À l'heure des géminides
Fantaisie astrologique
François Girardon, L'Hiver, 1675-1683, château de Versailles, corps central, petit appartement de la Reine, vestibule de marbre.
Du bel été au triste hiver,
l'Hiver glacial, hirsute avec ses cheveux blancs,
glacialis Hiems canos hirsuta capillos 1,
d’Hélios à Phaéton,
de l’heure des gémeaux à l’heure des géminides,
la chute est sans merci.
Il pleut des météores comme des pains d’épice !
Vient ainsi l’heure du scorpion.
Priez en vain les Euménides.
C'est là que le scorpion
ouvre l'arc de ses pinces jumelles
et qu'il arme sa queue aux muscles surpuissants.
Est locus, in geminos ubi bracchia concauat arcus
Scorpius et cauda flexisque utrimque lacertis 2.
C'est là que Phaéton,
dont la chevelure se peuple de flammes rutilantes,
bascule, tête en avant,
et trace dans l'espace une longue traînée.
At Phaethon rutilos flamma populante capillos
uoluitur in praeceps longoque per aera tractu
fertur 3.
Priez en vain les Euménides.
Changés en peupliers, les siens
versent dans la rivière des larmes électriques 4.
Je suis née sous le signe des gémeaux.
J'ai songé, le soir du 31 décembre...
songé à cette sombre et fulminante histoire.
Ovide, qui la rapporte,
formule à son propos cette observation mystérieuse :
Ainsi parfois, dans un ciel serein, une étoile
même si elle ne tombe pas, peut sembler tomber.
Ut interdum de caelo stella sereno
etsi non cecidit, potuit cecidisse uiderit 5.
Priez donc, malgré tout, les Euménides. 6
Ovide, Métamorphoses, II, 30.↩︎
Ibidem, II, 195-196.↩︎
Ibid., II, 319-321.↩︎
Pline l'Ancien, Naturalis Historia(e), XXXVII (circa 77 ap. J.-C.) : Phaethontis fulmine icti sorores luctu mutatas in arbores populos lacrimis electrum omnibus annis fundere iuxta Eridanum amnem, quem Padum vocavimus, electrum appellatum . « Phaéthon ayant été foudroyé, ses sœurs pleurèrent tant qu’elles furent changées en peupliers et tous les ans leurs larmes produisent l’electrum sur les bords de l’Éridan, que nous nommons le Pô ». Le mot electrum désigne au vrai l'ambre.↩︎
Ovide, Métamorphoses, II, 321-322.↩︎
Pour lire in extenso l'histoire superbe de la chute de Phaéton, cf. Ovide, Métamorphoses, II, 1 sqq.↩︎