Datée du 2 décembre 1308, la charte traduite ci-dessous rend compte de la vente de l'afferme hivernale d'une grande partie de la forêt de Plènefage, afin de dépaissance et de coupe du bois, à trois habitants de Mirepoix, dont on apprend que l'un d'eux est tuilier. Elle fournit un exemple intéressant des modalités juridiques qui sont celles de l'acte d'afferme. Le calendrier des paiements requis des bénéficiaires de l'afferme se trouve calé sur celui des fêtes des saints, qui rythment le temps civil tout autant que le temps religieux. Les paiements à venir se trouvent cautionnés par trois proches des fermiers, qui, les uns comme les autres, obligent à cet effet tous leurs biens. Les consuls, de leur côté, s'obligent à protéger l'activité des fermiers, qui contribuent à l'entretien de la forêt ainsi qu'à la dépaissance des bêtes, et, par là, rendent service à la communauté toute entière. Les restrictions auxquelles ces fermiers se trouvent soumis - interdiction d'arracher les racines des arbres, interdiction de toute dépaissance au pré communal durant les trois mois d'hiver — témoignent d'un souci de bonne gestion des ressources naturelles qui fait honneur aux consuls. On remarquera que la nogarède, c'est-à-dire le bois de noyers — une sorte de succédané du jardin d'Éden ? —, ne fait pas partie du contrat d'afferme, car l'usage de ce bois, et plus spécialement la cueillette des noix qu'il produit, demeurent l'apanage de ladite communauté.
« Une noix, Qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix ? Qu'est-ce qu'on y voit ? Quand elle est ouverte, On n'a pas le temps d'y voir, On la croque et puis bonsoir. »
Monte de l’eau du sommeil,
— dès potron-jaquet,
l'heure où Jaquet, l'écureuil,
montre son potron, son derrière —
au sortir d’un rêve oublié,
comme une bulle d'air, un mot,
un mot
qui, sourd à la rumeur des nouvelles
et au grondement de la route,
s'attarde,
et résiste à la machinalité du matin,
et ne laisse pas de te suivre
quand tu sors,
et quand tu fais peser tes légumes pour la soupe
du soir sous la lampe,
et quand tu dépose ton habitude
à la terrasse d'un café
pour lire une pagine de ton cher Parménide,
qui est dans le sac avec les poireaux,
et il surgit de la page,
le mot,
avec un cri de flûte,
δ' ἐν χνοίῃσιν ἵει σύριγγος ἀυτήν 1,
et voilà que le mot du cri de flûte,
σύριγγος, la syrinx,
s'attache à mon mot, et qu'ainsi flûté,
mon mot commence d'en attirer d'autres
qui le suivent et s'accrètent et destinent ainsi,
dans leur sillage, ouvert sans moi,
jamais fermé,
l'aventure du texte,
du poème, si l'on veut,
bien que la loi du genre, ici,
pèse trop lourd, trop vieux,
lustucru, d'après moi,
et que, de potron-jaquet en potron-minet,
c'est toujours de l'histoire secrète de nos petites pensées,
drôles de pensées 2,
qu'il s'agit,
agit.
Respire !
Le poème de Parménide, 1. Traduction de Paul Tannery ; 2. Texte grec, v. 6. Σύριγγος, la syrinx, c'est la flûte de Pan.↩︎
À propos des drôles de pensées, voir Christine Belcikowski, La fin de Leibniz.↩︎
Neigeuse à peine, il fait trop froid,
ou doucereuse, le temps change,
la brume baigne la dormance
des rives lentes
et des cafés aux lustres éteints.
Janvier s’attarde et penche,
vieux pilier,
insoucieux du sommeil des belles endormies
— ou bien des Euménides ?
Tandis que le bois dort encore,
nous avons bu un bock de cidre chaud.
— La main passe, ou la main chaude ?
Le temps ralentit, le disque grésille,
il neige.
Jadis abracadabra il neigeait des fleurs
sur la scène rose et verte du Théâtre Magique.
Aujourd’hui, cals flors ?
Neus, gels e conglapis
Que cotz e destrenh e trenca1
Aujourd’hui, il neige des aiguilles,
des aiguilles de froid,
qui s’anguillent dans l’anguste
de l’écharpe. Ad augusta per angusta.
Souviens-toi de la belle ci-devant
qui monte à l'échafaud à la bravade
et perd la tête hop-là !
d'un coup, sous le tranchant, éclair !
de la lame.
Vois, dans le miroir,
sous l'obscure commination de la rampe lumineuse,
les cous blancs, ployés, sans tête,
sur le gouffre du bac à shampoing.
Oh ! les cygnes !
Il neige des cygnes,
des signes plutôt,
des signes de l'auguste qui vient,
des signes du destin des métamorphoses,
la flors s'inverse,
le monde se renverse.
— Du noir au blanc, du blanc au rouge,
pur feu,
dit le vieil alquemiste,
il reste un sel
aussi diaphane que le cristal. Ce grain précieux est l'or des Philosophes. 2
Entends comme la neige craque
sous ton pas.
22 janvier 2023
« Quelle fleur ? Neige, glace et givre / qui brûle, point et tranche ». Extrait de La flor enversa, canso du troubadour Rimbaut d'Orange, « seingner d'Aurenga e de Corteson e de gran ren d'autrez castels », né entre 1140 et 1145 à Orange et mort le 10 mai 1173 à Courthézon. Cf. Christine Belcikowski, La flors enversa.↩︎
Dans le texte du compromis concédé en 1307 par Jean Ier de Lévis, seigneur de Mirepoix, aux consul et à la communauté de ladite ville à propos de l'usage et du statut usufruitier du communal de la rive gauche de l'Hers, on relève plusieurs toponymes dont le sens et la localisation allaient de soi pour les contemporains de ladite charte, mais qui sont aujourd'hui oubliés. On tentera ici de reconduire ces toponymes, si possible, à leur signification d'antan.