qui existe, sont des portions, et tout ce qui arrive, des affections.

Pour faire sentir le faible de ce système, il ne faut qu'écarter un peu les ténèbres qui l'environnent, forcer ses défenseurs d'expliquer ce qu'ils veulent se cacher à eux-mêmes.

Demandons-leur d'abord si cette substance, source nécessaire de toutes choses, est intelligente, ou brute, et toute matérielle ; si elle agit avec sagesse, ou si elle agit aveuglément. Ils ne sauraient prendre sur cette question aucun parti qui ne les embarrasse.

Ils voudraient bien exclure de l'Univers tout esprit, toute intelligence ; mais s'ils répondent que la source de tous les êtres est brute et aveugle, qu'elle agit sans connaissance et sans dessein dans ses productions ; tous les arguments que l'auteur tire de la structure du monde et de la structure de l'homme reviennent ; et nos adversaires doivent expliquer comment des productions si sages, si concertées sortent d'une substance aveugle : mystère inexplicable à toute leur subtilité. Ils diront qu'il ne faut point supposer de cause qui agisse ; que tout existe par une nécessîté naturelle. Misérable chicane !

Quelle idée se forment-ils, en prononçant ces mots : tout existe par une nécessité naturelle ? la matière de tout est éternelle. Je le veux pour un moment : les formes différentes qu elle prend, qui est-ce qui les lui donne ? Voilà ce que je demande. Ces hommes, ces animaux, ces plantes, qui les façonne, qui dispose leurs parties ?

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Épisode de l'Iliade. Dernière visite d'Hector à sa famille avant son duel avec Achille ; Astyanax, sur les genoux d'Andromaque, essaie d'attraper le casque de son père. Cratère à colonne apulien à figures rouges, v. 370-360 av. J.-C. provenant de Ruvo, conservé au Musée national du palais Jatta à Ruvo di Puglia (Bari).

« La matière, dit-on, s'arrange ainsi d'elle-même. Je le veux encore, mais je demande si ces arrangements successifs et nécessaires de la matière sont réglés par quelque connaissance, ou s'ils ne le sont pas : il faut répondre. Si l'on dit que nulle connaissance ne les règle, on est démenti par la justesse admirable de leurs proportions, et l'impossibilité du système impie devient sensible : il est ridicule, on ne peut se servir de termes trop forts.

Il est extravagant de penser que le hasard seul a produit l'Iliade et a construit Versailles. Est-il moins ridicule de penser que la matière seule sans ouvrier a suffi pour achever ces ouvrages admirables ? Est-il moins extravagant de soutenir que l'Univers n'a point eu d'auteur, et que l'arrangement merveilleux de ses parties est la production nécessaire d'une matière brute et insensible ? »

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Pierre Patel (1604-1676), Vue du château et des jardins de Versailles en 1668.

« Qu'on prenne le parti d'accorder de l'intelligence et de la sagesse à cette matière dont tous les êtres ne sont que les différentes formes ; il faudra la partager en esprit et en matière : rien n'est plus clairement démontré que l'impossibilité d'une matière pensante ; l'auteur [Fénelon] en a mis la démonstration dans tout son jour : aussi l'éclat de cette vérité a-t-il obligé plusieurs philosophes de joindre à la matière une âme du monde intelligente, et de composer ainsi le tout de deux parties, l'une spirituelle, l'autre matérielle.

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Pythagore, copie romaine d'un original grec. Musei Capitolini, Rome.

C'est le système Pythagoricien 7, bien exprimé par Virgile : c'est ce que les Lettrés de la Chine entendent par leur Ly. Ce système est absurde ; mais on ne doit pas l'accuser d'athéisme ni s'arrêter ici à en exposer les absurdités.

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Virgile, marbre du Ier siècle, Parc de la Grotte du Pausilippe, Italie.

Ce dont l'abbé de Tournemine dénonce l'absurdité dans « le système Pythagoricien, bien exprimé par Virgile », c'est le recours à la fable d'un « esprit » (spiritus) qui animerait la matière, autrement dit d'une « âme du monde ». Voici, dans l'Enéide les vers que Virgile consacre à ladite « âme du monde » :

Principio caelum ac terras camposque liquentis
lucentemque globum Lunae Titaniaque astra
spiritus intus alit, totamque infusa per artus
mens agitat molem et magno se corpore miscet
.
Inde hominum pecudumque genus, uitaeque uolantum,
et quae marmoreo fert monstra sub aequore pontus
8

« Au commencement le ciel et les terres et les plaines liquides,
ainsi que le globe lumineux de la lune et les feux de Titan
sont nourris par un souffle intérieur ; diffus dans leurs membres,
l'esprit mêlé à cette matière puissante en meut toute la masse
.
De là viennent la race des hommes et des animaux, la gent ailée
et les monstres qui peuplent la mer sous sa surface de marbre. » (?)

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Pieuvre, Musée archéologique national de Naples.

À noter que, dans ses Entretiens sur la métaphysique, Malebranche s'alarme, ou feint plutôt de s'alarmer, de ce que la Création, comme l'univers virgilien, puisse abriter divers « monstres ». Il ne songe certes pas là aux monstres semi-divins des Anciens, tels Triton et autres, ni aux grandes mollusques, par exemple, qui se trouvent représentés sur les mosaïques de Pompéi. Il songe plutôt aux êtres atteints de dysmorphie et autres anomalies propres au développement de l'embryon. Et il songe surtout aux éruptions volcaniques, aux typhons, aux déluges, etc., en tant que manifestations d'une Nature possiblement « déréglée ».

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Nicolas Poussin, L'hiver ou Le Déluge (1660-1664), Musée du Louvre.

Si, comme voulaient les Anciens, un « esprit » [spiritus] animait la matière, d'où viendrait alors que la Nature comprenne dans ses manifestations de tels « monstres » ?

« Je ne m'étonne plus de voir des monstres et tous les déréglements de la nature », tranche ici Malebranche. J'en vois la cause dans la simplicité des voies de Dieu 9. [...].

« Dieu ne peut agir que selon ce qu'il est, ni vouloir absolument et directement que sa gloire », observe encore Malebranche. « Si les défauts de l'univers que nous habitons diminuent ce rapport, la simplicité, la fécondité, la sagesse des voies ou des lois que Dieu suit l'augmentent avec avantage. Un monde plus parfait, mais produit par des voies moins fécondes et moins simples, ne porterait pas tant que le nôtre le caractère des attributs divins. Voilà pourquoi le monde est rempli d'impies, de monstres, de désordres de toutes façons. »

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François Dubois (peintre protestant), Le Massacre de la Saint-Barthélemy (1572), Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne.

« Dieu pourrait convertir tous les hommes, empêcher tous les désordres : mais il ne doit pas pour cela troubler la simplicité et l'uniformité de sa conduite, car il doit l'honorer par la sagesse de ses voies, aussi bien que par la perfection de ses créatures. Il ne permet point les monstres ; c'est lui qui les fait. Mais il ne les fait que pour ne rien changer dans sa conduite, que par respect pour la généralité de ses voies, que pour suivre exactement les lois naturelles qu'il a établies, et qu'il n'a pas néanmoins établies à cause des effets monstrueux qu'elles devaient produire, mais pour des effets plus dignes de sa sagesse et de sa bonté. Voilà pourquoi on peut dire qu'il les permet, quoiqu'il n'y ait que lui qui les fasse. C'est qu'il ne les veut qu'indirectement, qu'à cause qu'ils sont une suite naturelle de ses lois. » 10

Il semble impossible à npmbre de philosophes de l'âge classique que, surgi du néant, le monde soit doué d'une âme, et la matière, d'un esprit. Après Nicolas de Malebranche, lecteur de Virgile, René Joseph de Tournemire, lecteur de Spinoza, relance à son tour la question. Spinoza, observe-t-il, « s'est flatté d'éluder l'objection, en disant que la substance unique qu'il admet [la matière], quoique matérielle et étendue, pense néanmoins : elle est, dit-il, susceptible de plusieurs attributs ; un attribut la rend étendue, un autre attribut la rend pensante : admirable effort de ce rare génie ! »

Descartes, dans ses Principes de la philosophie, en 1644, définit deux substances : l'une immatérielle, et l'autre matérielle ou corporelle. « Pour entendre que ce sont des substances, il faut », observe-t-il, « que nous apercevions qu’elles peuvent exister sans l’aide d’aucune chose créée. Il précise que « chaque substance a un attribut principal, et que celui de l’âme est la pensée, comme l’extension est celui du corps.

Mais encore que chaque attribut soit suffisant pour faire connaître la substance, il y en a toutefois un en chacune qui constitue sa nature et son essence, et de qui tous les autres dépendent. A savoir, l’étendue en longueur, largeur et profondeur, constitue la nature de la substance corporelle ; et la pensée constitue la nature de la substance qui pense. [...]. »

Descartes se soucie ensuite de déterminer « comment nous pouvons avoir des pensées distinctes de la substance qui pense [l'âme humaine], de celle qui est corporelle, et de Dieu », dont notre pensée constitue une une substance seconde, ou dérivée.

Nous pouvons donc avoir deux notions ou idées claires et distinctes, l’une d’une substance créée qui pense [l'être humain, en tant que doué d'âme], et l’autre d’une substance étendue, pourvu que nous séparions soigneusement tous les attributs de la pensée d’avec les attributs de l’étendue. Nous pouvons avoir aussi une idée claire et distincte d’une substance incréée qui pense et qui est indépendante, c’est-à-dire d’un Dieu, pourvu que nous ne pensions pas que cette idée nous représente tout ce qui est en lui, et que nous n’y mêlions rien par une fiction de notre entendement ; mais que nous prenions garde seulement à ce qui est compris véritablement en la notion distincte que nous avons de lui et que nous savons appartenir à la nature d’un être tout parfait. Car il n’y a personne qui puisse nier qu’une telle idée de Dieu soit en nous, s’il ne veut croire sans raison que l’entendement humain ne saurait avoir aucune connaissance de la Divinité. » 11

Spinoza, dans son Éthique, publiée à sa mort en 1677, interdite dès l'année suivante, donne de l'attribut la définition suivante : l'attribut, c'est la qualité de la substance, qualis sit, i.e. « ce que l’entendement perçoit de la substance comme constituant son essence, ou sa quiddité, i.e. quid sit, « ce qu'elle est ». » 12

Parlant ici de la substance, chez lui la matière, Spinoza précise plus loin que « deux attributs [l'étendue et la pensée], quoiqu'ils soient conçus comme réellement distincts, c'est-à-dire l'un sans le secours de l'autre, ne constituent pas cependant deux êtres ou deux substances diverses. Il est en effet de la nature de la substance que chacun de ses attributs se conçoive par soi ; et tous cependant ont toujours été en elle, et l'un n'a pu être produit par l'autre ; mais chacun exprime la réalité ou l'être [l'essence] de la substance. Il s'en faut beaucoup, par conséquent, qu'il y ait de l'absurdité à rapporter plusieurs attributs à une seule substance. » 13

« L'étendue et la pensée sont incompatibles dans le même sujet [la même substance] », objecte l'abbé de Tournemine ; « notre auteur [Fénelon] le prouve invinciblement : il n'est donc pas permis de supposer que ces deux attributs s'unifient dans la substance unique de Spinoza, pour en constituer l'essence. Si elle est nécessairement étendue, elle ne fera point intelligente : si elle est nécessairement intelligente, elle ne sera point étendue. Remarquez que chaque attribut, selon Spinoza, appartient à l'essence de sujet [de substance].

Les autres suppositions de Spinoza sont aussi arbitraires, aussi contradictoires », reprend l'abbé de Tournemine. « Qu'on ne m'en croie pas sur ma parole ; j'en vais donner un exemple dans la démonstration du grand principe de Spinoza, dont tout son système dépend. Une Substance ne peut pas en produire une autre. Il en conclut qu'une seule substance existe et qu'il ne peut y avoir d'autre Dieu que l'être universel, l'Univers. Ce principe est la sixième proposition de la première partie [De Deo] de son Éthique : Una substantia non potesse produci ab alio substantia, Une substance ne peut pas être produite par une autre substance. » 14

IV. René Joseph de Tournemine et la démonstration du grand principe de Spinoza

L'abbé de Tournemine explicite la démonstration du grand principe de Spinoza dans le cadre du schème de raisonnement déployé ci-dessous :

Si... In rerum natura non possunt dari duæ aut plures substantiæ ejusdem naturæ sive attributi, « Il ne peut y avoir dans la nature deux ou plusieurs substances de même attribut. » 15

Étant donné que... Duæ substantiæ, diversa attributa habentes, nihil inter se commune habent, « Deux substances ayant des attributs différents n'ont rien de commun entre elles. » 16

Il s'en suit que... Quæ res nihil commune inter se habent, earum una alterius causa esse non potest, « Si des choses n'ont rien de commun entre elles, l'une d'elles ne peut être cause de l'autre. » 17

« Cette prétendue démonstration », dixit l'abbé de Tournemine, « est formée de trois propositions de la seconde : Duæ substantiæ, diversa attributa habentes, nihil inter se commune habent, « Deux substances dont les attributs sont différents n'ont rien de commun entre elles. »

Ne chicanons, pas sur cette proposition, nous allons voir qu'elle ne peut entrer dans la preuve de la sixième proposition : Una substantia non potest produci ab alia substantia, « Une substance ne peut pas être produite par une autre substance » 18. La troisième proposition est plus unie à la sixième, mais elle est évidemment fausse : Quæ res nihil commune inter se habent, earum una alterius causa esse non potest, « Deux choses qui n'ont rien de commun ne peuvent être la cause l'une de l'autre » 19 ; la preuve de cette troisième proposition donnée par Spinoza en rend la fausseté plus sensible : Si nihil commune cum se invicem habent, ergo, nec per se invicem possunt intellegi, adeoque, una alterius causa esse non potest, « Deux choses qui n'ont rien de commun ne peuvent se comprendre l'une par l'autre ; donc l'une ne peut être la cause de l'autre » 20.

Levons d'abord les équivoques ; tout en est plein dans les ouvrages de Spinoza. Qu'entend-il par n'avoir rien de commun ? Il n'entend pas sans doute n'avoir aucun rapport, la démonstration serait risible et identique. Voici ce qu'il prétendrait prouver : De deux choses qui n'ont pas même le rapport de cause et d'effet, l'une ne peut pas être cause de l'autre. Nous ne l'accusons pas d'avoir si mal raisonné. N'avoir rien de commun, signifie donc selon lui, n'être pas de même nature, et c'est ce qu'il exprime par ce langage singulier n'être pas de même attribut.

Autre équivoque. Qu'entend-il par être connu l'un par l'autre ? Que l'un fait naître l'idée de l'autre ? C'est le sens propre de ces termes. Que l'un fait parfaitement connaître l'autre ? Les termes dont il se sert ne signifient pas cela : répondons-lui cependant selon les deux explications de ces termes.

S'il prétend que l'effet connu doit donner une connaissance parfaite et entière de la cause ; on le nie, et il ne le prouvera jamais. L'effet ne contient pas toutes les perfections de la cause : il peut même ne lui pas ressembler. Il peut, si la cause agit par sa seule volonté, être d'une toute autre nature, puisqu'il sera tel que la cause voudra et que la cause peut vouloir qu'il soit d'une autre nature. L'axiome donc sur lequel toute la démonstration roule : La connaissance de l'effet renferme la connaissance de la cause, et l'effet ne peut être connu sans la cause. Cet axiome n'est vrai que dans le premier sens : L'idée de l'effet fait naître l'idée de la cause, et l'idée de la cause est relative à l'idée de l'effet parce qu'il n'y a point d'effet sans cause, et de cause sans effet. L'effet fait connaître que la cause est, non pas ce qu'elle est : la cause connue comme cause fait connaître l'effet au moins comme possible.

Mais l'axiome pris dans ce sens, le seul propre et le seul véritable, est inutile à Spinoza. Deux substances de différente nature peuvent être connues l'une par l'autre, non par leur ressemblance, puisqu'elles ne se ressemblent point, non par leurs attributs, puisqu'elles n'en ont pas de communs ; mais par le rapport de cause et d'effet qui est entre elles. Ces deux substances ne cessent pas d'être de différentes natures parce que l'une est cause de l'autre ; on peut concevoir l'une par l'autre, quelque différentes qu'elles soient, en les considérant l'une comme cause, et l'autre comme effet. Une substance de différent attribut peut donc être cause de l'autre ; il peut donc y avoir deux ou plusieurs substances, dont l'une soit cause, et les autres effets.

Il est donc faux qu'il n'y ait qu'une substance unique ; que Dieu et l'univers soient la même substance. Donc tout le système posé sur le fondement ruineux d'un axiome pris à contre-sens, et faux dans le sens que Spinoza lui donne, est renversé dès qu'on a levé ses équivoques ; et Spinoza, si vanté par ceux qui respectent son obscurité, fait pitié à ceux qui l'entendent. Ce que nous venons de dire suffirait pour détruire le système impie que l'auteur n'a pas réfuté expressément ; mais on peut l'attaquer de plus d'un côté avec avantage.

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Nicolas Mignard, dit Mignard d'Avignon (1606-1668), Dieu le Père, cathédrale Notre Dame de Sisteron.

Tout est nécessairement tel qu'il est, disent les défenseurs de ce système : une nécessïté naturelle détermine la perfection de chaque être, et le temps de sa production. Ne nous laissons pas imposer par des mots vides de sens. Qu'entendent nos adversaires par la nécessité naturelle ? une impuissance d'être autre chose que ce que l'on est ?

Fâcheux jusqu'au bout, je leur propose une nouvelle question. Je demande d'où vient cette impuissance ? Je comprendrais qu'elle vint de la volonté libre de l'ouvrier, qui a conformé son ouvrage au dessein qu'il avait. Je comprendrais encore que la cause, imparfaite et bornée, n'a pu donner plus de perfection à son effet. Mais nos adversaires rejettent ouvrier, dessein, cause efficiente. D'où viendra donc l'obstacle invincible qui borne les êtres ? C'est une nécessité naturelle, dit-on : mais qui dit nécessité, dit servitude, détermination. S'il y a un esclave, il y a un maître : la détermination exige autant quelque chose qui détermine, que quelque chose qui soit déterminé ; l'un ne peut être sans l'autre. Le sujet de la détermination n'est point sans un principe de détermination. Je veux qu'on me fasse connaître ce principe déterminant : écoutons nos adversaires. La matière, disent-ils, est déterminée par elle-même : elle est l'esclave et le maître ; elle est le sujet et le principe de la détermination ; elle se borne elle-même, elle limite sa perfection, sans qu'une cause étrangère la restreigne à cette limitation si contraire à l'idée que nous avons de la perfection.

Je n'impose point aux défenseurs de l'athéisme : des réponses si bizarres, et qui choquent si directement les idées communes, sont leurs réponses en propres termes. Ils supposent hardiment une nécessité générale, par cette seule raison qu'ils en ont besoin pour établir l'athéisme. Ils rejettent fièrement cette maxime incontestable, que tout ce qui est limité, est limité par autrui.

Croient-ils que personne ne réfléchira sur l'idée de la perfection ? On y voit clairement que la limitation lui répugne ; que plus elle est limitée, moins elle est perfection : qu'ainsi elle est de sa nature infinie, et qu'elle ne peut être bornée que par l'action d'une cause efficiente qui la resserre, et qui la partage. Vérité dont l'on conclut directement que tout ce qui est par soi-même est infiniment parfait, et qu'il est sans limites, parce qu'il est sans cause : qu'admettre un être qui existe par soi-même, c'est admettre un être infiniment parfait ; c'est admettre un Dieu. Rien n'est plus visiblement contradictoire qu'une perfection à qui la limitation répugne, et qui se limite d'elle-même.

Oui, une nature limitée de soi-même serait une chimère, ou la plus grande de toutes les perfections : l'existence indépendante serait séparée des autres perfections, sans que rien les eût separées. Telle est la dernière ressource des pretendus athées : ils ne peuvent se dérober aux objections pressantes des véritables philosophes qu'en renversant les notions les plus claires. Que dis-je ? Ils n'évitent pas !a force de ces objections : la nécessité naturelle n'est pas plus réelle que le hasard ; et il est aussi insoutenable de dire que tout est produit par une nécessité naturelle qu'il est insoutenable d'avancer que tout est fait par hasard.

Je sais que Spinoza, pour faire illusion, a dit que l'Être universel, c'est-à-dire, selon lui, l'Univers, était infiniment parfait, parce qu'il contient toutes les perfections possibles : ce n'est pourtant qu'une matière brute selon cet athée, qui se joue de ses lecteurs par des expressions prises à contre-sens. Pour confondre ses disciples il ne faut que les obliger à prouver l'impossibilité des perfections que nous concevons possibles, et dont nous concevons en même temps que la matière est incapable.

Encore une réflexion. Si tout est asservi aux lois de la nécessité, de quel fonds nous vient la liberté dont notre volonté jouit ? Nous la sentons trop évidemment pour en douter, et ce témoignage de notre conscience réfute sans réplique les vaines subtilités de Spinoza, ou de ses Maîtres. L'auteur [Fénelon] a donné aux preuves de la liberté, si fortes d'elles-mêmes, une nouvelle force, par ce tour ingénieux qu'il donne à tous les sujets qu'il traite. Il a donc par avance confondu les Spinozistes, et son ouvrage suffit pour détruire toutes les espèces d'athéisme. » 21

À suivre : Jean Meslier et les Cartésiens. IV. Bref panorama de quelques-unes des idées de François de Salignac de La Mothe Fénelon


  1. Voltaire, Lettre à M. Duclos, 7 juin 1762, in Œuvres complètes, tome 112, Correspondance générale (13e volume), Bruxelles, Ode et Wodon, 1829, p. 130.↩︎

  2. Cf. Pierre Bayle, Article Spinoza, remarque B, du Dictionnaire historique et critique : « Le nom de cette secte est Foe Kiao. Elle fut établie par l’autorité royale parmi les Chinois, l’an 65 de l’ère chrétienne. Son premier fondateur était fils du roi In Fan Vam, et fut appelé d’abord Xe, ou Xe Kia, et puis quand il eut trente ans, Foe, c’est-à-dire, non-homme. [...]. La doctrine intérieure, qu’on ne découvre jamais aux simples, parce qu’il faut les retenir dans leur devoir par la crainte de l’enfer et d’autres semblables histoires, comme disent ces philosophes, est pourtant, selon eux, la solide et la véritable. Elle consiste à établir, pour principe et pour fin de toutes choses, un certain vide et un néant réel. Ils disent que nos premiers parents sont issus de ce vide, et qu’ils y retournèrent après la mort ; qu’il en est de même de tous les hommes qui se résolvent en ce principe par la mort ; que nous, tous les éléments, et toutes les créatures, faisons partie de ce vide ; qu’ainsi il n’y a qu’une seule et même substance, qui est différente dans les êtres particuliers, par les seules figures et par les qualités ou la configuration intérieure, à peu près comme l’eau, qui est toujours essentiellement de l’eau, soit qu’elle ait la forme de neige, de grêle, de pluie, ou de glace ». Cf. aussi Jean Baptiste Du Halde, Description de la Chine, « De la secte de Fo ou Foë », La Haye, Scheuerlee, 1736, pp. 22-34. .↩︎

  3. Le mot « Ly » ou « Li » désigne en Chine la raison ou le principe.↩︎

  4. Pierre Bayle, Article Spinoza, remarque A, du Dictionnaire historique et critique.↩︎

  5. Novalis, Les disciple à Saïs et les Fragments, III, Considérations morales, traduction de Maurice Maeterlinck, Paris, Paul Lacomblez, 1914.↩︎

  6. Épicure (342 ou 342 av. J.-C. - 270 av. J.-C), tient que tout est constitué d'une infinité d'atomes dans l'infinité du vide, que rien ne naît de rien, et que rien ne peut retourner au néant. Les atomes, qui voguent dans le vide au hasard du clinamen, se combinent, formant ainsi la matière des choses. « Les dieux ne sont pas à craindre ». Ils ne jouent aucun rôle dans la marche du monde. On range, entre autres, parmi les Épicuriens, Lucrèce (ca 98 - ca 55 av. J.-C.), Horace (65 av. J.-C. - 8 av. J.-C.), Ovide (43 av. J.-C. - 17 ou 18 ap. J.-C.), et le philosophe Pierre Gassendi (1592 - 1655).↩︎

  7. D'après Pythagore (ca 580 av. J.-C. - ca 495 av. J.-C.) et son école, tout, dans le monde physique, obéirait aux lois du nombre, principe des mouvements ordonnés de la sphère céleste, et principe du mouvement de toutes choses. Il en tirerait son universelle harmonie.↩︎

  8. Virgile, Enéide, VI, 724-729.↩︎

  9. Nicolas Malebranche, Entretiens sur la métaphysique, Paris Charpentier, 1871, p. 139.↩︎

  10. Oeuvres de Malebranche, tome I, Entretiens sur la métaphysique, Paris Charpentier, 1871, p. 225.↩︎

  11. René Descartes, Les principes de la philosophie, Première partie, « Des principes de la connaissance humaine », § 51-54, passim.↩︎

  12. Spinoza, Éthique : démontrée suivant l'ordre géométrique, tome 1, Définition 4, texte latin, traduction nouvelle avec notices et notes par Charles Appuhn, Paris, Librairie philosophique Vrin, 1983, p. 19.↩︎

  13. Ibidem, Proposition X, Scholie, p. 35.↩︎

  14. Ibidem, Proposition VI, p. 25.↩︎

  15. Ibidem, Proposition V, p. 25.↩︎

  16. Ibidem, Proposition II, p. 23.↩︎

  17. Ibidem, Proposition III, p. 22.↩︎

  18. Ibidem, Proposition VI, p. 24.↩︎

  19. Ibidem, Proposition III, p. 22.↩︎

  20. Ibidem, Proposition III, Démonstration, p. 23.↩︎

  21. René Joseph de Tournemine (1661-1739), Préface de la Démonstration de l'existence de Dieu, tirée de la connaissance de la nature, et proportionnée à la faible intelligence des plus simples / par Fénelon (1651-1715), seconde édition, Paris, J. Estienne, 1713.↩︎

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