Février 1352. Procès entre Jean de Lévis II et plusieurs de ses vassaux à propos des obligations du service militaire
Jean II le Bon, qui a été roi de France du 22 août 1350 au 8 avril 1364. Œuvre anonyme, XIXe siècle, Musée du Louvre.
La charte traduite ci-dessous date de 1352. La guerre de Cent Ans a déjà commencé. De 1337 à 1364, Edouard III mène une suite de chevauchées victorieuses contre la chevalerie française. En outre, pendant la peste noire, qui sévit de 1349 à 1355, les mercenaires débandés pillent et terrorisent villes et campagnes. C'est dans cette situation d'insécurité extrême qu'éclate, au début de l'année 1352, le conflit qui oppose Jean II de Lévis, soucieux des presentium guerrarum (présentes guerres) à quelqu'uns de ses vassaux qui refusent d'assurer dans les conditions prescrites par des chartes antérieures le service militaire, ou ost, dû à leur seigneur suzerain.
Le conflit porte essentiellement ici sur l'obligation faite auxdits vassaux d'assurer sur place, vingt jours d'affilée, renouvelables si la suite des événements l'exige, la garde du castrum et de la personne ainsi que de la famille et du lignage du seigneur suzerain, donc de résider, avec leur propre famille, leurs chevaux et leurs armes, dans ledit castrum pendant ces vingt jours, et de pourvoir en l'occurrence à la disponibilité des vivres et autres provisions nécessaires, et ce, à leurs propres frais et dépens.
D'où la plainte que formulent lesdits vassaux auprès de Jean de Cayeu, alors sénéchal de Carcassonne et de Béziers. De façon tactique, ces vassaux arguent de l'obligation dans laquelle ils trouvent d'assurer à la requête du roi la garde de la cité royale de Carcassonne pour refuser d'assurer à la requête de Jean II de Lévis, dans le même temps, la garde du castrum de Mirepoix. Ils tentent de jouer ainsi de l'obligation ou du contrat de fidélité qui les lie au roi, contre l'obligation, seconde selon eux, qui les lie à leur seigneur suzerain. Mais Jean II de Lévis ne s'en laisse pas si facilement conter. D'autant que Jean II le Bon, sacré depuis le 26 septembre 1350 à peine, se débat dans des difficultés d'un autre ordre et manque de soutiens. Le seigneur de Mirepoix défend donc vigoureusement auprès du sénéchal de Carcassonne la primauté de l'action qu'il mène contre ses vassaux rebelles. Le 15 février 1352, Jean de Cayeu prononce un jugement dans lequel, dit-il, alicui ipsarum partium nullum ius accrescal vel decrescat, « aucune des deux parties ne voit son droit ni augmenté ni diminué. »
On notera que parmi les vassaux rebelles, figurent Jean de Rivière, seigneur de Roquetaillade, et autre Jean de Rivière et Philippe de Rivière, coseigneurs de La Serpent, Robert de Rivière, coseigneur de Saint-Sernin, Gassot de Rivière, seigneur de Villapomène, Guillaumin de Rivière, damoiseau, tous descendants du Philippe de Rivière qui fut en son temps sénéchal de Gui III de Lévis ; et Guillaume Lestandart, seigneur de Bellegarde, descendant de Guillaume de Lestandart qui fut lui aussi en son temps sénéchal de Gui III de Lévis. Cf. Christine Belcikowski, En marge du compromis de 1307 sur le communal de la rive gauche de l'Hers, quelques notes relatives aux premiers sénéchaux de Mirepoix et autres personnages homologues.
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Traduction
Quelques fiefs dans le Razès et le Lauragais. Aperçu cartographique sur Google Maps.
I. Jean de Cayeu, sénéchal de Carcassonne et de Béziers rapporte dans deux lettres adressés au bayle et aux gens de justice de Jean II de Lévis, seigneur de Mirepoix, les plaintes formulées par divers vassaux dudit seigneur. Ceux-ci réclament l'assignation de Raimond Garsie, sénéchal de Jean II de Lévis, et des gens de justice qui seraient à sa solde, devant la Cour du sénéchal de Carcassonne.
Apprenez-tous que, à la requête des nobles seigneurs Guillermus Hunaldi (Guillaume Hunaut), homme d'armes de Lantario (Lanta, Haute-Garonne) 1, coseigneur de Sancto Saturnino (Saint-Saturnin, aujourd'hui Saint-Sernin, Aude) 2, Iohannis de Riparia (Jean de Rivière), seigneur de Rupe Talliata (Roquetaillade-et-Conilhac, Aude) ; Guillelmus Estandardi (Guillaume Lestandart), seigneur de Bellagarda (Bellegarde-du-Razès, Aude) 3 ; Iohannis de Riparia (autre Jean de Rivière), coseigneur de Serpente (La Serpent, Aude), en son propre nom, et en tant que coseigneur de Philippus de Riparia (Philippe de Rivière), homme d'armes, seigneur de Serpente, son frère 3 ; par deux lettres que ... [lacune] dans l'ordre qui suit.
I.1. ? février 1352. Première lettre de Jean de Cayeu, sénéchal de Carcassonne
Façade orientale de l'enceinte du château de Carcassonne. Vue empruntée à Dominique Baudreu, in « Du pouvoir comtal au pouvoir royal : le château de Carcassonne », in Patrimoines du Sud, 10 | 2019.
I.1.1. Incipit de Jean de Cayeu
Jean de Cayeu (Iohannes de Cayeu) 4, homme d'armes, seigneur de Senarpont (Somme), sénéchal de Carcassonne et de Béziers de notre seigneur roi, au bayle de Mirepoix, et aux autres gens de justice (justiciarii) qui sont au service du seigneur Jean de Lévis, homme d'armes, seigneur dudit lieu, à qui les présentes lettres arriveront, ou à ceux qui se tiennent dans un autre lieu, et aussi à ceux des leurs qui se trouvent au service du roi, et à tous les autres, quel qu'ils soient, salut.
Le noble Iohannes de Riparia, seigneur de Rupe Talliata (Roquetaillade) ; et le seigneur Guillelmus Hunaldi, homme d'armes, de Lantario (Lanta), coseigneur de Sancto Saturnino (Saint-Saturnin), ou une partie des siens ; et Guillelmus Standardi (Guillaume L'Estandart), seigneur de Bellagarda (Bellegarde-du-Razès, Aude) ; et Iohannes de Riparia, coseigneur de Serpente (La Serpent), en son propre nom, et en association avec le seigneur Philippus de Riparia, homme d'armes, seigneur de Serpente, son frère, se sont plaints à nous solennellement de ceci...
I.1.2. Compte-rendu de la plainte des vassaux de Jean II de Lévis
Alors qu'en raison de l'évident péril de guerre, après délibération du Conseil avec les conseillers et les officiers royaux de notre sénéchaussée, eux, les nobles susdits se trouvaient mandés de prendre toutes dispositions pour rejoindre avec leurs provisions (provisiones) la cité de Carcassonne, qui est le chef-lieu de notre sénéchaussée et de toute la présente province, et pour y établir leur résidence, afin d'en assurer la garde (custodia), comme ils doivent et sont tenus de le faire, et y sont astreints et efficacement obligés par notre seigneur roi ; et alors qu'en telle circonstance, les mêmes nobles se disposaient à gagner ladite cité afin d'y investir leur logement, et qu'ils s'y disposent à ce jour (adhuc) encore, comme de bons et fidèles vassaux doivent le faire et y sont tenus ; le sénéchal dudit seigneur Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, ou ses gens, n'en a pas moins (nihilominus) forcé lesdits nobles à rejoindre le castrum de Mirepoix, à y investir leur logement personnel, afin qu'ils se trouvent ainsi retranchés à l'intérieur des lices 5, et il les y force à ce jour (adhuc) encore ; et, ce qui est pire (deterius) en la circonstance susdite, c'est qu'il a mis ou fait mettre les fiefs et les biens desdits nobles sous la main [sous séquestre] dudit seigneur de Mirepoix, et fait ou fait faire l'inventaire desdits fiefs et biens, et cela, indûment et injustement, puisque lesdits nobles ne peuvent demeurer ni assurer quelconque défense dans ledit castrum de Mirepoix sans manquer totalement à la défense qu'ils doivent à la susdite cité royale ; et, en raison de la mise sous séquestre susdite, sans manquer non plus au transport des provisions qu'ils sont tenus d'avoir dans ladite cité, au motif de ladite garde.
Hommes d'armes combattant, 1337, BnF ; enluminure reproduite sur Vikingsword.com, Ethnographic Arms and Armour Forum.
Et tout ce qui a été fait et acté comme ci-dessus par ledit sénéchal du seigneur de Mirepoix ou par ses gens, porte préjudice à notre seigneur roi, et à la défense de ladite cité [de Carcassonne] et de toute notre sénéchaussée et de la présente province, et elle les expose ainsi à un irréparable péril (irreparabile periculum) ; cela constitue une infraction et une injure à l'endroit de nos commettants (mandatores) et de tout notre conseil ; et cela constitue aussi un préjudice à notre endroit à nous, lesdits nobles, et par là une atteinte au droit et à la justice.
C'est pourquoi, à la demande pressante desdits nobles, nous vous recommandons et vous pressons, vous et les vôtres, d'aller jusqu'à citer à comparaître le noble Ramundus Garsie, seigneur de Bassero 6, soi-disant [sic] sénéchal dudit seigneur de Mirepoix, afin que, avant jeudi prochain (die Iovis proxima, infra feriam) 7, il comparaisse en personne devant nous afin qu'il y ait à répondre du caractère nuisible et funeste des discours qu'il a tenus, puis de l'action qu'il a choisi de mener en son propre nom ; quant à tous les arguments (munimenta) — s'il en a –, au prétexte desquels il s'est obstiné à agir comme rapporté ci-dessus, il devra nous les faire porter, nous les présenter et nous les remettre, à nous, ou à notre conseil, afin qu'après les avoir vus, nous puissions prendre nos dispositions, comme il est de raison.
Hâtez-vous de mettre un terme aux menées du sénéchal dudit seigneur de Mirepoix et de tous les autres gens de justice du même seigneur, et ce, jusqu'à ce que nous ayons pu nous organiser autrement, de peur qu'entre temps ils ne projettent de faire n'importe quoi d'autre contre lesdits nobles, ou qu'ils ne le fassent ultérieurement.
I.2. 9 février 1352. Seconde lettre de Jean de Cayeu
I.2.1. Incipit de Jean de Cayeu
Jean de Cayeu, homme d'armes, seigneur de Senarpont, sénéchal de Carcassonne et de Béziers de notre seigneur roi, au bayle de Mirepoix, et aux autres gens de justice du seigneur noble et puissant homme Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, à qui nous adressons les présentes lettres, salut.
I.2.2. Compte-rendu de la plainte des vassaux de Jean II de Lévis
Les nobles Robertus de Riparia (Robert de Rivière), coseigneur de Sancto Saturnine (Saint-Sernin), et Guassotus de Riparia (Gassot de Rivière), seigneur de Villa Pomena (Villapomène), ou d'une part de ce lieu, se sont plaints à nous gravement de ce que, alors que ces mêmes nobles, au mandement et à la réquisition dudit seigneur de Mirepoix, aient eu à ... [lacune] venir à Mirepoix pour installer leur demeure, là-même, dans le castrum, et ce, par suite et en vertu du texte et de la teneur de la charte (instrumentum) établie entre ledit seigneur et lesdits nobles ; et alors que lesdits nobles s'étaient déjà installés, là-même, dans ledit castrum, ils ont offert audit seigneur de Mirepoix de se tenir prêts à obéir et à se conformer au droit, et de faire pour ledit seigneur ce qu'ils doivent et sont tenus de faire, conformément au texte et à la teneur et aux conditions de la charte susdite ; ledit seigneur de Mirepoix n'en a pas moins prescrit aux nobles susdits d'apporter ou de faire apporter leurs provisions (provisiones) dans ledit château ; et, ce qui est plus grave, il a arrêté ou fait arrêter lesdits nobles dans ledit castrum, et les a maintenus, là-même, en état d'arrestation, et il les y maintient encore, de façon indue et injuste, puisque lesdits nobles n'étaient pas astreints ni obligés d'y apporter leurs provisions, ni obligés à cela, comme il appert, dit-on, dans le texte de la charte susdite.
C'est pourquoi, à la demande instante et à la requête desdits plaignants (querelantes) nobles, et en accord avec le droit, conformément auquel nul ne sera contraint de fournir [gracieusement] ses propres services [stipendia] militaires, si ce n'est pour quelque raison supérieure (nisi aliud rationabile obsistat), nous vous pressons et mandons, vous et tous les vôtres cités plus haut, ainsi que ledit seigneur de Mirepoix en personne, ou son procurateur, de faire en sorte que, avant jeudi prochain (die Iovis proxima, infra feriam), ils [ledit sénéchal et ses gens] comparaissent devant nous pour répondre des faits susdits, et qu'ils apportent avec eux ladite charte, si celle-ci leur importe en tant que telle, afin que nous puissions en juger quant à ce qui est de raison ; vous presserez ledit procurateur du seigneur de Mirepoix et ses conseillers quels qu'ils soient, de ne plus procéder pendant ce temps, de façon aussi indue, contre lesdits nobles ni contre aucun de leurs biens, ni de projeter d'autres actions semblables, jusqu'à ce que nous ou notre conseil, ayons pris un parti autre, et, comme indiqué par la teneur des présentes [lettres], contraire au leur. Donné à Carcassonne, le IX février.
Ces lettres ont été envoyées et reçues, comme le prouve, au dos de chacune d'entre elles, l'inscription qui suit :
Cette lettre a été présentée au conseil de Mirepoix et reçue par ce dernier avec la considération qui se doit ; et on a ordonné que soit établi un factum 8 de son contenu.
II. 10 février 1352. Protestation faite par le sénéchal et le procureur du seigneur de Mirepoix en réponse à l'assignation du sénéchal de Carcassonne
Antoine Ignace Melling (1763-1831), Vue de l'ancien château de Mirepoix, ca 1821.
Noble Ramundus Garsie (Raimond Garsie), sénéchal, et Stephanus Donadei (Stéphane, ou Étienne, Donadieu), procurateur du seigneur de Mirepoix, ont dit toutefois ceci :
Les nobles dont les présentes lettres ont motivé cette instance, ont été récemment sommés par le seigneur de Mirepoix, ou par son conseil, de venir s'établir, eux et tous les leurs, dans les maisons qu'ils possèdent ou que leurs ancêtres ont originairement possédées dans les lices de Mirepoix, afin d'assurer la garde et la défense de la personne du seigneur de Mirepoix, de son épouse, de ses affranchis (liberi), de sa famille, et dudit castrum, puisque leurs prédécesseurs avaient coutume et se trouvaient tenus de le faire, et qu'eux-mêmes aujourd'hui s'y trouvent pareillement tenus, en vertu du fief qu'ils doivent audit seigneur de Mirepoix sous le sceau de la foi (fides) et de l'hommage, et du serment de fidélité (fidelitas) qu'ils ont prêté en tant qu'hommes liges dudit seigneur de Mirepoix ; et cela comprend les provisions qu'ils doivent apporter.
Et lesdits Guillaume Lestandart, Gassot de Rivière Robert de Rivière, et Jean de Lordis, qui tiennent semblablement leurs fiefs du seigneur de Mirepoix, et qui ont dans les lices du castrum de Mirepoix des maisons que leurs ancêtres avaient déjà, se sont portés partie plaignante devant la justice ordinaire du conseil et de la terre du seigneur de Mirepoix, au mépris là de toute bonne foi, puisque, en vertu de la susdite charte, dans laquelle figure explicitement le service susdit, ils avaient spontanément promis d'assurer ledit service auquel ils se trouvent tenus par ledit seigneur de Mirepoix, et promis aussi d'apporter leurs propres provisions sur ordre dudit seigneur de Mirepoix, même absent, comme c'est le cas actuellement.
Après quoi, cette année, suite à un second mandement rendu nécessaire par les présentes guerres, lesdits Jean de Rivière, seigneur de Roquetaillade, et l'autre Jean de Rivière, seigneur de La Serpente, en leur propre nom, et au nom des seigneurs Philippe de Rivière, leur frère, de Robert de Rivière, et de Guillaume Lestandart, se sont présentés devant le seigneur de Mirepoix, ils ont reconnu que ledit service devait être assuré dans le castrum de Mirepoix, aux limites susdites, eu égard aux nécessités des guerres, et plus précisément dans les maisons qu'ils y ont et qu'ils doivent investir, comme leurs ancêtres avaient coutume de le faire ; mais ils n'ont pas mentionné les provisions qu'ils sont tenus de faire apporter dans le castrum en vertu de la susdite charte, dans laquelle figure explicitement le service susdit.
Troisièmement, plusieurs d'entre eux ont refusé d'obéir au mandement qui appelait audit service ; et ils ont fait assigner (adiornare) le dit seigneur de Mirepoix, ou ses conseillers, devant le sénéchal de Carcassonne, alors que ceux-ci s'efforçaient d'obtenir d'eux qu'ils remplissent complètement leur promesse.
Et après que leurs raisons et celles du seigneur de Mirepoix, ou de son procurateur, ont été entendues, il a été décidé que, par des moyens (remedia) juridiques opportuns, les mêmes seigneurs seraient contraints de faire le service en question, puisqu'il ressort des lettres d'ordonnance écrites depuis lors par la Cour dudit seigneur sénéchal de Carcassonne et concédées au seigneur de Mirepoix et à ses conseillers directs, qu'ils peuvent y être contraints plus rigoureusement (seriosius).
Et après ladite ordonnance, et dans la foulée de cette dernière, les conseillers du seigneur de Mirepoix, au nom du droit du seigneur de Mirepoix et du devoir propre à leur office, mandatés à cet effet par ledit sénéchal de Carcassonne, ont fait en sorte que lesdits nobles soient contraints de se plier au service en question, et, concernant ceux des plaignants qui restaient rebelles, qu'ils soient contraints de remettre entre les mains du seigneur de Mirepoix le fief qu'ils tiennent de lui, et par suite la gestion et l'exploitation dudit fief, jusqu'à ce qu'ils se soient effectivement pliés audit service, puisqu'ils y sont tenus, ou jusqu'à ce qu'ils aient commencé de s'y plier, comme ils le doivent (debite) ; car, ce service que leurs ancêtres avaient coutume de faire et qu'ils se trouvaient tenus de faire dans le même castrum de Mirepoix, lesdits nobles et vassaux (terrarii) du seigneur de Mirepoix, au mépris total (totaliter spretis) des ordonnances et mandements dudit seigneur sénéchal de Carcassonne et dudit seigneur de Mirepoix, et à l'encontre du serment de fidélité qu'ils ont prêté audit seigneur de Mirepoix en tant qu'hommes liges, se sont dispensés de le faire et ont refusé catégoriquement (penitus) de venir le faire dans le castrum de Mirepoix, et ils continuent à ce jour de le récuser, de le contester et de le dénier.
C'est pourquoi le sénéchal et le procurateur dudit seigneur de Mirepoix, au nom et en lieu et place dudit seigneur, témoignent hautement contre lesdits nobles et chacun des leurs concernant la confiscation de leurs fiefs, car outre que ceux-ci les tiennent dudit seigneur de Mirepoix, ils ont violé la foi, la fidélité et le serment qu'ils doivent à ce dernier ; et lesdits sénéchal et procurateur témoignent aussi contre lesdits nobles concernant les peines auxquelles ils se sont exposés ou ont pu s'exposer, en vertu du droit ou de la coutume ; contre eux, contre leurs fiefs, et contre quiconque des leurs, ledit seigneur pourra agir en lieu et temps opportuns, et il requiert de toi, notaire, etc. [sic]. Le dixième jour de février, cette lettre a été présentée au conseil du seigneur de Mirepoix, et reçue avec révérence ; il a été mandé à Andreas de Sancto Iohanne (André de Saint-Jean), membre dudit conseil, d'en produire un factum, fidèle au contenu et à la forme de ladite lettre.
III. 14-15 février 1352. Sentence du sénéchal de Carcassonne
III.1. Les parties en présence
À la date de rédaction des présentes lettres, qui fut le jeudi 14 février, l'an du Seigneur MCCCLII (1352), le seigneur Jean, grâce à Dieu, roi de France 9 régnant, ayant comparu dans le consistoire royal des confiscations (commissiones) de la cité de Carcassonne et devant le seigneur noble et puissant homme Jean de Cayeu, seigneur de Senarpont, homme d'armes, sénéchal de Carcassonne et de Béziers de notre seigneur roi ; et en présence des nobles suivants :
● d'une part : Jean de Rivière, seigneur de Roquetaillade ; autre Jean de Rivière, seigneur de La Serpent en son propre nom, et aussi coseigneur de la Serpent avec Jacques de Rivière, son frère ; Guillaume Létendart, seigneur de Bellegarde ; et maître Jordanus Ancelines (Jourdan Ancelin), jurisconsulte de Carcassonne, procurateur, ici en tant que procurateur de Robert de Rivière, damoiseau, coseigneur de Saint-Sernin, et de Gassot de Rivière, damoiseau, seigneur de Villapomène (Villario Pomenco), comme il appert de sa procuration dans la charte jointe à ce document ;
Entrée du château de Roquetaillade, d'après une carte postale des années 1900.
Château de La Serpent. Le bâtiment a été considérablement remanié et augmenté jusqu'au début du XVIIIe siècle.
Vestige du château de Saint-Sernin. Cf. Christine Belcikowski, À Saint-Sernin, dans l’Aude. Une église champêtre. Un reste de château.
Observation de l'abbé Baichère à propos de l'ancien château de Bellegarde-du-Razès, sans date, in Bellegarde-du-Razès, vue 6/7, Société d'Études Scientifiques de l'Aude. À la différence du château, les remparts de Bellegarde-du-Razès ont été, eux, en partie conservés.
Vestige d'une tour du château de Villapomène, aujourd'hui Pomy (Aude). Concernant la transition toponymique de Villapomène à Pomy, cf. Antoine Sabarthès, Dictionnaire topographique de la France. 5, Dictionnaire topographique du département de l'Aude : comprenant les noms de lieu anciens et modernes, Paris, Imprimerie nationale, 1912, p. 467. Cf. aussi Christine Belcikowski, Du côté de Limoux. Une visite à Pomy et à Castelreng.
● d'autre part : le seigneur noble et puissant homme Jean de Lévis, homme d'armes, maréchal et seigneur de Mirepoix, cité en lieu et place de son sénéchal et assumant en son propre nom le factum et la défense de sondit sénéchal cité là-même en justice.
III.2. Compte-rendu de la déclaration des plaignants nobles par le sénéchal de Carcassonne
Et, dans leur partie, lesdits nobles qui sont allés jusqu'à introduire une plainte devant la Cour concernant les questions susdites, ont exposé ce qu'ils ont fait, consigné dans les susdites lettres, et défendu oralement (verbo) aussi maintes fois ; et ils ont produit la charte publique d'un accord (accordus) — disent-ils — relatif auxdites questions ou autres, conclu entre les deux parties, et reçu par maître Guiraud de Salayrac (Guiraudus de Salayraco), notaire royal de Carcassonne, en l'an du Seigneur MCCCLII (1352), le premier jour de janvier ; et contestant la forme de ladite charte et du factum relatif à cet accord, charte qui, telle que prévue ou commandée par ledit seigneur de Mirepoix ou par ses conseillers, se révélait profondément injuste (injuriosus), ils ont réclamé que ladite charte soit révoquée, supprimée, et annulée ; et que, sur lesdites questions, la justice soit rendue autrement, par d'autres personnes.
III.3. Compte-rendu de la réponse du seigneur de Mirepoix par le sénéchal de Carcassonne
Équipement du chevalier au XIVe siècle ; source : Labo d'archéologie. Les chevaliers.
Concernant lesdites réclamations, en guise de réponse, le susdit seigneur de Mirepoix a dit que tout avait été bien et justement géré et ordonné par lui et par ses conseillers ; et vu l'obstination (contumatia) desdits nobles, conformément aux règles en vigueur (rite), justement et légitimement, il a fait mettre sous séquestre (ad manus) et ordonné la saisie des fiefs que lesdit nobles tiennent dudit seigneur de Mirepoix ; car tous et chacun desdits nobles, qui sont aussi ses vassaux, et leurs successeurs, se trouvent tenus et obligés, a dit le seigneur de Mirepoix, de venir et de demeurer en personne dans les lices du castrum de Mirepoix, avec leurs épouses et familles, et leurs chevaux et leurs armes (equis armisque), afin d'assurer la défense dudit castrum et celle de la personne du seigneur de Mirepoix et de son épouse, et de ses affranchis et de ses biens, chaque fois (tociens quociens) qu'ils sont requis ou mandés de le faire par ledit seigneur de Mirepoix ou par ses conseillers. Nonobstant le document fourbi par la partie adverse, sur de telles questions, il est permis (licet) au même seigneur de Mirepoix, dit encore celui-ci, de passer outre (supercedere) à ce qui se trouve dit dans le document en question, puisque une telle possibilité se trouve expressément formulée dans ce même document 10 ; et [ils sont tenus de venir] là [à Mirepoix], avec leurs propres équipements et leurs propres frais et dépenses, au mandement du seigneur de Mirepoix ou de ses conseillers, car les services dus par lesdits nobles audit seigneur priment sur les services autres que lesdits nobles sont astreints à faire dans la cité de Carcassonne ; et [ils sont tenus de venir] là [à Carcassonne], toutes les fois que ledit seigneur de Mirepoix se trouve astreint ou mandé lui-même de venir participer à la garde de la cité de Carcassonne par notre seigneur roi ou par ses conseillers.
Chevalier in equo armisque, P.P. Gnedych, History of Arts, 1885.
Concernant ce qui a été exposé ci-dessus, [le seigneur de Mirepoix] a dit qu'il en avait été ordonné et jugé par lui autrement que par le présent conseil du seigneur sénéchal ; que la susdite ordonnance avait outrepassé [elle aussi] ce qui était prescrit ; et qu'il maintiendrait fermement le caractère autre, et autrement légitime, de sa propre ligne de conduite (intentio), et quant à l'ordonnance susdite, et quant à la charte issue de ladite ordonnance.
Et pour faire foi de ce qu'il venait de dire, il a produit diverses lettres émanant du conseil dudit sénéchal, et quatre chartes dont il a montré la première page (prima facies).
Et en guise de réponse à ce qui a fait l'objet de la réplique 11 adverse :
Puisque ledit seigneur sénéchal a fait le point sur l'affaire présente, reste maintenant à dire et à entendre le droit sur ce qui résulte des réclamations, propositions 12, et requêtes ci-dessus.
III.4. 15 février 1352. Prononcé de la sentence du sénéchal de Carcassonne
Et le lendemain vendredi (hoc die Veneris crastina) a été assigné à cette fin ; ce jour de vendredi qui fut le quinzième du mois de février susdit, an et [roi] régnant comme dessus ; comparaissant devant ledit consistoire, et devant ledit seigneur sénéchal :
D'une part, les susdits nobles, Jean de Rivière, seigneur de Roquetaillade, en son propre nom ; autre Jean de Rivière, en son propre nom, et en association avec la personne du seigneur Philippe de Rivière, son frère, seigneur de La Serpent ; Guillaume Lestandart, et maître Jourdan Ancelin, procurateur, en tant que procurateur des dits Robert de Rivière et Gassot de Rivière ;
D'autre part, ledit seigneur de Mirepoix, en son propre nom.
Après avoir pris connaissance de ce qui a été dit, réclamé, produit, et requis, et s'être assuré aussi du consentement et de la volonté expresse des parties susdites et de chacun des membres de ces dernières qui s'étaient exprimés directement ou qui l'avaient fait par écrit, le susdit seigneur sénéchal a voulu, décidé, et déclaré judiciairement ce qui suit :
Il va de soi (videlicet) que tous et chacun des nobles susnommés, et à perpétuité leurs successeurs, actuels et futurs, en cas de nécessité relevant des guerres royales et dudit seigneur de Mirepoix, viendront et seront contraints de venir dans les lices du castrum dudit seigneur de Mirepoix, et plus précisément dans la demeure (hospitum qui a été concédée anciennement (ab antiquo) à leurs ancêtres en ce lieu ; et cela, avec leurs chevaux et leurs armes (in equis et armis), conformément à leur état (status) et à ce qui fait la dignité (condecentiade cet état ; et avec leur provisions aussi, celles de tous les vivres (victualia) qui leur sont nécessaires pour vingt jours ; vingt jour pendant lesquels, pour assurer la garde dudit castrum et celle de la personne dudit seigneur de Mirepoix, de son épouse, de ses affranchis, de ses biens, et de ses successeurs quels qu'ils soient, ils seront tenus de rester et de vivre continuellement sur place, en personne, et donc de faire dudit castrum leur lieu de résidence ; et cela, puisque, pour chacun d'entre eux, il en va ainsi de leur condition de nobles, vingt jours durant, à leurs propres frais et dépens (sumptis et expensis) ;
Passé ces vingt jours toutefois, lesdits nobles pourront retourner dans leurs propres lieux ou ailleurs, avec leurs chevaux et leurs armes, sauf si, pour raison de nécessité, ledit seigneur de Mirepoix, ou ses successeurs, veulent les retenir encore afin d'assurer le prolongement de la garde dudit castrum, mais cette fois aux frais du même seigneur de Mirepoix, ou de ses successeurs ;
Et il sera permis audit seigneur de Mirepoix et à ses successeurs de faire de la sorte, autant de fois que cela leur semblera nécessaire, à lui ou aux siens ; et lesdits nobles, en vertu de la volonté et du mandement dudit seigneur de Mirepoix et des siens, seront tenus de rester [dans le castrum] ; mais au-delà de vingt jours, aux frais cette fois dudit seigneur et des siens.
Et, dans les susdites lices dudit castrum, les dits nobles, et leurs successeurs, tiendront toutefois (quidem), à perpétuité et à leurs propres frais et dépens, leursdites demeures (hospitia) en condirecte (condirectas) 13.
Et quand la susdite nécessité cessera, en cas de trêve (treuga) ou autrement, le susdit service devra cesser aussi.
Mais si par fin de la trêve ou autrement, un ou plusieurs cas de nécessité surviennent par an, voire au-delà, chaque fois qu'une telle nécessité surviendra, ces nobles et leurs successeurs, et ceux qui ont partie liée avec eux, seront tenus de rendre et d'accomplir ledit service sous la forme susdite, même si un cas de nécessité continue dure au-delà d'un an. En deça d'un an toutefois, dans un cas de nécessité qui, une fois commencé, se prolongerait de façon continue, seuls vingt jours seront aux dépens desdits nobles, et une fois ces vingt jours passés, les autres jours seront aux dépens dudit seigneur de Mirepoix et des siens, si, en cas de nécessité qui se prolonge, comme dit ci-dessus, ledit seigneur et les siens veulent que lesdits nobles restent, qu'ils fassent leur service, et qu'ils soient tenus de résider en personne dans le castrum, là encore comme dit plus haut.
De plus, concernant l'année entière, en vertu du cas de nécessité pour lequel ils ont été mandés de faire le service susdit, lesdits nobles seront tenus à des dépens réduits à une seule fois par an pour lesdits vingt jours, sauf si le cas de nécessité en vertu duquel ils ont été mandés, cesse, et si un autre cas de nécessité survient, d'évidence pressant (vigens et evidens), auquel cas ils seront tenus d'assurer le service prescrit, sur le mode et dans la forme prévus.
De plus, [ledit seigneur sénéchal] a voulu et ordonné, dans le mode et dans la forme susdits, que, de même qu'ils avaient coutume d'assurer... [lacune], avec leurs chevaux et leurs armes, eux, ou avec le seigneur de Mirepoix, la garde de l'hospitium [l'ensemble des maisons] de Mirepoix ; aujourd'hui et à l'avenir, chaque fois que le cas l'exigera, sur la simple requisition du susdit seigneur de Mirepoix et des siens, lesdits nobles et leurs successeurs fassent et accomplissent le service de garde de ladite cité royale, et cela, nonobstant ce qui a été dit plus haut, à leurs propres frais et dépens ; quant aux maisons (hospitia) qu'ils ont dans la cité de Carcassonne pour la raison susdite, ils les tiendront là aussi en condirecte.
Maison dite « du Chevalier », 54 rue de la Trivalle, Carcassonne ; aujourd'hui transformée en Centre d'Art contemporain.
Cela étant expressément établi et enregistré sous l'auspice de la présente ordonnance, au cas où, à un moment ou un autre, les héritiers ou les successeurs du dit seigneur de Mirepoix, ou ceux qui ont partie liée avec eux, continueraient de se plaindre du factum et du mode de la susdite provision, telle que réclamée auxdits nobles, ou de se plaindre de quoi que ce soit d'autre, ou encore de revendiquer que lesdits nobles soient astreints [à fournir ladite provison] de façon plus stricte, celui ou ces nobles à qui ou auxquels ils continuent de réclamer davantage que ce qui a été fixé par ladite ordonnance, se trouveront dès lors assignés au même statut que celui dans lequel ils se trouvaient avant la présente ordonnance. La présente ordonnance, dans le cas susdit, ne pourra de la sorte nuire en rien ; mais ils pourront se protéger des effets de ladite ordonnance et se défendre au tribunal ou ailleurs, par voie d'une autre ou de plusieurs plaintes, comme celles qui se trouvent rapportées plus haut, et aussi en présence, sur le mode qui a permis l'établissement de la présente ordonnance, ordonnance en vertu de laquelle, dans le cas susdit, aucune des deux parties ne voit son droit ni augmenté ni diminué.
De plus, le susdit seigneur sénéchal a voulu que les nobles signalés absents ci-dessus, et que chacun d'eux, ratifient, approuvent et confirment la présente ordonnance et la totalité de son contenu, s'ils le veulent, dans les jours qui viennent, et qu'ils s'y tiennent inviolablement, et qu'ils l'observent point par point (de puncto ad punctum), puisqu'il appartient à chacun d'eux de répondre à la simple réquisition dudit seigneur de Mirepoix et des siens, ainsi qu'à sa volonté en tous points (multimoda).
Mais au cas où ces nobles absents refuseraient de ratifier la présente ordonnance et son contenu, comme ils se trouvent cependant requis de le faire, le même seigneur de Mirepoix et ses successeurs, en leur propre nom ou par le truchement de leurs officiers, pourront contraindre lesdits nobles absents à ratifier et à observer ladite ordonnance, puisque ceux-ci y sont tenus en vertu des fiefs qu'ils tiennent dudit seigneur ; et ils [le seigneur de Mirepoix et ses successeurs] pourront user pour cela des moyens de la justice, et faire saisir les biens desdits nobles ainsi que ceux des leurs, sur le même mode et dans la même forme qui le leur permettaient déjà auparavant, sachant que la présente ordonnance ne fait à cela aucunement obstacle.
IV. 15 février 1352. Adhésion des deux parties à la sentence de Jean de Cayeu
Et les dites parties et chacun de leurs membres, soit :
● D'une part : ledit noble Jean de Rivière, seigneur de Roquetaillade, en son propre nom ; et maître Jourdan Ancelin, procurateur desdits Robert et Gassot de Rivière ; et ledit Guillaume Lestandart ; et Jean de Rivière, en son propre nom, et au nom de sondit frère ; disant et assurant au nom de Guillaumin (Guillaminus) de Rivière et d'autre Jean de Rivière, après avoir prêté serment corporaliter sur les quatre évangiles de Dieu, qu'ils étaient âgés de dix-huit ans et sans curateur ;
● D'autre part : ledit seigneur de Mirepoix ;
Ont ratifié et agréé cette ordonnance et ce prononcé, et accepté de les observer, là-même expressément, dans leurs modes et formes, et dans les validations et dans les invalidations qu'ils comportent, et de ne pas les contester ni d'y contrevenir, sous l'obligation de leurs biens et de ceux des leurs, — dont ledit maître Jourdan Ancelin en tant que procurateur —, présents et futurs, et promis semblablement sous le sceau de leur bonne foi de renoncer, comme il est en l'occurrence nécessaire, à tout droit de poursuite (cautela) ; et ils l'ont juré sur les quatre saints évangiles de Dieu.
En vertu de ce serment, Guillaumin Lestandart, et Jean de Rivière, coseigneur de La Serpent, ont promis, contrairement aux intentions ou à telle ou telle des intentions qu'il nourrissaient auparavant, en raison de leur minorité ou pour toute autre raison, de ne pas contrevenir à la susdite ordonnance, renonçant par là sciemment et expressément au bénéfice de la restitution intégrale et à tout autre droit de recours par lequel ils auraient pu en appeler contre les décisions susdites, ou s'en prémunir.
Et là encore, ledit seigneur sénéchal, siégeant au tribunal dans ledit consistoire royal, pour mieux rassurer les susdites parties quant à l'application de tout ce qui a été prévu, a enjoint en connaissance de cause à l'intention desdites parties là-présentes, soucieuses de ce qu'une injonction ou une préconisation de ce type ne soit vaine, de tenir pour inviolables et d'observer point par point tous et chacun des articles figurant dans le prononcé ci-dessus.
Et à sa suite, ledit seigneur de Mirepoix a levé librement et sans réserve aucune (sine custu le séquestre et tout empêchement venant de lui, ou d'un mandement de ses conseillers, sur les biens, les castra et les terres des nobles Jean de Rivière, seigneur de Roquetaillade, et autre Jean de Rivière, et Guillaume Lestendart, là-présents en comparution ; et il a voulu que ces biens, castra et terres soient tenus pour inamovibles (pro amotis).
Par toutes et chacune des parties et par chacun de leurs membres, il a été demandé et requis qu'on fasse à leur intention un ou plusieurs exemplaires de l'acte public établi ci-dessus.
[Vu qu'elle ne donne aucun détail sur la présente affaire, la teneur de la procuration donnée à Jourdan Ancelin par les seigneurs ci-dessus dénommés pour se faire représenter et pour agir en leur nom, devant le sénéchal de Carcassonne, n'a pas été transcrite par Félix Pasquier.]
Acté l'an, jour et lieu susdits, en présence des témoins suivants : les seigneurs respectables hommes Bernardus Bone, coseigneur d'Hautpoul (Altopullo), juge criminel du sénéchal de Carcassonne et de Béziers, Ludovicus Vitalis, Guilelmus Benedicti, docteur en droit ; Durandus Rique, Bernardus de Mora, licenciés en droit ; maîtres Petrus Monte regalis (Montréal), Iacobus Podii, Iohannis Sicredi, Michaelis Barriate, Iacobus Sophie, jurisconsulte ; Ade de Barreriis, Bernardus Chamarii, Arnaldus Piquerii, Bernardus de Fonte, Petrus Arnaldi Cugnuhani, Guillelmus Barrerie, Bertrandus Gastagri, notaires de Carcassonne ; et les seigneurs nobles hommes Petrus Abanni, seigneur de Ruppe Seguata (Ruppe Negata, Roquenégade, commune de Pradelles-en-Val ?), Berengarius de Roffiano (Rouffiac-des-Corbières), hommes d'armes ; et maître Ramundus Guitardi, de la cité de Carcassone, notaire investi de l'autorité publique royale, qui, requis à cet effet, a reçu cette ordonnance ; et, en lieu et place de maître Ramundus Guitardi, moi, Arnaldus de Cayssia, notaire, habitant de Carcassonne, qui ai écrit cette charte à titre de protection (ad tuitionem) [des intérêts] de Jean de Rivière et des susdits nobles, qui sont ses consorts.
Et moi, le même Ramundus Guitardi, notaire susdit, j'ai écrit moi-même ici et signé. 14
Cf. Site officiel de la ville de Lanta : « Lanta est située dans les collines du Lauragais à 19 km de Toulouse et 30 km de Revel. C’est un petit village de briques de type toulousain qui, au Moyen Âge, constituait le faubourg du castrum des Hunaud de Lanta, mentionné dans les textes dès 1196 et dont ne persiste aujourd’hui que la motte castrale. L’histoire de Lanta est indissociable de celle de la famille Hunaud, premiers seigneurs de la communauté, présents dans les textes du XIIe au XVIIe siècle. Ces derniers font très tôt partie des grands feudataires de la région, présents dans l’entourage des grandes familles, notamment celle de Comminges, mais surtout celle de Toulouse de laquelle ils sont vassaux, dès 1115. Leur attachement à la cause cathare leur vaut d’être touché par la tragédie de Montségur dans laquelle ils perdront deux de leurs grandes figures, les parfaites Marquesia Hunaud de Lanta, née Fourquevaux, et sa fille Corba, épouse du seigneur de Montségur, Raymond de Péreille. »↩︎
Cf. Christine Belcikowski, À Saint-Sernin, dans l’Aude. Une église champêtre. Un reste de château.↩︎
Sur les familles Lestandart et Riparia, cf. Christine Belcikowski, En marge du compromis de 1307 sur le communal de la rive gauche de l'Hers, quelques notes relatives aux premiers sénéchaux de Mirepoix et autres personnages homologues ; 18 octobre 1272. Plainte de Gui III de Lévis, seigneur de Mirepoix, contre Guillaume de Cohardon, sénéchal de Carcassonne.↩︎
Jean de Cayeu (ou Cayeux), chevalier, seigneur de Sénarpont (Somme), sénéchal de Carcassonne et de Béziers en 1352, né circa 1308, fils de Mathieu de Cayeu (1288-1350), seigneur de Sénarpont, et de Jeanne de Vismes. Jean de Cayeu II (1335-1393), fils de Jean I, marié à Isabeau d'Ailly, seigneur de Cayeu, Vismes et Sénarpont, sera Maître des Eaux-et-Forêts en Ponthieu.↩︎
Lices : enceinte extérieure faite de palissades défendant l'accès des châteaux-forts ; par métonymie, l'espace entre le rempart et cette enceinte.↩︎
On lit « Rassero » dans la transcription du texte latin. Mais ce « Rassero » n'existe pas. Le R initial a sans doute mangé un B. On trouve en revanche dans l'Aude un lieudit anciennement nommé Bassero, qui semble aujourd'hui ne plus exister. Cf. Bassero in « Églises et bénéfices de la ville de Carcassonne, Mémoires de la Société des arts et des sciences de Carcassonne, Carcassonne, L. Pomiès, 1909, p. 100 : [De plus la ville de Carcassonne reçoit diverses quantités de blé des recteurs suivants], « Rectore de Podiocerico, de Curtibus, de Blumaco, de Massilia, de Badinchis, de Aquaviva, de Sancto Joanne de Vilario tinhoso, de Glujano, de Septem Sororibus, de Rusticanis, de Milhano, de Godorio, de Villariduberto, de Vitraco, de Villamoustaussone, de Villagalheno, de Aragone, de Carlipaco, de Sancto Martino, de Rayssaco, de Alsona, de Sancta Eulalia, de Villasicca landa, de Pisinchis, de Mossotinchis, de Caunetis, de Podio nauterio, de Pariete longo, de Mildarijs, de Terminisio, de Cauxio, de Alayraco, de Villasicca bassa, de Corneillano, de Arzinchis, de Villalusca, de Monteregaj, de Amellerio ; de Rebentino, de Villatraverio, de Villanova, de Senesme, de Bassero, de Sanchis, de Monteclaro, de Roffiaco, de Gauro, de Prexano, de Arturano, de Rollenchis, de Valleta, de Villa alba, de Sancto Fructuoso, de Bolhonaco, de Villagaleno, de Banholis, de Villaterio, de Conchis, de Azaco, de Villaraza, de Vico, de Sallelis, de Ventenaco, de Sauzinchis, et Rector de Monterotundo pro Ecclesia de Brucafellis » ; p. 126 : « décimaire de Bassé [Saint Jean del Bassé), près de Montréal ».↩︎
Die Iovis proxima, infra feriam... Un article intitulé Introduction aux usages chronologiques du monde latin médiéval, § Désignation des jours, indique à peu près comment il faut comprendre cette curieuse formulation.
↩︎Factum : récit de l'une des parties, destiné aux juges, exposant sommairement les faits d'un procès ; mémoire exposant les détails d'un procès, reproduit en plusieurs exemplaires. Synonyme usuel : mémoire.↩︎
Roi de France.↩︎
Cf. supra II.2 : Nullus suis propriis stipendiis militari cogatur, nisi aliud rationabile obsistat, « Nul ne sera contraint de céder ses propres moyens militaires si ce n'est pour quelque raison supérieure ». Jean II de Lévis retourne ici la règle à son avantage : là où les plaignants nobles prêtaient à la défense de la cité royale de Carcassonne le statut de « raison supérieure », Jean II de Lévis prête, lui, le statut de « raison supérieure » à la défense de son castrum de Mirepoix.↩︎
Replica, réplique (droit) : Iterata defensio, refutatio, responsio (Du Cange) ; aujourd'hui, en procédure civile, réponse donnée par écrit à une interrogation formulée par la partie adverse conformément à la procédure en cours ; interrogation qui peut faire elle-même suite à une précédente réplique.↩︎
Propositio : énoncé d'un cas de controverse.↩︎
Hospitia... condirectas, demeures tenues en condirecte : à titre de propriétaire direct, en toute propriété.↩︎
Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome 2, Toulouse, Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1921, pp. 374-402. Traduction et annotations Christine Belcikowski.↩︎