En février 1307, compromis forestier entre les consuls de Mirepoix et le commandeur d'une maison du Temple

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Vue ancienne du château de Mirepoix, dit aujourd'hui chateau de Terride ; sans date.

Datée du 25 février 1307, la charte traduite ci-dessous rend compte d'abord du différend qui oppose en novembre 1306 les consuls de Mirepoix au commandeur de la métairie de Comegoude, près d'Escueillens, concernant l'usage des bois situés près de la dite métairie ; puis des différentes étapes de l'élaboration du compromis envisagé par deux arbitres ou conciliateurs amiables ; et enfin de la publication dudit compromis, décrété le 25 février 1307 par les deux arbitres ou conciliateurs amiables, avec la participation de Jean Ier de Lévis, seigneur de Mirepoix.

La charte traduite ci-dessous fournit un remarquable exemple de la procédure que doit respecter l'établissement foret 1 d'un compromis au début du XIVe siècle. Certes il ne s'agit pas là d'un acte de droit public, mais le compromis, en tant qu'acte de droit privé, demeure soumis, lui aussi, à des règles précises, héritées du droit romain et dont Ulpien au IIIe siècle av. J.-C dans ses Institutes , puis l'empereur Justinien, en 530 apr. J.-C dans son Digeste, fournissent la leçon restée indépassable 2.

Au décours de cette charte, on a loisir de mesurer combien l'usage des bois, nemores, et celui du bois, lignum, importe à des titres divers aux deux parties « compromettantes ».

On a loisir de mesurer aussi ce qui fait auprès de la paysannerie du début du XIIIe siècle l'impopularité de l'ordre du Temple. Celui-ci, en raison de l'intense activité de défrichement et de mise en culture qu'il déploie à l'entour des villages, tend à ruiner, ou au moins détourner à leur profit, la ressource dont les paysans ont besoin pour se bâtir et se chauffer, et pour faire paître leurs bêtes. D'où l'antipathie qui perce à leur endroit jusque dans le verbal du compromis prononcé en présence de Jean Ier de Lévis par les « seigneurs arbitres et conciliateurs amiables ».

On mesurera enfin le poids de l'amende encourue par les deux parties compromettantes, au cas où quelqu'un par la suite violerait ledit compromis.

* * *

*

I. Novembre 1306

L'an du Seigneur 1306, le seigneur Philippe illustrissime roi des Français régnant, huitième jour des ides de novembre, au décours du présent document, il se trouve porté à la connaissance de tous et chacun qu'une question juridique ayant fourni matière à débat et conflit entre les honorables (discreti) Raimundus de Arcisio, Petrus de Mazeriis, Arnaldus Terrene, et Spinosus Audivini, consuls de la ville de Mirepoix, parlant en leur propre nom et au nom de la communauté des habitants de la susdite ville et de chacun d'entre eux d'une part, et un religieux, le frère Iohannes de Monte Regali [Montréal], commandeur (preceptor) de la maison du Temple de Mirepoix 3 et de Nogareda [La Nogarède] 4, parlant en son propre nom et au nom de sadite commanderie (sue preceptorie d'autre part, au sujet de la propriété, de l'usage et de la saisine ou du droit de coupe du bois et de dépaissance, et de n'importe quelle autre sorte d'usage et d'exploitation du bois dans les bois ou autres lieux boisés voisins de la grange ou de la métairie (boharie) de ladite maison du Temple, appelée Comagoda [Comegoude], les deux parties, représentées dans les tractations par des personnes de bonne volonté, aspirant à la paix et à la concorde, se sont entendues gracieusement et de bon cœur sur un compromis, dont évidemment l'honorable Raimundus de Arcisio, et Petrus de Mazeris et Arnaldus Terrene, et Spinosus Audivini, son co-consul, parlant pour eux-mêmes et aussi au nom de la dite communauté des habitants de la ville de Mirepoix et de chacun d'entre eux que la présente négociation concerne ou pourrait concerner dans le futur, et ledit frère Iohannes, commandeur susdit, parlant en son propre nom et et au nom de ladite commanderie et au nom de tous ceux de son ordre que la présente négociation concerne ou pourrait concerner dans le futur évidemment aussi.

En présence de deux témoins arbitraux, soit l'honorable Bernardus de Berga, de Mirepoix, choisi par les consuls susnommés, et le frère Guillelmus de Castro Novo, camérier de la maison du Temple de Bozenchis [ou Dozenchis, Douzens, Aude], témoins (arbitri) tenus tous deux ici pour arbitres (arbitrores) en tant que conciliateurs amiables (amicabiles compositores), lesdits compromettants (compromittentes) ont donné et concédé aux dits arbitres et conciliateurs amiables, général et plein et libre pouvoir de régler la question invoquée ci-dessus en s'informant et s'enquérant des effets subséquents (tangentes) de ladite question, et le pouvoir d'en finir avec cette question en éclairant, interprétant et prononçant quant à la qualité des parties, citées ou non citées (citatæ), ou l'une citée et l'autre non citée, présentes ou absentes, ou l'une présente et l'autre absente, contumace ou autre ; et quant à la règle du droit ayant été observée ou non, ou partiellement observée, ou partiellement non observée, ou simultanément (simul) ou alternativement (divisim) négligée ; et quant à la valeur de ce que les deux parties avaient alternativement déclaré ; au point que lesdits arbitres avaient renoncé à prononcer tout verdict, demeurant et siégeant là, à toute heure, sur place, jour de fête ou pas jour de fête, une fois ou plusieurs fois ; et de cette façon, jusqu'à ce que la forme et la voie qu'il leur semblait devoir suivre, et l'objectif (visum) visé par eux se fussent enfin découverts.

Et lesdits compromettants ont promis aux témoins arbitraux susnommés de tenir, d'inviolablement observer, de pleinement appliquer, et de faire en sorte que soit tenu, observé et pleinement appliqué ledit compromis par tous ceux au nom desquels le susdit compromis aura été passé, et ce, quoi qu'il en soit de ce qui aura été édicté, déclaré, défini, interprété, jugé et prononcé d'une façon ou d'une autre, comme dit plus haut, par lesdits seigneurs témoins, arbitres et conciliateurs amiables, d'un commun accord et en même temps, quant à ladite question et aux effets subséquents de cette dernière.

Mais au cas où les deux témoins arbitraux, ou susdits conciliateurs amiables, ne pourraient unanimement convenir d'une décision (pronuntio), d'un éclaircissement (declaratio) ou d'un jugement (difinitio) dans l'affaire susdite, ou encore au cas où ils renonceraient à prononcer leur verdict, les commettants ont voulu et expressément concédé aux témoins arbitraux susnommés que le seigneur noble et puissant homme Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, en son propre nom, et sans nul témoin, ni avocat, ni arbitre, ni conciliateur amiable, puisse juger de ladite question et de ses effets subséquents, éclairer, interpréter et déterminer, de façon préalablement informée ou non, la forme et la voie qu'il lui semblera devoir suivre, et l'objectif par lui visé.

Et les susdits compromettants ont promis de tenir, inviolablement observer, et obtenir que soit tenu et observé et effectivement appliqué le susdit compromis par tous ceux au nom desquels le susdit compromis aura été passé, et ce, quoi qu'il en soit de ce qui aura été édicté, statué, déclaré, jugé, ou interprété et ordonné quant à l'affaire susdite par lesdits seigneurs témoins, arbitres et conciliateurs amiables, d'un commun accord et en même temps, ou par ledit seigneur en son propre nom, sous peine de deux cents marcs d'argent à payer par les parties compromettantes susnommées, amende (pena) solennellement stipulée, et promise et donnée à payer par roulement, et à la partie récalcitrante, qui refuserait d'obéir au compromis souscrit par l'autre partie, et à cette autre partie qui obéirait audit compromis. Au cas où il faudrait payer cette peine, s'il y a compromis entre les deux parties, lesdits consuls obligeront tous les biens de ladite communauté et de chacun de ses membres, et ledit commandeur tous les biens de sadite maison et de ceux au nom desquels il aura passé compromis.

Les compromettants susnommés ont voulu cependant et concédé que la peine susdite, si elle se trouve infligée à l'autre partie, puisse être exigée et levée, et que, une fois ladite amende exigée, réclamée ou non, et payée ou non, tout édit, prononcé et déclaration, ou ordonnance des dits arbitres ou du seigneur de Mirepoix lui-même, n'en vaillent pas moins et continuent à valoir et doivent continuer à valoir à l'endroit de ladite amende, et que le pacte doive demeurer fermement ratifié, et qu'il ne doive souffrir ensuite aucune action en justice ni exception. Et sur ce point, les susnommés compromettants ont renoncé au droit de dire à propos du compromis en question : Placet actionem et exceptionem non nasci, sed pene petitionem , « Il nous plaira de ne point faire naître d'action ni d'exception, mais seulement la peine. »

Les compromettants susnommés ont promis aussi, conformément à la recommandation et à l'ordonnance du seigneur de Mirepoix, de faire homologuer approuver ratifier et confirmer par tous ceux au nom desquels ils ont passé compromis, le présent compromis et l'édit et le prononcé et la déclaration desdits arbitres et dudit seigneur de Mirepoix lui-même, afin qu'une fois conclu, ce compromis soit observé pour toujours et jamais violé, ou qu'il ne souffre pas de rupture ni de rétractation à l'avenir ; et il va sans dire que lesdits consuls de la communauté et de chaque personne de Mirepoix doivent y suffire, et que ledit commandeur des Frères dudit ordre, ou les supérieurs dudit commandeur, doivent y suffire eux aussi.

Les susnommés compromettants ont voulu encore et concédé que le présent compromis et le pouvoir (potestas) desdits arbitres et celle du seigneur de Mirepoix lui-même dureraient jusqu'au premier jour du Carême, étant acté toutefois et arrêté que ledit seigneur de Mirepoix disposerait lui aussi du pouvoir attribué aux dits témoins arbitraux pendant tout le temps nécessité par l'établissement dudit compromis, et ce, jusqu'à la fête suivante qui est celle de la Pâque du Seigneur, date à laquelle, au cas où les parties n'auraient pas fait appel, il pourrait encore, s'il lui en plaisait ainsi, faire valoir une prorogation. Et les susnommés compromettants ont renoncé à toute exception de dol et de fraude, et cela dans la procédure même (in factum) ; et ils ont renoncé à tout droit d'appel et de recours à un arbitre bon homme ; et ils ont renoncé à tout secours et bénéfice du droit, dont ils auraient pu se saisir pour briser ledit compromis ou se rétracter, ou agir encore de façon autrement contraire.

Témoins de tout cela ont été le seigneur Andréas Deulesal, docteur en droit, maître Guillelmus de Gozenchis, maître Petrus Auroili [Aurioli ?], jurisconsulte, maître Micahel Marie, procurateur du seigneur de Mirepoix, Raimundus de Marcunhio, damoiseau, maître Iordanus de Vallibus, jurisconsulte de Pamiers.

Après cela, l'an que dessus 5, un dimanche de Carême, ayant comparu ensemble dans le castrum de Mirepoix le seigneur noble homme Jean de Lévis, susdit seigneur de Mirepoix, l'honorable homme frère Iohannis de Monte Regali [de Montréal], commandeur susdit, d'une part, parlant en leur propre nom et au nom de ceux que dessus, et les honorables hommes Spinosus Audivini, Petrus de Mazeriis, Raimundus de Arcisio, et Arnaldus Terrene, consuls de Mirepoix, parlant en leur propre nom et au nom de ceux que dessus, d'autre part, comme non seulement lesdits seigneurs témoins et arbitres, ou conciliateurs amiables, mais aussi le susdit seigneur de Mirepoix, tous occupés à de multiples affaires, n'avaient pas eu le temps d'arrêter leur décision ni de la prononcer dans l'affaire en question, le même seigneur de Mirepoix, ainsi que les susdits arbitres, conformément à l'autorité et au temps qui leur avaient été accordés par les deux parties, et en vertu de la volonté exprimée par lesdites parties susdites dans le mode et la forme dudit document de compromis, se sont vu accorder et concéder un délai (tempus) dans l'exercice de leur autorité arbitrale et dans la publication dudit compromis ; et afin que le compromis en question puisse être complété et promulgué, ce délai a été prolongé jusqu'au premier jour de la semaine qui précède la fête de la Pâque du Seigneur.

Après avoir consenti à cette prorogation, les deux parties, en connaissance de cause et de façon expresse, mode et forme et conditions ayant été précisés et complétés de nouveau, par précaution, dans ledit document de compromis, ont concédé auxdits seigneurs témoins, arbitres et conciliateurs amiables, ainsi qu'au seigneur de Mirepoix lui-même, en connaissance de cause et de façon expresse, qu'ils puissent passer compromis et exercer ainsi leur autorité arbitrale, pleinement et de façon expresse, dans l'établissement dudit document de compromis. L'amende (pena) prévue dans ce compromis a été solennellement stipulée et promise aux parties compromettantes, dans le mode et la forme qui sont ceux du susdit document de compromis, et elle a été maintenue sous l'obligation de renoncement [à tout droit d'appel] et [à tout droit] d'exception, comme dit plus haut.

Témoins de cela ont été Philippus de Riparia, homme d'armes, maître Michaei Marie, le seigneur Andréas Deulesal, de Mirepoix, docteur en droit.

II. 25 février 1307

Après cela, l'an que dessus, le mardi après la fête de saint Matthieu apôtre 6, le religieux et honorable frère Guillelmus de Castro novo, camérier de Dozenchis [Douzens], et l'honorable Bernardus de Berga de Mirepoix, susdits témoins, arbitres et conciliateurs amiables, assumant gracieusement ledit arbitrage, voulant rappeler les deux parties à la paix et à la concorde, choisissant dans cette affaire la voie de la paix et de la concorde, voulant en terminer avec ladite question et ainsi l'éclaircir et la désencombrer (amputare) de toute matière à débat, ont procédé ainsi au règlement de la transaction et du débat susdit ; ont voulu, dit et prononcé lesdits seigneurs arbitres, ou conciliateurs amiables :

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1. Que le lieu boisé, plus exactement cette genévrière genièvreginebreria [voir la discussion sur ce mot dans les notes ci-dessous], qui se trouve en dessous du chemin qui s'ouvre entre la vigne de Philippus Gozini et celle d'Arnaldus Malolli et qui court vers la ville de Scallex [Escueillens, Aude], dans la mesure où il sera borné et limité, soit et doive être pour toujours dédié à l'usage de la dépaissance et de la coupe du bois, et au droit de coupe et de dépaissance, ainsi qu'à tout autre usage, et ce, au profit de ladite communauté de la ville de Mirepoix et de chacun des membres de cette dernière.

2. De même lesdits seigneurs témoins, arbitres et conciliateurs amiables ont voulu dit et prononcé et sententié que tout le bois, ou lieu boisé appelé la Brogassa 7, avec toutes ses dépendances, où qu'elles soient et de tous droits, soit et doive être pour toujours à usage de dépaissance et de coupe et taille du bois qu'on emporte soi-même ; cet usage devant être perpétuellement observé de façon librement volontaire, ou autrement pratiqué et mis à profit par ladite communauté de la ville de Mirepoix et par ladite communauté de la ville de Mirepoix et de chacun des membres de cette dernière.

3. De même lesdits seigneurs arbitres et conciliateurs amiables ont dit voulu et prononcé et sententié que la totalité du bois, ou du lieu boisé appelé Faiagarn 8, avec toutes ses dépendances et droits, contigu au susdit bois de Brograssa, soit semblablement et doive être pour toujours à usage et droit de taille et coupe du bois qu'on emporte soi-même, et à usage et droit de dépaissance aussi, et ce, quoi qu'il en soit de tel mode d'exploitation ou autre, au profit de ladite communauté de la ville de Mirepoix et de chacun des membres de cette dernière.

4. De même lesdits seigneurs arbitres et conciliateurs amiables ont dit voulu et prononcé qu'il n'était pas dans leur intention, via ce qui avait été dit, ordonné et sententié par eux, de permettre que le commandeur, celui qui l'est aujourd'hui ou celui qui le sera dans le futur, puisse faire arracher (amputare) pour lui ou pour quelqu'un d'autre, afin de les mettre en culture, lesdits bois, ou les lieux boisés adjudiqués plus haut à ladite communauté de Mirepoix et à chacun de ses membres pour la dépaissance et la coupe du bois ; mais qu'il avait voulu et eu pour visée de l'en empêcher, lui et sadite maison ; et qu'il n'était pas dans son intention non plus de permettre que le bois d'une partie desdits bois, qui été arraché et rompu et déménagé ailleurs par le susdit commandeur, ou par quelqu'un en son nom, appartienne et doive appartenir au commandeur qui a arraché ou fait arracher ledit bois ; et qu'il n'était pas non plus dans son intention que le commandeur d'aujourd'hui ou celui qui viendra puisse faire paître ses bêtes dans lesdits bois, comme les hommes de la communauté susdite.

5. Et ils réserveront aussi audit commandeur, celui d'aujourd'hui ou celui qui viendra, que s'il arrive que lesdits bois ou lieux boisés soient coupés par quelques hommes de ladite communauté, le même commandeur ou celui qui viendra, comme d'autres de ladite communauté, puisse là couper les mêmes bois et les emporter par devers lui et en appliquer l'usage à son hospice (hospicium) ; ayant été acté et retenu cependant que, si ladite communauté veut vendre la totalité du taillis (tallivus) et des susdits bois, ou appliquer ce bois à l'usage de la communauté, ou le transformer, dans ce cas ladite communauté ou les consuls dudit lieu pourront le faire sans licence dudit commandeur, et indépendamment de la volonté de ce dernier ; et tout prix, émolument ou profit tiré de ce bois sont et devront revenir en totalité à ladite communauté ; auquel cas il ne sera autorisé ni au commandeur et aux siens, ni au commandeur qui viendra, de rien couper.

6. De même lesdits seigneurs témoins, arbitres ou conciliateurs amiables ont voulu sententié et prononcé que les autres bois, soit les lieux boisés voisins de la métairie ou de la grange de Comagoda [Coumegoude], autrement dit le bois nommé La Talhada [La Taillade] 9 et le bois appelé Lafaia [Lafage] 10, et le bois contigu à ladite grange ou métairie, situé sous le bord dudit chemin qui court vers la ville de Scallenchis [autre graphie de la même ville d'Escueillens], avec toutes ses dépendances et droits, soient et doivent être pour toujours audit seigneur commandeur et à sadite maison ; et que ledit seigneur commandeur puisse perpétuellement surveiller et défendre lesdits bois de l'usage de quelqu'un d'étranger qui voudrait y couper du bois ou y faire paître des bêtes, ou autrement les exploiter ; et à partir de là que ledit seigneur commandeur puisse y faire pleinement montre de sa volonté, sans contradiction aucune ni empêchement venu de la susdite communauté ni d'aucun de ses membres.

7. De même lesdits seigneurs témoins, arbitres ou conciliateurs amiables, ont dit voulu et posé en principe à l'intention des susdites parties compromettantes là présentes qu'après avoir ratifié et homologué et confirmé leur prononcé et leur sentence, elles devront s'y tenir et les observer à perpétuité et les faire appliquer, et qu'il en va de même évidemment pour le commandeur, maître provincial de la maison du Temple, et pour lesdits consuls de la communauté de la ville de Mirepoix et pour tous ceux de ladite communauté, qui se sont trouvés satisfaits du compromis ci-dessus.

8. Tout cela a été fait et pleinement accompli par lesdits seigneurs témoins, arbitres ou conciliateurs amiables, avant la fête de la Pâque du Seigneur, qui arrive bientôt, et préconisé aux deux parties en vertu de l'autorité qui leur a été concédée par cesdites parties, et sous la peine de l'amende édictée dans ledit compromis.

9. Mais concernant les autres questions et controverses qui existaient et avaient pu exister entre les deux parties jusqu'au jour présent au sujet des dits bois ou lieux boisés, imposant auxdites parties un silence perpétuel, les dits seigneurs témoins, arbitres et conciliateurs amiables ont protesté de ce que, par les avis, sentences et prononcés ci-dessus, ils n'entendaient aucunement déroger au droit dudit seigneur de Mirepoix ni à sa juridiction, et que ce qu'ils avaient dit et prononcé laissait en réalité (inre) le droit du seigneur et des siens en tous points sauf.

Cela a été acté dans le castrum de Mirepoix, en présence des témoins qui suivent : le seigneur noble et puissant homme Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, Micahelis Marie, procurateur du même seigneur de Mirepoix, le seigneur Andree Deulesal, docteur en droit, maître Petrus Terrene, Guillelmus Marie, notaire de Mirepoix, et moi, Bertrand de Mazeris, notaire public de la ville et de la terre de Mirepoix, qui, ayant été présent à tout qui se trouve enregistré ci-dessus, et requis à cet effet, ai recueilli et écrit cette charte et l'ai signée de mon seing.

Ceci est la transcription dudit document dans ce livre, écrite mot à mot par moi, Guillelmus Helye, notaire public de Mirepoix. 11


  1. Foret, adverbe latin, d'emploi usuel dans la langue juridique médiévale : conformément au règle du droit, de façon juridiquement valable. Forgé à partir de for,is : tribunal.↩︎

  2. Cf. J. Roussier, « Du compromis "sine poena" en droit romain classique », in Revue Historique de Droit Français et Étranger, (1922-), quatrième série, vol. 18 (1939), pp. 167–205.↩︎

  3. En 1207 déjà, l'ordre du Temple aurait été propriétaire d'une maison à Mirepoix. Cf. Raimonde Reznikov, Cathares et Templiers, Portet-sur-Garonne, Éditions Loubatières, 1991, p. 14 : « Le domaine des Templiers devait être assez conséquent, puisqu'il comprenait une maison dans la ville [Mirepoix], une ferme à Coumegoude au milieu des bois d'Escueillens et de la Brougade, une église dédiée à Saint Martin, et deux moulins sur la rivière ». Dans sa charte de 1207 en tout cas, Pierre Roger de Mirepoix mentionne localem militie de Comagoda, « le lieu de la milice de Comegoude » et le comprend dans les termini, les limites de la terre de Mirepoix. D'après l'hypothèse de Jacques Gironce, ce lieu autrement nommé Comegeride, ou Combenas, ou Le Coubenas, se serait situé entre Saint-Aulin et la métairie de Cathery.↩︎

  4. La Nogarède, nom d'une maison templière située à proximité de Pamiers, ensuite appelée La Cavalerie.↩︎

  5. Attention ! Au début du XIVe siècle encore, l'année civile et religieuse commence à Pâques. La fête de Pâques tombe en 1307 le 26 mars.↩︎

  6. Même si l'on fête aujourd'hui Saint Matthieu plutôt le 21 septembre, Saint Matthieu se fêtait jadis le 23 février, et il le reste canoniquement, puisque le Vatican publie chaque année à cette date une page de son évangile. Cf. Vatican News, Parole du jour.↩︎

  7. La Brograssa : la Brougasse, bois de nom aujourd'hui oublié, ou disparu.↩︎

  8. Faiagarn : bois de hêtres et garenne, de nom aujourd'hui oublié, ou disparu.↩︎

  9. La Talhada : La Taillade, bois aujourd'hui oublié, ou disparu.↩︎

  10. Lafaia : Lafage, bois de hêtres difficile à situer, car les bois de hêtres sont nombreux dans la région, et l'usage du toponyme Lafage très commun.↩︎

  11. Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome II, Éditions Privat, Toulouse, 1921, pp. 88-95. Traduction Christine Belcikowski.↩︎

5 commentaires

#1  - Gironce Jacques a dit :

J'ai constaté, d'après les écrits de Félix Pasquier, et je le cite dans mon ouvrage, que le village audois d'Escueillens n'est pas concerné dans cette affaire. Celui-ci, en 1307, était déjà attribué à la baronnie de Lapenne. Il ne relevait donc plus (depuis peu), de la seigneurie de Mirepoix.
Toute cette affaire est bien à situer dans les bois de Comagoda, au nord de Mazerette. La ville d'Escueillens, citée dans le texte est le lieu de la métairie ou grange fortifiée des Templiers. Il est intéressant de constater ce caractère défensif qui donnait, à l'époque, l'appellation de "ville". Bien sûr la chausse-trappe audoise est tentante.

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#2  - Belcikowski a dit :

Dont acte, Jacques.
Mais comment comprenez-vous alors cette phrase relative aux bois attribués aux Templiers ?
« et cetera nemora, seu loca nemorosa vicina dicte boharie seu grangie de Comagoda, videlicet nemus vocatum la Talhada, et nemus vocatum Lafaia, et nemus contiguum dicte grangie seu boharie subtus usque ad viam predictam, qua itur versus villam de Scallenchis »
« Et d'autres bois, ou lieux voisins de ladite métairie ou grange de Coumegoude, et bien sûr le bois appelé la Taillade, et le bois appelé Lafage, et le bois contigu à la dite grange ou métairie sous le susdit chemin qui va vers la ville d'Escueillens. »

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#3  - Jacques Gironce a dit :

Je crois tout simplement que ces lieux-dits, dont les noms sont aujourd'hui disparus, étaient des confronts plus ou moins mitoyens ou éloignés de Coumegoude (la combe gothe).
Mais, par vérification, il faudrait cerner une éventuelle présence du Temple à cette période à Escueillens, Aude... Je n'ai plus envie d'aller à Carcassonne, pour cela.

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#4  - Henri Rumeau a dit :

Bonsoir Christine,
Merci encore pour tout ce que apprenons en te lisant.
Il me semble qu'en occitan genèbre ou ginèbre désigne un endroit planté de genévriers et non de genêts.
Bien amicalement

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#5  - Belcikowski a dit :

Merci de ta remarque, Henri
Tu as raison. Recherche faite, serrée, le Moyen Âge dit genista pour le genet, et genebraria pour le genièvre. Ce qui m'a trompé, c'est de trouver dans le latin classique juniperus pour genièvre. C'est alors que je me suis rabattue sur genet. J'adore en apprendre un peu plus tous les jours.
Amitiés,
Christine

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