Y aller ! Château de cartes
On y va !
Oui, oui, on y va.
Mais où ?
Où... où ... où ... où ... où ... où ... où ... où ... ?
L’écho habite l’espace. Et la chouette
et la noctule.
Nous, dans nos arrière-mondes,
nous errons.
Quo vadis, Domine ?
Lui, au moins, Il sait où il va.
On suppose… Mais nous ?
Il faut croire qu’Il le sait pour nous.
Mais Il n'en dit rien,
ou alors, c'est trop loin, trop flou,
ou alors c'est trop près, trop sombre.
Et d'ailleurs où est-il, Lui,
dans le moment de ses fulminations ?
Pauvres de nous, frères humains
Point d'ailes,
point d'yeux nyctalopes,
point d'envolée dans la nuit vierge,
point de retour au vaste ciel.
Nous errons dans un arrière-monde
qui ressemble à l'enfer,
étranger au ciel étoilé,
à l'air, au soleil, à l'herbe,
aux arbres, aux collines
qui poussent au bout de la rue,
aux visages
dont le sourire point à la fenêtre ouverte.
Nous errons dans le sombre dédale des calculs de la raison
et de ses ruses sibyllines,
nous errons dans le cirque
toujours recommencé
du temps des horloges,
des calendriers, agendas, minuteurs
et autres clepsydres,
qui ne sont pas faites seulement pour les œufs à la coque
et les Petits Boutiens et les Gros Boutiens.
Petits Boutiens et Gros Boutiens, illustration de J. J. Grandville pour les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, Paris, Garnier Frères, 1884.
L'avenir est dans les œufs, disait un jour l'autre.
Et de quel avenir parlez-donc donc, Monsieur de l'Autre ?
Danserons-nous la polka ?
Avant nous déjà, toujours,
la guerre, hélas,
la guerre est dans les oeufs,
— autant dire dans les starting blocks.
Frontispice de la partition de Polka des oeufs à la coque pour piano par B. de Monfort, compositeur, Paris, J. Naus.
Nous errons dans le capharnaüm scintillant
des marchands du temple,
soumis à la médusante commination du regard,
SANS VISAGE !
que tournent vers nous,
SÉPULCRES BLANCHIS !
les vitrines,
et les mots, et les choses
de la vie comme elle va.
Sépulcres blanchis !
Ils ont belle apparence,
mais au dedans...
Oswald Wirth (1860-1943), La Tour, arcane du tarot, in Jeu de tarot kabbalistique dit « des imagiers du Moyen Âge », 1889.
À la fin, pauvre rêveur,
amoureux des lunes d'antan,
tu es las de rien espérer,
château de cartes !
sinon, le soir, l'aile de soie
de la pipistrelle,
puis le matin parfois,
dans les arbres, un froissement d’oiseau,
comme un rire !