En juillet 1305, charte de délimitation des juridictions entre le fief de Mirepoix et celui de Paissels

Rédigé par Belcikowski 2 commentaires
Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

À sa mort, en 1301, Gui III, père de neuf fils, laisse un vaste héritage. On ne s'intéressera ici qu'à l'héritage des quatre fils de Gui III nommés dans la charte de 1305 traduite ci-dessous.

Entré dans l'ordre des Frères Mineurs, Gui de Lévis, fils aîné de Gui III, ne prétend à rien pour lui-même. Jean Ier de Lévis, fils cadet de Gui III, hérite de la seigneurie de Mirepoix. Eustache (Hestachius) de Lévis, sixième fils de Gui III, hérite d'une partie de la seigneurie de Florensac (Hérault). François de Lévis, septième fils de Gui III, hérite de la seigneurie de Montségur, qui comprend, entre autres, à proximité de Mirepoix,le fief de Paissels.

De la contiguïté entre la seigneurie de Mirepoix et celle de Montségur naît le différend qui oppose Jean Ier de Lévis et François Ier de Lévis à propos de la contiguïté qu'entretiennent à plus petite échelle le territoire de la ville de Mirepoix et celui de la « ville », au vrai du village de Paissels. Datée du 11 au 15 Juillet 1305, la charte traduite ci-dessous vient mettre fin à ce différend. On remarquera toutefois la discrète réserve ou l'arrière-pensée qui se trahit dans le ni(c)hilominum de la formule suivante : easdem limitationes pro se et suis nichilominum approbantes et confirmantes, voluerunt, « ne laissant pas d'approuver et de confirmer ces limites en leur propre nom et en celui des leurs, ils ont voulu »,  formule dans laquelle le nihilominus latin signifie « en rien moins, pas moins, néanmoins, pourtant ».

Quoi qu'il en soit de la délimitation territoriale enregistrée dans la charte ci-dessous, on aura tout loisir, si l'on habite Mirepoix, d'aller découvrir par les pieds le paysage dans lequel Philippe de Riparia, homme d'armes, sénéchal de la terre du seigneur de Mirepoix, et Thome de Salesio, damoiseau, sénéchal de la terre du seigneur de Montségur, ont posé et vérifié en juillet 1305 les bornes de pierre destinées au signalement des limites respectives de la seigneurie de Mirepoix et de la seigneurie de Montségur.

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L'an du Seigneur mille trois cent cinq, régnant Philippe roi des Français, le cinquième jour des ides de juillet, il a été annoncé à tous, présents comme futurs, que, matière à débat (quæstio) s'étant soulevée entre le seigneur noble homme Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, d'une part, et le damoiseau (domicellus) noble homme François de Lévis, seigneur de Montségur, d'autre part, à propos des limites des villes de Mirepoix et de Paissels (Paxellis), qui sont contiguës, sur les délimitations et les bornes de ces villes.

Et donc, après avoir traité de la question avec d'autres nobles hommes, leurs amis, lesquels se sont empressés d'intervenir et de se tenir au fait de ladite question, les deux nobles hommes, désireux, comme ils l'ont dit, d'en finir avec ce qui faisait matière à débat et discorde, ont donné et concédé, d'un cœur libre, en totalité et à titre gracieux, pleine et entière licence et pouvoir au seigneur noble homme Philippe de Riparia, homme d'armes, sénéchal de la terre dudit seigneur de Mirepoix, et à Thome de Salesio, damoiseau, sénéchal de la terre dudit seigneur de Montségur, présents et agréés en tant que tels dans leur présence, qu'ils puissent établir et faire valoir lesdites limites des villes susdites et, puisque celles-ci sont contiguës, de les périmétrer, borner, séparer, et aussi d'en déterminer [la forme] (designare) conformément à la volonté seigneuriale [suam voluntatem,), dans la mesure où il appert qu'on pouvait compter sur leur discernement (discretio) pour le faire.

Telle limitation, tel bornage, tel paramétrage et telle configuration, ainsi qu'ils ont été faits par lesdits nobles concernant lesdites limites, les mêmes nobles, soit le seigneur de Mirepoix et le seigneur de Montségur les ont ratifiés et agréés et confirmés et validés, en leur propre nom et au nom de leurs successeurs, et ils ont promis de les observer à perpétuité, sans fraude, et de s'y tenir, de les conserver et de les appliquer pleinement, sans y contrevenir en rien, de bonne foi.

Tous témoins ont été frère Guido de Levis, de l'ordre des Frères Mineurs, maître Guillelmus de Gozenchis, jurisconsulte, le seigneur Robertus de Riparia, homme d'armes, Hestachius de Levis, damoiseau, maître Micahel Marie, procurateur dudit seigneur de Mirepoix, Bernardus de Bergua, Theobaldus Marescalli, Petrus Terrene, notaire de Mirepoix.

Après cela, l'an que dessus, la veille des ides de juillet, les nobles susnommés, soit le seigneur Philippus de Riparia, homme d'armes, sénéchal de la terre dudit seigneur de Mirepoix, et Thome de Salesio, damoiseau, sénéchal de la terre dudit seigneur de Montségur, répondant ainsi à la demande pressante de l'autorité commanditaire, désireux de rendormir (sopire) le débat susdit, et voulant aussi déterminer et configurer lesdites limites (terminalia) puisqu'elles sont contiguës les unes aux autres, et ce, personnellement en allant sur le terrain, au motif que ladite confrontation (contrastus) [des deux seigneuries] existait d'origine (ortus) ; et ayant approché et vu enfin lesdits lieux de leurs propres yeux, et ayant rapidement obtenu, avec quelques hommes de la ville de Mirepoix et quelques hommes de la ville de Paissels, des informations sur les lieux en question, mettant fin au débat susdit et le rendormant ainsi pour toujours, ils ont déterminé, borné et configuré lesdites limites comme suit, c'est-à-dire, en partant du champ des héritiers d'Arnaudi Fabri de Paissels, où se trouve la limite du territoire de Besset du côté de Mirepoix (in quo terminatur territorium de Beceto versus terminale de Mirapisce), et [en posant là] une borne de pierre (bodula lapidea) qui se trouve entre ledit champ et le bois de Plènefage (Planafaia).

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Sur la carte de Cassini, visualisation cartographique du territoire qu'intéresse la limite décrite ci-dessous.

Cette borne marque la limite entre Paissels et Mirepoix. Ensuite, la limite va droit et en montant le long du fossé (vallum) de Plènefage à partir de l'endroit où la borne se trouve ; puis elle suit droit ce même fossé de borne en borne jusqu'à la terre de Raimundus Basterii de Mirepoix, laquelle n'est aucunement notifiée comme appartenant à la limite de Paissels ; elle va ensuite de borne en borne jusqu'à la borne de pierre placée dans le champ des héritiers de Petrus Fabri Mascaronis de Mirepoix ; puis elle va droit au-delà dudit champ, qui relève de la limite de Mirepoix jusqu'à son cap [sommet], qui est contigu à la tenure de Petrus Iohannis de Paissels, et ce cap porte une borne de pierre qui fixe là ladite limite ; puis, à partir de ladite borne, la limite va droit et en descendant vers une autre borne, qui est de pierre, et qui se trouve posée au cap de ce champ-limite (campus divitus) ; puis elle va jusqu'au milieu du chemin proche dudit champ, et ensuite elle va droit par ledit chemin jusqu'à une autre borne de pierre, qui est au carrefour dudit chemin ; puis elle va par ce chemin jusqu'à une autre borne de pierre qui est dans le pâturage (passu) où l'eau coule vers Mirepoix ; puis elle va droit le long du fossé qui traverse le champ des héritiers de Petrus Fabri Mascaronis et celui de Petrus Durandi ; puis elle va droit jusqu'à la borne de pierre qui se trouve au cap dudit fossé ; puis, à partir de cette borne, elle va droit et traverse le ruisseau du Countirou jusqu'à la vigne de maître Arnaudus Peyssho, dans laquelle il y a une borne de pierre qui marque le partage de cette seule et même (una) limite, comme toutes les autres bornes susdites.

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Sur la carte de l'État-Major, datée de 1820-1866, visualisation cartographique du territoire qu'intéresse la limite décrite ci-dessus.

Ainsi il est clair que toutes les terres et possessions situées à l'intérieur desdites limites du côté de la ville de Mirepoix, sont du domaine, du district, de la juridiction et de la délimitation de ladite ville de Mirepoix, et que cens, taxe et autres revenus (merita) de ces terres reviennent pour toujours audit seigneur de Mirepoix et aux siens et doivent être perçus par eux ; et que la terre et les propriétés situées à l'intérieur desdites limites du côté de la ville et du territoire de Paissels, sont du domaine, du district, de la juridiction et de la délimitation de la ville de Paissels et de son territoire, et que cens, taxe et autres revenus de ces terres reviennent pour toujours audit seigneur de Montségur et aux siens, et le tout pacifiquement et tranquillement.

Témoins de cela ont été le seigneur Robertus de Riparia, homme d'armes, Estachius de Levis, damoiseau, maître Guillelmus de Gozenchis, maître Micahel Marie, Theobaldus Marescalli, Petrus Terrene de Mirepoix, notaire.

Après quoi, l'an que dessus, ides de juillet, compte-rendu desdites limitations et de la configuration desdits territoires ayant été fait par les nobles sénéchaux comme ci-dessus, et eux ayant exposé très exactement la substance et la forme de ces territoires, les susdits nobles, soit le seigneur de Mirepoix et le seigneur de Montségur, ne laissant pas (nihilominus) d'approuver et de confirmer ces limites en leur propre nom et en celui des leurs, ont voulu, donné et concédé à moi, notaire subscrit, stipulant et acceptant à mon tour en mon propre nom et au nom de tous ceux pour qui il importe ou importera dans le futur de savoir que, si certains hommes de la ville de Mirepoix tiennent et possèdent ou ont des terres ou autres possessions dans les limites et sous la juridiction de la ville de Paissels, à la différence de ce qui a été arrêté plus haut, ils ne sont ou ne seront pas tenus de payer, en sus des droits (merita) habituels sur leurs terres, une contribution audit seigneur de Monségur et aux siens, ni, parce qu'ils ont conservé leurs dites terres, de verser pour ces dernières une contribution rétroactive, et que par la suite ces hommes et les leurs sont et seront dispensés (immunes) et libres pour toujours des recouvrements (exactiones) et des contributions susdits.

Témoins de cela ont été le frère Gui de Lévis, de l'ordre des Frères Mineurs, le seigneur Petrus de Malorosio, le seigneur Iohannes de Buco, homme d'armes, maître Guillelmus de Gozenchis, maître Micahel Marie, Petrus Terrene, notaire de Mirepoix, et moi, Raimundus Giraldi de Mirepoix, notaire public de la terre dudit seigneur de Mirepoix et de la terre dudit seigneur de Montségur, qui, conseiller juridique des deux seigneurs, ai reçu et écrit cette charte, et stipulé tout ce qui a été dit ci-dessus, et signé de mon seing.

Ceci est la transcription du document ci-dessus par moi, Guillelmus Helie, notaire susdit, faite dans ce livre pour que le document susdit continue de valoir ultérieurement. 1


  1. Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome II, Éditions Privat, Toulouse, 1921, pp. 77-80. Traduction Christine Belcikowski.↩︎

2 commentaires

#1  - Jacques Gironce a dit :

Avec ces repères style compoix, on est toujours dans une impasse.
Ce qui est évident, c'est que la limite extrême-orientale de Paissel a changé car, aujourd'hui, elle n'atteint plus le Countirou, ni même la route Mirepoix-Lavelanet, dont elle est distante d'environ 600 m. Autre possibilité: le Countirou aurait varié de lit... Peu probable ! On observe parfois, des changements de limites de communautés, au cours des âges. Besset, dont la ville de Paissel faisait et fait partie, avait même une enclave dans le terroir de Saint-Julien, à Montcabirol. Quant à ladite ville, il faut y voir un lieu fortifié, même minuscule, peut-être ici, défendu par une palissade de pieux.

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#2  - Belcikowski a dit :

Ultime espoir d'une meilleure localisation peut-être : les courbes topographiques...

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