Hier, la longue foulée
Hier,
la longue foulée des fougères, des mousses,
aujourd’hui,
les ruines, les statues, les pierres.
La frontière s’est épaissie
entre ce qui venait hier
à foison,
et ce qui vient aujourd'hui
à blason,
à blason des années
et des lunes anciennes.
Les statues,
qui ont perdu la mémoire
du pas soyeux de l'herbe
et du parfum des roses,
ne descendent plus
— oh ! la longue foulée des fougères, des mousses —
de leur piédestal.
Les ruines n'abritent plus
ni lavandières,
ni cabarets,
ni marchandes d'oublies.
Au bois, les hautes frondaisons
qui déferlaient jadis en folles vagues vertes
sont coupées.
On ne s'embarque plus,
— foin des féeries galantes ! —
aujourd'hui pour Cythère,
ni, tel Orphée,
pour le monde d'en-bas
où l'attend Eurydice.
Pauvre Eurydice,
qui, loin d'Orphée,
est devenue vieille et laide !
Qui s'en soucie du reste,
autrement que d'un tas,
d'un tas de vieilles pierres ?
On blasonne aujourd'hui,
on conserve, on restaure.
Ou encore l'on détruit.
Mais cependant, qui ne le voit ?
le désert croît.