Le 8 thermidor an III, violente diatribe de E. B. Courtois, député de l'Aube, contre Robespierre et ses « frères panthéonistes »

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Condisciple de Danton au collège de l'Oratoire, Edme Bonaventure Courtois (Troyes, 15 juillet 1754-6 décembre 1816, Bruxelles), est élu député de l'Aube à l'Assemblée législative, puis à la Convention où il siège dans les rangs de la Montagne et vote la mort du Roi. Après le 9 thermidor an II, il se trouve chargé d'inventorier les papiers trouvés chez Robespierre. Le 8 thermidor an III (26 juillet 1795), veille de l'anniversaire de la « chute du tyran », il prononce à l'Assemblée une violente diatribe contre ledit « tyran » et les fidèles que celui-ci conserve, dont François Noël Babeuf dit Gracchus Babeuf, Pierre Antoine Antonelle de Saint-Léger, René François Lebois, Pierre Jacques Michel Châles, Félix Lepeletier de Saint-Fargeau [voir note 8], éphémèrement réunis dans le club du Panthéon, qui sera interdit le 8 ventôse an IV. Cette diatribe sert ensuite de préface au Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II, publié sur ordre de la Convention en floréal an IV. Arrêté au motif de participation à la conjuration des Égaux — « Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux comme nous sommes nés ; nous voulons l'égalité réelle ou la mort ; voilà ce qu'il nous faut ;">(1) » —, Gracchus Babeuf sera guillotiné le 8 prairial an V (27 mai 1797).

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Estampe anonyme stigmatisant la conjuration des Égaux.

Outre qu'elle illustre la violence de la guerre idéologique menée par les Thermidoriens contre les Néo-Jacobins et les Babouvistes, la Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II témoigne de l'art d'un polémiste érudit et lettré, grand bibliophile au demeurant, qui aime à émailler son propos de citations empruntées aux Anciens ou à des Modernes rares ou curieux, et qui ajoute à cet émaillage savant le perlage acide d'une pluie d'italiques, faisant ainsi que le caractère mordantissime du propos aille là comme sans dire. Le brio d'un tel propos n'en facilite pas la lecture. On se demande quelle réception la Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II a pu trouver auprès des lecteurs du temps. Mais, en écrivant cette Préface, Edme Bonaventure s'est visiblement fait plaisir. Et sans doute s'est-il ainsi dédommagé de l'aridité du Rapport qui suit, entièrement consacré au recueil des pièces d'archive relatives aux événements des 9 et 10 thermidor, recueil au demeurant passionnant. Indépendamment de la validité des assertions qu'elle assène, la Préface du Rapport fait par Edme Bonaventure Courtois au nom des Comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 thermidor an II constitue un petit chef d'œuvre du genre polémique et, à ce titre, mérite d'être relue.

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Vu par Pierre Michon, Robespierre parmi les Onze

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I. Les onze membres du Grand Comité de salut public

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De gauche à droite : Jacques Nicolas Billaud, puis Billaud-Varenne (La Rochelle, 23 avril 1756–3 juin 1819, Port-au-Prince ; Lazare Nicolas Marguerite Carnot (Nolay, Côte-d'Or, 13 mai 1753-2 août 1823, Magdebourg, Prusse) ; Pierre Louis Prieur, dit Prieur de la Marne (Sommesous, Marne, 1er août 1756-30 mai 1827, Bruxelles) ; Claude Antoine Prieur-Duvernois, dit Prieur de la Côte d'Or » (Auxonne, Côte-d'Or, 22 décembre 1763-11 août 1832, Dijon).

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De gauche à droite : Georges Auguste Couthon (Orcet, Puy-de-Dôme, 22 décembre 1755-28 juillet 1794, Paris) ; Maximilien Marie Isidore Robespierre (Arras, 6 mai 1758-28 juillet 1794, Paris) ; Jean Marie Collot, dit Collot d'Herbois (Paris, 19 juin 1749-8 juin 1796, Cayenne, Guyane) ; Bertrand Barère, dit Barère de Vieuzac (Tarbes, 10 septembre 1755-13 janvier 1841, Tarbes.

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De gauche à droite : Jean Baptiste Robert Lindet (Bernay, Eure 2 mai 1746-16 février 1825, Paris ; Louis Antoine de Saint-Just (Decize, Nièvre, 25 août 1767-28 juillet 1794, Paris) ; André Jeanbon, dit Jeanbon Saint-André (Montauban, 25 février 1749-10 décembre 1813, Mayence.

De septembre 1793 à juillet 1794, les onze membres du Grand Comité de salut public ont eu pour fonction de proposer les lois et de nommer les représentants en mission. Ils se réunissaient au palais des Tuileries, rebaptisé pour l'occasion Palais national, au deuxième étage du pavillon de Flore, rebaptisé lui-même pavillon de l'Égalité. Les fenêtres donnaient sur le jardin.

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Comité central de salut public, an IIème de L'assassinat Libéral ! ! ! !, aquarelle anonyme.

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Quand Philippe Buonarroti parle de Robespierre

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De gauche à droite : portrait de Robespierre dessiné par Jean Urbain Guérin (1761-1836) et gravé par Gabriel Fiesinger (1752-1807) ; portrait de Philippe Buonarroti par A. Farcy.

Issu d'une famille patricienne qui compte le grand Michel-Ange parmi ses ascendants, Filippo Giuseppe Maria Ludovico Buonarroti, ou Philippe Buonarroti (Pise, Toscane, 11 novembre 1761-17 septembre 1837, Paris) devient en 1782 avocat. Grand lecteur de Jean Jacques Rousseau, mu comme lui par la passion de l'égalité, il embrasse bientôt la cause des révolutions. Membre de diverses société secrètes, auteur de pamphlets, surveillé par la police politique de Pierre Léopold de Habsbourg-Lorraine, grand-duc de Toscane de 1765 à 1790 sous le nom de Léopold Ier, puis empereur du Saint-Empire sous le nom de Léopold II, il gagne la France en 1789, puis la Corse où, propagandiste du partage des terres, il devient l'un des administrateurs des biens nationalisés du clergé. Brièvement expulsé à Livourne à la demande de ses adversaires « fédéralistes », il est nommé commissaire national auprès du tribunal du district de Corte le 23 octobre 1792. Entré dans le cercle des proches de Robespierre, il obtient sa naturalisation par décret de la Convention le 27 mai 1793 et devient en Corse commissaire du pouvoir exécutif. En avril 1794, il est nommé agent national général pour les territoires conquis sur le royaume du Piémont, à l’est de Menton. Du 22 avril 1794 au 15 mars 1795, il tente de faire de l'ancienne principauté d'Oneille, petit port piémontais sur la Riviera ligure, un refuge pour les patriotes italiens et un modèle de république. Il est chargé alors de former ces patriotes au propagandisme révolutionnaire.

Arrêté en mars 1795 à Menton comme « robespierriste », il est incarcéré à Paris. Parmi les autres détenus, il fait la connaissance de François Noël Babeuf, dit Gracchus Babeuf, et il élabore avec lui les linéaments d'une première doctrine communiste. Une fois libéré, il fonde brièvement le club du Panthéon, tout aussi brièvement interdit par le Directoire. Il rejoint alors le Directoire Secret de Salut Public constitué par Babeuf le 30 mars 1796 et il devient avec lui le principal théoricien de la conjuration des Égaux. Dénoncés, Babeuf et Buonarroti sont arrêtés le 10 mai 1796. Condamné à mort le 25 mai 1797, François Noël Babeuf tente de se suicider en plein tribunal et il est porté agonisant à l'échafaud le lendemain ; condamné à la déportation, puis à la détention, Philippe Buonarotti passe neuf ans en prison, à Cherbourg d'abord, puis à l'île d'Oléron, puis à Sospel, dans les Alpes maritimes, où il noue ses premiers contacts avec la Charbonnerie. En 1806, autorisé par Fouché à s'installer à Genève, il y reprend une activité révolutionnaire clandestine. Plusieurs fois expulsé de Genève par la suite, il gagne Bruxelles en 1823 et y reprend contact avec d'anciens Conventionnels, parmi lesquels Barrère et Vadier. La même année, il publie une Histoire de la Conspiration pour l'égalité, dite de Babeuf. Rentré à Paris en 1833, il inspire la formation politique de François Vincent Raspail, de Louis Blanc ou d'Auguste Blanqui. Après une vie qui aura été passionnée et aventureuse de bout en bout, il meurt aveugle, dans la misère, en 1837.

Intitulé Observations sur Maximilien Robespierre, le texte reproduit ci-dessous a été écrit par Buonarroti à la suite des discussions sur Robespierre soulevées dans la Société des Droits de l'homme et du Citoyen par la relecture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, publiée par Robespierre le 6 messidor an I (24 juin 1793). Longtemps resté manuscrit, ce texte a été imprimé pour la première fois en 1837 dans le journal bruxellois Le Radical.

Inspiré par l'amitié et par une profonde communauté de pensée, Buonarroti dédouane ici Robespierre de toutes les critiques qui ont alimenté par la suite la légende noire de l'homme du 9 Thermidor, à une réserve près qui concerne le silence de ce dernier à propos des massacres de Septembre. Mais « les intérêts sur lesquels Robespierre appelait l'attention de l’assemblée étaient en septembre 1792, observe Buonarroti, la défense du territoire menacé d’invasion... »

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« Qui suis-je, moi que l'on accuse ? » Robespierre vu par Charles Nodier

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De gauche à droite : Maximilien de Robespierre, photo-carte Étienne Neurdein (1832-1918) ; Charles Nodier, par Abel Jamat, in Marie Vaudouer, Œuvres choisies de madame de Girardin, Paris, Alcide Picard, s.d.

Jean Charles Emmanuel Nodier (Besançon, 29 avril 1780-27 janvier 1844, Paris), écrivain, romancier et académicien, fils d'Antoine Melchior Nodier, avocat au Parlement de Besançon, maire de Besançon en 1790, nommé président au tribunal criminel de Besançon en 1791, s'est trouvé associé dès l'âge de 11 ans aux événements de la Révolution. Le 22 décembre 1791, il prononce un discours patriotique à la Société des amis de la Constitution de Dijon. Il se souviendra aussi par la suite d'avoir été témoin des exécutions ordonnées par son père : « Je vis après cela une rue où il y avait du sang, une place publique où il y avait du sang, des hommes dont la chemise était retroussée jusqu'au coude et qui versaient du sang, des enfants qui revenaient de l'école et qui s'arrêtaient pour le voir couler. Mon cœur bondit de dégoût et d'horreur, et je m'éveillai en sursaut.
Ah ! ah ! m'écrierai-je en me frottant les yeux !.... c'est que j'étais chez les anthropophages ! » (1).

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Double guillotine, estampe anonyme, Musée de la Révolution française.

Charles Nodier témoigne ensuite d'un scepticisme politique qui lui permet de faire carrière jusqu'à sa mort en tant que conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal, de fréquenter à la fois les cercles royalistes et les cercles libéraux ou républicains, et de publier une œuvre multiforme dans laquelle la critique de tous les pouvoirs autoritaires s'avance, masquée, sous les dehors de la pure fiction.

On verra ci-dessous la surprenante liberté du jugement qu'il porte en 1831 dans ses Souvenirs, épisodes et portraits pour servir à l'histoire de la Révolution et de l'Empire sur la vie et l'œuvre de Robespierre.

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Vu par Louis Blanc. Quand Robespierre s'annonce

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De gauche à droite : Maximilien de Robespierre, in Robespierre / Maurice Graterolle, Paris, A. Bellier, 1894 ; Louis Blanc, daguerréotype, entre 1850 et 1860.

Né à Madrid le 29 octobre 1811, fils d'un fonctionnaire impérial aux ordres de Joseph Bonaparte pendant l'occupation de l'Espagne, Louis Jean Joseph Charles Blanc rompt de bonne heure avec le légitimisme de sa famille pour adhérer aux idées socialistes. Devenu journaliste et écrivain, il publie en 1841 L'histoire de dix ans (1830 à 1840), pamphlet contre les premières années de règne de Louis-Philippe. En 1848, il participe à la campagne des banquets contre Charles X et y fait montre d'une éloquence remarquable. En février 1848, il entre au gouvernement provisoire de la Seconde République. Nommé président de la Commission du Luxembourg, il fonde les Ateliers sociaux. Après le succès des conservateurs aux élections du 23 avril 1848, il est écarté de la Commission exécutive qui succède au gouvernement provisoire le 1 mai 1848. Il continue toutefois d'exercer son mandat de député jusqu'au 26 mai 1849, date à laquelle il est comdamné à la déportation comme responsable de la manifestation du 15 mai 1848.

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Caricature de Cham (Amédée de Noé) représentant l'intrusion des manifestants dans l'Assemblée nationale constituante le 15 mai 1848). Le petit personnage porté par le manifestant de gauche est Louis Blanc. In Auguste Lireux, Assemblée nationale comique, Paris, Michel Lévy Frères, 1850.

Réfugié à Londres, Louis Blanc y écrit entre 1847 et 1862 son Histoire de la Révolution française. Rentré en France le 5 septembre 1870, il est élu député de la Seine à l'Assemblée constituante, où il siège dans les rangs de l'Union républicaine. Il refuse de prendre part à la Commune, mais s'élève dès septembre 1871 contre les excès de la répression. Opposant au coup de force de Mac-Mahon, il signe en mai 1877 le Manifeste des 363 députés républicains. Réélu en 1881, il meurt le 6 décembre 1882.

L'historien Jean-François Jacouty, professeur émérite des universités (Montpellier 3), résume ainsi ce qui faisait de Robespierre aux yeux de Louis Blanc le prophète de la Révolution à poursuivre :

« Opposant radical à Louis-Philippe, et bientôt révolutionnaire de 1848, Louis Blanc est partisan d'une République jacobine et socialiste. Son engagement politique s'appuie aussi sur sa vision de l'Histoire de la Révolution française. Il distingue 1789 de 1793 par l'opposition de deux principes : individualisme et fraternité. Si le premier a favorisé la bourgeoisie, le second devait affranchir le peuple, opprimé et pauvre, mais sans éliminer la bourgeoisie. Dès 1789, Robespierre aurait été quasiment seul, dans la classe politique, à défendre la perspective d'une France authentiquement fraternelle : politiquement unie dans une démocratie égalitaire, socialement solidaire (et favorable aux pauvres), mais aussi liée par l'amour évangélique. Robespierre est ainsi l'héritier de Jésus et de l'apôtre Rousseau : sa parole de vérité en fait un vrai prophète. Défenseur de l'Humanité et d'un Droit de Justice, il est populaire auprès des masses et influent aux Jacobins, mais reste politiquement isolé. Même en 1793 il demeure prophète : conscience et guide de la Révolution, il en impose toujours par son verbe, mais le pouvoir lui échappe. N'étant pas le dictateur dénoncé par ses ennemis, il ne peut accomplir la Révolution et empêcher les violences terroristes, si contraires au Droit. Le 9 thermidor marque aussi la fin de la Révolution. Louis Blanc y voit une tragédie sacrificielle : la Passion d'un nouveau Christ. Chargeant Robespierre de leurs crimes et d'un despotisme imaginaire, les révolutionnaires renoncent en fait à la Révolution, dont l'Incorruptible incarnait au plus haut l'Idée. Mais le prophète lègue son message aux générations du XIXe siècle, à charge de l'accomplir. » (1)

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