Il neige
Le temps ralentit, le disque grésille,
il neige.
Jadis abracadabra il neigeait des fleurs
sur la scène rose et verte du Théâtre Magique.
Aujourd’hui, cals flors ?
Neus, gels e conglapis
Que cotz e destrenh e trenca 1
Aujourd’hui, il neige des aiguilles,
des aiguilles de froid,
qui s’anguillent dans l’anguste
de l’écharpe.
Ad augusta per angusta.
Souviens-toi de la belle ci-devant
qui monte à l'échafaud à la bravade
et perd la tête hop-là !
d'un coup, sous le tranchant, éclair !
de la lame.
Vois, dans le miroir,
sous l'obscure commination de la rampe lumineuse,
les cous blancs, ployés, sans tête,
sur le gouffre du bac à shampoing.
Oh ! les cygnes !
Il neige des cygnes,
des signes plutôt,
des signes de l'auguste qui vient,
des signes du destin des métamorphoses,
la flors s'inverse,
le monde se renverse.
— Du noir au blanc, du blanc au rouge,
pur feu,
dit le vieil alquemiste,
il reste un sel
aussi diaphane que le cristal.
Ce grain précieux est l'or des Philosophes. 2
Entends comme la neige craque
sous ton pas.
22 janvier 2023
« Quelle fleur ? Neige, glace et givre / qui brûle, point et tranche ». Extrait de La flor enversa, canso du troubadour Rimbaut d'Orange, « seingner d'Aurenga e de Corteson e de gran ren d'autrez castels », né entre 1140 et 1145 à Orange et mort le 10 mai 1173 à Courthézon. Cf. Christine Belcikowski, La flors enversa.↩︎
Le Règne de Saturne, changé en siècle d’or, S. M. I. S. P., ou le Magistère des sages, qui a été tenu secret jusqu’à ce jour, et que l’on publie maintenant en faveur des enfants de la science, le tout traduit du latin d’Huginus à Barma, Paris, chez Pierre Derieu, 1780, p. 185.↩︎