Comme une bulle d'air, un mot

Rédigé par Belcikowski Aucun commentaire
Classé dans : Poésie Mots clés : aucun

Monte de l’eau du sommeil,
— dès potron-jaquet,
l'heure où Jaquet, l'écureuil,
montre son potron, son derrière —
au sortir d’un rêve oublié,
comme une bulle d'air, un mot,
un mot
qui, sourd à la rumeur des nouvelles
et au grondement de la route,
s'attarde,
et résiste à la machinalité du matin,
et ne laisse pas de te suivre
quand tu sors,
et quand tu fais peser tes légumes pour la soupe
du soir sous la lampe,
et quand tu dépose ton habitude
à la terrasse d'un café
pour lire une pagine de ton cher Parménide,
qui est dans le sac avec les poireaux,
et il surgit de la page,
le mot,
avec un cri de flûte,
δ' ἐν χνοίῃσιν ἵει σύριγγος ἀυτήν 1,
et voilà que le mot du cri de flûte,
σύριγγος, la syrinx,
s'attache à mon mot, et qu'ainsi flûté,
mon mot commence d'en attirer d'autres
qui le suivent et s'accrètent et destinent ainsi,
dans leur sillage, ouvert sans moi,
jamais fermé,
l'aventure du texte,
du poème, si l'on veut,
bien que la loi du genre, ici,
pèse trop lourd, trop vieux,
lustucru, d'après moi,
et que, de potron-jaquet en potron-minet,
c'est toujours de l'histoire secrète de nos petites pensées,
drôles de pensées 2,
qu'il s'agit,
agit.

Respire !


  1. Le poème de Parménide, 1. Traduction de Paul Tannery ; 2. Texte grec, v. 6. Σύριγγος, la syrinx, c'est la flûte de Pan.↩︎

  2. À propos des drôles de pensées, voir Christine Belcikowski, La fin de Leibniz.↩︎

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