En 1475, déclaration de revenus et témoignage de fidélité militaire de Jean IV de Lévis à l'intention du roi Louis XI
Louis XI, par Jean du Tillet, in Recueil des rois de France, BnF, Manuscrits Français 2848, folio 147.
Le document reproduit ci-dessous comprend la déclaration de revenus rendue au roi Louis XI par Jean IV de Lévis en 1475 ; une lettre adressée à Jean IV par Loys Regniaud, au nom de Louis XI ; une lettre adressée au même Jean IV par l'évêque d'Albi, ministre de Louis XI ; et une déclaration de fidélité au roi dans laquelle Jean IV dresse une sorte de bilan de sa carrière militaire.
Ce document date de 1475. Les divers signataires écrivent tous en français, dans ce français dit « moderne » qui est celui de la fin du XVe siècle, même si Jean IV de Lévis et monseigneur d'Alby empruntent encore par quelquefois au lexique languedocien : « Les pasquiés sont avanturés » ; « Si vostre plaisir est de venir jusques là, alesbat nous aviserons vous et moy sur le tout ». Le latin ne figure plus ici qu'in fine, sous la plume du notaire L. Bradana qui a, dit-il, « collationné et extrait la copie » du document ci-dessus. Encore le latin ne fait-il là que doubler le français : Presens copia fuit abstracta ab alia copia per nos.
Dans sa déclaration de revenus, Jean IV de Lévis se plaint de ce que, « à cause des guerres, mortalités et charges de tailles [royales] », ses terres ne lui rapportent plus assez pour entretenir ses châteaux défensables, ni pour fournir grand nombre d'hommes et de chevaux dans le cadre du service militaire qu'il doit au roi, ni encore pour marier ses filles.
Concernant la baisse de ses propres revenus, Jean IV de Lévis exagère peut-être. Mais ses sujets souffrent effectivement de l'écrasante pression fiscale qui vise dans le royaume de France à remédier aux effets de la guerre de Cent Ans, tandis que les sujets du comte de Foix échappent à cette pression, puisque le comté de Foix demeure alors encore indépendant du royaume de France.
Homme d'armes, très engagé jusqu'alors dans la défense de la Cerdagne et du Roussillon, mais en 1475 mal portant et souffrant sans doute d'une maladie chronique puisqu'il vivra encore jusqu'en 1492, Jean IV de Lévis nous renseigne ici sur le minimum du service militaire que le chevalier du temps doit fournir au roi, soit, outre son propre engagement sur le terrain, l'apport de « deux hommes d'armes, deux brigandiniers, deux pages, et six chevaux ». Voilà qui éclaire d'un jour plus précis la nature du procès que ses vassaux faisaient en février 1352 à Jean II de Lévis à propos des obligations du service militaire.
Et Jean IV de Lévis de se rappeler en 1475, avec une ombre de mélancolie, semble-t-il, le temps où, plus jeune et mieux portant, lui et ses frères d'armes « se sont trouvés en personne, acompaignés et menans avecques eulx touz et chascuns vassaulx et subgietz tenans en fiefz de luy ; et ainsi venoient et se trouvoient acompaignés de trente à quarante chevaulx. »
Ce bilan d'une vie de service finit chez Jean IV de Lévis sur la note fière d'un chevalier qui, en « bon, vray et loyal subget du Roy », « a bien et loyaument servy » :
Et par ainsi dit qu'il a bien et loyaument servy, et a entention de faire comme bon, vray et loyal subget du Roy, son souverain et naturel seigneur, veues et considérées les choses dessusdites, les quelles sont vrayes. Et là où l'on vouldroit aucunement dire qu'il eust mesfait aux choses dessusdites, ce qu'il ne cuyde, ne vouldroit avoir fait, il est pour s'en rapporter à la bonne grâce et congnoissance de monsieur d'Alby. »
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1475. Le seizième iour de ianvier, comparut par devant ledit messire Pierre Boyer commissaire dessusdit, et se présenta en personne noble et puissant seigneur Messire Iehan de Lévis, chevalier, seigneur de Mirepoix.
Interrogé sus desnombrement et contenu de son revenu, ledit monsieur de Mirepoix a dit et respondu que autres fois il avoit bailé, et que, pour se mieulx acquiter et le bailer au vray de nouveau, il avoit fait son recerch [sic] de son revenu, et par les contes de son trésorier ou commis et depputé en sa recepte, il a trouvé et trouve de présent qu'il a de rente, selon le contenu en ung fueil (feuille) de papier signé de sa propre main, duquel la teneur s'ensuyt :
1. Déclaration de Jean IV
Le dénombrement, bailé par moy, Iehan de Lévis, seigneur de Mirepoix, des terres et seigneuries que ie tiens du roy, mon souverain seigneur.
Et premièrement, comme l'an mille quatre cent soixante et douze, et ce huitiesme de mars bailé à la cour de Monsieur le séneschal, disant que comme autres foiz avois bailé, en services et questes de rente en argent, quatre cent quize livres quatorze sous, touz carcz portalz (toutes charges portées), et dont alors, à cause des guerres, mortalités et charges de tailles, ne valoit [et] ne se povoit lever trois cents livres ; dont à présent est venu et vient en diminution, et se trouve que à présent ne s'en peut lever cent une livres, comme il peut apparoir clèrement par les comptes du receveur. Car, à présent, les gens de ma terre s'en vont, de iour en iour, habiter au conté de Foix, à cause desdictes charges ; et ceulx qui demourent sont tant povres qu'ilz n'ont riens.
Item (de plus), pareillement bailé des services de bléz (blés), avoines et orges de rente, et, comme autres foiz, les avois bailés pour trente-neuf cestiers [setiers] 1 évaluez, ung an portant autre, en argent : onze livres dix sous ; dont alors, pour les causes dessusdictes, ne s'en povoit lever vingt cestiers, dont à présent ne s'en peut lever sèze (seize).
Item, en services de gélines (volailles), cent soixante et cinq, évaluéez en argent : huit livres.
Item, les arrendemens (arrentements) des molins (moulins) de blé et bories (métairies), qui sont avanturés (aléatoires), aveniers (imprévisibles), biens adventifs (hasardeux) variables, touz carcz portatz, ung an portant autre, quatre-vingt-quinze cestiers de blé, évalués en argent, ung an portant autre, quarante-trois livres dix sous.
Item, les foriscapes 2, qui sont avanturés, comme autres foiz, les vous avois bailés, ung an portant autre, à soixante-quinze livres ; dont alors, pour les causes dessusdictes, ne valoient pas dix livres : à présent, n'y a comme riens.
Item, les agriés des blez, qui sont avanturés, ung an portant autre, montoient, toutz carcz portatz, évalués en argent : cent vingt livres. Item, les fours de la terre, qui sont avanturés, ung an portant autre, comme autres foiz, les avois bailés, toutz carcz portatz, pour cent quinze livres ; et pour lors, à cause des mortalitez, ne valoient quatre-vingts livres. Et depuis est venu à dépopulation, par ainsi va de pis en pis, qui ne vient pas à présent à soixante livres tournois.
De plus, les pasquiés (pâturages) qui sont avanturés (comme autre fois), les avois bailés, ung an portant autre, toutz carcz portatz, à soixante livres ; dont, à cause des guerres les bestials qui avoient accoutumé d'y aller, leur a esté force les mener autre part : et par ainsi n'en ay rien eu durant lesdictes guerres ; et pour ce, n'en faiz ne prinse, ne mise, car chescun a trouvé son party ailleurs, et n'en ay comme rien.
Item, les leudes, qui sont avanturées. Autres foiz, les avois baillées, toutz cars portatz, à trente livres ; à présent ie n'en ai pas tant, car il fault que i en preigne marchandise, qui ne me redonde (rapporte) pas à vingt-cinq livres de prouffit (profit).
Item, le pas de Villanova (Villeneuve d'Olmes, Ariège ?), qui est avanturé. Autres foiz, i'avois bailé pour cent trente livres, ung an portant autre ; pour les causes des susdictes, ne valoit quatre-vingts ; et à présent, moins.
Item, au regard de la terre de bederes 3, ung an portant autre, trente livres.
Item, au regard de la iustice, les émolumens d'icelle ne montent à paier le Roy et autres officiers ; mais il fault fournir du mien plus de cinquante livres.
Item, au regard des molines de fer, ie n'en faiz mise, ny recepte ; car, depuis que les mines du conté de Foix furent deffendues de non venir au Royaulme, ie n'en eu unh denier de proffit.
Item, est à déduyre, desdictes receptes, les repparations et gardes de sept places de garde, qui sont en ladicte terre, comme est : Mirepoix, Lagarde, Lavelanet, Roquefort (Roquefort-les-Cascades), Ventenac, Du (Dun), et Montségur ; que, comme autres foiz, ay bailées en despense, que se montoit deux cent cinquante livres tournois, tellament que dores en avant ne scay de quoy les entretenir.
Vestiges du château de Roquefort aujourd'hui. Cf. Christine Belcikowski, Au Castellas de Roquefort-les-Cascades.
Item, est à adviser, d'autre part, la grant charge et despence que i ay eue à supporter à cause des commissions et charges, que monsieur d'Alby 4, et par devant monsieur le général Refuge 5 m'ont données de part le Roy ; lesquelles ay faictes et faiz à mes despens. Et ce non obstant, ay envoié mes gens à Levye 6, à mes dépens. Et si ce n'estoit mon mesnaige de bestials, ie ne pourroie fournir à entretenir l'estat de moy, ma femme et enfants, et payer mes debtes, et aussi marier mes filles, et entretenir serviteurs et autres charges, qui m'est bien fort à supporter.
Jean IV de Lévis et ses neuf enfants.
Fait à Mirepoix, le quinzième iour de ianvier, mil quatre cent septente et cinq (1475).
Protestant que, sil y avoit plus à dénombrer par inadvertance, que il luy puisse mettre, et aussi que, s'il y avoit plus, il s'en puisse ouster (ôter).
JOHAN DE LÉVIS
2. Suite de la déclaration de Jean IV de Lévis
Harnois complet du XVe siècle. Larousse, 1922.
Interrogué en quelle forme a acoustumé de servir le Roy en ses armées, dict que le temps passé, tant luy que ses prédécesseurs, avoient acoustumé de servir le Roy en ses armées, toutes et quantes foiz leur estoit mandé, et comme vrays et loyaulx subgetz (sujets) doibvent et sont tenus à leur souverain seigneur. Et se sont trouvés en personne, acompaignés et menans avecques eulx touz et chascuns vassaulx et subgietz tenans en fiefz de luy ; et ainsi venoient et se trouvoient acompaignés de trente à quarante chevaulx. Or dit que, depuis peu de temps en sa (cela), pour ce que le bon plaisir du Roy a esté de mander et faire mander par ses commissaires touz et chascuns vassaulx et tenans en fiefz de sadicte maison de Mirepoix de par soy, et mesmement depuis que messire Gardette 7, commissaire depputé de part le Roy en ce cartier. Et lequel se fist bailler les dénombremens par les nobles de la présent sénéchaucée de Carcassonne ; entre les quelx ledit monsieur de Mirepoix se trouva en personne et bailla sondit dénombrement audit Gardette, commissaire dessus dit.
Jakov von Ems, brigandine, fin du XVe siècle, in Wendelin Boeheim, Handbuch der Waffenkunde. Das Waffenwesen in seiner historischen Entwicklung vom Beginn des Mittelalters bis zum Ende des 18 Jahrhunderts, Leipzig, 1890.
Lequel, après [avoir] veu (vu) sondit dénombrement, luy ordonna et appoincta que ledit seigneur de Mirepoix feroit deux hommes d'armes, accompaignés de deux brigandiniers 8diniers (soldats munis d'une brigandine) et deux paiges (pages), et, par ainsi, serviroit à six chevaulx ; et que, en bailant lesdits six chevaulx, et lesdits abillemens, et les armes qui se feroient, il seroit tenu quitte pour sadicte terre. Et au regard de y aller en personne, pour ce que pour lors et aussi depuis, bien par l'espace de cinq à six ans, estoit et a esté grevé (affligé) de certaine maladie, comme il est plus que notoire, il a esté excusé. Combien que tousiours à ung chascun mandement qui a esté fait, il s'y est tousiours présenté en personne aux monstres 9. Et là, selon la dicte ordonance, a bailé et fait servir, en la forme que dicte est, et en abillement de six chevaulx.
LLivia sur la Carte militaire de la Province du Roussillon, 1758, BnF, département Arsenal, MS-6441 (214).
Interrogué s'il a esté en personne à la dernière armée qui a esté envoiée à Levye (LLivia), et comment il y a servi, dict qu'il est chose vraye que, par commandement et ordonnance de monsieur d'Alby, et avant que vinst la commission et mandement de mectre ladicte armée sus, ledit monsieur de Mirepoix avoit esté mandé, et luy avoit esté ordonné qu'il prinst garde des marches et frontières de sadicte terre, joignant avecque le pais de Sardaigne [Cerdagne] ; et que il y donnast si bonne provision que inconvénient ne s'en peust ensuyvre, à cause des ennemis qui tousiours vendent et courroient audit pais. Ce que ledit seigneur de Mirepoix a fait, et de très bon cueur, et à la plus grant diligence que luy a esté possible.
Et à ceste cause, et pour bien servir le Roy et le pais et s'en acquiter loyaulment, ainsi que vray et loyal subget (sujet) est tenu de faire, luy a fallu mettre sus et entretenir, à ses propres frais et despens, quatre ou cinq cens arbalestiés et gens de pié (pied), et encores s'y trouver sur les champs en propre personne, out a fraié (dépensé) plus de cinq cens francs. Et tellement se y est acquité que, la mercy dieu et sa bonne conduyte, inconvénient n'en est avenu, dont le Roy en a esté adverty. Et après le Roy luy en a rescript et de sa bonne grâce l'en a remercié, ainsi que a fait apparoir par les lectres (lettres) que le Roy luy a escriptes, desquelles la teneur s'ensuyt :
3. Lettre du roi à monsieur de Mirepoix
À Monsieur de Mirepoix.
Monsieur de Mirepoix, j'ay sceu (su), ce que monsieur d'Alby m'a escript, le bon vouloir que vous avés à me faire service, et comme voluntiers avez prinse (pris) la charge dont vous ay escript et prié. De quoy, monsieur de Mirepoix mon ami, je vous mercye et vous prie derechef que vous m'y veuillés servir, comme j'ay en vous parfaite fiance (confiance).
Et quand vous avés de riens à besongner, faites le moy scavoir, ou à mondit sieur d'Alby, qui me le fera scavoir, et je le feré pour vous de bon cueur. Et adieu, monsieur de Mirepoix. Escrit à Chartres 10, le segond jour de novembre 1474.
LOYS REGNIAUD [secrétaire du roi].
4. Suite de la déclaration de Jean IV de Lévis
Et après, incontinent que les nobles de ce présent pais furent mandés et la commission du Roy fut publiée pour tirer à Levye, et que par messire Arnaud de Miglos [sénéchal de Carcassonne] 11 luy fut dit, de par monsieur d'Alby qu'il falloit que allast en personne à la dicte armée, ledit Mirepoix incontinent envoya ung mésaiger (messager) devers monsieur d'Alby, veu (vu) et considéré la charge qu'il avoit par avant par ledit monsieur d'Alby de garder la dicte frontière, pour en advertir ledit monsieur d'Alby et en scavoir son bon vouloir et plaisir, et affin de ce loyaulment acquiter et servir le Roy en la forme et par la manière que par mondit seigneur d'Alby luy seroit ordonné et commandé.
Lequel monsieur d'Alby après, par ledit mésaiger, luy fist responce que ne falloit point qu'il y allast en personne ; et luy escript, ainsi qu'a fait apparoir par une lectre missoire (de mission), signée de la main de monsieur d'Alby, de laquelle la teneur s'ensuyt :
5. Lettre de monsieur d'Alby à monsieur de Mirepoix
Monsieur de Mirepoix, je me recommande à vous tant comme je puis. J'ay receu voz lectres, par les quelles m'esscripvés que messire Arnaud de Miglos vous a dit, de par moy, qu'il falloit que vous allisés (alliez) à la guerre en personne à Puyssardan (Puycerda, chef-lieu de la Cerdagne). Je ne entendi jamais vous faire aller là, ny ailleurs, pour vous donner paine (peine), ny mise (mise de fonds) ; car, comme vous dites par vos lettres, vous en avés assés eu le temps passé, et est bien raison que soies supporté. Mais, pour ce que c'est près de vostre maison, et est une matière que le Roy a fort à cueur, et est de grant conséquence pour toutes voz terres, me sembloit que vostre présence povoit de beaucoup servir en ladicte maitière, tant en conseil que en autres choses. Toutesfoys, monsieur de Mirepoix, je n'en vueil faire si non ce que vous vouldrez.
J'espoyre (j'espère) estre le vingtième [jour] de cest moys (ce mois) à Limoux, et là se rendra tout l'arrière-ban de Languedoc. Si vostre plaisir est de venir jusques là, alesbat (alabets, occitan : alors) nous aviserons vous et moy sur le tout.
Au regard des gens d'armes qui ont esté logés sur vos terres, jamais je ne l'entendi, et m'esbaye (m'étonne) bien s'il a esté fait. J'envoyroie (j'enverrai) les faire desloger, mais je croy qu'ilz ni seront plus, car, le douzième de ce moys ici, ilz dévoient (devaient) entrer en Sardaigne (Cerdagne).
Monsieur de Mirepoix, si aucune chose puis faire pour vous, en le moy faisant sçavoir, le feray de très bon cueur, priant Dieu que vous doint ce que vostre cueur désire. Escript à Gombefau, le douzième jour de septembre [1475].
Le tout vostre, L'ÉVESQUE d'Alby.
6. Suite de la déclaration de Jean IV de Lévis
Homme d'armes, XVe siècle, in Paul Lacroix, alias le Bibliophile Jacob, Costumes historiques de la France, Paris, Administration de la librairie, 1852.
Toutesfois, il se trouva en propre personne aux monstres (revue des troupes) à Carcassonne, et se présenta en abillement par davant ledit messire Arnaud de Miglos, commissaire à faire et recepvoir lesdits monstres, et acompaigné avec soy de noble home Robinet de Broulée, aussi armé en abillement de home d'armes, et acompaigné de troys (trois) brigandiniers ; et préveus [après avoir vu] les procureurs du Roy, lieutenant du sénescal de Carcassonne et plusieurs autres, offrit de aller servir le Roy en ladicte armée en propre personne : et à ceste cause estoit venu en personne, en abillement, monté et armé ; ou, se il luy sembloit que fust plus utile qu'il y envoiast, il avoit illec (là) sondit home d'armes et trois brigandiniers. Auquel seigneur de Mirepoix fut répondu par ledit de Miglos qu'il estoit nécessaire qu'il demorast (demeurât) pour la garde et entrènement de ladite frontière, et qu'il serviroit plus le Roy en demeurant que ne feroit pas en allant. Et par ainsi, ledit de Miglos print (prit) et retint ledit home d'armes et troys brigandiniers. Lesquelx ont servi tout au long de ladicte année, ainsi que scet (sait) bien ledit monsieur d'Alby, et messire Loys Gasre, en la compaignie desquelsx sondit home d'armes, et monsieur de Caux, qui estoit aussi home d'armes pour le seigneur de Cesseras 12 ; et les plus derriers (derniers) de ladite armée s'en sont retournés. Et a dit en outre que, au commencement de ladite année, par monsieur d'Alby, devant lequel il s'en venoit au devant à Limoux, lui fut mandé qu'il donnast conduyte et fist venir vivres pour ladite armée ; ce que par ledit seigneur de Mirepoix a esté fait.
Et par ainsi dit qu'il a bien et loyaument servy, et a entention (intention) de faire comme bon, vray et loyal subget du Roy, son souverain et naturel seigneur, veues (vues) et considérées les choses dessusdites, les quelles sont vrayes. Et là où l'on vouldroit aucunement dire qu'il eust mesfait aux choses dessusdites, ce qu'il ne cuyde, ne vouldroit avoir fait, il est pour s'en rapporter à la bonne grâce et congnoissance de monsieur d'Alby.
JOHAN DE LÉVIS
Donnée pour copie collationnée et extraicte de son original par moy (laissé en blanc) notaire.
Presens copia fuit abstracta ab alia copia per nos.
L. Bradana 13
Setier de Mirepoix : 92,63 litres.↩︎
Foriscape : droit de mutation prélévé par le seigneur lors du changement de tenancier d'une parcelle.↩︎
Bederes : nom d'une localité, ou de la terre du Biterrois, Biterra ?↩︎
Monsieur d'Alby : Louis Ier d'Amboise (1433-1503), évêque d'Albi de 1474 à 1502, président aux assemblées des trois-états de Languedoc, lieutenant-général du roi en Roussillon et en Cerdagne.↩︎
Pierre de Refuge (ca 1430-ca 1484), seigneur de Fougères-sur-Bièvre, trésorier général de Charles XI.↩︎
Levye : Llívia (Cerdagne). En 1462, à la suite du traité de Bayonne, le Roussillon passe sous administration française, et la France envoie des troupes en Cerdagne. En 1463, suite à la révolte de la Catalogne, Louis XI annexe le Roussillon et la Cerdagne, et nomme Jean de Foix lieutenant du roi. En 1473, la population de Llívia se soulève contre les troupes françaises. En 1474, les troupes de Louis XI reprennent le contrôle de Llívia.↩︎
Jean de La Gardette, prévôt de l'hôtel du Roi.↩︎
Brigandine : cuirasse formée de plaques de métal fixées sur du tissu ou du cuir.↩︎
Monstres : revues des troupes, manœuvres militaires, chevauchées.↩︎
Charles XI s'est beaucoup déplacé dans le royaume de France, et a peu résidé à Paris.↩︎
Arnaud de Miglos, seigneur de Dalou, sénéchal de Carcassonne et châtelain royal de Minerve, marié à Catherine de Gaspars, puis à Isabelle de Cabaret, mort à Lyon le 18 octobre 1475.↩︎
Cesseras, Hérault, commune proche de Pépieux, Azillanet, Minerve, Olonzac et Siran ; seigneurie donnée en 1255 par Saint Louis à Raimond II Trencavel, qui mourra, dit-on, vers 1263 au château seigneurial de Cesseras.↩︎
Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome 2, Toulouse, Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1921, pp. 414-421. Annotations Christine Belcikowski.↩︎