9 novembre 1373. Réduction de la dime par le pape Grégoire XI en raison de la guerre et de la peste qui ont sévi dans le diocèse de Mirepoix
Grégoire XI couronné par Guy de Boulogne, archevêque de Lyon ; enluminure tirée des Chroniques de Froissart, XVe siècle. Pierre Roger de Beaufort (Corrèze, 1329 - 27 mars 1378, Rome), élu au pontificat le 30 décembre 1370 sous le nom de Grégoire XI, dernier des papes français, est un neveu du pape Clément VI. Guillaume II de Rogier de Baufort de Carnillac, son père, comte de Beaufort, vicomte de Turenne, baron de Pertuis et Saint-Rémy, vicomte de Lamothe et de Valernes (1290-1380), époux d'Aliénor de Comminges, était le frère aîné du pape Clément VI. Tôt décidé à abandonner Avignon en tant que siège de la papauté, Grégoire XI s'installe solennellement à Rome le 17 janvier 1377. Il y meurt un an plus tard.
Les années 1370 sont difficiles pour la seigneurie et le diocèse de Mirepoix. Suite au traité de Brétigny-Calais, signé en 1360, Édouard III, roi d'Angleterre s'est installé entre en Guyenne, Poitou, Périgord, Limousin, Angoumois, Saintonge, Agenais, Quercy, Rouergue, Bigorre, d'où il lance dans les provinces environnantes des chevauchées dévastatrices. En 1362-1363, les routiers, soldats débandés des troupes anglaises ou françaises, ont saccagé la seigneurie de Mirepoix, et certains d'entre eux continuent de dévaster les campagnes. Dans leur sillage, la peste noire a recommencé à sévir de façon endémique. Le roi Jean le Bon est mort en captivité à Londres en 1364. Charles V, son successeur, a prononcé en 1369 la confiscation de l’Aquitaine. La guerre, par suite, fait rage. En 1372, Roger Bernard de Lévis, qui sert dans les guerres de Guyenne et de Gascogne, revendique et obtient du comte de Poitiers la succession de Jean II de Lévis, son père, encore vivant.
La charte traduite ci-dessous date de ces années tourmentées. Grégoire XI, qui la signe le 9 novembre 1373, mourra en 1377 à Rome. On notera l'élégante simplicité de son style, net et rapide, à la différence de celui des notaires habituellement mandés pour la réception, la rédaction, et la signature des chartes médiévales.
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Traduction
Grégoire, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, et qui par suite se souvient toujours de cela.
De gauche à droite : armoiries du pape Grégoire XI, « d'argent à la bande d'azur accompagnée de six roses de gueules » ; armoiries de Pierre Raimond de Barrière, évêque de Mirepoix de 1363 à 1377, natif de Castelnau-Peyralès, près de Rodez, mort en 1383 en Avignon.
En vertu de notre office qui est d'amour (caritas) paternel, nous remédions (subvenimus) aux difficultés (incommoda) des églises et du personnel ecclésiastique, et nous soulageons les fardeaux qui par suite leur incombent, pour autant qu'avec l'aide de Dieu nous le pouvons. Il y a peu, en effet, au nom de notre vénérable frère évêque [Pierre Raymond de Barrière], et de nos fils bien-aimés du chapitre de Mirepoix, et de tout le clergé de la cité et du diocèse de Mirepoix, on nous a rapporté qu'en raison des guerres et des pestes mortifères, qui, pour la majeure partie d'entre elles, Dieu l'ayant permis, ont sévi pendant de longues périodes de temps, l'église de Mirepoix ainsi que les autres églises, et les monastères, et tous les autres bénéfices, tant séculiers que réguliers, et autres lieux de piété établis dans la cité et le diocèse de Mirepoix, souffrent d'une diminution de leurs ressources et de leurs revenus ; il s'en suit que le même évêque, ainsi que tous les recteurs (rectores) et autres personnels des mêmes églises, monastères, et autres lieux cités plus haut, ne peuvent supporter facilement (commode) les charges qui leur incombent.
C'est pourquoi, au nom desdits frère et fils, on nous a humblement supplié de daigner, en vertu de notre bienveillance apostolique, les pourvoir de quelque moyen de se relever d'une telle situation, et notamment de leur accorder une diminution de la dime (moderationem taxationis decime).
Nous, pesant de toute notre paternelle compassion le poids de ce qui nous a été rapporté et qui est de notoriété publique, enclin à entendre les supplications qui nous viennent de votre part, et considérant la taxe que le même évêque et les autres prélats, recteurs et personnels, avaient l'habitude de se voir imposer dans la cité et dans le diocèse de Mirepoix sur tous les revenus et profits du domaine ecclésiastique et dont ils avaient à supporter la charge ; par la teneur des présentes lettres, en vertu de notre autorité apostolique, nous réduisons la dime de moitié ; et nous voulons que cette réduction s'applique dès aujourd'hui (ex nunc) ; et nous ordonnons et statuons aussi, par la teneur des présentes lettres, que, dans la même cité et dans le même diocèse, la cette moitié soit tenue et reconnue et invoquée ensuite, à perpétuité dans le futur, comme étant la dime complète (integra) ; c'est pourquoi il appartiendra chaque fois à la Chambre Apostolique ou autre de collecter ou de lever la dime partout, et dans cette cité et dans le diocèse ; ou bien l'évêque lui-même, et les autres prélats et recteurs et autres personnels, au titre de leur autorité, ou sur le mode de la concession, ou en fonction des circonstances, ou encore autrement, auront à faire remonter cette taxe, apostolique ou autre, ainsi diminuée, et ils seront tenus de s'en acquitter et d'en faire remonter non seulement le montant initial, mais aussi le fruit, le revenu et le profit, s'il en résulte de la dime ; et ils seront tenus aussi d'exiger la dime, de la lever et de la collecter au nom de la Chambre Apostolique, et l'on exigera d'eux qu'ils le fassent conformément au montant de la taxe ou dime telle que diminuée comme dit plus haut. Et ni un autre évêque ni un évêque ultérieur, ni les susdits prélats, recteurs et personnels ne seront empêchés ni contraints par l'autorité d'on ne sait quelles personnes, ni ne pourront eux-mêmes, en aucune façon, collecter ou exiger le fruit de la dime à l'aune d'une lecture de nos lettres apostoliques qui, nonobstant nos constitutions, privilèges et cesdites lettres apostoliques, ne serait ni complète ni expresse dans son mot à mot (de verbo ad verbum ) quant à la mention de la réduction de cette dime, de l'ordonnance qui prescrit cette réduction, et du statut qui est le nôtre dans cette ordonnance.
Permanence de la dime sous l'Ancien Régime. Ci-dessus, dime dont Monseigneur de Cambon, évêque de Mirepoix, se trouve redevable en 1789 pour Mazerette et Saint-Aulin. Cf. Christine Belcikowski, À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix. II. Un administrateur vigoureux.
Il ne sera permis à personne d'enfreindre cette charte de notre réduction [de la dime] et de notre volonté d'organisation et de règlement, ni d'oser témérairement se tourner contre elle. Mais si quelque un prétendait s'y risquer, qu'il sache qu'il encourrait là l'indignation de Dieu et de ses saints apôtres Pierre et Paul.
Gustave Doré, Transfiguration.
Donné en Avignon, la quinzième ide de novembre, l'an trois de notre pontificat [9 novembre 1373]. 2
Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome 2, Toulouse, Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1921, pp. 403-404. Traduction et annotations Christine Belcikowski.↩︎