Le magasin du philosophe au crépuscule
Dans le magasin du philosophe,
au crépuscule,
il n’y a plus de corbillon,
qu’y mettrait-on ?
L’ombre de deux ou trois idées,
toujours les mêmes,
de celles qui aiment à demeurer obscures.
Blefuscu ! Pyrénées !
lettres mortes
de ce qui fut le cri de guerre,
ou bien le cri du cœur.
Les ruines des châteaux,
et des moulins à vent,
où l'on voit le profil du Quijote
dans les taches du plafond.
Les statues renversées
des dieux qui ont fui un jour.
Les pierres, gages d'amour
ou tombales,
ou celles qu'on tient des promenades
au bord du fleuve,
éteintes hélas depuis longtemps déjà.
Des mots de quatre sous,
monnaie du pape ou du pauvre Diogène,
qui cherche un homme
et ne le trouve pas.
Des mots toujours les mêmes,
bêtes et hommes,
soleil et ciel,
soir et matin,
manger, dormir,
nuit, jour, espace, temps.
— Nous ne sommes plus au temps de madame de Sévigné,
dit la Merteuil, dont on ne sait,
tellement elle est trompeuse,
si elle y voit un bien,
malvenu, décadent,
ou un mal qui l'enchante,
le luxe absorbe tout.
Dansez, Marquise,
avant que la variole ne vous rende vilaine !
Et le temps passe
avec sa grande vague,
et des menus plaisirs du peu de mots,
toujours les mêmes,
il ne reste plus rien.
Dans le magasin du philosophe,
au crépuscule,
il n’y a plus de corbillon,
seulement le vif de l'air
qui entre et sort par la fenêtre ouverte.