En 1301, compromis entre Jean de Lévis et les habitants de Mirepoix à propos des forêts de la Bélène et de Plènefage

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Situation de Lapenne et de la forêt de Bélène sur la Carte générale de la France établie en 1776 sous la direction de César François Cassini de Thury (1714-1784) ; carte 039 [Saint-Lizier-Saint-Martory-Pamiers], feuille 107, Aldring Sculp.[sit], Bourgoin scrip.[sit], auteurs : Le Bourg, cartographe, Langelay, ingénieur de Cassini.

La charte et le pacte dont la traduction figure ci-dessous, ont été enregistrés à Mirepoix, le 20 mars 1301, sous la seigneurie de Jean Ier de Lévis, fils et successeur de Gui III. Ils intéressent d'abord la propriété et la jouissance de la forêt de Bélène 1, située sur l'actuel territoire de la commune de Manses, i.e. sur le versant droit de la vallée de l'Hers, puis la propriété et la jouissance de la forêt de Plènefage (du plateau des hêtres), située sur la rive gauche de l'Hers et devenue après la catastrophe de 1289 à la fois le siège et le magasin de bois nécessaires à l'édification de la nouvelle ville de Mirepoix.

1. Un peu d'histoire. Jean Ier de Lévis et ses frères

À la mort de Gui III de Lévis, survenue en 1301, alors que Gui, son fils aîné, est entré dans les ordres au couvent des Cordeliers, Jean, son fils cadet lui succède à la tête de la seigneurie de Mirepoix sous le nom de Jean Ier.

Thibaud, troisième fils de Guy III, hérite des seigneuries de Sérignan, Esclagne, Montagu, Saint-Benoît, et de la moitié de Florensac ; il est en outre depuis 1294, par mariage, baron de Lapenne et de Montbrun.

Pierre, quatrième fils de Gui III, hérite des seigneuries de Villeneuve-le-Crémade, Villeneuve-les-Béziers, Espinoux, Jouarre, Malegoude, de Plavilla, et de la moitié de Mirepoix. Chanoine de Paris, il sera nommé en 1306 évêque de Maguelonne.

Philippe, cinquième fils de Gui III, hérite des seigneuries d'Ambleville, Graulhet, Castelnau-de-Bonnafous, Castanet, Sainte-Croix, Puybegon, Redon, Roquecorby, Saint-Sulpice, Sénégats, etc, et de la moitié de Florensac. Il est en outre depuis 1296, par mariage, vicomte de Lautrec.

Eustache, sixième fils de Gui III, hérite des seigneuries de Pomérols, Bessan, et d'une partie encore de Florensac. Il est depuis 1298, par mariage, seigneur de Saissac.

François, septième fils de Gui III, hérite des seigneuries de Lagarde, Monségur, Arvigna, Besset, Bousignac, Cazal-des-Bayles, Coutens, Gudas, Les Issarts, La Bastide, Malléon, Massabras, Montferrier, Les Pujols, Roumengoux, Tourtrol, Villeneuve-d'Olmes, et Vira. Il tente de s'opposer au droit d'usage des habitants de Laroque-d'Olmes, de Lavelanet, de Dreuille, d'Esclagne, de Tabre et de Péreille dans la forêt, et il œuvre toute sa vie durant à la construction du château de Lagarde.

Mathieu, huitième fils de Gui III, est mort en 1296.

Bouchard, neuvième fils de Gui III, prêtre, meurt le 25 juin 1301.

C'est donc, non seulement à Jean Ier de Lévis, seigneur de Mirepoix, mais aussi à Thibaut, Pierre, Philippe, Eustache et François de Lévis, ses cinq frères, que les consuls et la communauté de Mirepoix ont à faire face, d'abord dans le controverse qui manque de finir en une altercation corps à corps, puis dans la négociation et le compromis qui débouchent le 20 mars 1301, soit douze ans après la destruction de la première ville de Mirepoix, sur la publication de la charte ci-dessous.

Dans le compoix de 1766, sur le plan n° 19, intitulé Moulon appelé le Bascou, planol de Brau, font de Plènefage et le Countirou, il ne restera plus de la forêt de Plènefage que son nom, planant sur un territoire intégralement déboisé, sauf aux abords du ruisseau Countirou.

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Dans le même compoix de 1766, sur le plan n° 20, intitulé Moulon du Capitoul, font del Bastié ou Bourdette et partie de la Croix del Bastié et encore partie de Ramoundé, on remarque la font del Bastié, ailleurs appelée font de Rousset, dont on sait qu'elle distribuait l'eau d'une source située sur la parcelle 11, i.e. sur le site de la métairie de l'avocat Jean Deloun. Il s'agissait là de la seule source d'eau pure disponible dans le périmètre de la ville de Mirepoix. L'emplacement de cette source est probablement celui de l'ancienne font de Plènefage.

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2. Quelques observations sur le style de la charte traduite du latin ci-dessous

Il s'agit d'une charte historiquement fondatrice, et politiquement décisive pour la communauté, ou, comme dit dans cette charte, pour l'universitas de Mirepoix. D'où son juridisme extrêmement redondant, qui témoigne du souci de ne rien oublier, jusqu'à la moindre clausule, dans le compromis, au demeurant coûteux à des titres divers et pour les habitants de Mirepoix et pour le seigneur de Mirepoix et ses frères, que maître Bertrand de Mazères, lui-même habitant de Mirepoix, « notaire public de Carcassonne, et de notre seigneur Roi, et de toute la sénéchaussée de Carcassonne et de Béziers », se charge d'enregistrer à l'intention des deux parties.

J'ai tenté dans ma traduction de rester le plus près possible du texte latin originel. J'ai ménagé toutefois divers retours à la ligne dans les très longues phrases, afin d'aérer un peu le texte en question. Et j'ai repris entre crochets certaines propositions principales que la longueur des nombreuses subordonnées et incises subséquentes risquaient de faire oublier.

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Chemin de crête dans la forêt de Bélène, aujourd'hui.

Charte du 20 mars 1301

Comme attesté dans la présente charte par le témoignage de tous et chacun, alors qu'un débat tournait ou risquait de tourner à la controverse, entre nous, Petrum Ramundi de Raysshaco, Ramundum Granelli, Petrum de Tholosa, Laurencium Andrée, consuls de la ville de Mirepoix, parlant là en notre propre nom et en celui de chacun et de tous les habitants de la communauté (universitas) de ladite ville, et agissant au nom de notre partie ; et le seigneur noble homme Thibaud de Lévis seigneur de Lapenne (Penne) et de Montbrun (Montisbruni), ainsi que ses autres frères, défenseurs de l'autre partie ; à propos de cette question et pour ce qui faisait l'enjeu de ce débat, nous, lesdits consuls, en notre propre nom et en celui de chacun et de tous les membres de ladite communauté, avons dit que nous avions le droit de couper et de tailler les arbres et les branches dans le bois ou dans la forêt qu'on dit de Bellène — forêt qui est venue par héritage au même seigneur Thibaud —, ainsi que dans les autres défenses forestières de la terre du seigneur du Mirepoix ancien (quondam) ; de telle sorte que nous nous y rendions et nous y transportions de notre plein gré à tous et à notre guise ;

et [avons dit aussi] que nous, lesdits consuls et chacun des membres de cette communauté, étions en saisine (sayzina2 et en possession (possessio) ou quasi possession du droit de couper et de tailler dans les bois en question ; et que, dans la dite saisine, possession ou quasi possession à laquelle nous nous étions tenus, nous avions été paisibles et tranquilles longtemps ;

et [avons dit aussi] que dans ladite saisine, quasi possession de tailler, couper dans ladite forêt de la Bellène, le dit seigneur Thibaut et ses autres frères nous avaient perturbés, nous lesdits consuls et les autres membres de la communauté susdite, indument et injustement ; et, qu'à la suite de cela, un jour il y avait eu une altercation entre nous, les mêmes que ci-dessus, et les frères susdits ;

et le seigneur noble homme Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, soucieux de mettre fin à cette affaire par voie de négociation (transactio) et de conciliation (compositio, et voulant bien s'entremettre entre les deux parties, après avoir longuement et plusieurs fois délibéré de l'affaire en question avec ledit seigneur Thibaud, et avec Pierre, Philippe, Eustache, et François, ses frères, et après avoir eu connaissance de leur volonté et de celle de plusieurs autres de leurs amis nobles, a voulu fournir une réponse à ladite ou auxdites questions, et, avec nous, consuls, [parlant ici] en notre nom et en celui de la dite communauté et de chacun des membres de celle-ci, trouver un point d'accord et parvenir ainsi à un compromis sur cette question.

Comme il existe une fin possible aux litiges douteux, le seigneur de Mirepoix s'est dit prêt quant à lui, dans la mesure où lesdites questions et controverse le touchent ou peuvent le toucher lui-même, et au nom de ses susdits frères ; [prêt] à faire avec nous, consuls nommés ci-dessus, transaction et compromis concernant toutes les questions soulevées par nous susnommés ; et prêt à donner et à attribuer, en son nom et en celui de ses héritiers et successeurs, et aussi au nom de ses susdits frères, dans la forêt de Bellegarde 3 le droit (tallivum ou talivus4 de couper arbres et futaie grosse et menue à notre usage et à celui de tous et chacun des membres de ladite communauté ; ou bien à donner et payer chaque année, en deuxième solution, cent livres tournois à perpétuité, ou sans fin, par termes, qui se trouvent consignés ci-dessous ;

et nous, consuls, voyant et observant que ladite offre dudit seigneur Jean de Lévis était conforme à la raison, ne voulant pas, nous, entrer en litige avec lui ni avec sesdits frères, puisque, dans ladite attribution (assignatio) du bois, nous eussions pu n'obtenir d'eux qu'une convention moins avantageuse ; et nous, en notre nom et en celui de ladite communauté, une délibération ayant eu lieu avec plusieurs membre de ladite communauté et avec nos conseillers, voulant mener à bien une transaction et un compromis avec le seigneur de Mirepoix et ses autres susdits frères, comme il nous a semblé, à nous consuls et à notre conseil, utile à nous autres et à ladite communauté et à chacun des membres de celle-ci, d'accepter et d'avoir chaque année à perpétuité par termes, enregistrés ci-dessous, en vertu du droit (tallivus) ou de l'usage susdit, une rente (assignatio) de cent livres tournois, nous avons accepté de recevoir ladite rente de cent livres tournois.

Et à son tour, Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, de dire : Cette rente (onus), dont nous nous chargeons, nous et nos frères par notre truchement, et que nous assumons pour une raison juste et suffisante, nous promettons à ladite communauté et à vous, consuls, ainsi qu'à tous ceux qui ont été ou qui seront dans la ville de Mirepoix, en votre nom et en celui de ladite communauté, et au nom aussi de chacun de ceux qui, dans ladite communauté, la l'acceptent et l'exigent, au nom de la transaction et du compromis, [nous promettons] de la donner, et de payer, en vertu de l'usage ou du droit de talivum susdit, soit à vous, consuls, soit à n'importe quel autre membre de ladite communauté, soit à n'importe qui d'autre dans le futur, quelle que soit l'année dans laquelle il aura été élu, cent livres tournois chaque année, à perpétuité, ou sans fin, soit cinquante livres tournois à la veille de la fête de Saint Jean Baptiste, et les autres cinquante livres tournois au lendemain de la fête de la Nativité du Seigneur.

Concernant toujours les susdites cent livres à donner, faire payer et recevoir, ou autres autres obligations à respecter, comme promis, nous, Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, à ladite communauté et à vous, consuls, et aux autres qui ont été et qui seront, pour eux et au nom de tous ceux de la dite communauté qui l'exigent et qui en ont reçu la promesse, nous nous engageons nous expressément, et nous engageons peut-être aussi avec nous tous nos biens (bona5, et nous le voulons parce que nous l'avons promis.

Promettant à ladite communauté et à vous, consuls, au nom de ceux qui ont exigé et reçu cette promesse, et à toi, notaire qui enregistre ci-dessous pour ladite communauté et pour chacun des membres de cette communauté qui ont reçu et exigé cette promesse, que, si nous faisons défaut dans les paiements susdits ou autres que ceux-ci, nous, ou nos successeurs, nous ne poursuivrons en aucune façon et blanchirons intégralement tout tort, toute injure, et toute folle dépense au jeu que vous ferez ou que vous avez faits dans le passé ; d'où il ressort que nous obligeons ainsi tous nos biens (bona) en faveur des promesses faites à tous et à chacun, et ce, au prix d'une renonciation nécessaire à tout droit, ou à la fidélité que nous devons à notre titre de noblesse (titulus pius), ou encore à toute prudence.

Et nous, consuls, en notre nom et au nom de la communauté et de tous les membres de ladite communauté, après avoir réuni le conseil en assemblée plénière et traité de la question avec ladite communauté et avec nos conseillers, voulant éviter tout litige et autres problèmes, acceptant ladite transaction avec gratitude, instruits et certains de notre droit et de celui de notre communauté et de chacun des membres de cette dernière, pour tout le temps que (quoad) cette transaction à été promise, nous l'acceptons, et sur le mode et dans la forme susdits.

Et tous les autres droits et l'usage de couper et tailler, que nous et notre communauté avons et que nous avons eu ou que nous aurions dû avoir dans lesdites forêts et autres bois des défenses dudit seigneur de Mirepoix et de ses frères, soit dans les montagnes, soit dans les plaines ; en notre nom et en celui de la dite communauté et de chacun de ses membres, à vous, seigneur de Mirepoix, et à vos frères et aux vôtres, et à chacun de vos héritiers et successeurs, et à toi, notaire, qui signe ci-dessous ; exigeant et acceptant [ce qui a été promis] au nom dudit seigneur Jean et de ses frères et autres des leurs, en pleine connaissance (sciencia) de cause et de façon expresse, [ces autres droits et cet usage] nous les abandonnons complètement, nous y renonçons, nous y mettons fin, faisant en notre nom et au nom de la communauté et de tous les membres de cette dernière, à votre intention, seigneur de Mirepoix, et à celle de vos frères et des vôtres et de tous vos héritiers et successeurs, pacte perpétuel et solennel que nous n'entreprendrons rien de plus, ne demanderons ni n'exigerons rien de plus au motif dudit usage et du susdit droit de coupe (tallivum) dans les bois, si ce n'est que les susdites cent livres tournois nous soient, comme promis, données chaque année et payées à perpétuité, sans fin.

Et, ce qui a été dit ci-dessus, en notre nom et en celui de ladite communauté et de chacun de ses membres, nous vous le promettons à vous, seigneur Jean de Lévis, et à vos héritiers et à vos successeurs, et à toi, notaire soussigné, exigeant et enregistrant ici pour le seigneur et au nom desdits frères dudit seigneur de Mirepoix et des successeurs de ces derniers. Il en va de l'honneur de notre communauté. Afin de tenir et de remplir cette promesse, et afin de ne jamais y contrevenir, nous voulons lier fortement nos biens (bona) à votre personne, vous, seigneur de Mirepoix, ainsi qu'à vos frères et à vos héritiers et successeurs et autres.

Et nous voulons aussi, en notre nom et en celui de toute la communauté et de chacun des membres de cette dernière, que si quelque charte — charte ou autre écrit public ou privé —, ou quelques témoins se trouvaient, antérieurs à notre promesse, et que l'usage du susdit droit de tailler et l'application de cette charte pussent nous profiter à nouveau, à nous et à nos successeurs et à ladite communauté et à chacun des membres de cette dernière, et donc vous porter préjudice à vous, seigneur de Mirepoix, et à vos frères et à vos successeurs et autres, [nous voulons] qu'en justice ou ailleurs, ces précédents n'obtiennent aucune confirmation de validité ; mais bien au contraire, [nous voulons] qu'ils soient tenus pour vains, cancellés, nuls et invalides. Quant aux autres points, quels qu'ils soient, des règlements contenus dans la présente charte, nous voulons qu'ils obtiennent la confirmation de leur validité perpétuelle, car il s'agit là de points au respect desquels, en vertu de notre promesse et des suites attendues de cette dernière, nous n'entendons jamais manquer (renuntiare), ni à propos desquels, nous n'entendons causer jamais quelque tort (prejudicium) que ce soit.

Nous disons cependant et proclamons hautement, en notre nom et en celui de toute la dite communauté et de chacun de ses membres, que, par les présents quitus (quittatio), abandon de droit (absolutio), pacte, transaction et compromis, nous n'entendons renoncer, ni tacitement ni expressément, ni au droit, ni à l'usage ni à la jouissance (possessio) que nous devons avoir aussi bien de la propriété (proprietas) que de la jouissance du bois appelé Plènefage ; bien plus, nous et nos successeurs, et la susdite communauté, et chacun des membres de cette dernière, nous nous faisons fort d'œuvrer et de faire fruit perpétuellement, en vertu de notre seule libre volonté, dans le bois ou la forêt de Plènefage, et non dans d'autres bois mis en acapte 6 ou appartenant à des particuliers de Mirepoix. Dans ces bois et dans celui de Plènefage, nous restons maîtres de notre droit sur la forêt, lequel droit est celui de notre communauté et de chacun de ses membres, et, ce droit, nous le conservons et nous nous le réservons.

Et sur toute et chacune des choses qui ont été promises ci-dessus, nous, Jean de Lévis, seigneur de Mirepoix, et les susdits consuls, au nom de qui, bien instruits et bien assurés du droit qui est le nôtre à tous, après avoir tenu délibération, renonçant désormais à toute clause restrictive (exceptio) qui porterait sur des cas de tromperie (dolus), de fraude ou d'ignorance [de la loi] (insciencia), ainsi qu'à tout droit canonique ou civil, ou à la coutume de la terre, ou au privilège ecclésiastique ou séculier qui est de faire montre de pardon ou d'indulgence à l'endroit de celui ou de ceux auxquels nous ne pouvons aucunement permettre qu'ils en viennent à s'opposer aux promesses susdites ; nous promettons en toute bonne foi (bona fides) de nous en tenir à toutes et à chacune des dites promesses, et de les respecter et de ne point y contrevenir, conformément à ce qui a été dit plus haut de façon expresse. Et ces promesses-là, nous et, par nous, nos héritiers et nos successeurs et la susdite communauté et chacun de ses membres et de ses successeurs, nous voulons en raison les observer perpétuellement.

Nous voulons aussi que, si quelque clausule venait à manquer dans le présent document, clausule qui, une fois ajoutée et bien placée, rendrait la susdite transaction et le susdit compromis plus solides encore pour la commodité de l'une et de l'autre partie, cette clausule soit ajoutée et bien placée. Et s'il arrive que l'ajout quelque clausule risque d'infirmer ou de contrecarrer nos promesses, nous voulons que cette clausule ne soit pas ajoutée, ou bien qu'elle soit enlevée.

Et de même qu'il appartient au notaire soussigné de pouvoir constituer les documents relatifs à ce qui a été établi ci-dessus, il appartient tout autant au seigneur de Mirepoix, ou aux consuls susmentionnés, ou à chacun des habitants de la susdite ville, de pouvoir réclamer ces documents audit notaire, qui doit les fournir chaque fois, quel que soit le nombre de fois qu'on lui en fait la demande.

Tout cela a été acté dans le castrum de Mirepoix, l'an du Seigneur mille trois cent un, régnant Philippe, roi des Français, le dixième jour des calendes d'avril, en présence des témoins seigneurs noble hommes Petrus de Malorasio, Robertus de Ripparia, homme d'armes, Theobaldus de Bordis, damoiseau ; Petrus de Sarnacio, sénéchal de la terre dudit seigneur de Mirepoix ; maître Micahelis Marie, procurateur dudit seigneur de Mirepoix ; Petrus de Malorasio, bayle de Mirepoix ; Theobaldus Marescalli, bayle dudit seigneur de Mirepoix ; maître Andrée Deulesal, professeur de droit ; maîtres Guillelmus de Farisi, Petrus Auriolli de Mirepoix, experts en droit (jurisperitores) ; et moi, Bertrandus de Mazeriis, de Mirepoix, notaire public de Carcassonne, et de notre seigneur Roi, et de toute la sénéchaussée de Carcassonne et de Béziers, qui, requis à cette fin, ai été présent à la déclaration de tout ce qui précède, et qui ai enregistré et transcrit cette charte, et l'ai contresignée de mon seing.

Ceci est la transcription du document original, achevée par moi, Guillelmus Helie, notaire public de Mirepoix. 7


  1. Cf. Émile Kapfer-Christine Belcikowski, À propos de la forêt de Bélène ; Christine Belcikowski, Bélène, Bélène….↩︎

  2. Saisine, sens vieilli : entrée en possession d'un bien immeuble, n'impliquant pas qu'on ait sur lui les droits réels (la propriété), mais seulement qu'on les exerce. La saisine s'acquiert par la prise de possession matérielle, par tradition réelle : il s'agit ainsi d'une saisine de fait. Parmi ses avantages, la saisine conférait celui de ne pouvoir être dépouillé de la jouissance sans jugement et de permettre de recourir aux actions possessoires.↩︎

  3. On ne trouve aucun renseignement concernant l'endroit où se situait la forêt de Bellegarde. Peut-être du côté de Bellegarde-du-Razès, à 17 kilomètres de Mirepoix et à proximité d'Escueillens-et-Saint-Just-de-Bélengard, commune qui est membre de la communauté de communes du Limouxin ? Cette forêt de Bellegarde, en tout cas, a probablement disparu.↩︎

  4. Cf. Du Cange et al., Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, Niort, L. Favre, 1883-1887, Talivum.↩︎

  5. En latin, on désigne indifféremment sous le nom de bona les biens matériels et les biens spirituels, i.e. l'argent, la propriété, les finances, ou les agréments de la vie et le bonheur. Le texte de la charte joue ici sur l'ambivalence du terme bona.↩︎

  6. Acapte : droit de mutation exigible lors de la mort du seigneur ou de ses successeurs, concernant un bien tenu dans le cadre d'un bail emphytéotique.↩︎

  7. Cartulaire de Mirepoix, édition critique établie par Félix Pasquier, tome II, Toulouse, Imprimerie et librairie Edouard Privat, 1921, pp. 36-41. Traduction Christine Belcikowski.↩︎

  8.  

2 commentaires

#1  - Gironce Jacques a dit :

Il existe toujours un droit de coupe et de récolte de certains habitants de Lignairolles et de Saint-Just-de-Belengard, dans la forêt unissant ces deux villages. Il semblerait que ce droit remonte à des temps immémoriaux.
Il serait instructif de savoir s'il s'agit, pour Thibaut, de Montbrun-Lauragais, ou Bocage .
Félicitation à Christine pour ce long travail de version.

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#2  - Belcikowski a dit :

Merci, Jacques, pour cette observation intéressante sur le droit de Lignairolles et de Saint-Jus-de-Belengard.
Concernant Monbrun, fief de Thibaud de Lévis, il s'agit de Montbrun-Bocage.
« En 1229, le castrum de Montebruno fait partie de l’hommage de Roger de Franco Casali au comte de Foix, Roger Bernat. Il prête serment pour deux castra (ceux de Villeneuve et de Daumazan) et des biens dans trois habitats (Montbrun, Daumazan et Saint‐Mazens). »
« En 1374, Louis d’Anjou ordonne que les lieux de Montbrun et Lescure soient restitués à Thibaut de Levis. »
Cf. Florence Guillot, Programme Collectif de Recherche. Naissance, évolutions et fonctions des fortifications médiévales dans les comtés de Foix, Couserans et Comminges. Rapport des travaux 2009.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00530204/document

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