1295. Dissensions et controverses à Mirepoix à propos du contrôle des rives de l'Hers
Jean Bourdichon (1457-1521, Saint Matthieu, fêté en 1295 le 25 février ; miniature datée de 1503-1506, extraite des Grandes Heures d'Anne de Bretagne, Reine de France (1477-1514).
L'intérêt de cette charte de 1295 tient aux diverses informations qu'elle fournit sur la vie des Mirapiciens du temps, sur l'administration de la ville de Mirepoix, et sur la posture qu'a choisie d'adopter Gui III, assisté d'un nouveau sénéchal, Pierre de Sanarnasio, et physiquement présent désormais aux assemblées que réunissent les consuls. On remarque que les rives de l'Hers constituent en tant que lieu dont la jouissance demeure réservée au seigneur, un territoire dont la défense demeure difficile en raison des tentations qu'il suscite, et l'enjeu sans doute d'une rivalité sourde dont la fin n'adviendra, comme on sait, qu'à l'heure de la Révolution.
* * *
*
Vaches paissant au pied du château de Terride circa 1900.
L'année du Seigneur 1295, le seigneur Philippe, illustrissime roi des Français, régnant, il se trouve annoncé ici à tous que, comme il y a une dissension ou une controverse entre les consuls de la ville de Mirepoix, en leur propre nom et au nom de la communauté de ladite ville de Mirepoix d'une part, et le garde-champêtre (forestarius) et le garde-rives (custos ripariarum) 1 du seigneur de Mirepoix d'autre part, dissension ou controverse relative à divers abus, torts, dommages et violences, que lesdits garde-champêtre et garde-rives dudit seigneur de Mirepoix ont causés auxdits consuls et aux habitants de Mirepoix en arguant du droit de justice pour infliger un tarif d'amende abusif à certains de ces habitants qui avaient mené paître des animaux grands et petits sur lesdites rives ou procédé à des coupes sauvages sur les mêmes rives, les consuls de la ville de Mirepoix, soit Gassotus de Solano, Raimundus Basterii et Petrus de Vilasenherio, avec plusieurs hommes de ladite ville de Mirepoix et en présence du seigneur noble homme Gui de Lévis, seigneur de Mirepoix, lui-même, le jeudi après la fête de Saint Matthieu apôtre (25 février), se sont réunis, et en accord avec le seigneur lui ont exposé humblement les affaires présentes et l'ont prié de faire mander à ses susdits garde champêtre et garde-rives qu'ils cessent de s'acharner comme ils le font sur les susdits habitants de Mirepoix ; et ils l'ont prié aussi de fixer un tarif d'amende certain concernant le cas de [la mise en pâture] de petits animaux, d'ovins, et et gros animaux, ainsi que celui des habitants surpris [en flagrant délit de coupes sauvages] sur les rives susdites.
En réponse à cette prière et à cette requête, le seigneur de Mirepoix, après avoir pris conseil, voulant accorder auxdits consuls et auxdits habitants une faveur spéciale, a voulu et ordonné ce qui suit :
1. La pâture d'un petit animal sur les rives, tel un mouton, un cochon ou une chèvre, étant passible d'amende, si un garde du seigneur de Mirepoix le trouve, le prix de l'amende est fixé à un denier tournois.
2. Le seigneur de Mirepoix veut et ordonne aussi que, la pâture d'un gros animal sur les rives, tel un bœuf, un cheval ou un âne, étant passible d'amende, si on trouve cet animal sur ladite rive, l'amende soit de quatre deniers tournois.
3. Le seigneur de Mirepoix veut et ordonne aussi que, tout homme ou femme qu'on trouverait en train de couper du bois sur lesdites rives, étant passible d'amende, l'amende soit de douze deniers tournois, et pas davantage.
4. Le seigneur de Mirepoix veut et ordonne aussi qu'aucun homme ou femme qu'on trouverait en train d'uriner ou de se promener sur lesdites rives, ne soit passible d'aucune amende ni qu'il lui en advienne aucune peine.
5. Le seigneur de Mirepoix veut et ordonne enfin que, s'il arrivait une fois encore que quelque dissension ou discorde survienne à propos de tels cas entre les consuls et les habitants de Mirepoix, et les gardes desdites rives, le juge du seigneur de Mirepoix et son sénéchal fassent appliquer les ordonnances édictées ci-dessus, et qu'ils connaissent et tranchent de telles affaires conformément aux ordonnances susdites.
Actée a été la présente ordonnance, l'année et le jour susdits, en présence des consuls susdits, témoins étant maître Guillelmus de Gozenchis, juge du conseil du seigneur de Mirepoix, et Bernardus de Berga, Raimundus Bathalhe, Sicardus Audivini, Poncius Baiuli, Guillelmus Laufruni, Raimundus Granelli, et plusieurs autres, et Petrus de Sanarnasio, sénéchal de la terre dudit seigneur de Mirepoix, et Raimundus de Arcisio, bayle du susdit seigneur de Mirepoix, et maître Michaelus Marie, procurateur du même seigneur de Mirepoix, qui a reçu lui aussi dudit seigneur le mandat de dire en présence des personnes ci-dessus qu'il fait inscrire et enregistrer la présente ordonnance dans le livre du conseil du seigneur afin que celle-ci s'y trouve conservée à perpétuité ; et moi, Bertrandus de Mazeriis, notaire public de la ville et de la terre de Mirepoix, qui ai été présent au prononcé de ladite dite ordonnance, et mandé et requis de façon expresse de recueillir et d'écrire cette charte. 2
On ne sait trop dans le texte de cette charte s'il s'agit d'un seul, forasterius seu custos ripariarum (garde champêtre ou garde-rives), ou de deux gardes, que dicti forestarius et custos... inferebant (que lesdits garde-champêtre et garde-rives... ont causés) du seigneur de Mirepoix. Le nombre change au fil du texte. Dans le doute, j'ai choisi le pluriel, plus représentatif sans doute, et donc retenu deux gardes.↩︎
Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, t. II, pp. 29-30. Traduction Christine Belcikowski.↩︎