En août 1302, à Mirepoix, mise en défense du bois de Plènefage

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Crieur public, enluminure du livre d’Heures de Marie de Bourgogne (1477-1482), Vienne, Osterreichische Nationalbibliothek, Bildarchiv, codex 1857, folio 147, détail.

Datée du 5 août 1302, la charte traduite ci-dessous fait suite à celles du 20 mai 1301 1 et du 24 juillet 1302 2, qui traitaient déjà, en tout ou partie, de la controverse relative à la forêt de Plènefage, dont le seigneur de Mirepoix se prévaut d'être le seul propriétaire légitime, et dont les habitants de Mirepoix, arguant de leur ancien droit de saisine, réclament la libre jouissance ou en usent, pour certains d'entre eux, sans autre forme de procès. L'affaire est délicate ; elle intéresse sans doute les administrateurs d'autres villes. On remarque que, le 5 août 1302, alors que Jean de Lévis est absent, l'établissement de la charte du jour se fait en présence de trois sénéchaux, Petrus de Fornasio, sénéchal de la terre de Mirepoix, Johannis de Florenciaco, sénéchal de Florensac [autre fief de la maison de Lévis], et Guillelmus de Stagello, sénéchal d'Estagel.

L'application de la charte du 5 août 1302 mettra-t-elle fin à la controverse ? La question demeure en suspens. Pendant ce temps, le bois de Plènefage rétrécit, comme le seigneur de Mirepoix le déplore, et comme s'en inquiètent aussi les consuls. Ce bois de Plènefage, en tout cas, est aujourd'hui complètement disparu.

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Au nom de Dieu amen. L'an du Seigneur mille trois cent deux, Philippe roi des Français régnant, nones du mois d'août, sachez tous que Hugo de Abeleriis, Guillelmus Batale jeune, et Petrus Fabri de Pesadicio, consuls de la ville de Mirepoix comme on sait, assemblés en présence du seigneur honorable (venerabilis) homme Petrus de Fornasio, sénéchal de la terre de Mirepoix, parlant pour le seigneur noble homme Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, pour eux-mêmes, et au nom de Spinosus Audivini, co-consul, et au nom de toute la communauté de ladite ville de Mirepoix et de chacun de ses membres, ont dit et affirmé devant le seigneur sénéchal, en leur propre nom et au nom des autres ci-dessus, qu'ils voulaient interdire et faire que soit interdit et protégé de certains hommes et de certains animaux le bois de cette ville, dit de Plènefage, et infliger aux délinquants une peine (justitia) fixe (certa).

Et afin de protéger ledit bois et de pouvoir infliger des amendes ou des peines fixées par eux, ils se sont présentés au seigneur sénéchal Johannis de Florenciaco lui-même, et à Guillelmus de Gerio et Arnaldus Auterii, habitants de Mirepoix, à qui, comme c'est la coutume, ils ont demandé de recevoir leur serment.

Une fois cette présentation faite, lesdits consuls, parlant en leur propre nom et au nom de tous les nommés ci-dessus, ont proposé d'infliger les peines ou les amendes comme suit :

1. Que quiconque coupe du bois dans ledit bois ou commette quelque autre dommage, paie cinq sols tournois ; desquels, quatre sols iront au seigneur de Mirepoix, et douze deniers tournois aux commissaires (messegarii) de ladite ville.

2. Et pour les grands animaux, comme le bœuf et le cheval par exemple, le mulet et l'âne, douze deniers tournois ; desquels, huit deniers iront au seigneur de Mirepoix, et quatre deniers auxdits commissaires.

3. Et pour les petits animaux, comme la chèvre et le mouton par exemple, quatre deniers tournois pour la chèvre, deux deniers tournois pour le mouton, et deux deniers pour le porc : dont la moitié ira au audit seigneur, et l'autre moitié auxdits commissaires.

4. Voulant, comme dit plus haut, infliger et faire payer eux-mêmes (per illos) ces peines ou amendes aux délinquants surpris dans ledit bois de Plènefage, lesdits consuls déclarent spécialement et expressément, en leur propre nom et au nom de tous les susnommés, que, même dans le cadre de la présente classification (ordinatio) et de tarification des peines, ils n'entendent renoncer à aucun de leurs droits ni à aucun de ceux de la dite communauté et de chacun de ses membres, et, vu qu'une charte (incartamentum) relative à cette question a été concédée par le susdit seigneur de Mirepoix, ils n'entendent pas renoncer non plus aux autres accommodements (pacta) et conditions compris dans ce règlement ou cette charte, et ils réclament donc spécialement de pouvoir changer, diminuer ou augmenter, voire annuler lesdites peines ou amendes quand il leur semblera bon de le faire, en vertu de leur libre volonté ; et ils réclament aussi de pouvoir ajouter d'autres gardiens ou commissaires, ou encore de les supprimer (amovere) complètement.

Et à nouveau les présents nommés ci-dessus ont prêté serment sur le saint évangile de Dieu, de bien et fidèlement protéger le bois en question, autant qu'ils le peuvent, et de signaler et dénoncer au bayle de Mirepoix ou aux juges (officiales) dudit seigneur de Mirepoix les délinquants ou coupables trouvés dans ledit bois. Et à la réquisition desdits consuls et au mandement dudit seigneur sénéchal, Guillelmus de Stagello, le crieur (preco) public de la ville de Mirepoix, à voix haute et à son de trompe (tuba), a promulgué (preconizavit) et mandé de la part du seigneur de Mirepoix que personne, qui soit de Mirepoix ou d'ailleurs, n'ose plus couper ni commettre d'autres dommages ni faire entrer des bêtes dans le bois de Plènefage, sauf à encourir les peines prévues ; et afin de mieux le faire comprendre à tous, il a dit que quiconque enfreindrait cette interdiction (contra fecerit) ou aurait payé [un pot-de-vin] pour venir [dans ce bois] à des fins délictueuses, encourra pour cela les peines prévues.

Ceci a été acté l'an et le jour que dessus, auprès du bien-œuvrant (operatorius) notaire de Mirepoix, en présence des témoins maître Michaelis Marie, Guillelmus Audivini, Petrus Terrene, Petrus Morati, notaires publics de la ville et de la terre de Mirepoix, et moi, Raimundus Geraldi, de Mirepoix, qui, requis à cet effet par lesdits consuls, ai pour l'heure reçu, écrit et signé cette charte.

Ceci est la transcription dudit règlement verbatim (de verbo ad verbum).


  1. Cf. Christine Belcikowski, En 1301, compromis entre Jean de Lévis et les habitants de Mirepoix à propos des forêts de la Bélène et de Plènefage.↩︎

  2. Cf. Christine Belcikowski, Autres privilèges et règlements concédés par Jean de Lévis en juillet 1302.↩︎

  3. Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome II, Éditions Privat, Toulouse, 1921, pp. 53-55. Traduction Christine Belcikowski.↩︎

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